Cortex : Live! (Clean Feed, 2014)
Quelque chose est donc resté de l’Ornette des débuts. Ce petit quelque chose se retrouve dans le quartet sans piano de Cortex. Dans la forme, bien sûr, parfois dans le fond. Une solide rythmique (Ola Høyer, Gard Nilssen), un cornettiste (Thomas Johansson) poussant quelques intonations peterevansiennes ici, exhumant un improbable West End Blues free ailleurs, un saxophoniste (Kristoffer Alberts) enserrant l’espace de son ténor rocailleux : Cortex ne joue pas toujours le jeu de la survivance.
Souvent se croisent des tempos détendus, retenus ; parfois les cuivres menacent de collision ; un embarbouillé rythme latin s’impose et glisse vers d’autres figures. Car Cortex est passé maître dans l’art d’enchâsser les formes, d’apaiser les transitions. Et dans ces moments précis, la chaude contrebasse d’Ola Høyer emprunte à Charlie Haden quelques bienveillants mimétismes. Le tout avec souplesse, conviction et inspiration.
Cortex : Live! (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2013. Edition : 2014.
CD : 01/ Opening 02/ Cerebrum 03/ Endorphin 04/ Gray Matter 05/ Interlude 06/ Hub 07/ Casting
Luc Bouquet © Le son du grisli
Dave Phillips, Chrs Galarreta : The Invisible Cage of Comfort (Fragment Factory, 2015)
On ignore de quelle mythologie est issu le monstre que sont allés chatouiller ensemble – en relativisant l’énigme du sphinx sous l’étrange protection d’Anubis – Dave Phillips et Chrs Galarreta. L’étui de la cassette nous en donne un aperçu, quand l’écoute de la première face nous livre une estimation de sa force.
Face à la bête, deux hommes qui ne cachent pas leur fascination pour l’animal lové en eux. Ensemble (Bâle, 31 mai 2014) : When the Domestic Animal Burns, sur lequel le duo peint une bataille dans le même temps (celui d'une chute magnétique appelée à électrocution) qu’il lutte ; ou séparément (même lieu, même date) : Ecdysis : une respiration faible puis une aussi faible voix de gorge chassées bientôt par des bruits de scanner et de moteurs graves.
Le contraste entre la première et la seconde face est criant, sans doute nécessaire à Phillips et Galarreta au point d’être la clef des façons qu’ils ont d’inquiéter les esprits, avant de reprendre les leurs.
Dave Phillips, Chrs Galarreta : The Invisible Cage of Comfort (Fragment Factory)
Enregistrement : 31 mai 2014. Edition : 2015.
K7 : A/ The Invisible Cage of Comfort B/ Ecdysis
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Bryan Eubanks : The Bornholmer Suite (Nueni, 2014)
Malgré le signal (aigu, très aigu même) envoyé par Bryan Eubanks au début de cette suite tout en « open circuit feedback », on ne s’en remettra pas… mais on tiendra le coup, vu que le CD recèle de surprises, aussi perçantes soient-elles !
C’est ici ou là ou un peu plus loin un module rythmique qui fore et/ou qui crachote, là ou ici un exercice de déformation sonore, ailleurs ou là une loop à parfaire (ce sont mes pièces préférées), là ou ici encore un cristal, une cavalcade, un suraigu en contrechant, etc.
En tout, c’est cinquante plages (là-dessus, pas plus d’une dizaine à qui chipoter de l’intérêt) et au final une fantasia bruitiste (ou un noise épique) dont la diversité est la première qualité. Maintenant, si nous voilà rassasiés de convulsions électroniques des questions se posent encore sur les circuits ouverts et cette façon qu’ils ont de s’autoalimenter !
Bryan Eubanks
The Bornholmer Suite (extrait)
Bryan Eubanks : The Bornholmer Suite (Nueni)
Enregistrement : 2013. Edition : 2014.
CD : 01-50/ The Bornholmer Suite
Pierre Cécile © le son du grisli
LDP 2015 : Carnet de route #14
Bielefeld, 118 mètres d'altitude. Là, le trio Leimgruber / Demierre / Phillips était attendu le 12 mai dernier. Pour y jouer, au Bunker Ulmenwall.
12 mai, Bielefeld, Allemagne
Bunker Ulmenwall
- The Bunker U. Played there a few times these past years, with Urs and Jacques, also with Malcom Goldstein. Wolfgang, the main man these past 20 years or so and who is still hanging in there tho it seems that he is not as much in charge as in the old days, was present and reminiscing. He and another face from the "old" days looking through the books and their own memories. "Oh Barre, do you remember playing here in 1974 with Paul & Limpe Fuchs?" Actually I don't. I do, of course remember Paul & Limpe and that we shared a few stage adventures we shared together 40 some years ago. I wonder what they're doing now? But these old fans, who ran the organizations that could put on concerts of the music of their choice... are slowly disappearing. Heinz Bonsack. Early 70's in the Ruhrgebiet. Heinz was a successful dentist who lost his parents during WW-2. During the war he kept his sanity together and hope in his heart aided by his sole possession, a 78 rpm jazz recording (I can't remember of which group). Taking care of this breakable disk became his purpose and Dada during that impossible time. After the war an uncle took charge of the family and dealt out orders to the younger members of what they should do. "Heinz, you will be a dentist." And Heinz followed orders, went to school etc.etc. and by the early 70's had made a success of it. So he started to "pay back" the spirit and force that had sustained him throughout the war. He started to organize concerts (and pay the deficits). I seem to recall the young Kurt Renker being a kind of "advisor" in terms of programming. And it was Free Jazz and other flavors that huddled around that jazz of the day that he programmed. He had a huge house and part of the deal was that you stayed there, for a day or two. And during the time in his house he was constantly taking photos, bits of film, of the invited musicians. Filming and or recording the concerts hadn't started yet. But Heinz was documenting the musicians stayiing in his house. He explained that he did it for his old age, when he would retire. To be able to listen to his vast collection of jazz LP's and look at the photos of all the musicians who had stayed at his house and whom he had filmed as they drank their way through his well stocked, quality liquor cabinet and wine cellar. He even re-did Stu Martin's entire mouth for free. A really loveable character. But that spirit, of giving a lot of time and money to jazz by producing it, seems to be dying out. Young people who have the energy, the will, the possibility to make things happen on their local music scene and do must be elsewhere than in contemporary jazz and free improvisation. Cycles - Times - No regrets. And the next train was early in the morning.
B.Ph.
Der Bunker Ulmenwall besteht seit 1956 und zählt zu den ältesten Jazzclubs der Nachkriegszeit in Deutschland. Die Aktivitäten des Bunkers sind Teil der städtischen Kultur- und Jugendförderung. In den frühen 70er Jahren hat hier fast die ganze internationale crème de la crème des Free Jazz gespielt. Mein erstes Konzert im Bunker führt auf eine meiner ersten Auslandtourneen 1974 mit der Gruppe „OM“ zurück. Seither hatte ich immer wieder die Möglichkeit aktuelle Projekte vorzustellen. Über lange Jahre hatte der WDR zahlreiche Konzerte im Bunker aufgezeichnet, historische Momentaufnahmen improvisierter Musik.
Der Konzertraum des Bunkers, eine ehemalige Untergrundstation, umfasst verschiedene, offene Räume, die nicht voneinander abgetrennt sind. Die Musiker spielen in der Mitte.
Die Ressonanz und die Halleinheiten im Raum unterscheiden sich, sie verändern sich, indem ich Richtung des Klangs beeinflusse. Das Publikum sitzt auf drei verschiedenen Seiten.
Eine neue Situation. Ein anderes Publikum. Wir spielen nicht in der gewohnten Aufstellung, denn das Klavier lässt sich nicht anders positionieren. Es steht da wo es steht.
Barre steht weder links noch rechts. Er steht gegenüber von Jacques und mir. Durch diese Positionierung entsteht eine andere Hörsituation. Wir spielen ein einstündiges Konzert. Ein langes Stück mit kurzen Unterbrüchen. Im Anschluss machen wir eine ungewohnte Pause, um uns nochmals von neuem auf dem Raum einzulassen. Danach spielen wir als Fortsetzung einen zweiten Teil. Die Zuhörer nehmen aufmerksam am musikalischen Prozess teil. Wolfgang Gross, seit 20 Jahren Verantwortlicher für das Programm im Bunker meint zum Schluss: „Bei solchen Konzerten wie heute Abend weiss ich wieso ich solche Konzerte organisiere. Die Arbeit und das Engagement durch die Musik wird voll und ganz belohnt“.
U.L.
La scène du Bunker Ulmenwall de Bielefeld est unique. A la fois peu commode et pourtant toujours agréablement surprenante. On y accède directement par une sorte d'arcade, une trouée dans le béton d'un couloir parallèle au bar et l'on s'y retrouve directement entouré par le public. Comme à chaque concert avec piano, les spectateurs sont assis de part et d'autre du K. Kawai, GS-40, 1791005, soigneusement parqué ce soir contre l'unique mur de scène. Je tourne le dos à une partie du public et je regarde l'autre droit dans les yeux. Un modèle d'instrument supérieur, plus long, n'aurait pas trouvé place sur cette petite scène. La position du trio est légèrement différente du fait de l'exiguïté de l'espace. Le saxophone est en partie caché par le flanc droit du piano japonais et son absence visuelle affecte mon écoute. Pour autant les corps de Barre et Urs sont plus présents que jamais, démultipliés par un large miroir accroché au mur, au-dessus de l'entrée de scène et par une multitude de surfaces miroitantes recouvrant plusieurs piliers qui rythment l'espace séparant le triptyque salle-scène-salle. En cours de balance, ces jeux de miroirs font surgir en moi, dans un souvenir parallèle, Okkyung Lee et Tchouang Tseu, deux noms que rien ne rapproche, si ce n'est leur sonorité asiatique à mes oreilles européennes. J'avais capturé l'image réfléchie et sud-coréenne de Okkyung, il y a deux ou trois ans, avant un concert en duo dans ce même lieu, où nous avions ôté le couvercle du piano et joué face à face, piano découvert contre violoncelle, faisant ainsi sonner, yeux dans les yeux, une croix formée par l'alignement des instruments et les regards croisés des spectateurs. Le regard de quelqu'un qui écoute, public ou musicien, est toujours troublant : à la fois présent et absent, comme si il était là pour garder un secret inconnu de lui-même - l'anagramme n'est sûrement pas fortuite -, là comme la trace d'un éblouissement intérieur face au vide dont parle précisément le philosophe chinois Tchouang Tseu, quand il associe esprit et miroir pour évoquer le vide de l'esprit accompli, qui tel le miroir, ne conserve rien n'y n'anticipe quoi que ce soit. Un vide qui permet de puiser dans l'infini des possibles et de réagir spontanément aux situations nouvelles qui se présenteraient. Cinq jours après le concert à Bielefeld, j'ai trop attendu. Le vide manque pour parvenir à terminer ce texte dans un même geste spontané que ceux qui ont accompagné mes précédentes contributions au carnet de route. Car ces courts textes, ces photos sont inséparables de leur moment d'origine. Proposé initialement par Guillaume Belhomme, le principe du carnet de route a progressivement et organiquement pénétré la tournée Listening, en ajoutant au parcours dessiné par l'enchaînement des concerts, comme une extension aux sons du trio, un entrelacs polyphonique de commentaires personnels et d'images. Et là aussi, comme cela a toujours été le cas pour notre musique, privilégiant la surprise et la découverte commune dans l'instant, sans que nous en parlions ensemble.
J.D.
Photos : Jacques Demierre
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The Pitch : Xenon & Argon (Gaffer, 2015) / Frozen Orchestra (Amsterdam) (Sofa, 2015)
Attention, quatuor inusité à l’horizon pour musique sublim(inal)e. Décliné en deux étapes où la basse, le vibraphone, l’harmonium et la clarinette tournent incessamment autour du point d’équilibre, et c’est pour souvent atteindre la grâce, Xenon & Argon du collectif The Pitch expose en deux langoureuses mélopées un attachement indicible à la micro-mélodie, mais aussi au drone, et il est tout en doigté introspectif.
Autour d’harmonies aussi étranges que sublimes, Morten Olsen, Koen Nutters, Boris Baltschun et Michael Thieke jouent avec nos perceptions sonores, qu’ils se plaisent à titiller à l’envi. Hors de toute sérénité malveillante, ils font grincer leurs instruments juste ce qu’il faut sur les 18 minutes de Xenon, même si le second titre, Argon, s’épanche avec moins d’originalité, en un épisode où le drone est marqué de l’empreinte hypnotique de Luigi Dallapiccola rencontrant My Cat Is An Alien et Peter Rehberg.
The Pitch : Xenon & Argon (Gaffer Records)
Edition : 2015
LP : 01/ Xenon 02/ Argon
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli
Le Frozen Orchestra, c’est The Pitch avec des invités, et pas des moindres : Lucio Capece, Johnny Chang, Robin Hayward, Chris Heenan, Okkyung Lee et Valerio Tricoli. Sur le drone d’harmonium il y a donc du monde, mais les choses se passent bien, si bien que les instruments acoustiques se confondent rapidement pour « densifier » l’architecture grandiose de ce live. Amateurs de drones et d’électroacoustique vibratoire, Frozen Orchestra (Amsterdam) est fait pour vous.
The Pitch : Frozen Orchestra (Amsterdam) (Sofa)
Enregistrement : 26 février 2012. Edition : 2015.
CD : 01/ Side A 02/ Side B
Pierre Cécile © Le son du grisli
Peter Ablinger : Regenstücke Vol. 1 / Regenstücke Vol. 2 (GOD, 2012 / 2013)
C’est pas pour rien, le parapluie – oui, gars, j’ai décidé de commencer par le second des deux volumes de ce duo de volumes de paire de disques de Peter Ablinger… C’est que ça tombe, et des cordes encore, mais des cordes qu’on aurait cellophanées, cotonnées, étouffées dans le gras de la goutte. Et maintenant que ça canarde, je m’aperçois que ce sont des cordes d’Ensemble… Sitôt remarqué, sitôt disparues !
Blang ! D’autres gouttes (mon frère) mais plus petites et des bouts de voiture qui passent. Quoi comprendre ? Stadtoper fut ma première rencontre avec l'Ablinger Kompositor (from Vienne). Et ça tombait bien. La voiture est un avion, m’en fiche, trop tard c’est écrit que c’est une voiture. De quelle manière un compositeur contemporain (oui, on est là dans le champ du classic’contemp’) peut-il demander à son « ensemble » « toi, gars, tu me fais l’avion » et « toi, le feu qui crépite sous la pluie ».
Blang encore face 2 !! Et c’est de la percu triomphante, combien qu’y sont ? que diable qu’en sais-je ? Mais ça goutte encore, ce qui rattache le truc au filigrane du parapluie parce que ça tombe. Vous me direz « il tourne autour du pluie », mais parce qu’impossible de décrire d’une autre manière qu’en me souvenant...
En me souvenant de cette fille embrassée sous la pluie, de ses lèvres rouges, de cette pluie qui tombe, de cette fille qui court sous la pluie, et de moi mouillé. Après quoi, le dodécacophonisme (d’orchestre) ou la tempête de clavier (ça, c’est le premier volume de Regenstücke. pas aussi beau que le second, mais pas mal quand même). Mais revenons à nos baleines : vous est-il arrivé de pleurer sous la pluie (pour une fille aimée, un enfant battu, un animal qui meurt.................) ? Non ? Alors Regenstücke 2 !
Peter Ablinger : Regenstücke Vol. 1 / Regenstücke Vol. 2 (GOD)
Edition : 2012 / 2013.
2 LP : Regenstücke Vol. 1 / Regenstücke Vol. 2
Pierre Cécile © Le son du grisli
Thomas Köner : La Barca (Autoproduction, 2014)
Auteur du plutôt dispensable Novaya Zemlya, tel un souvenir mitigé en-deçà de Jana Winderen, Thomas Köner refait parler de lui en 2015 – et c’est peu dire qu’on revoit notre jugement.
Flashback vers 2009, année initiale de sortie de La Barca que l’artiste allemand a l’excellente idée de rééditer en version digitale, augmentée d’inédits pas tombés du camion. Voyage en douze étapes autour d’un monde, l’œuvre ramène ses field recordings, d’une précision ambient exemplaire – avis aux fans de Chris Watson et Mika Vainio – d’entre Tokyo et Hambourg, en passant par Damas, Venise ou Brisbane.
Et si d’aucuns y verront le signe d’un monde où les atmosphères s’universalisent au point de se confondre, et où la nature anxiogène des grandes métropoles joue son rôle, c’est qu’ils sont rétifs aux éléments linguistiques des instants captés, qu’ils soient en avant-plan ou plus discrets.
Thomas Köner : La Barca (Autoproduction)
Edition : 2014.
Téléchargement : 01/ Tokyo (Hour One) 02/ Nice (Hour Two) 03/ Cairo (Hour Three) 04/ Rome (Hour Four) 05/ Manhattan (Hour Five) 06/ Damascus (Hour Six) 07/ Paris (Hour Seven) 08/ Spitsbergen (Hour Eight) 09/ Jerusalem (Hour Nine) 10/ Venice (Hour Ten) 11/ Montenegro (Hour Eleven) 12/ Barcelona (Hour Twelve) 13/ Vasabron, Stockholm 14/ Retiro Station, Buenos Aires 15/ Dalmatinska, Beograd 16/ Calle De Argumosa, Madrid 17/ Bilderdijkkade, Amsterdam 18/ Forest, Brisbane 19/ Century Park, Shangai 20/ Glyfada, Athens 21/ Santa Cruz, La Palma 22/ Hochallee, Hamburg Video 1/ La Barca Tokyo Installation
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli
LDP 2015 : Carnet de route #13
La route est longue, qui mène du Mans à Hofheim, en Allemagne. Commandée par Listening, les trois musiciens du trio LDP l'ont pourtant faite, en compagnie de Thelonious Monk, notamment.
10 mai, Hofheim, Allemagne
Jazz:yl Freiklang Freunde e. V. in der Stadthalle
The spiral – On the road. Having spent a lot of time on the road, on this trip, on previous similar ones throughout 50 years of concertizing, I've come to realize that the act of the concert becomes THE moment of truth in our (the travelers') lives. The concert in Hofheim was a good example.
Third day in a row to play for the public. Get up early (that's no big deal) and off to the first of 3 trains which left Le Mans around 9:30. Two trains and 7 hours later arriving in Frankfurt where our hosts are awaiting us (with enthusiasm and good humor) and whisk us off to Hofheim and its townhall. We didn't play in their jazz club. Apparently their upright piano would not have been worthy of us so they rented a room in city hall which does have a sort of grand piano. It's the pacing of the days that are like this – Sleep as you can with the bit of hotel night you have, do the traveling, sleeping as much as possible, do the loadings and unloadings, go to the wonderful meal that the organizers wives have prepared for you but which you can't really enjoy because there's only 45 minutes to eat before you have to slowly dash up to the hotel to put on a clean shirt and back downtown for the concert. And it works. Your body, mind and spirit have learned to get the pacing just right so that you are in top form with that first downbeat which is the start of the concert. The performing musician's handicap is that each concert is the last one ever. It's never going to get any better than it is today. The concert is "do or die" time. This moment is your truth and the groups truth. Yes, of course their are better days, when the piano is fantastic or the acoustic of the venue very rich and rewarding. Days when my bass just seems to play itself, etc. etc. But that doesn't change the fact that today is it. That's all you get.
Anecdote –
1966 – I worked for awhile in a trio accompanying Gloria Lynn, Grassela Oliphant on drums and Roland Hanna on piano. We were out in Cleveland for Labor Day weekend, playing in a big supper club. There were two bands on the show – Monk's quartet (Ben Riley, Butch Warren, Charley Rouse) followed by Gloria Lynn. The last night, the last show over, I was crossing the room, bass in tow, when here comes Mr. Monk, on his way to the stage. He stopped me and said "Bass, you played good ...(pause) tonight". I'm almost positive that he hadn't listened to the two previous nights. But then again I hadn't seen him on this 3d night either, except when he was performing. Wow, Thelonious Monk spoke to me. But what did it mean? Why the pause before and special sound on "tonight". I made my own story from there.
B.Ph.
Um 9:27 geht unser Zug von Le Mans Richtung Paris. Heute ist Sonntag, wenig Verkehr.
Die Taxifahrt vom Gare de Montparnasse zum Gare de l’Est dauert 20 Minuten.
Es reicht gut für einen Kaffee an der Baguette Bar. Dann geht’s mit dem TGV weiter nach Karlsruhe. Plötzlich steht unser Zug still. Die Durchsage meldet eine Signalstörung.
Die Weiterfahrt verzögert ich auf unbestimmte Zeit. Plötzlich fährt der Zug weiter. Wir erreichen Karlsruhe mit einer Verspätung von 20 Minuten. Da sich unser Anschlusszug ebenfalls um 20 Minuten verspätet, erreichen wir ihn zeitgerecht. Das timing stimmt.
In Frankfurt Hbf werden wir von Roland und Arno, zwei Mitgliedern der Vereinigung Freiklang e.V. abgeholt und mit dem Auto nach Hofheim gefahren. Verspätet treffen wir in der Stadthalle zum Soundcheck ein. Nun geht es Schlag auf Schlag. Wir positionieren uns und spielen ein paar Töne. That’s is it. Um 18:00 sind wir bei Esther Arvay und den Freiklang Mitgliedern zum Nachtessen eingeladen. Wir werden mit einem mehrheitlich vegetarisch und vitaminhaltigen Essen im Eiltempo verköstigt. Dazu wird roter Spätburgunder serviert. Wir fahren kurz zum Hotel, um uns zu erfrischen und das Hemd zu wechseln. Um fünf nach acht Uhr treffen wir in der Stadthalle ein.
Kurz darauf beginnt das Konzert nach einem intensiven Reisetag. In der ersten Reihe sitzen zahlreiche Fotografen mit ihren Kameras. Sie nehmen uns sofort mit ihren Objektiven ins Visier. Wir lassen uns nicht irritieren. Die Musik nimmt seinen Lauf. Dennoch ist es schade und störend, dass während wir Musiker spielen sich die Fotografen auf ihre Kameras konzentrieren, als mit den Ohren der Musik zu folgen. Und sie stören dabei vorallem die andern Zuhörer. Beim ersten Unterbruch fordert Barre sie auf das Fotografieren einzustellen. Die betreffenden Fotografen sind erstaunt und ein bisschen schockiert, die Zuhörer sind erleichtert und froh, dass sich nun endlich alle auf die gespielte Musik einlassen. Das Konzert nimmt seinen Höhepunkt mit einem sich langsam aufbauenden Crescendo mit explosiven Strecken im Fortissimo und längerem, nachhaltigem Ausklang. Während dem Applaus laden wir die Fotografen zum photo shooting ein. What a busy day?
U.L.
Ce soir-là, même avec un piano aussi peu engageant que le K. Kawai, GS-30, 1484335 P, c'est à l'entame du premier son du concert – comme une bascule vers un état de possession provoqué par le son d'un tambour – que j'ai senti une nouvelle fois le lien qui me relie non seulement aux amis musiciens présents, mais aussi, comme par effet de diffusion ondulatoire dans l'espace et le temps, à la nature et au monde. Aussitôt la musique attaquée, une forme d'intuition prend la place occupée par la pensée rationnelle. Une intuition qui est intelligence perceptive, un état modifié de conscience qui me permet de travailler avec des éléments sonores que je croyais ne pas connaître, mais que je reconnais à ce niveau de perception comme me constituant. Je me rends compte de cette transformation, je l'observe, mais je ne veux rien y faire, car cela me la ferait perdre. L'idéal étant de maintenir cet état modifié, de le contrôler sans l'influencer, de le laisser tracer pour moi ma propre connaissance perceptive. Souvent je n'ai presque aucun souvenir précis de ce que j'ai joué – un peu comme un rêve éveillé dont j'aurais immédiatement oublié le contenu – mais le contact avec le réel qui a été vécu ne fait intérieurement aucun doute. La composition improvisée me pousse à me séparer de moi-même, à abandonner la représentation que je me fais de moi-même jouant. Pratiquer les sons improvisés consiste peut-être essentiellement à augmenter nos capacités à rejoindre des espaces sonores autrement cachés par la représentation rationnelle que nous pourrions en avoir. Question ouverte. Quoi qu'il en soit, ce fut une chance de retrouver cette confiance perceptive évoquée, à l'écoute du premier son sortant de ce piano Kawai, un crapaud aux pieds en trèfle à quatre feuilles.
J.D.
Photos : Jacques Demierre
> LIRE L’INTÉGRALITÉ DU CARNET DE ROUTE
Brötzmann, Sharrock : Whatthefuckdoyouwant (Trost, 2014) / Brötzmann, Edwards, Noble : Soulfood Available (Clean Feed, 2014)
La rencontre date de mars 1987 : sortis de Last Exit, Sonny Sharrock à la guitare électrique et Peter Brötzmann aux saxophones alto, ténor et basse, et tarogato, échangeaient à Wuppertal. Onze pièces – allant de trois à presque dix minutes – sur lesquelles s’opposent, sur un même entendement, une presque même esthétique, deux pratiques rugueuses.
Inutile d’insister : le sauvage opère. Notamment quand le guitariste et le saxophoniste entament d’un commun accord l’ascension d’une improvisation que se disputent pics et aiguilles et qui, subtilement (et quitte à donner dans le cliché), dessinent les profils d’Hendrix et d’Ayler. A tel point qu’on interrompra rapidement les recherches : qu’importe si le corps de Bill Laswell fut emporté par l’avalanche, le duo de survivants nous va très bien.
Peter Brötzmann, Sonny Sharrock : Whatthefuckdoyouwant (Trost)
Enregistrement : 9 mars 1987. Edition : 2014.
CD : 01-11/ Whatthefuckdoyouwant
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Hurler disait-il. Et il le fit. Plus de quarante années au service de la convulsion et toujours pas une ride, pas une once de répit. Peter Brötzmann aurait-il mis de l’eau dans son schnaps ? Que nenni, ici : ça crispe, ça bastonne comme au bon vieux temps des Machine Gun et autre Fuck de Boere. Tout juste, John Edwards et Steve Noble parviennent-ils à s’extraire de la masse brötzmannienne, le temps pour le premier de faire gronder et bourdonner quelque pizz aventureux ; de faire frissonner quelques fins balais puis de distiller quelques ténues claquettes sur les peaux de ses tambours pour le second. Temps raccourci avant que les démons agités ne reviennent visiter ténor, alto, clarinette et tarogato de l’ami Brötz.
En ce 6 juillet 2013, le festival de Ljubljana ne pouvait plus s’étonner de la bourrasque Brötzmann. Mais le temps d’entr’apercevoir, très fugacement, quelque tendre clarinette en fin de set et voici que le trio reprenait routes et armes sans coup férir. De convulsions en convulsions, de spasmes en spasmes, Soulfood Available résume parfaitement l’adage de l’ami Godard : ne change rien pour que tout soit différent.
Peter Brötzmann, John Edwards, Steve Noble : Soulfood Available (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 6 juillet 2013. Edition : 2014.
CD : 01/ Soul Food Available 02/ Don’t Fly Away 03/ Nail Dogs By Ears
Luc Bouquet © Le son du grisli
Kasper T. Toeplitz, Jean-Noël Cognard, Jac Berrocal : Disséminés çà et là (Bloc Thyristors / Trace, 2015)
Enregistrés le 18 juin 2014 à Evreux, puis Disséminés çà et là, Kasper T. Toeplitz, Jean-Noël Cognard et Jac Berrocal. Entendus (et expansifs) en Empan et Vierge de Nuremberg, le duo Berrocal / Cognard avait donc encore à dire. C’est-à-dire à improviser, en jouant de codes divers, électriques souvent.
Ainsi la basse de Toeplitz, derrière le sifflement des cymbales. Ronflant, elle déroule la trame et le son même de la rencontre : boulevard sous néons sombres sur lequel Berrocal pourra s’exprimer librement – c’est parfois, par quelques câbles no wave, Don Cherry solidement attaché à un totem fiché de travers. En fin de première face, les musiciens grondent toujours, mais en insistant maintenant : noise’n’roll tranchant…
Qui tranchera d’ailleurs avec la seconde face : sur un écho léger, le trompettiste y improvise du bout des lèvres quand Toeplitz nourrit quelques parasites et Cognard invente une adéquate ponctuation : c’est alors une danse contournée qui préside aux débats, chassée bientôt par un blues étouffé par d’autres grondements sourds. Et « c’est l’heure », déjà : celle de l’après-écoute, celle où le trio concrétise son vœu du jour : Toeplitz, Cognard et Berrocal, Disséminés, çà et là.
Kasper T. Toeplitz, Jean-Noël Cognard, Jac Berrocal : Disséminés çà et là (Bloc Thyristors / Trace / Souffle Continu)
Enregistrement : 18 juin 2014. Edition : 2015.
LP : A1/ Remous écumants A2/ Lune des grottes profondes – B1/ Le corps s'arque sur le lit B2/ Rock' n roll station B3/ Un oiseau d'or aux ailes déployées
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ce jeudi 14 mai, Jean-Noël Cognard battra du Tribraque (Pauvros / Müller / Cognard) aux Instants Chavirés de Montreuil.