Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Evan Parker : Seven (Victo, 2014) / Sant’Anna Arresi Quintet : Filu ‘e Ferru (2015)

evan parker seven elctroacoustic septet

Sur la pochette de ce disque, lire cet aveu d’Evan Parker : « Mon art de la composition consiste à choisir les bonnes personnes et à leur demander d’improviser. » Au 30e Festival de Musique Actuelle de Victoriaville, le 18 mai 2014, le saxophoniste donnait un concert en compagnie de Peter Evans (trompettes), Ned Rothenberg (clarinettes et shakuhachi), Okkyung Lee (violoncelle), Ikue Mori (électronique), Sam Pluta (électronique) et George Lewis (électronique et trombone). « Ceux-là sont les bonnes personnes », précisait-il.

C’est l’électronique qui se chargea d’abord d’arranger l’espace que l’ElectroAcoustic Septet aura tout loisir d’explorer : une forêt de sons brefs sous laquelle ont été creusé combien de galeries. Les musiciens s’y rencontreront, à deux, trois ou davantage, dans un jeu de poursuites ou au gré de conversations affolées. Ainsi aux notes hautes d’Evans et Lee, Rothenberg répondra ici par un motif grave et ramassé ; ailleurs, aux imprécations de l’électronique (dont les effets ne se valent pas tous), les souffleurs opposeront un alliage autrement expressif…

Mais à force de frictions, le terrain s’affaisse parfois et les plafonds de la galerie menacent. Et quand les vents ne retrouvent pas le chemin de l’air libre (ici le soprano de Parker, là le trombone de Lewis), les secondes peuvent paraître longues, aussi longues qu’elles sont bien remplies.

Evan Parker : Seven (Victo / Orkhêstra International)
Enregistrement : 18 mai 2014. Edition : 2014.
CD : 01/ Seven-1 02/ Seven-2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

sant anna arresi evan parker filu e ferru

Moins nombreux, les musiciens à entendre sur Filu ‘e FerruEvan Parker (au ténor), Peter Evans (trompettes), Alexander Hawkins (piano), John Edwards (contrebasse) et Hamid Drake (batterie), enregistrés début 2015 au festival de jazz de Sant'Anna Arresi, en Sardaigne – improvisèrent sous le nom de Sant’Anna Arresi Quintet. Sept fois, et dans le champ d’un jazz assez « cadré », l’association profite de l’accord que trouvent Parker, Evans et Edwards, qu’ont malheureusement du mal à saisir les délayages d’Hawkins et l’abattage de Drake.

Evan Parker : Filu ‘e Ferru (2015)
CD : 01/ Filu 1 02/ Filu 2 03/ Filu 3 04/ Ferru 1 05/ Ferru 2 06/ Ferru 3 07/ Ferru 4
Enregistrement : 2 janvier 2015. Edition : 2015.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Peter Evans : Destination : Void (More Is More, 2015)

peter evans destination void

Les phrasés d’Evan Parker joués en ouverture de Destination : Void par la trompette de Peter Evans (Twelve) annoncent quelques chauds chambardements. Quelques notes ânonnées jusqu’à l’absurde par cette même trompette permettent que déambulent les doigts frappeurs de Ron Stabinsky (Twelve encore). Et c’est en cet instant même (Twelve toujours) que se retrouve la magie percussive d’un Jim Black, ici joliment ressuscité.

For Gary Rydstrom & Ben Burtt soigne les chocs-unissons et autres rasoirs-couperets sur lesquels ne sursautent pas les electronics de Sam Pluta qui, au contraire, agrippent l’obsédante partition du trompettiste. Make It So est une pièce contemporaine où errent quelques noirs fantômes : l’horizontalité y est étouffante, les silences également. Les chromatismes de Tresillo annoncent des précipices à venir. Dans la chute surgiront un chorus somptueux du leader et la contrebasse délurée de Tom Blancarte avant que ne surgisse, en toute logique, le cluster fatal et libérateur. Destination : Void ou l’audace d’un quintet (et d’un compositeur) au sommet de son art.

Peter Evans Quintet : Destination : Void (MM / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2013. Edition : 2015.
CD : 01/ Twelve (for Evan Parker) 02/ For Gary Rydstrom & Ben Burtt 03/ Make It So 04/ Tresillo
Luc Bouquet © Le son du grisli


Rocket Science : Rocket Science (More Is More, 2013) / Sam Pluta : Machine Language (Carrier, 2012)

evan parker sam pluta peter evans craig taborn rocket science

Et si tout cela n’était qu’une histoire d’alter-ego ? Et si, après tant d’années, les mémorables trios d’Evan Parker n’avaient plus que de la routine à nous vendre ? A contrario, chaque concert du saxophoniste avec Peter Evans regorge de vivacité et de renaissance. Fallait-il donc à Evan le choc Peter pour se retrouver ? Personnellement, je ne suis pas très loin de le penser. Ici, Rocket Science apporte confirmation, la complicité de l’un et de l’autre frôlant plus d’une fois le mimétisme.

Ici, il y a correspondance et envol. Ce concert au Vortex est un concert où tout se happe, se saisit, s’entretient et où rien ne se prémédite. Les electronics de Sam Pluta prennent tous les risques : ils ne sont pas coloriage mais matière vive. Autonomes, ils ne rétrécissent jamais le jeu de l’un ou de l’autre. Craig Taborn, d’abord timoré – voire distancé – trouve bientôt sa voie. C’est lui qui oblige, organise l’harmonie et délivre, ça et là, quelques clusters héroïques. Ailleurs, les deux souffleurs s’autorisent les cascades habituelles et autres jeux circulaires, ici totalement renouvelés. Bouillant comme un chaudron donc.

Rocket Science : Rocket Science (More Is More Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 25 mai 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Fluis Dynamics 02/ Life Support Systems 03/ Flutter 04/ Noise Control
Luc Bouquet © Le son du grisli

sam pluta machine language

La musique de Sam Pluta se laisse difficilement ranger en tiroirs et bocaux, mais bon, pour Machine Language, nous oserons oser minimalisme, électroacoustique, noise néo-futuriste, rock sifflant fort fort, abstraction loin d’être concrète… Bien, et maintenant, Machine Language d’un bout à l’autre ? Si l’on n’oublie que Pluta, dans les genres, a fait mieux, pourquoi pas…

Sam Pluta : Machine Language (Carrier Records)
Edition : 2012.  
CD : 01/ Machine Language 02/ Lyra 03/ Standing Waves 04/ Matrices 05/ 7:6
Pierre Cécile © Le son du grisli


Kate Soper, Wet Ink Ensemble : Voices from the Killing Jar (Carrier)

kate soper wet ink voices from the killing jar

Possible petite sœur de Shelly Hirsch, Kate Soper tient à mettre en scène des personnages aussi antithétiques que Murakami, Henry James, Camille Desmoulin ou Emma Bovary. Et on ne sait, à vrai dire, comment cela tient debout.

Ce que l’on sait par contre c’est que son chant – encensé par ses admirateurs pour ses ruptures de ton et autres sorties de route – résulte ici d’une clarté absolue. Ce sont plutôt les meurtrissures et le côté inéluctable des compositions de la jeune femme qui garantissent à cet enregistrement une aura de mystère insondable. Brouillages et unissons poreux, débrayages acides, chant mortuaire et répétitif, opéra classique, accents carnatiques, parodies de musique médiévale : autant de détails sagement entretenus ayant pour but de maintenir éveillée notre bienveillante écoute.

écoute le son du grisliKet Soper, Wet Ink
Voices from te Killar Jar (extraits)

Kate Soper, Wet Ink Ensemble : Voices from the Killing Jar (Carrier)
Edition : 2013.
CD : 01/ Prelude: May Kasahara 02/ My Last Duchess: Isabel Archer 03/ Palilalia: Iphigenia 04/ Midnights Tolling: Lucile Duplessis 05/ Mad Scene: Emma Bovary 06/ Interlude: Asta Solija 07/ The Owl and the Wren: Lady Macduff 08/ Her Voice Is Full of Money: Daisy Buchanan
Luc Bouquet © Le son du grisli 


Peter Evans : Beyond Civilized and Primitive (Dancing Wayang, 2011) / Ghosts (More Is More, 2011)

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Pour ne pas avoir lu Ran Prieur – philosophe ayant publié ce Beyond Civilized and Primitive qui a inspiré Peter Evans –, il s’agira de se faire une idée d’une pensée au gré des sons qu’elle a inspirés. Pas simple, si l’on prend en considération les six pièces du vinyle…

Fruits de deux jours passés en studio, ils font en effet état d’un goût pour l’éparpillement – plutôt charmant, il va sans dire, Nature/Culture n’a-t-il pas déjà prouvé que la solitude va plutôt bien à Evans ? Ainsi le trompettiste rapproche-t-il sur deux faces ses divers intérêts d’instrumentiste curieux : pour des berceuses débordant d’un horizon qui tient dans une note, pour un minimalisme progressant avec lenteur, pour des solos développés sur drone enregistré au préalable, pour des improvisations s’entrechoquant, une expérimentation aux usages pneumatiques ou encore un lyrisme fait pour être érodé.

Si le titre de la berceuse (Complexity, Change, Invention, Stability, Giving, Freedom, and Both the Past and the Future) pourrait expliquer de quoi retourne le disque dans son entier, c’est que les mots qu’on y trouve sont autant de clefs pour la compréhension des gestes et des propositions de Peter Evans comme des exercices et des trouvailles de Beyond Civilized and Primitive.

Peter Evans : Beyond Civilized and Primitive (Dancing Wayang)
Edition : 2011.
LP : A1/ Complexity, Change, Invention, Stability, Giving, Freedom, and Both the Past and the Future A2/ History is Broken A3/ What Is Possible? – B1/ We Like Hot Baths and Sailing Ships… B2/ Simple Tools for Complex Reasons B3/ Our Nature Is Not a Location
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

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En compagnie de Carlos Homs (piano), Sam Pluta (live processing), Tom Blancarte (contrebasse) et Jim Black (batterie), Peter Evans défend sur Ghosts une musique qui actualiserait celle de Sun Ra (faut-il oser le faire) ou celle du Miles Davis électrisé (faut-il en avoir envie). Le jazz qu’on y entend est ainsi consigné en capsule qui, après propulsion, deviendra satellite. Les interventions de Pluta ne sont pas pour rien dans la réussite du projet : l'empêchant de ourner en rond parce qu’e lui se refuse  à   respecter toute ligne de conduite.

Peter Evans Quintet : Ghosts (More Is More / Orkhêstra International)
Enregistrement : 5 et 6 juin 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ ... One to Ninety Two 02/ 323 03/ Ghost 04/ The Big Crunch 05/ Chorales 06/ Articulation 07/ Stardust
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

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Sam Pluta, Peter Evans, Jim Altieri : Sum and Difference (Carrier, 2011)

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Au contact de Peter Evans (trompettiste dont il intègre régulièrement le quintette) et de Jim Altieri (violoniste qu’il côtoie en Glissando Bin Laden),Sam Pluta (laptop) élaborait Sum and Difference : six pièces improvisées d’une électronique acoustophage.

La musique, en conséquence, joue les remontées, découpe souffles et archets pour les ré-agencer l’instant d’après et fomenter un langage démonté en conséquences. Passés à la moulinette interactive, violon et trompette rendent couches après couches des râles de noise abstraite. Sous l’égide de parents forcés – Terry Riley du Music for the Gift et Birgit Ulher précipitée –, Pluta compose un ouvrage d’électroacoustique vif et intelligent.

Sam Pluta, Peter Evans, Jim Altieri : Sum and Difference (Carrier Records)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Fusion 02/ Diffusion 03/ Sum and Difference A 04/ Analysis Resynthesis 05/ The Long Line 06/ Sum and Difference B
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



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