Aki Onda : Paris, Centre Pompidou, 13 décembre 2013
Comme Chris Marker, l'arpenteur de cicatrices temporelles auquel il était invité à rendre hommage, Aki Onda est un magicien. Ou un médecin : un homme dont le savoir est une chose, les pouvoirs qu'on lui prête une autre. Troubadour-chamane, Aki Onda pose et déballe sa trousse pleine de transistors, vieux walkmans, mixettes et pédales d'effets dans des lieux généralement très ouverts et passants. Là, s'accomplit un rituel immuable ; la magie – la « machination » – opère. L'homme déambule, son petit ampli à la main, crachant l'instant radio. « Tout juste un peu de bruit ... rien que de la musique ... rien que des mots, des mots », comme dit la chanson.
Mais il fait froid dans le monde, et de l'autre côté, sur la table d'opérations, des cassettes tournent. Elles racontent calmement la stupeur héritée de séismes en tous genres. Le son circule, en sa condition déchirée ; ou bien s'éteint. On est au niveau -1 du Centre-Pompidou, dans une espèce de fosse qui prend des allures de crypte lorsque, derrière la silhouette nonchalante d'Onda, apparaissent soudain, comme des gigognes, les visages projetés de Catherine Belkhoja (dans L'Héritage de la Chouette) et celui, hiératique et marqué, de Xenakis. L'oubli que cache un tel instant, saturé de mémoires, nous est alors aussi perceptible que nous savons son contenu inaccessible.
Aki Onda : Travel Notes for C.M., Paris, Centre Pompidou, 13 décembre 2013.
Claude-Marin Herbert © Le son du grisli