Just Not Cricket! (Ni Vu Ni Connu, 2013)
Du 6 au 8 octobre 2011 à Berlin, seize représentants de l’improvisation britannique – Just Not Cricket! – donnèrent des concerts désormais consignés sur quatre trente-trois tours. Dans leur boîte, trouver aussi le programme du festival et surtout un livret d’une vingtaine de pages d’interviews, de textes et de photos – le tout rassemblé par Antoine Prum (à qui l'on doit Sunny's Time Now).
Au son, c’est Lol Coxhill qui emporte la première face, donnant en compagnie d’Alex Ward (à la clarinette) le la prompt à l’accord (ne serait-ce que de principe) des combinaisons de musiciens – quatorze restant à nommer, voici : Tom Arthurs, Steve Beresford, Tony Bevan, Matthew Bourne, Gail Brand, Rhodri Davies, John Edwards, Shabaka Hutchings, Dominic Lash, Phil Minton, Eddie Prévost, Orphy Robinson, Mark Sanders et Trevor Watts – qui se succéderont sur la scène du HBC.
Avec Prévost, Coxhill improvise en majesté : en duo, d’abord, puis en quintette associés à Minton, Watts et Edwards sur une face entière, soit le temps pour les souffleurs, exaltés par la section rythmique, de renverser le pithiatique Minton. Plus tard, un autre quintette donnera dans l’improvisation avec autant de conviction et de réussite, dans lequel Arthurs (trompette), Hutchings (saxophone ténor et clarinette), Ward (à la guitare cette fois) et la même paire Edwards / Watts, révéleront leur goût commun pour les effets qu'a sur leur art un bruitisme déviant.
Comme l’esprit des musiciens qu’il implique, Just Not Cricket! ne s’interdit rien, même pas les grandes fatigues. Ainsi tournent deux fois en rond le piano de Beresford et la voix de Minton emmêlées, habitude du bavardage contre laquelle ni les cordes de Davies et Edwards, pourtant alertes, ni l’élégance de Prévost combinée à la fougue d’Arthurs ne pourront rien. Brand – superbe sur le bel archet de Lash dans un quartette composé aussi d’Arthurs et Ward – associée à Edwards se montrera aussi peu capable de relativiser les bizarres lourderies du pianiste. En trio avec Arthurs et Bourne, Beresford saura pourtant se faire moins encombrant, au creux de quelques minutes d’une musique de soupçons.
Après quoi la récréation d’un jazz qui garde encore en mémoire quelque accent d’ancienne liberté s’imposera dans les conversations : au son de l’association Bevan / Edwards / Hutchings / Sanders et sur l’air du trio Bourne / Watts / Sanders. De quoi clore avec force et humeur la grandiose rétrospective.
Collectif : Just Not Cricket! (Ni Vu Ni Connu)
4 LP : A1/ Duo Ward, Coxhill A2/ Duo Prévost, Coxhill B/ Quartet Sanders, Davies, Watts, Robinson C/Quintet Edwards, Prévost, Coxhill, Watts, Minton D/ Quintet Edwards, sanders, Ward, Hutchings, Arthurs E1/ Trio Hutchings, Lash, Davies E2/ Quartet Edwards, Davies, Beresford, Minton E3/ Quartet Prévost, Beresford, Arthurs, Minton F1/ Quartet Ward, Lash, Brand, Arthurs F2/ Quartet/ Trio Edwards, Beresford, Brand G1/ Quartet Edwards, Sanders, Bevan, Hutchings G2/ Trio Bevan, Lash, Edwards H1/ Trio Beresford, Bourne, Arthurs H2/ Trio Watts, Sanders, Bourne H3/ Duo Sanders, Brand
Enregistrement : 6-8 octobre 2011. Edition : 2013.
Guillaume Belhomme © le son du grisli
Grutronic : Essex Foam Party (Psi, 2009)
Pour qui ignorerait l’identité des membres de Grutronic, un passage par le site du label Psi peut être utile. On peut en effet y lire que Stephen et Nick Grew, Richard Scott et David Ross, sont tous passés par l’acoustique avant de se servir exclusivement de claviers, samplers, processeurs, oscillateurs, etc.
Sur Essex Foam Party, deux invités rejoignent le quartet : Orphy Robinson (dont le vibraphone a plus que son importance sur le premier titre, Plonk) et Paul Obermayer (au sampler). Si elle peut être rangée dans le tiroir expérimental, la musique de ce Grutronic augmenté est capable de facéties jouissives et même de compositions dansantes. Des bulles et des projections sonores rebondissent d’un bout à l’autre du disque, sur lequel on imaginerait presque entendre de temps à autre Aphex Twin s’adonner à l’avant-garde. Très étonnant...
Grutronic : Essex Foam Party (Psi / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2006-2008. Edition : 2009.
CD : 01/ Plonk 02/ Essex Foam Party 03/ Concussion Vibes 04/ Nose-Up 05/ Ball Pool Blues 06/ Madness and Civilization 07/ Foam Sweet Foam
Pierre Cécile © Le son du grisli
Légèrement moins « réussi » qu’Essex Foam Party mais très recommandable quand même, Live Grutronic est un enregistrement du groupe publié par le netlabel Earth Monkey Productions et gratuitement téléchargeable ici.
Louis Moholo-Moholo Unit : An Open Letter to My Wife Mpumi (Ogun, 2009)
Rarement Unit aura si bien porté son nom. Drivé par un Louis Moholo-Moholo en grande forme et toujours aussi foisonnant derrière ses fûts, il faut entendre saxophones (Jason Yarde, Ntshuks Bonga), piano (Pule Pheto), vibraphone (Orphy Robinson), contrebasse (John Edwards) et voix (Francine Luce), s’unir et se séparer, s’entrecroiser et se métisser.
Tout semble si simple ici : il y a le rythme, toujours libre et animé, que le batteur déplace et bouscule en de longues vagues successives et il y a le chant, simples riffs joués à l’unisson et que l’on n’abandonne jamais car éléments moteurs de cette musique. De fait, et parce que cette musique n’en a nul besoin, il n’y aura pas de solos. Seulement un élan commun porté par toute et tous. Et quand vibraphone et batterie se retrouvent en duo (Fine Line), c’est tout l’orchestre que l’on croit entendre.
De ce chant profond et d’une liberté rêvée, perce quelque chose du grand Albert : la générosité, le partage, la fougue, la douceur, la fureur. Music Is the Healing Force of the Universe : ici, l’évidente preuve.
Louis Moholo-Moholo Unit : An Open Letter to My Wife Mpumi (Ogun / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2008. Edition : 2009.
CD : 01/ Mark of Respect 02/ Dikeldi Tsa Phelo 03/ The Tag 04/ Thank U 4 2 Day 05/ Sonke 06/ Russia 07/ Zanele 08/ Fine Line 09/ Two Alto Hit
Luc Bouquet © Le son du grisli