The Ex : The Ex at Bimhuis (1991-2015) (Ex, 2015)
L’endroit (Bimhuis, Amsterdam) a une quarantaine d’années. The Ex y a passé vingt-cinq ans. Une quinzaine de dates, sans compter les apparitions, sur la même scène, de tel ou tel membre du groupe avec tel ou tel improvisateur (Ab Baars, Peter Brötzmann, Ken Vandermark, Thurston Moore…). Mais la quinzaine suffit à remplir ce disque-double.
Une rétrospective, et aussi un hommage – un espace n’est-il pas l’un des ingrédients qui permettent une osmose ? Dans le fascicule glissé dans le digipack, Katherina Bornefeld dit, malgré ses premières appréhensions, le public du Bimhuis très ouvert quand Andy Moor se souvient qu’il y réalisa qu’il pouvait en découdre avec des improvisateurs d’importance (Wolter Wierbos, premier de tous).
The Ex en concert, c’est souvent un The Ex augmenté – et, en conséquence, des chansons revues. Par Wierbos, notamment, dont le trombone en rehausse les âpres rengaines (Shopping Street), Baars, aussi, et puis Steve Beresford, Han Bennink, Phil Minton, John Butcher, Peter Evans, Mats Gustafsson… La prise de son n’est pas toujours irréprochable (le début des années 1990 est déjà loin), mais quand elle permet de relativiser les brouillons, la magie opère : alors, tournent les bourdons multipliés de Symphony for Machines, la chanson-scansion de Lale Guma et, avec Getatchew Mekuria, le swing de Shellelle.
The Ex at Bimhuis, c’est aussi une suite d’instants présents d’un groupe en perpétuel devenir – ou comment le départ de G.W. Sok transforme un trompettiste en vocaliste qui renouvelle : ainsi, la voix d’Arnold de Boer devrait-elle résonner encore, et même souvent, sur la scène du Bimhuis.
The Ex : At Bimhuis (1991-2015) (Ex)
Enregistrement : 1991-2015. Edition : 2015.
2 CD : CD1 : 01/ Flutes Tale 02/ Shopping Street 03/ Pretty Cattle Office 04/ Lied der Steinklopfer 05/ Invitation to Dance 06/ Kimmel 07/ Sonic Broom 08/ The Early Bird’s Worm 09/ Ex Guitars’n’Han 10/ Kat’n’Han 11/ Dear House 12/ New Clear Daze 13/ Oh Puckerlips Now – CD2 : 01/ Symphony for Machines 2/ Gronings Liedje 03/ Suction Prints 04/ Lale Guma 05/ Shellelle 06/ Abbay Abbay / Aynamaye Nesh 07/ Aha Gedawa 08/ Bourgeois Blues 09/ 24 Problems 10/ Every Sixth Is Cracked 11/ Gondar
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
John Russell : With... (Emanem, 2015)
Quelques problèmes de cœur n’auront pas empêché John Russell de fêter son soixantième anniversaire, sur la scène du Café Oto de Londres, le 19 décembre 2014. C’est l’enregistrement qui nous intéresse, exposant le guitariste auprès d’invités de marque.
Un à deux par plage : Henry Lowther et Satoko Fukuda sur la première, où cette guitare sèche au goût de métal traîne entre une trompette parcimonieuse et un violon plus lyrique (si l’équilibre est instable, c’est que le lyrisme pèse) ; Phil Minton sur la seconde, dont bouche et gorge rivalisent d’effets capables de contrer notes étouffées et fulgurances de guitare-banjo ; Evan Parker (au ténor) et John Edwards, qui ne forment pas de duo puisque le contrebassiste travaille avec Russell à la création d’un formidable instrument à cordes ; Thurston Moore, enfin, qui oblige son partenaire à envisager l’ampli comme un second instrument au moyen duquel inventer autrement.
A l’intérieur de l’étui cartonné, un livret de huit pages revient sur l’événement, consignant les interventions de Russell avant chaque improvisation et une sélection de photos. La dernière, qui montre Moore et Russell devant quelques bougies, fait écho aux mots qu’il adressa à Martin Davidson quelques jours après le concert : « I had a ball and Joanna (sa compagne, nldr) said she hadn’t seen me so happy for weeks. »
John Rusell : With… (Emanem / Orkhêstra International)
Enregistrement : 19 décembre 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ The First Half of the First Half 02/ The Second Half of the First Half 03/ The First Half of the Second Half 04/ The Second Half of the Second Half
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Antoine Prum : Taking the Dog for a Walk (Ni Vu Ni Connu, 2015)
Après avoir fait entendre tout l’amour qu’il porte à l’improvisation britannique (Just Not Cricket), Antoine Prum s’est attaché à la montrer en plus. Avec l’aide de Tony Bevan et du comédien – et grand amateur d’improvisation – Stewart Lee, le (déjà) réalisateur de Sunny’s Time Now présentait récemment Taking the Dog for a Walk.
Parti de la scène du Café Oto – haut lieu de l’improvisation actuelle –, Prum instaure un code amusé du musicien-samouraï avant de retracer l’histoire de l’activité qui l’enchante depuis les premières expériences du Little Theatre Club – venus pour l’essentiel du free jazz, les musiciens s’en détacheront au profit d’un jeu autrement collectif que les personnalités qui composent AMM et celles de John Stevens, Trevor Watts, Derek Bailey… se chargeront de diversifier.
Après quoi (dans le documentaire et en intégralité sur un second DVD), sont recueillis les témoignages de personnages : Lol Coxhill, Eddie Prévost, Phil Minton, Roger Turner, Steve Beresford, John Butcher, Maggie Nicols… La parole libère autant de précisions qu’elle dresse de constats : sur l’éternel refus de tout répertoire et l'insatiable intérêt pour les sons nouveaux (qu’illustre ici un extrait de concert donné par AMM en compagnie de Rhodri Davies), sur le rapport de la pratique à l’entertainment (Coxhill) et au public (Karen Brockman) ou encore la nostalgie commandée par un âge d’or à l’ombre duquel s’assoupit parfois le quotidien (Bevan, John Edwards aussi : « maintenant, c’est facile »)…
Facilité que de plus jeunes improvisateurs devront contourner, voire refuser, s’ils veulent renouveler un genre qui n’en est pas un : Gail Brand, Dominic Lash, ou encore Alex Ward, que l’on retrouve sur un CD enfermé lui aussi dans la boîte jaune de Taking the Dog for a Walk. Sur celui-ci, c’est N.E.W. enregistré au Café Oto le 17 janvier 2012. N.E.W., qui donne de nouvelles teintes à l’improvisation et clame même que l’espoir est permis. Non pas celui d’un simple renouvellement ou d’une mise à jour fétiche, mais bien celui de nouvelles choses à attendre de l’improvisation britannique.
Antoine Prum : Taking the Dog for a Walk. Conversations with British Improvisers (Ni Vu Ni Connu / Improjazz)
Edition : 2015.
2 DVD + CD : Taking the Dog for a Walk.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Just Not Cricket! (Ni Vu Ni Connu, 2013)
Du 6 au 8 octobre 2011 à Berlin, seize représentants de l’improvisation britannique – Just Not Cricket! – donnèrent des concerts désormais consignés sur quatre trente-trois tours. Dans leur boîte, trouver aussi le programme du festival et surtout un livret d’une vingtaine de pages d’interviews, de textes et de photos – le tout rassemblé par Antoine Prum (à qui l'on doit Sunny's Time Now).
Au son, c’est Lol Coxhill qui emporte la première face, donnant en compagnie d’Alex Ward (à la clarinette) le la prompt à l’accord (ne serait-ce que de principe) des combinaisons de musiciens – quatorze restant à nommer, voici : Tom Arthurs, Steve Beresford, Tony Bevan, Matthew Bourne, Gail Brand, Rhodri Davies, John Edwards, Shabaka Hutchings, Dominic Lash, Phil Minton, Eddie Prévost, Orphy Robinson, Mark Sanders et Trevor Watts – qui se succéderont sur la scène du HBC.
Avec Prévost, Coxhill improvise en majesté : en duo, d’abord, puis en quintette associés à Minton, Watts et Edwards sur une face entière, soit le temps pour les souffleurs, exaltés par la section rythmique, de renverser le pithiatique Minton. Plus tard, un autre quintette donnera dans l’improvisation avec autant de conviction et de réussite, dans lequel Arthurs (trompette), Hutchings (saxophone ténor et clarinette), Ward (à la guitare cette fois) et la même paire Edwards / Watts, révéleront leur goût commun pour les effets qu'a sur leur art un bruitisme déviant.
Comme l’esprit des musiciens qu’il implique, Just Not Cricket! ne s’interdit rien, même pas les grandes fatigues. Ainsi tournent deux fois en rond le piano de Beresford et la voix de Minton emmêlées, habitude du bavardage contre laquelle ni les cordes de Davies et Edwards, pourtant alertes, ni l’élégance de Prévost combinée à la fougue d’Arthurs ne pourront rien. Brand – superbe sur le bel archet de Lash dans un quartette composé aussi d’Arthurs et Ward – associée à Edwards se montrera aussi peu capable de relativiser les bizarres lourderies du pianiste. En trio avec Arthurs et Bourne, Beresford saura pourtant se faire moins encombrant, au creux de quelques minutes d’une musique de soupçons.
Après quoi la récréation d’un jazz qui garde encore en mémoire quelque accent d’ancienne liberté s’imposera dans les conversations : au son de l’association Bevan / Edwards / Hutchings / Sanders et sur l’air du trio Bourne / Watts / Sanders. De quoi clore avec force et humeur la grandiose rétrospective.
Collectif : Just Not Cricket! (Ni Vu Ni Connu)
4 LP : A1/ Duo Ward, Coxhill A2/ Duo Prévost, Coxhill B/ Quartet Sanders, Davies, Watts, Robinson C/Quintet Edwards, Prévost, Coxhill, Watts, Minton D/ Quintet Edwards, sanders, Ward, Hutchings, Arthurs E1/ Trio Hutchings, Lash, Davies E2/ Quartet Edwards, Davies, Beresford, Minton E3/ Quartet Prévost, Beresford, Arthurs, Minton F1/ Quartet Ward, Lash, Brand, Arthurs F2/ Quartet/ Trio Edwards, Beresford, Brand G1/ Quartet Edwards, Sanders, Bevan, Hutchings G2/ Trio Bevan, Lash, Edwards H1/ Trio Beresford, Bourne, Arthurs H2/ Trio Watts, Sanders, Bourne H3/ Duo Sanders, Brand
Enregistrement : 6-8 octobre 2011. Edition : 2013.
Guillaume Belhomme © le son du grisli
Madame Luckerniddle (Vandoeuvre, 2012)
De ce concert-labyrinthe, il faut connaître la genèse : Sainte Jeanne des Abattoirs est créé en 1929 par le jeune Bertolt Brecht. En 1998, Marie-Noël Rio avec l’aide de seize acteurs-musiciens met en scène la pièce de Brecht. Tom Cora en compose la musique. Parallèlement, Tom Cora, Zeena Parkins, Luc Ex et Michael Vatcher créent Madame Luckerniddle du nom d’un des personnages de la pièce. Quelques semaines avant le concert du quartet au Musique Action de Vandoeuvre, Tom Cora disparait. Ses amis (Catherine Jauniaux, Phil Minton, Zeena Parkins, Christian Marclay, Otomo Yoshihide, Luc Ex, Michael Vatcher, Veryan Weston) décident alors de lui rendre hommage.
De ce concert-labyrinthe, il faut reconnaître l’éclat, l’intensité. La révolte brechtienne est là qui trouve son écho dans les compositions du violoncelliste : harmonie minimale interrompue par des improvisations vocales emportées, modulations ouvrant la porte à toutes les euphories-utopies. Le chant se porte haut et fort : césures perçantes, rigoureuses et bouleversantes de Catherine Jauniaux (Chut) ; sensibilité du couple Weston-Minton (Helliphant). Le concert s’achève avec The Anarchist’s Anthem : n’en doutons point, les quatre murs sont déjà là.
Madame Luckerniddle : Madame Luckerniddle (Vandoeuvre / Allumés du jazz)
Enregistrement : 1998. Edition : 2012.
CD : 01/ Madame Luckerniddle, Part 1 02/ Madame Luckerniddle, Part 2 03/ Madame Luckerniddle, Part 3 04/ Helliphant 05/ Indicible 06/ A nous ! 07/ Madame Luckerniddle, Part 4 08/ Madame Luckerniddle, Part 5 09/ On the Other Side 10/ Him 11/ Chut 12/ The Anarchist’s Anthem
Luc Bouquet © Le son du grisli
Christian Marclay (Centre Pompidou, 2022)
Certes, le son du grisli n'est plus, mais quoi ? De temps à autre, le son du zombie vous rappellera à son bon souvenir.
L’épatante exposition Christian Marclay – à voir au Centre Pompidou jusqu’à la fin du mois de février – méritait bien son catalogue. Celui-ci, reproduisant les 200 œuvres assemblées, prendra ensuite des airs de belle exposition lascivement couchée sur papier.
Faut-il présenter encore Marclay, Suisse né en Californie qui hésita entre longtemps entre sculpture et musique pour, à la fin des années 1970 à New York, commencer à se faire entendre auprès de John Zorn et Elliott Sharp ? Faut-il rouvrir Beauty Lies in the Eye de Catherine Ceresole, qui le figea au côté notamment de Butch Morris ? Faut-il évoquer aussi un lot de révélations : Euréka de Jean Tinguely, Revolution 9 des Beatles, les concepts de John Cage ou les performances de DNA, Mars, Joseph Beuys...
Dans les années 1980, platine en bandoulière – pour expliquer rapidement de quoi retourne sa phono-guitare –, Marclay monte sur scène avant ou après Sonic Youth, Swans, Beastie Boys… Quelques années plus tard, il travaille son idée de l’appropriation et fait paraître More Encores : Louis Armstrong, Jimi Hendrix ou la Callas détournés ; et puis, dans les pas de Moholy-Nagy, il conçoit une création phonographique partie d’une pensée plastique.
Des bandes de cassettes sur lesquelles il a enregistré les disques des Beatles, Marclay fait alors (avec l’aide d’une amie au tricotage) un oreiller ; au son d’une Fender qui râle pour être traînée par un pick-up (Guitar Drag), il rend un vibrant hommage à James Byrd, victime d’un racisme ordinaire ; derrière les vinyles cassés et la Broken Music de Milan Knizak, il abîme des disques dont on cherchera désormais à connaître les nouvelles sonorités qu’ils renferment, conçoit des pochettes de disques qui n’existent pas ou assemble des pochettes de disques qui existent avec irrévérence et humour ; ailleurs, il déformera quelques instruments ou enduira coloriera en bleu d’autres bandes sur Cyanotypes.
L’œuvre plastique, écrivait Clément Chéroux dans Snap!, qu’élabore patiemment Christian Marclay depuis une trentaine d’années procède de cette riche histoire des relations entre l’image et le son ; elle en marque, en même temps, une nouvelle étape. Par ses performances, ses installations, ses vidéos, ses collages, ses objets appropriés ou transformés, cet artiste américano-suisse, vivant et travaillant à New York, poursuit en effet, depuis la toute fin des années 1970, un travail sur la visibilité du son.
« On peut voir regarder, peut-on entendre écouter ? », interrogeait Duchamp. Le visiteur retrouve quelques morceaux de cette Griffiti Composition qu’ont interprétée Elliott Sharp ou Lee Ranaldo, marche le long de Manga Scroll et cherche à se souvenir de la musique qu’en ont tiré Joan La Barbara ou Phil Minton… Curieux, il se demandera de quelle manière Jacques Demierre interprétera Ephemera ou ce quelle suite donneront ce soir à To Be Continued Noël Akchoté, Julien Eil, John Butcher, Luc Müller et l’ensemBle baBel (ce qui sera l’occasion de réécouter Screen Play).
Faite dans un silence assourdissant, la lecture de ce beau catalogue – recouverte d’une jaquette perforée, l’édition anglaise l’est davantage encore que la française – promet des heures d’un toujours surprenant jeu de réappropriation et d’invention.
Christian Marclay
16 novembre 2022 – 27 février 2023
Catalogue d’exposition sous la direction de Jean-Pierre Criqui
Editions Centre Pompidou
Guillaume Belhomme [texte & photos] © Le son du grisli
Phil Minton, dieb13 : Im Pavillon (PanRec, 2013)
La rencontre est courte – qui tient sur un mini-DVD – mais intense : concert de Phil Minton* et de dieb13, filmé le 7 novembre 2009 à l’Unlimited Festival de Wels par Pavel Borodin.
La caméra est mouvante et s’intéresse de près à ce que, dans les derniers rangs, on aura, à l’œil, eu du mal à saisir : rassemblement des forces et des pouvoirs du vocaliste, artifices et réflexes multiples du platiniste. Dans une respiration, puis un souffle, le duo trouve l’inspiration : de cris rentrés en irritations de sillon, d’interjections insensées en tremblements mécaniques, une première pièce va, une vingtaine de minutes durant, avec patience et intuition. Une seconde, nettement plus courte, donnera dans une exaltation autrement démonstrative.
En supplément, Borodin donne à voir quelques instants de balance et recueille des musiciens un paquet de phrases qu’humour et flegme se disputent. Autrement démonstratif, aussi, de l’intérêt à apporter à Im Pavillon.
Phil Minton, Dieb13 : Im Pavillon (PanRec)
Enregistrement : 7 novembre 2009. Edition : 2013.
DVD : Im Pavillon
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
* Dans le cadre du festival Sonic Protest, Phil Minton donnera ce mercredi 9 avril à Paris, Cirque électrique, un solo entre L'oeillère et Albert Marcoeur & le Quatuor Béla.
Okkyung Lee, Phil Minton : Anicca (Dancing Wayang, 2011)
Sous une pochette soignée dont le label Dancing Wayang s’est fait une spécialité, un 33 tours consigne la rencontre d’Okkyung Lee et Phil Minton.
On sait la violoncelliste et le vocaliste aussi fantasques qu’ingénieux voire inspirés. En conséquence, les pièces expressionnistes sur lesquelles ils s’accordent ici profitent de trouvailles partagées : archet à la frénésie propice aux dérapages contre phonation en proie à des excès d’aigus, vocalisation du violoncelle contre exercices appropriés d’orthodontie parallèle, banderilles enfoncées jusqu’en tyroïde mintonienne et muqueuses chatouillées seulement mais conseillant à leur propriétaire de brailler à la cantonade. Simplement pour le spectacle, qui est à conseiller.
Okkyung Lee, Phil Minton : Anicca (Dancing Wayang)
Edition : 2011.
LP : A/ MUAH B/ MU BYUN
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Michel Doneda Expéditives : Kirme, The Cigar That Talks, Fragment of the Cadastre, Miettes
Michel Doneda, Taavi Kerikmäe : Kirme (Improtest, 2010)
La première moitié de ce disque offre trois pièces gravées en studio (2008) par le sopraniste en compagnie du pianiste estonien Kerikmäe : une belle tension s’y accumule, riche d’insectes, avant de trouver à s’épancher en concert (2009), dans la seconde partie. Les deux hommes, les mains dans le son, auscultant les viscères d’un piano de précision, interrogeant le creux actif du saxophone, se meuvent sans obstruction, le long de filons d’énergie. Une aventureuse tannerie de sonorités.
Michel Doneda, John Russell, Roger Turner : The Cigar That Talks (Collection PiedNu, 2010)
Fort bien enregistré, ce trio intriqué commence par fureter assez longuement dans les échardes anglaises et récolte de douces éraflures ; les escarbilles montent ensuite et c’est aiguillonné par leurs bouffées qu’on traverse de splendides buissons électrisés, ardents, et de fins rideaux d’herbes bruissantes. Un groupe extrêmement vivant, détenteur d’un « élémentaire sonore » qu’on aimerait aussi écouter en plein air ! Quant au cigare qui parle… Smoke it !
Michel Doneda, Rhodri Davies, Louisa Martin, Phil Minton, Lee Patterson : Fragment of the Cadastre (Another Timbre, 2010)
Capté à Leeds la veille de l’enregistrement de Midhopestones (par les mêmes musiciens et pour le même label), ce précieux live – tiré à 150 exemplaires – rend compte de la première réunion d’un quintet fascinant. Dès les premiers instants se déploie, tissée et vibrante, une longue poésie nocturne… Somptueuse musique onirique, contrôlée et respirable, habitée !
Michel Doneda : Miettes (Mômeludies, 2010)
Recueillies durant plusieurs années par le travailleur du son (« égratignure faite dans l’air ») qu’est Doneda, ces miettes ne constituent pas un pain : réflexions articulées ou bribes aphoristiques, elles témoignent d’une pensée et d’une pratique vives. Eclairantes, troublantes, elles résonnent, s’oublient puis reviennent, accompagnant le lecteur, l’auditeur, le musicien. « Les sons que nous improvisons sont des totems de paille, de brindilles ramassées ici et très loin. »
Hannes Loeschel : Songs of Innocence (Col Legno, 2010)
Sur des poèmes de William Blake, le pianiste Hannes Loeschel a composé Songs of Innocence, recueil de chansons qui renouvellent le genre pour être servies par des musiciens avertis d’autres musiques dont sont par exemple Phil Minton (voix), Clayton Thomas (contrebasse), Burkhard Stangl (guitare, Fender Rhodes) ou Mathias Koch (batterie) – ces trois derniers formant avec Loeschel le projet Exit Eden.
Malgré l’acuité avec laquelle les huit musiciens convoqués s’attèlent à ces poèmes mis en musiques, certains titres s’avèrent anecdotiques seulement – brouillons évoquant grossièrement Divine Comedy (Night) ou Nick Cave (The Echoing Green). Heureusement, pour équilibrer les penchants rock-cabaret de Lauschel, compter sur l’expérience de Theresa Eipeldauer et Phil Minton (sur Introduction, l’entendre défendre en chanteur sage les charmes d’un hymne crépusculaire) ; et puis, pour changer l’accompagnement de rigueur en moments instrumentaux vertigineux, Stangl semble aussi diriger le groupe : Spring et The Chapel of Gold brillant en conséquence en pièces majestueuses dont le dérangement bruitiste aurait pu profiter aux dix-huit pièces de Songs of Innocence et lui permettre ainsi de faire encore mieux.
Hannes Loeschel, Introduction. Courtesy of Col Legno
Hannes Loeschel : Songs of Innocence (Col Legno / Amazon)
Enregistrement : 2009. Edition : 2010.
CD : 01/ Introduction 02/ Night 03/ Spring 04/ On Another Sorrow 05/ Laughing Song 06/ A Dream 07/ The Lamb 08/ The Shepherd 09/ The Echoing Green 10/ The Chimney Sweeper 11/ Infant Joy 12/ The Divine Image 13/ Holy Thursday 14/ The Little Boy Lost / The Little Boy Found 15/ A Cradle Song 16/ Nurse’s Song 17/ The Blossom 18/ Chapel of Gold
Guillaume Belhomme © Le son du grisli