Le son du grisli

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Archives des interviews du son du grisli

Phill Niblock : Touch Five (Touch, 2013)

phill niblock touch 5

Dans la lumière d’une lampe d'architecte, on imagine Phill Niblock penché sur ses travaux sonores. Là par exemple il retouche un enregistrement d’Arne Deforce (violoncelle) ou de Rhodri Davies (harpe). Un peu plus tard, il réécoute les interprétations d’une de ses pièces, Two Lips, par trois groupes différents de quatre guitaristes. Si j’ai pris ces exemples, c’est que je n'ai même pas eu à les inventer, et qu'ils se succèdent sur les deux CD de Touch Five.

Sur le premier, en multipliant les pistes et en altérant le timbre des instruments, Niblock transforme le violoncelle puis la harpe pour qu’ils tissent des drones de toutes sortes qui interfèrent tout en conservant une impression d’unité. Or, en se rapprochant du monochrome, on aperçoit les pixels et, une fois plongés dedans, on ne peut qu’applaudir l’envergure de ces nouvelles compositions.

Sur l'autre CD, le minimalisme de Two Lips est passé trois fois à la moulinette à dix-huit cordes. Par deux fois le résultat est anxiogène, ce qui n’empêche les groupes Zwer (Kobe Van Cauwenberghe, Matthias Koole, Toon Callier & Guy de Bièvre) et Dither (Taylor Levine, David Linaburg, Joshua Lopes & James Moore) de nous faire grand plaisir. Mais le meilleur est pour la fin : Coh Da (David First, Seth Josel, Robert Poss & Susan Stenger), moins radical, remue des couches branlantes à vous en faire perdre l’équilibre. Les cordes de guitares frétillent et derrière, y’a comme un truc qui remue : c’est la surprise qui vous attend !

Phill Niblock : Touch 5 (Touch / Metamkine)
Edition : 2013.
CD1 : 01/ Feadcorn Ear 02/ A Cage of Stars – CD2 : 01/ Two Lips 02/ Two Lips 03/ Two Lips
Pierre Cécile © Le son du grisli



Phill Niblock : Touch Strings (Touch, 2009)

phillnisli

Après les instruments à vent (sur le monumental Touch Three, Touch Music, 2006), Phill Niblock investit les cordes afin de bâtir trois nouvelles cathédrales sonores, au matériau de base et au procédé de composition différents. Stosspeng est élaboré à partir de l’accumulation d’échantillons de pulsations des guitare et guitare basse de Susan Stenger et Robert Poss. Poure résulte de l’assemblage de plusieurs couches de violoncelle joué par Arne Deforce et One Large Rose du mixage de quatre pistes correspondant à autant d’enregistrements du Nelly Boyd Ensemble de Hambourg.

Comme d’habitude, les monolithes sonores construits par Niblock ne révèlent toutes leurs subtilités qu’à un très fort volume. C’est ainsi que cette musique communiquant un sens de l’espace sans nul autre pareil exerce le mieux sa force de fascination. Les strates, aux progressions graduelles, enveloppent peu à peu l’auditeur, confronté à un monde de textures aux richesses quasi infinies. La durée des pièces (une heure pour Stosspeng) est essentielle pour imposer à l’auditeur la concentration nécessaire lui permettant de s’immerger dans un univers dont le seul principe serait le son, éternel et absolu.

Phill Niblock : Touch Strings (Touch Music / Metamkine)
Enregistrement : 2006-2007 (Stosspeng), 2008 (Poure, One Large Rose). Edition : 2009.
CD1 : 01-06/ Stosspeng (Susan Stenger et Robert Poss) - CD2 : 01/ Poure (Arne Deforce) 02-06/ One Large Rose (The Nelly Boyd Ensemble, Hambourg)
Jean Dezert © Le son du grisli


Susan Stenger : Soundtrack for an Exhibition (Forma Arts and Media, 2009)

soundtrackforagrisliLivre-disque et souvenir d’une exposition organisée au Musée d'Art Contemporain de Lyon en 2006, Soundtrack for an Exhibition s’attache à recréer un projet qui alliait peinture, cinéma et musique, en assemblant photographies de toiles (John Armleder, Steven Parrino), extraits des rushs du film The King is Alive (Kristian Levring), et pièce sonore (revue pour tenir ici sur l’espace d’un DVD mais courant à l’origine le long de 96 jours, durée de l’exposition) écrite par Susan Stenger (Band of Susans, Brood).

S’il ne donne qu’un aperçu de l’univers musical déployé pour l’occasion, le disque donne à entendre une longue progression découpée dans l’optique de rendre hommage à des styles musicaux différents, et qui fait, sur son ensemble, référence aux travaux de drones de Phill Niblock. En guise d'intervenants : Kim Gordon, Alan Vega, Ulrich Krieger, Bruce Gilbert, Jim White, Mika Vainio, FM Enheit ou Spider Stacy, finissent de diversifier le propos, qui va de ritournelles répétitives en mélodies de pop précieuse, de nappes monochromes en constructions rythmiques lasses. Partout, le transport est lent, engage l’auditeur sur terrains différents – certains accueillants, d’autres moins.

Pas toujours heureux, donc, le voyage touche pourtant à sa fin en donnant l’impression d’avoir traversé une œuvre conceptuelle d’un minimalisme magistral et souvent obnubilant. Pour revenir aux origines du projet, se plonger enfin dans l’entretien de Mathieu Copeland avec Susan Stenger et Tony Conrad, le second ne cachant pas ses inquiétudes face à l’ampleur d’un exercice encore en projet. Désormais évanoui mais consigné en objet rare.

Susan Stenger, Mathieu Copeland (édition) : Soundtrack for an Exhibition (Forma Arts and Media / Les presses du réel)
Exposition : 2006. Edition : 2009.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



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