Benjamin Fogel : Swans et le dépassement de soi (Playlist Society, 2016)
Si Swans et le dépassement de soi est un livre davantage consacré à Michael Gira qu’au groupe qu’il a emmené de 1982 à 1997 et emmène de nouveau depuis 2010, c’est que la question se pose : une fois relevées (quand même) l’importance de sa compagne, Jarboe – qui, dans la courte préface qu’elle signe ici, insiste sur la détermination et la concentration nécessaires à l’entreprise – et (si l’on veut faire au mieux) celles de Jonathan Kane et Norman Westberg, Swans est-il « autre chose » qu’un Michael Gira amplifié ?
Au début de son livre, Benjamin Fogel pose une autre question : « Qui es-tu, Michael Gira ? » Simple, certes, mais qui a le mérite de prévenir que l’auteur ne s’embarrassera pas de circonlocutions : appliqué – impliqué, parfois, maniant souvent le « je » –, celui-ci retrace chronologiquement le parcours de son sujet : adolescence vagabonde puis artiste, découverte de pratiques musicales inspirantes (Glenn Branca, Rhys Chatham) et création d’une musique épaisse, voire grave, qu’il n’aura plus qu’à développer en studio (treize disques) ou sur scène (surtout).
Si l’œuvre de Swans est inégal, c’est là un de ses charmes. Rustres et sérieux, ses airs sont sans doute plus « imposants » que « bruyants », mais ils recèlent souvent des surprises et, surtout, profitent du charisme de Gira. Et puis, il y a ces prises de position que certains timides jugeraient radicales – reniement par exemple de l’inaudible The Burning World (dont sont Karl Berger, Fred Frith ou Mark Feldman) souillé par la production de Bill Laswell, concrétisation d’un goût prononcé pour le Do It Yourself (sous étiquette Young God Records, qui produira aussi Akron/Family, Lisa Germano ou… Devendra Banhart), rapport « à l’autre » plutôt compliqué… – et ces contradictions déroutantes, que l’ouvrage de Fogel parvient, autant que faire se peut, à mettre en lumière, et dont il se nourrit même.
Benjamin Fogel : Swans et le dépassement de soi
Playlist Society
Edition : 2016.
Livre : 187 pages. Préface de Jarboe.
Guillaume Belhomme © le son du grisli