RED Trio, John Butcher : Summer Skyshift (Clean Feed, 2016)
Lorsqu’en août 2015 les Portugais du RED Trio (Rodrigo Pinheiro au piano, Hernani Faustino à la contrebasse, Gabriel Ferrandini à la batterie et aux percussions) invitent, dans le cadre du festival lisboète Jazz em Agosto, le saxophoniste anglais John Butcher, avec lequel ils ont enregistré un album chez NoBusiness (Empire, 2011), on peut s’attendre à ce qu’une telle réunion de musiciens retienne fiévreusement notre attention. A tout le moins sur le papier. Car, sur scène, sans toutefois décevoir, le résultat s’avère contrasté.
Non assignable à résidence, en perpétuel renouvellement, l’esthétique tonale du trio trouve dans ce contexte particulier matière à s’aérer, sinon à être portée davantage qu’à l’accoutumée par un lyrisme patent. Comme une mise à plat des aspérités d’où résulterait une topographie sonore déliée et allégée, sans cesser d’être personnelle. En témoigne le morceau d’ouverture qui voit le trio s’employer à tracer un parterre mouvant d’impressions sonores et redistribuer l’espace, de sorte que Butcher puisse ensuite s’y enraciner avec une minutie vertigineuse.
Néanmoins, volontiers poétisé et par trop balisé, le champ de l’improvisation s’avère parfois apprêté, lesté par par les intentions rythmiques que les interventions soudaines et intenses du saxophoniste viennent régulièrement contrecarrer avec bonheur. De fait, dans les meilleurs moments du set, il s’agit moins pour Butcher de s’intercaler dans le mouvement que de s’en extraire afin d’en déplacer les enjeux. De ce point de vue, son intervention tardive, à mi-parcours, sur la troisième piste, concrétise de manière délectable un art subtil, plus qu’insolite, de la déviation, quelque peu alourdi, toutefois, par l’insistance de Pinheiro à ne pas lâcher l’affaire. Arrivé à la quatrième piste, l’ensemble fait enfin montre d’une plénitude de circonstance : un temps de la conjugaison où le jeu de miroirs autorise recul et profondeur.
RED Trio, John Butcher : Summer Skyshift
Clean Feed / Orkhêstra International
Enregistrement : 5 août 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ Track 1.1 02/ Track 1.2 03/ Track 1.3 04/ Track 2
Fabrice Fuentes © Le son du grisli