LDP 2015 : Carnet de route #25


27 octobre, Philadelphia
The Rotunda
Heute reisen wir mit dem AMTRAK train vom Penn-Station New York nach Philadelphia. Bei unserer Ankunft bringt uns ein Taxi zum Konzertort. Steven Tobin verantwortlich für die Konzertreihe Fire Museum empfängt uns. Er zeigt uns den Konzertraum und ein ziemlich verwahrlostes Upright Klavier, das für das Konzert zur Verfügung steht. Das Instrument gleicht eher einem verstaubten, alten Möbelstück, als einem Klavier. Es wird für Jacques eine zusätzliche Herausforderung sein dieses Objekt im Konzert musikalisch einzusetzen. Ich bin jedoch überzeugt, dass Jacques auch mit diesem Instrument umgehen kann.
Ich treffe mich mit Ken Weiss zu einem Interview in einem Nebenraum im oberen Stock. Ken arbeitet für die kanadische Musikzeitschrift Cadence, und er hatte mich lange im voraus kontaktiert, um mit mir ein ausführliches Gespräch zu führen. Normalerweise halte ich vor Konzerten keine Gespräche und gebe keine Interviews. Bei Ken’s Anfrage hatte ich die leise Ahnung, dass ein Gespräch mit ihm spannend sein könnte, und ich habe zugesagt.
„Was ist der Unterschied zwischen freier Improvisation und instant composing“. Diese Frage wird immer wieder gestellt, offensichtlich ist es immer noch nicht ganz klar, ob es einen Unterschied gibt und wie freie Improvisation praktiziert wird und wie sie zustande kommt. Meiner Meinung nach ist die freie Improvisation eine andere Form von Komposition. Sie entsteht nicht im voraus, weder notiert noch vorbereitet. Sie entsteht aus dem Moment heraus, indem man sich offen und unvorher eingenommen auf eine momentane Situation einlässt. Der Raum und die Zuhörer bilden hierfür eine Art akustische Partitur. Aus dem Moment heraus fallen Klänge spontan in den leeren Raum. Der Fortlauf wird zwischen den Musikern, aus dem Spiel heraus bestimmt. Für mich besteht zwischen freier Improvisation und instant composing kein substanzieller Unterschied, beide Bezeichnungen stehen für eine radikale Form freier Improvisation...
Konzentriertes Hören und Verantwortung, materielle Voraussetzungen und die spontane Eingabe bilden die Basis unserer Musik. Wir agieren, intensivieren, traktieren, dekonstruieren, eliminieren, addieren und multiplizieren.. die Musik nimmt ihren Verlauf. Sie entsteht in Echtzeit, sie entsteht indem sie entsteht. Gesten und Spielweisen vermischen sich und lösen sich ab. Wir halten nichts fest. Das Ausgelassene zählt genauso wie das Eingefügte. Jedes Konzert ist auf eine Art ein Original. Jede Situation ist anders. Der akustische Raum, das Publikum, die gesamte Stimmung im Hier und Jetzt, die gespielten Klänge und die stillen Zwischenräume sind Teil eines experimentellen, musikalischen Erlebnisses. Das Konzert dauert 45 Minuten. Das Publikum ist begeistert und bedankt sich mit Standing ovation.
U.L.
Le piano Myers F. Hall, 57897, poussé avec peine devant la scène de la Rotunda de Philadelphie par le technicien du lieu sur un tapis pour l'empêcher de rouler, était-il en fait une "dust machine" comme on parle d'une "smoke machine"? Repeint sans soin et tatoué PHILADELPHIA, ce piano droit, unique instrument vertical de cette tournée, a provoqué en aval du concert davantage de commentaires d'ordre visuel que musical. Depuis longtemps j'ai pour habitude d'éprouver de la bienveillance envers chaque piano que je suis amené à jouer. Pour faire bref, il n'y a pas de bons ou de mauvais pianos, il n'y a que des instruments différents, avec des potentialités spécifiques. A moi de les découvrir, à moi "to deal with it" comme dit Barre dans la vidéo présentée à chaque concert et qui marque son absence-présence en ce début de Fall Tour. Mais je dois avouer que ce soir-là, ce fut particulièrement difficile d'entrer en relation avec ce meuble à clavier. Le public ne s'en est, semble-t-il, pas rendu compte, puisque le concert fut salué par une standing ovation, mais j'ai ressenti une méfiance infinie de l'instrument à mon égard. Comme si cette méfiance immense le poussait à se refuser à mon jeu, à développer des stratégies d'évitement, à tout mettre en oeuvre pour empêcher que chaque parcelle de son territoire ne soit jouée. Ce qui avait complètement échappé à mon attention en cours de performance, c'était les nuages de poussière, grotesquement mis en scène par la lumière des projecteurs, que chaque son émis, chaque touche activée, chaque partie de l'instrument effleurée, mettait en mouvement de manière extravagante. Mais à écouter les commentaires, à relever les mots employés par les gens du lieu et par le public pour décrire la qualité de ce piano et celle de ses effets, j'ai ressenti une attitude générale de dérision envers l'instrument, une disposition faite de déconsidération, presque une posture d'absence d'estime, comme si à la base de la relation individu-instrument résidait un mépris originel, qui avait fini par agir avec violence tel un filtre brutal sur une relation d'écoute, me laissant désemparé comme face à un animal battu qui refuserait tout geste d'approche. Comme souvent, une coïncidence, ici un message de Quentin Conrate, lecteur-spectateur qui aborde la question de la figure du festaiuolo dans un courriel en résonance à son suivi du Carnet de route et à sa présence au concert donné à la Malterie de Lille en trio avec Hannah Marshall, m'a amené à penser que l'instrument-piano en tant que présence physique pouvait parfois jouer ce rôle-là, celui d'une figure intermédiaire qui désigne la "scène du son" au public assistant à l'action sonore. Dans le cas qui nous occupe, le piano Myers F. Hall de Philadelphie aurait ainsi renoncé, pour une raison qui reste mystérieuse, à jouer ce rôle de figure désignante, en se transformant en "dust machine", projetant entre lui-même et les spectateurs un voile de poussière dissimulant et étouffant la "scène du son". Il n'aurait laissé trace de lui-même que visuellement, à travers les particules de poussières virevoltantes qui ont si intensément nourri les commentaires du public, auxquels je me permets d'ajouter celui de Quentin, tant l'expérience du concert est une expérience riche en strates complexes et paradoxales: "Bonjour Jacques, j'ai pu poursuivre partiellement ma lecture de ton Carnet depuis notre rencontre à la Malterie, et j'ai eu l'idée de poursuivre un peu notre discussion de cette manière, à la suite du bout de l'interview où tu évoques l'idée de "faire partie de l'expérience". J'ai travaillé pas mal de temps sur cette question en étudiant les nuances entre performance et happening et la pensée de Kaprow. J'ai beaucoup étudié à cette occasion le moment du commencement, qui me semble fondamental pour se prémunir d'un choc, j'ai l'idée que la chose glisse. Le choc d'une pièce qui commence est pour moi un déictique trop net qui vient se greffer et nous impose l'idée que "ça commence" - à ce titre, j'ai forcément été sensible à votre manière de rentrer (Lionel Marchetti disait à Densités vouloir à présent parler avant de lancer les pièces pour étalonner notre oreille, j'aimais bien cette idée). Ce problème du mot dont tu parles se place chez moi à ce moment. Savoir si le musicien me donne à entendre quelque chose ou si il veut lui se faire entendre, ce qu'englobe sur le moment notre sphère sonore, la sienne comme celle de celui qui l'écoute, le musicien qui nous montre à entendre comme les festaiuolo dans les peintures. Quand tu parles de la soufflerie de la malterie par exemple, hier en y jouant, le début du set était nourri du son de la pompe à bière qui a au final été coupé, c'était intéressant de constater que nous étions tous à son écoute alors que personne ne jouait encore. Certains dans le public semblaient apprécier le fait que ce soit coupé, moi je jouais déjà avec rien qu'en pensée. Belle tournée et belle journée à vous!". J'aime ces mouvements de boomerang, qui nous font à la fois avancer et reculer, revisitant passé et futur dans l'espace insaisissable de notre expérience du présent.
J.D.
Photos : Jacques Demierre
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