Interview du Bill Orcutt Guitar Trio
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Cet entretien a été réalisé le 30 mars 2025 au Pannonica à Nantes. Il a été publié dans Pannonica Series #1 aux éditions Lenka lente.
Notre association remonte à 2022, explique Bill Orcutt en jetant un regard qui semble demander confirmation à ses comparses Ava Mendoza et Shane Parish. Mais, en en réalité, ça a commencé à peu près sept ans avant ça… Un de mes amis, qui avait un quartet de guitares, m’a demandé de lui écrire un peu de musique… Je lui ai dit « OK, bien sûr, mais tu ne vois pas d’inconvénient à l’idée de jouer sur des guitares à quatre cordes seulement ? » Et il m’a répondu « non » [rires]. Je ne savais pas vraiment comment on écrivait pour quatre musiciens, ça m’a bien pris sept années pour me rendre compte de ce que ça signifiait d’écrire pour un quartet de guitares…
C’est que Bill Orcutt avait jusque-là fait de la musique en petit comité : éclatant rock bruitiste made in Miami avec Harry Pussy (duo qu’il formait avec sa compagne Adris Hoyos et que viendront, l’un après l’autre, rejoindre les guitaristes Mark Feehan et Dan Hosker) suivi, après un silence long de quelques années, de brillantes épreuves instrumentales enregistrées seul ou à deux avec d’autres iconoclastes que lui (Chris Corsano, Michael Morley, Okkyung Lee, Rick Bishop de Sun City Girls…). Depuis la sortie d’A New Way To Pay Old Debts sur son propre label, Palilalia, en 2009, Orcutt travaille sur sa guitare à quatre cordes un blues bien personnel, nerveux et répétitif, qui évoque tour à tour quand ce n’est pas simultanément Lightnin' Hopkins, Captain Beefheart, Cecil Taylor ou Loren Connors… Pour ne rien dire de Gertude Stein.
Orcutt is Orcutt is Orcutt is Orcutt
Bien après, il y a eu l’album Music For Four Guitars, poursuit-il… J’avais dans l’idée que ce serait le seul disque sur lequel je travaillais qui ne serait pas improvisé. En 2021, j’ai donc enregistré ce truc que j’ai envoyé à Shane que je connaissais grâce à Internet – je savais qu’il avait l’habitude de faire des transcriptions alors je lui ai envoyé des choses en lui demandant s’il se sentait de les transcrire. Mon idée était de faire parler de cet album, de faire savoir que j’avais enregistré un disque dont on pouvait télécharger la partition… Je ne pensais pas du tout qu’on pourrait le jouer live un jour. Voilà comment tout a commencé.
Quand les albums précédents attestaient un blues arrangé, Music For Four Guitars va plutôt voir du côté d’un minimalisme no wave – celui de Glenn Branca ou de Rhys Chatham. La façon dont Shane Parish a pu prendre en considération accrocs et parasites tient du mystère mais la partition est bel et bien là : Une fois qu’elle a été disponible on s’est dit qu’on pourrait peut-être la jouer en concert, se souvient Bill Orcutt avant qu’Ava Mendoza ajoute : Quand le disque est sorti, je n’ai pas arrêté d’écouter ses premiers titres avant d’écrire à Bill : « Si tu es assez fou pour jouer ça en concert, je veux évidemment faire partie de l’aventure. » Je pensais qu’il n’avait jamais imaginé une chose pareille et puis Shane, que je connaissais aussi puisque nous sommes tous les deux de New York, m’a écrit à son tour : « Ta proposition, c’était sérieux ? » J’avais juste à confirmer !
Bill Orcutt, Shane Parish, Ava Mendoza… Il ne manquait plus que le quatrième Orcutt : Au tout début ça a été nous trois et puis Wendy Eisenberg, qui avait joué avec Shane en duo, a rejoint l’association… Le Bill Orcutt Guitar Quartet monté, restait à évoquer avec les trois partenaires du leader le lourd sujet de l’ablation des deux cordes : Bill n’est pas du genre à se donner de grands airs de bandleader mais il y a une chose à laquelle on ne peut pas couper, c’est de retirer ces deux cordes, explique Ava. De toute façon, on n’a pas le choix [rires]. C’est un peu comme jouer d’un autre instrument, du banjo ou je ne sais quoi… Ça rend juste le truc un peu plus bizarre, explique Bill avant que Shane avoue : Ava a raison, c’est comme jouer d’un autre instrument. Alors pendant cette tournée j’essaye de m’entraîner un peu sur une guitare à six cordes…
Orcutt is Orcutt is Orcutt
On peut aujourd’hui entendre le Bill Orcutt Guitar Quartet sur un disque (Four Guitars Live) et une cassette (HausLive 4) – c’est que ces deux concerts ont été bons, non ? C’est surtout qu’ils ont le mérite d’avoir été enregistrés, s’amuse Orcutt. Quant à la tournée dont parle Shane Parish, elle était celle d’un quartet changé, en l’absence de Wendy Eisenberg, en Bill Orcutt Guitar Trio : cinq dates en France, la dernière à Nantes, dans le cadre du festival Variations, sur la scène du Pannonica. C’était chouette, confesse Bill Orcutt : douze cordes pour trois guitares, d’accord, mais combien de lignes mélodiques, de digressions folles, d’interférences régénératrices… Le Bill Orcutt Trio conclut en beauté sa virée française : le concert a-t-il été enregistré ?
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