Didier Petit, Alexandre Pierrepont : Passages (Rogue Art, 2012)
En 2011, dans les pas de Peter Kowald (entendre et voir Off the Road, sur le même label), Didier Petit a parcouru les Etats-Unis d’une côte à l’autre pour y jouer en différentes compagnies. Dans ses bagages, Alexandre Pierrepont, qui put lui conseiller quelques noms parmi ceux de Marilyn Crispell, Gerald Cleaver, Matt Bauder et Joe Morris, Jim Baker, Nicole Mitchell, Hal Rammel, Hamid Drake et Michael Zerang, François Houle, Michael Dessen, Larry Ochs et Kamau Daáoud. C’est de ce voyage et de ces rencontres qu’est né Passages.
Le livre-disque – dans le livre : des photos et un long texte de Pierrepont (où notre poète, en proie encore à l’influence de la négritude, cherche les mots pour dire les « secrets » que lui révélèrent chacune des rencontres en question) – est un journal de bord dans lequel les duos et trios enregistrés s’intègrent dans la trame redessinée du périple. Entre deux improvisations, des field recordings attrapés en gare, aéroport, ou près de l’océan… et des extraits que Pierrepont lit de son poème peinent à bien se fondre dans le souvenir musical.
Woodstock, New York, Chicago, Los Angeles : voilà pour les étapes qui conduiront Didier Petit d'un partenaire à l'autre. Entrelacs souffrant de politesse avec Crispell, expérimentations tièdes avec Parkins ou Baker, échange confortables avec Cleaver ou Mitchell, préciosités même avec Ochs ou Dessen... D'un dialogue à l'autre, voilà la science instrumentale et l'inspiration que l'on connaît à Petit dissoutes en bagatelles. Heureusement, quelques prises disent que le violoncelliste a bien fait quand même de faire le voyage : jusqu'à Houle, clarinettiste avec lequel il se montre à la fois plus réfléchi et plus sensible ; jusqu'à Bauder et Morris, qui forment avec Petit ce trio glissant avec superbe de répétitions en sonorités instables ; jusqu'à Hal Rammel, qui accorde par deux fois la voix rare des instruments qu'il invente à un archet qui trouve dans l'ombre sa profondeur. A tel point qu'il n'est peut-être pas insensé de poser la question : un nouveau départ pour Chicago et New York – Rammel, Bauder et Morris en tête et tout projet de concept-album oublié – serait-il envisageable ?
Didier Petit, Alexandre Pierrepont : Passages (Rogue Art)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Passage (with M. Crispell) 02/ La Reine Rêve Rouge (with A. Parkins) 03/ Les ciseaux de l'air et de l'eau (with G. Cleaver) 04/ L'alphabet de leur rayures (with M. Bauder & J. Morris) 05/ Sous l'arbre en pleine mer (with J. Baker) 06/ Déesse-Allégresse (with N. Mitchell) 07/ Des griffes, des racines, des pierres (with H. Rammel) 08/ Vendanges (with H. Drake & M. Zerang) 09/ Il faut descendre plus au Sud (with H. Rammel) 10/ Ecluse (with F. Houle) 11/ Le gîte et le couvert (with M. Dessen) 12/ Crâne-Sablier (with L. Ochs) 13/ Je lis sur toutes les lèvres (with K. Daaood & L. Ochs)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
François Carrier, Michel Lambert : Shores and Ditches (FMR, 2012)
La St. Leonard’s Shoreditch Church de Londres inspirerait-elle les improvisateurs s’y produisant ? Après le lumineux Shoreditch Concert avec Hannah Marshall, Nicola Guazzaloca, Gianni Mimmo et Leila Adu (Amirani Records), c’est au tour du duo François Carrier - Michel Lambert (+ invités) d’investir les lieux.
En duo, d’abord, batteur et saxophoniste veillent à ne pas troubler la résonnance de l’église palladienne. L’altiste organise la mélodie tandis que le batteur-percussionniste se déleste des tissus étouffant les peaux de ses fûts pour s’en aller conquérir de justes résonnances. Plus loin, en trio avec le contrebassiste Guillaume Viltard, la douceur s’arme d’un épais venin. L’altiste répond à une sirène de police qui passait par là et la contrebasse laisse échapper quelques fines larmes. Ensuite, en quintet, avec Daniel Thompson et Neil Metcalfe, flûte et alto avouent leurs désirs de correspondance, débattent et insistent sur quelque trame obsessionnelle. Et enfin, les cloches de la St. Leonard’s Shoreditch d’accompagner le saxophoniste en un duo à l’inspiration continue. A qui le tour maintenant ?
François Carrier, Michel Lambert : Shores and Ditches (FMR / Improjazz)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Caldera 02/ Upstream 03/ Lava 04/ Reef 05/ Wadi 06/ Shores and Ditches
Luc Bouquet © Le son du grisli 2013
François Bayle : 50 ans de musique acousmatique (INA-GRM, 2012)
Combien de temps aurons nous passé à écouter François Bayle ? Toute sa vie à lui, et toute la nôtre avec – et ce n’est pas fini, c’est loin d’être fini, dis, Beatriz ? Cinquante ans de travail dans un coffret qui vient après tous les efforts de Magison, de quinze disques de couleurs différentes (Bayle est un coloriste, l’INA-GRM l’a bien évidemment remarqué)… Notre écoute n’en finira jamais, Beatriz...
... Quand même, il nous est arrivé de nous battre : musique concrète encore ? post-concrète ou plutôt acousmatique ? cinéma pour l’oreille ou théâtre sonore (la pièce Théâtre d’Ombres m’avait aiguillé) ? musique pour bande ou pour objets enregistrés ? pièces électroacoustiques ou mixtes ? psychisme concret ou délire psychédélique ? bref tout et n’importe quoi. On se moque bien des termes quand on peut s’accorder sur une chose : Bayle a fait des sons avec du « matériau » inadapté et exploré/éclairé des instruments de lutherie moderne. Comme Schaeffer il est passé du sonore au musical en allant jusqu’à transformer ses partitions en acousmographies.
Au diable les termes, d’accord, mais pas les préférences, Beatriz… Les miennes vont à ses premières œuvres, je te le redis. J’ai même un site que je conseille toujours dans ce paysage de lunes et d’étoiles : son Purgatoire dantesque qui fait pendant à l’Enfer de Bernard Parmegiani. Toi, Beatriz quand même, tu préfères les collages de rires d’homme sur Trois rêves d’oiseaux, les bandes retournées et les symphonies détraquées des Espaces inhabitables, les techniques mixtes des Expériences acoustiques (sur La preuve par les sens, tu as attiré mon attention sur les voix de Kevin Ayers et Robert Wyatt)…
Comme tout est rangé par ordre chronologique, ça a alors été l’heure de « mon » Purgatoire : par le menu, on nomme les « chiffres » qui ordonnent la récitation et c’est l’étrangeté du phénomène sonore qui éclate. Des voix s’approchent, d’autres s’éloignent, des sons de synthèse marquent l’expérience qui est inoubliable. Bayle y développe une expressivité qui n’appartient qu’à lui parce qu’il l’extrait (sons et images) de tout ce qu’il touche, lui. Plus le temps passe et plus il donnera d’ailleurs dans une scénographie de ses dons fabuleux : Les couleurs de la nuit (version 2012) en offre peut-être le meilleur exemple.
Toi, Beatriz encore, tu choisiras le concept emblématique de Son Vitesse-Lumière : c’est le début des années 1980, époque à laquelle je commence à perdre François Bayle d'oreille. J’écoute plus distraitement, les sonorités ne me conviennent plus autant que celles qui avaient le mystère de leur âge. Je me plonge dans le livret de textes, d’entretien et de catalogue commenté. C’est un autre voyage que je fais où l’on applique des mots à l’audiovisuel du compositeur. Au hasard d’un des Morceaux de ciels et autres Univers nerveux, deux des inédits qui terminent la rétrospective, je reviens doucement à la poésie du compositeur du concret et du rêve, à son actualité. Une actualité de laquelle, toi autant que moi, nous attendons d’autres nouvelles. N'est-ce pas, Beatriz ?
François Bayle : 50 ans d’acousmatique (INA-GRM)
Edition : 2012.
CD1 : Trois rêves d’oiseaux / Espaces inhabitables / Jeîta, ou Murmure des eaux CD2 : L’expérience Acoustique I-II : Thèmes sons / L’expérience Acoustique I : L’aventure du cri / L’expérience Acoustique II : le langage des fleurs CD3 : L’expérience acoustique III-IV-V : La preuve par les sens (III) / L’épreuve par le son (IV) / La philosophie du non (V) CD4 : Purgatoire / Paradis terrestre CD5 : Vibra-tions composées / Grande Polyphonie CD6 : Camera Oscura / Les couleurs de la nuit (version 2012 inédite) CD7 : Erosphère / La fin du bruit CD8 : Son Vitesse-Lumière I-II CD9 : Son Vitesse-Lumière III-IV-V CD10 : Motion-Emotion / Théâtre d’Ombres CD11 : Fabulae I à IV / Mamaméta CD12 : La maison vide / Morceaux de ciels CD13 : Arc, pour Gérard Grisey (inédit) / La forme du temps est un cercle CD14 : La forme de l’esprit est un papillon / Univers nerveux (inédit) CD15 : L’oreille étonnée (inédit) (In memoriam O. Messiaen) / Rien n’est réel (inédit) / Déplacements (inédit)
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Neil Carlill, Charles-Eric Charrier : 5 Little Elephants (Twindaisies, 2012)
Acteur à part de la scène indépendante française, on le connaît entre autres sous le pseudonyme d’Oldman, Charles-Eric Charrier n’a guère froid aux yeux quand il se lance dans l’agitation de traviole. Après un excellent Silver paru len 2011 sur la passionnante maison Experimedia, où il complotait du jazz sous ombre post-rock, mais aussi après avoir tranché les intrigues blues de son spoken word enfumé sur Oldman, le Nantais s’associe au songwriter anglais Neil Carlill, homme aux multiples collaborations du haut de ses 45 ans, tel un rappel acoustique de la très réussie rencontre entre Christophe Bailleau et Neal Williams.
Après un début qui évoque sans broncher l’œuvre bricolo de Pascal Comelade, et qui donne l’occasion de se familiariser au chant revêche de l’ex-membre de Lodger, 5 Little Elephants s’oriente dans une direction folk étonnamment foldingue – où toute ligne droite est proscrite. Autant la démarche peut surprendre, voire rebuter, dans les premiers instants, autant ses montagnes russes dadaïstes achèvent de convaincre au fil des minutes et des écoutes. A une condition toutefois, oublier toutes ses certitudes trop ancrées dans un monde sans aspérités ni angoisses.
Neil Carlill & Charles-Eric Charrier : 5 Little Elephants (Twin Daisies)
Edition : 2012.
CD / Téléchargement : 5 Little Elephants
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli 2013
Aki Onda : South Of The Border (Important, 2012)
Non ce n’est pas Aki Onda qui va à la musique mais bien la musique qui vient à Aki Onda. En ouvrant ses archives cassettes pour la troisième fois, le Japonais le prouve encore : ses « memories » (qui sont ici six souvenirs enregistrés au walkman lors d’un voyage au Mexique) recèlent des trésors.
Ça commence comme ça : une fanfare joue dans la rue, maladroite elle s’arrête, des passants parlent, elle reprend, rebat le tambour, resonne faux, reclaudique. Plus loin (The Sun Clings...) il y aura une autre fanfare, du même genre mais sublimée par la cassette qui accélère ou ralentit ses morceaux et, surtout, qui connaîtra la joie de se faire dévorer par des milliers d’oiseaux d’engeance hitchcockienne (voilà bien quelque chose à entendre !).
Mais les fanfares ne font pas tout et il y a d’autres rencontres dans ce Rec.Mode Trip mexicain : sur Bruise & Bite, on imagine le walkman tressautant au fond d’une poche et enregistrant des véhicules qui passent, des voix et ô surprise un orgue ou énorme flûte de bois (ou l'inverse) que l’on entendra aussi sur I Tell A Story Of Bodies That Change, qui elle tient plutôt de l’ambient. Un bon quart d’heure de plage zenifiante qui propulserai Brian Eno (jeune) ou Bruce Gilbert (en solo) dans un temple bouddhiste. En tout cas c’est le film que l’on se fait ou celui que projette Aki Onda, cinéaste sonore qui traite et mélange mieux que personne le bizarre et le quotidien.
Aki Onda : South of the Border. Cassette Memories Volume 3 (Important Records)
Edition : 2012.
CD : 01/ A Day Of Pilgrimage 02/ Dust 9:18 03/ Bruise & Bite 04/ The Sun Clings To The Earth And There Is No Darkness 05/ I Tell A Story Of Bodies That Change
Pierre Cécile © Le son du grisly 2013
Mars Williams, Kent Kessler, Paal Nilssen-Love : Boneshaker (Trost, 2012)
Est-ce sa longue collaboration avec The Psychedelic Furs ou ses apparitions auprès de Ministry, Die Warzau, Massacre ou Billy Idol, qui empêchèrent Mars Williams – saxophoniste dont l’art aura, de Chicago à New York, obnubilé nombre de ses coreligionnaires (Chapelle du Souffle Fort) – d’enregistrer beaucoup sous son propre nom ? Sur disques de « jazz », on trouvera l’homme sous étiquettes Nessa (Eftsoons avec Hal Russell), Okka Disk (en Peter Brötzmann Tentet) ou Atavistic (en Vandermark Five).
C’est donc aujourd’hui le label Trost qui permet à Williams d’augmenter sa discographie personnelle : de Boneshaker, enregistré en trio avec Kent Kessler et Paal Nilssen-Love – partenaires réguliers de Ken Vandermark, rompus donc à tous emportements. En ouverture, le saxophoniste rappelle d’ailleurs What Doesn’t Kill You… au son d’une progression certes nerveuse mais qui ne s’interdit pas, quelques mesures durant, d’emprunter au swing son maintien et au hard bop son efficience.
Moins air de componction que repli vers un minimalisme qui expérimente, Beauty of Sadness fait œuvre de réflexion (Williams aux sifflements et volutes, Kessler à l’archet impressif puis aux pizzicatos tombant) et clôt une première face de contraste. La seconde, de renouer avec l’impétuosité : Sticky Wicket dont le soprano, au verbe haut, sert une inspiration télescopique (d’une phrase de Williams naît une autre phrase, et de cette autre phrase une autre phrase encore) ; Hostilities In Progress, qui révèle jusque dans son titre les enjeux du jour : comme à la parade, le trio dévale un sillon en pente, au terme duquel un dernier motif-prétexte clamera haut et fort que Mars Williams est revenu.
Mars Williams, Kent Kessler, Paal Nilssen-Love : Boneshaker (Trost / Instant Jazz)
Enregistrement : Janvier 2011. Edition : 2012.
LP : A1/ What Doesn’t Kill You A2/ Beauty of Sadness B1/ Sticky Wicket B2/ Hostilities In progress
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ingebrigt Håker Flaten : Now Is (Clean Feed, 2012) / Paul Giallorenzo 3 (Not Two, 2012)
Trente-neuf petites minutes seulement pour inspecter le New York Quartet d’Ingebrigt Håker Flaten (Joe McPhee, Nate Wooley, Joe Morris). Trente-neuf petites minutes inquiétant l’harmonie (Times) et se glissant dans une pénombre sonique assumée (Pent).
Ici, faire se dresser la mélodie ; ailleurs, faire appel au free sans y convier cris et fureurs. Et ne pas s’interdire les solos (solo cabré de Joe Morris in As If) pas plus que la douceur des souffles (McPhee in Post). Et surtout : faire accroc au jazz tout en se l’appropriant. Ne pas rejeter ses zones d’inquiétudes et de turbulences (McPhee, toujours lui, in Giants). Puis, sans recourir à la violence, se dégager de la pénombre inaugurale. Tout cela pour faire de Now Is, un disque passionnant si ce n’est passionné.
Ingebrigt Håker Flaten New York Quartet : Now Is (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 12 juillet 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Port 02/ Times 03/ Pent 04/ Knicks 05/ Giants 06/ As If 07/ Rangers 08/ Post
Luc Bouquet © Le son du grisli 2013
Transformé en imparable contrebassiste de hard bop, voici Ingebrigt Håker Flaten en 2007, portant avec Tim Daisy All Together Now, première composition d’un lot de cinq signées du pianiste Paul Giallorenzo. Quelques libertés prises sur des pièces oubliant soudain toutes structures ne peuvent malheureusement faire de ce Paul Giallorenzo 3 autre chose qu’un disque de jazz acceptable à défaut d’être renversant – l’improvisation « tordue » qu’est Tremens n’y pourra rien, elle non plus.
Paul Giallorenzo : Paul Giallorenzo 3 (Not Two / Instant Jazz)
Enregistrement : 21 et 22 août 2007. Edition : 2012.
CD : 01/ All Together Now 02/ Across the Pond 03/ Sea Slish 04/ interlockin 05/ tremens 06/ The Sun’s Always Shining
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Catherine Lamb, Bryan Eubanks : Untitled 12 / Andrew Lafkas : Making Words (Sacred Realism, 2012)
Inaugurant la collection Sacred Realism, cet enregistrement de Catherine Lamb & Bryan Eubanks, davantage qu'une évocation de la formidable Agnes Martin, se veut, d'après une de ses peintures de 1984 (non pas un monochrome, mais une toile grise hantée d'éléments subtils), le point de départ d'une tentative pour amener à « écouter dans le rien » comme le tableau pousse à scruter son apparente vacuité jusqu'à en percer l’étonnante vibration intérieure.
Et la démarche porte, en dépit de son austérité, s'imposant par son obstination : l'heure qui s'écoule alors, soigneusement articulée en quatre parties égales, crée autant d'espaces mentaux dans lesquels il faut accepter de sombrer ; à chaque quart d'heure intervient une légère modification du blizzard (bruit blanc et sinus), qui révèle alors les puissantes mais latentes qualités recelées par cette matière sonore « sans qualités ».
N'en avions-nous pas été avertis par Paul Klee ? « Le gris fonctionne comme 'zone centrale germinative' et balance de toutes les polarités chromatiques. »
EN ECOUTE >>> Untitled 12 (extrait)
Catherine Lamb, Bryan Eubanks : Untitled 12 (After Agnes) (Sacred Realism)
Edition : 2012.
CD : 01-04/ Untitled 12 (After Agnes)
Guillaume Tarche © Le son du grisli 2013
Pour le deuxième disque du label, on retrouve Bryan Eubanks (electronics) dans la grande formation – avec Ann Adachi (flûte), Adam Diller (saxophone ténor), Tucker Dulin (trombone), Kenny Wang (alto), Margarida Garcia (guitare électrique), Gill Arno (electronics), Keiko Uenishi (electronics), Barry Weisblat (electronics) et le délicat Sean Meehan (caisse claire, cymbales) – mise sur pied par Andrew Lafkas (contrebasse) en avril 2010 afin de donner une longue pièce de sa conception.
Cette dernière a beau durer soixante-dix minutes, elle semble se déployer dans une temporalité refaçonnée par des jeux de timbres et de textures (dans l'esprit du Feldman pour orchestre), presque à la manière d'un paisible drone cousu main, d'une respiration ménageant le grain de chaque contributeur. Les fibres peuvent à l'occasion s'effilocher un peu, mais la tension établie entre les instruments acoustiques et le quatuor électronique évite la dislocation et, mieux que de « faire des mots », l'orchestre « fait un monde ».
EN ECOUTE >>> Making Words (extrait)
Andrew Lafkas : Making Words (Sacred Realism)
Ednregistrement : Août 2010. Eition : 2012.
CD : 01/ Sacred Realism
Guillaume Tarche © Le son du grisli 2013
Luc & Brunhild Ferrari : Programme Commun (Sub Rosa, 2012)
Les titres donnés à ses compositions par Luc Ferrari sont toujours riches d’enseignement. Sur le premier CD de cette sortie de deux, on trouve par exemple Programme commun pour clavecin et bande magnétique (1972), Didascalies 2 (1993) et Les émois d'Aphrodite (1986-1998). Une invitation faite à notre écoute autant qu’au rêve que la musique soulage ou accompagne. Jouée par Elisabeth Chojnacka, la première composition est la lutte superbe du clavecin et du monde moderne ; jusqu’ici disponible sur vinyle uniquement, Didascalies 2 voit mis son « caractère obsessionnel » à la portée de ceux qui ne possèdent pas ou plus de platine ; moins confondant, Les émois d’Aphrodite par le San Francisco’s MC Band sonnent rock expérimental dont la prêtresse est une clarinette.
Le second disque est l’œuvre de Luc & Brunhild Ferrari – qui y reprend les travaux inachevés de son mari. Ce genre d’ « affaire » (reprise ou collecte d’archives) est toujours délicat, mais Madame Ferrari se tire adroitement de toutes les difficultés. Avec une science peu commune, elle conceptualise sur Dérivatif des enregistrements de terrain (beaucoup de paroles d’hommes et de femmes de la rue) sans se départir de l’humour cher à Luc Ferrari. Deux autres pièces composent avec celle-ci un triptyque : un Brumes du réveil moins documenté et en conséquence plus mystérieux ainsi que de Tranquilles impatiences qui est une belle progression musicale comme a pu en inventer Eliane Radigue par exemple. C’est dire que ce double-volume s’avère indispensable…
Luc Ferrari, Brunhild Ferrari : Programme Commun (Sub Rosa)
Edition : 2012.
2CD : CD1 : 01/ Programme commun pour claveçin amplifié et bande magnétique 02/ Didascalies 2 03/ Les émois d’Aphrodite – CD2 : 01/ Derivatif 02/ Brumes du réveil 03/ Tranquilles impatiences
Héctor Cabrero © Le son du grisli 2013
Maggie Nicols, Phil Hargreaves : Human (Whi, 2012)
Réalisé par correspondance, morceau après morceau, Human est un disque de poésie sonore et même parfois musicale. D’un expérimental peu commun mais qui ne convainc pas à chaque fois, il mêle la voix de Maggie Nicols (langages inventés, récitation d’onomatopées, respirations profondes), quelques field recordings (morceaux de nature attrapés) et mille instruments qui claquent ou bourdonnent sur le mouvement de Phil Hargreaves.
Seuls un vieil orgue miniature et sa boîte à rythmes dissipent le mystère que cet Human contient. Ailleurs, ce sont partout les chants instables d’un folk incantatoire et les tentatives désespérées de dire encore dans le sillage de l’improvisation libre d’hier. Au détour d’une plage ombreuse, Nicols délivre peut-être un message : « Yes, we are searching ». Les recherches tiennent de la quête ésotérique et du théâtre de poche. C’est donc de façon étrange qu’elles mettent au jour des traces d'expression qui charment, interrogent ou déroutent.
EN ECOUTE >>> Human (10 premières minutes)
Maggie Nicols, Phil Hargreaves : Human (Whi Music)
Enregistrment : 2008-2012.
CD : Human
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 2013