Anthony Barnett : Unnatural Music: John Lennon & Yoko Ono in Cambridge 1969 (ABP, 2016)
L’histoire pourrait être anecdotique si elle n’était – notamment depuis la parution du livre Rencontres avec John & Yoko de Jonathan Cott – l’objet de (différents) fantasmes : elle est celle du concert donné par John Lennon et Yoko Ono à Cambridge le 2 mars 1969, que raconte aujourd’hui (ici, les premières pages) son organisateur, Anthony Barnett – percussionniste aussi, qui se fera par exemple entendre dans le Cadentia Nova Danica de John Tchicai. Pour revenir sur la première apparition « sur scène » d’un Lennon post-Beatles, Barnett s’appuie sur ses souvenirs, qu’il augmente d’extraits d’interviews données par le couple, de comptes-rendus du concert en question et, pour ce qui est des images, de photos et de documents concrets (lettres, affiche et ticket de concert…).
En 1968, Yoko Ono donnait de la voix auprès d’Ornette Coleman au Royal Albert Hall : pour la connaître un peu, Barnett lui propose de se joindre l’année suivante aux musiciens de (free) jazz qu’il projette de faire jouer à Cambridge. Elle accepte et, le jour dit, arrive sur place en compagnie de John Lennon. « Natural Music », dit l’affiche, pour une rencontre qui le sera moins : celle du couple et de John Tchicai & John Stevens – les « two Johns » cités au dos de la pochette d’Unfinished Music No. 2: Life With the Lions –, mais aussi Willem Breuker, Johnny Dyani, Chris McGregor, Maggie Nicols, Barre Phillips, Dudu Pukwana, Trevor Watts…
De cet étonnant aéropage Derek Bailey et John McLaughlin auraient dû être aussi. Leur présence aurait-elle empêché les micros du naissant label Zapple de recueillir presque exclusivement les notes à sortir de la guitare de Lennon, accroupi dos au public, convaincu de participer à une expérimentation dont sa seule présence assurait la qualité – Garnett raconte ainsi que l'endormi du Dakota Building (attention, il ne s’agit pas là de prendre parti) considéra ses partenaires d’un jour comme des poseurs d’une nouvelle espèce et son public comme une association d’intellos. Suivront d’autres bassesses et d’autres mégotages, qu’Anthony Barnett raconte avec autant d’humour que de précision : merci alors, pour la belle histoire.
Anthony Barnett : Unnatural Music: John Lennon & Yoko Ono in Cambridge 1969
Allardyce Barnett Publishers
Edition : 2016.
Livre : 64 pages.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Chris McGregor's Brotherhood of Breath : Procession (Ogun, 2013)
Plus besoin de télécharger sous MP3 pourri – qui plus est avec moult craquements – le Procession du Brotherhood of Breath sur quelque blog douteux (ne faites pas les innocents, vous téléchargez autant que moi !) : Ogun vient de rééditer la galette sur CD (on y trouve quelques inédits-bonus mais l’intégralité du concert reste à venir).
Cela se passait à la Halle aux grains de Toulouse le 10 mai 1977 et les riffs de la confrérie des vents étaient aussi hauts que le Makheka et le Kinder Scout réunis. Il y avait Evan « Trane » Parker, l’insolent Mike Osborne, le conteur céleste Dudu Pukwana, l’oublié Bruce Grant surfant avec sa flute sur le très grand mascaret du BoB, les inflammables Harry Beckett et Mark Charig, le pyromane Radu Malfatti (c’était avant son extinction de souffle), les stellaires Johnny Dyani et Harry Miller, le maestro des rythmes Louis Moholo-Moholo sans oublier évidemment la légèreté de l’ange Chris McGregor. Alors à quoi bon commenter la joie ressentie pour tous ici ? La joie ne se consigne pas : elle se partage et se clame haut et fort. Faut-il encore insister ?
Brotherhood of Breath : Procession – Live in Toulouse (Ogun / Orkhêstra International)
Enregistrement : 10 mai 1977. Réédition : 2013.
CD : 01/ You Ain’t Gonna Know Me ‘Cos You Think You Know Me 02/ Sunrise on the Sun 03/ Sonia 04/ Kwhalo 05/ TBS 06/ Andromeda
Luc Bouquet © Le son du grisli
Interview de Radu Malfatti (1/2)
Quand il aura pu s’échapper d’orchestres imposants (Brotherhood of Breath, ICP Tentett, MLA Blek, London Jazz Composers Orchestra, GrubenKlangOrchester, King Übü Orchestru…), Radu Malfatti n’aura cessé de réévaluer son « dire musical » à la lumière d’interrogations très personnelles. A chaque fois ou presque, sa musique s’en est trouvée redéfinie. Après avoir servi jazz et improvisation en explorateur instruit, il revendique aujourd’hui – de concert avec le collectif Wandelweiser – le recours à une tempérance saisissante, voire le droit de ne pas intervenir du tout sous prétexte d’expression. Première partie d’une interview qui en comptera deux…
… Selon Alfredo Tomatis (1920-2001), mon premier souvenir de musique remonterait à l’été et à l’automne 1943, époque à laquelle j’étais bien en sécurité dans les entrailles de ma mère, l’écoutant chanter et siffler… En fait, j’espère que ce n’est pas le cas… Elle était bien mauvaise chanteuse et chantait même toujours complètement faux. Remarque, ceci pourrait expliquer cela… En fait, le premier souvenir véritable d’écoute ou de faire de la musique a sans doute à voir avec ces moments où mon père jouait ces vieux vinyles du Golden Gate Quartet et ces étranges chansons du folklore russe : dense, et profondément mélancolique. Il y eut notamment celle – je ne sais laquelle de toutes – dans laquelle il y avait un refrain au son duquel mon père a jeté une lance dans la porte en bois, au moment exact où se faisait entendre le dernier accent de la mélodie. C’était sans doute une façon pour lui de se débarrasser de toutes ses frustrations, de la colère et de la haine qu’il engrangea pendant les deux guerres mondiales. Mais c’était fort ! J’ai eu peur et j'ai été fasciné dans le même temps. J’ai adoré ça et détesté ça tout à la fois. Serait-ce là une des explications de mon amour pour la musique expérimentale ? – là je plaisante… et suis sérieux.
Quand avez-vous commencé la musique et quel a été votre premier instrument ? Je ne sais pas vraiment quand j’ai commencé à apprendre la musique, je ne me souviens même pas quand j’ai commencé à apprendre une langue pour parler. Par contre, mon premier instrument a été l’accordéon, ensuite je suis passé à la guitare et enfin au trombone. Il y a eu aussi un peu de piano, du saxophone, entre les deux de la contrebasse, mais rien de très concluant. A l’accordéon, j’ai commencé par jouer des chansons de Bill Haley, du genre Rock Around the Clock, des chansons idiotes des années 1950 et sans doute de la musique folklorique tyrolienne (tout aussi idiote). Après être passé à la guitare, j’ai rapidement commencé à envisager mes propres mélodies – que je n’ose appeler compositions –, j’en ai transcrites quelques-unes sur le papier et sinon je m’en souvenais assez bien pour les chanter à mes amis – à l’époque, j’en avais deux.
Comment avez-vous découvert l’improvisation et êtes venu aux représentants européens du genre ? Je suis venu à eux ou ils sont venus à moi. Pour être honnête, ma première rencontre avec le free jazz s’est faite à travers les disques et ensuite par le biais d’Eje Thelin, un grand musicien, vraiment, qui a été mon professeur adoré à Graz où j’apprenais la musique. Ensuite, j’ai été invité à Hambourg pour participer à une rencontre de jazz : là, j’ai fais connaissance avec John Surman, Alan Skidmore et Tony Oxley. En 1969, je me suis rendu à Londres où Surman m’a hébergé : j’ai donné quelques concerts avec lui et d’autres, j’ai aussi rencontré Chris McGregor et ses amis sud-africains. Et aussi Evan Parker et Derek Bailey. Ce n’était que le début de mon parcours, et vois où ça m’a mené !
Quels musiciens de jazz écoutiez-vous à l’époque ? Je dirais un peu de Coltrane, Monk, Miles (l’ancien, c'est-à-dire celui d’avant la catastrophe Bitches Brew) et bien sûr Ornette, Don Cherry et beaucoup d’autres… Albert Ayler, Charlie Haden… Les mêmes que beaucoup d’autres, je pense.
Rencontrer Evan Parker ou Derek Bailey a sans doute fait évoluer votre façon d’envisager la musique… Oui, bien sûr. Je me souviens que la toute première fois que j’ai entendu Derek, je n’étais pas sûr du tout de ce qu’il faisait mais j’ai tout de suite été fasciné. Pour ce qui est d’Evan, je le connaissais d’avant et j’étais un grand amateur de son jeu. Lorsque je suis arrivé à Londres, j’ai été heureux de pouvoir les rejoindre et de travailler avec eux. Ensuite, j’ai rencontré d’autres musiciens encore, comme Paul Lytton ou Phil Wachsmann : petit à petit, tous m’ont aidé à transformer mon jeu et ma façon de penser. Je crois que ça a été vrai pour toutes les périodes de ma vie, j’ai toujours eu assez de chance pour rencontrer la bonne personne au bon moment : chacune de mes collaborations a été une histoire d’influence partagée, que pouvait parfois renforcer nos conversations à propos de choses et d’autres – je rappelle qu’à l’époque on ne parlait pas beaucoup musique, c’était comme « interdit » aux improvisateurs : « vas-y, fais ton truc, mec ! »… Aujourd’hui, c’est différent. Les personnes que je rencontre aujourd’hui et celles avec qui je travaille adorent parler musique, discuter de tas de choses, te piquer tes idées, et sont ravis lorsque tu fais de même avec les leurs. On ne dit pas « piquer » d’ailleurs, ce serait plus « être influencé par quelqu’un »…. Une fois j’ai eu une longue discussion avec Antoine Beuger à ce sujet et nous sommes finalement tombés d’accord sur le fait que si quelque te permet de lui « piquer » ses idées, alors c’est un signe de grande amitié. Parce qu’à la fin, chacun fait de toute façon son propre truc, même si telle ou telle influence y joue un rôle non négligeable.
Avec Joe McPhee par exemple, aviez-vous l’impression de jouer une autre musique que celle que vous improvisiez en Angleterre ? Je ne pense vraiment pas que je jouais différemment avec Joe. Bien sûr, la musique qu’il apportait était souvent différente, mais je faisais de toute façon comme j’en avais l’habitude à cette époque. Peut-être est-ce la raison pour laquelle il m’a demandé de rejoindre son groupe ? Je ne sais pas, il faudrait lui demander…
Pensiez-vous l’improvisation européenne comme une sorte de genre ou de « concept » ? Pas comme un concept, non, je ne pense pas. Bien sûr j’étais au courant que nous faisions quelque chose de différent du reste. Mais l’ « improvisation européenne » n’était pas aussi connotée. Les Hollandais étaient différents des Anglais, qui l’étaient eux-mêmes des Français, Allemands, Italiens, Scandinaves, etc. – à l’époque, l’Autriche avait disparu de la carte. Je sais que tout le monde jouait à peu près avec tout le monde, mais il existait encore beaucoup de différences entre les réalités géographiques de chacun, dans la façon de blaguer ou de nous moquer les uns des autres par exemple. Donc je n’appelerais pas ça un « concept ». A Amsterdam, j’ai passé de merveilleux moments, mais c’est en Angleterre que je me suis réellement senti chez moi, et à plus d'un titre. Tout le reste a suivi…
Reprenons la chronologie… Une autre étape d’importance dans votre parcours a été ces allers et retours entre Zürich et Florence dans les années 1970. Quels souvenirs en gardez-vous ? En fait, je ne suis pas si sûr que ça ait été une étape d’une telle importance, étant donné que je faisais plus ou moins les mêmes choses qu’auparavant – en tout cas, je crois. Mes souvenirs tournent néanmoins autour du travail que j’ai réalisé avec Stephan Wittwer, ça a été de grands moments. Musicalement, je n’ai pas beaucoup évolué à cette époque. J’ai essayé quelques trucs stupides, du genre introduire l’ « humour » et l’ « action » dans ma musique, ce qui fut une erreur quand j’y pense aujourd’hui. Le vrai changement est intervenu au début des années 1980, quand j’ai commencé à réintroduire des parties écrites dans mes travaux – je ne tiens pas encore à parler de « composition », ça ce sera pour après… J’ai commencé à m’intéresser à de plus en plus de choses qui me changeaient de l’habitude que j’avais prise de me répéter encore et toujours. J’ai commencé à ressentir un certain dogmatisme dans la façon de jouer et de penser. Ca a été un tournant important et à partir de là j’ai cherché à faire des choses neuves, et parfois même inconfortables pour moi, ce qui était nécessaire à la poursuite de mes activités. Et plus je me suis enfoncé là dedans, plus j’ai aimé ça, ce qui m’a finalement mené à trouver la voie que je continue à suivre aujourd’hui et qui m’a rapproché des musiciens du Wandelweiser.
Quels sont les premières réponses que vous avez apportées pour combattre ce « dogmatisme » ? Je ne pense pas que « combattre » soit le mot approprié – dans son acception courante – pour parler de ce qu’il s’est passé à cette époque. Comme je l’ai dit, j’ai seulement ressenti une forme d’inconfort à faire la même chose, encore et encore. Et ce sentiment m’a mené à quelque chose de nouveau, tout du moins ai-je essayé d’y arriver… A cette époque, je ne savais pas exactement ce que je voulais faire, mais je savais par contre ce que je ne voulais plus faire, et ceci m’a mené aux portes d’un champ d’incertitude, d’insécurité même : là, j’ai dû prendre en compte les choses qui étaient disposées devant moi, m’en emparer pour enfin essayer d’en sortir quelque chose. Ca n’a pas été un combat, mais plutôt une investigation ou une recherche curieuse et fructueuse. Il m’est apparu clair qu’une des manières qui me permettrait de continuer était de revenir à la musique écrite, ou tout du moins à certains de ses aspects. Ohrkiste a été une tentative faite dans cette direction. J’ai pu regrouper certains des meilleurs improvisateurs de mon entourage et leur dire, par le biais de mes partitions, quoi faire et à quel moment. Cela fait une certaine différence avec l’ « improvisation » normale… Ce qui s’est passé, c’est que j’ai, au préalable, écouté très attentivement chacune des individualités du groupe et transcrit leur langage sur le papier, ces choses qu’elles faisaient par elles-mêmes. La différence – en tout cas, selon moi à l’époque – était qu’ils ne pourraient pas faire ces choses à n’importe quel moment, qu’ils auraient à « obéir » à un certain ordre, qui – je l’espérais en tout cas – proposait une voie permettant de sortir de la traditionnelle façon de faire qui veut que l’on émerge pour ensuite ralentir le mouvement avant d’aller crescendo puis decrescendo et ainsi de suite. Evidemment, certains des membres du groupe ont beaucoup aimé cette idée quand d’autres n’ont pu s’y faire ou même l’on détestée. Une fois, Fred Van Hove m’a dit qu’il craignait d’effleurer les touches du piano pendant mes pièces ; Evan Parker m’a quant à lui déclaré que dire aux musiciens ce qu’ils avaient à faire à tel moment était une façon de les limiter. Eh bien oui, mon cher Evan, c’est exactement ce que je voulais faire. Mieux, même : c’est ce que je voulais pour moi. Pas vraiment nous « limiter » mais plutôt nous mener dans une nouvelle direction, aussi infime que soit sa nouveauté. Pour finir, je dois préciser que ce ne sont pas de « premières réponses » que j’ai apportées-là, mais de premières propositions et/ou suggestions, parce que je crois davantage dans les propositions que dans les réponses ou solutions.
Plus tard, vous avez fait d’autres propositions encore, que vous partagez désormais avec le collectif Wandelweiser. Quand avez-vous rencontré Antoine Beuger ? J’ai rencontré Antoine à Cologne au début des années 1990 je crois ; ça a été et c’est encore un échange très prolifique d’idées et de façons de pensées et par conséquent de jeu.
Pourriez-vous comparer vos relations avec les musiciens de ce collectif avec celles qui vous unissaient à Bailey, Parker ou encore Wachsmann ? Oui, je pourrais mais je n’y tiens pas. Ce sont deux situations trop différentes l’une de l’autre. Le profit que j’ai tiré de ma rencontre avec ces musiciens en Angleterre semble ressembler à celui que je tire de ma relation avec chacun des membres dudit collectif, mais en réalité cette ressemblance est superficielle. Je ne serais jamais assez redevable à toutes ces joutes organisées avec mes amis et collègues britanniques, j’ai tellement appris auprès d’eux. Mais à un moment donné j’ai ressenti qu’il me fallait partir dans une autre direction. Ailleurs même ; ce qui ne diminue en rien ni l’influence ni l’impact qu’ils ont eu sur moi. C’était seulement comme vouloir – ou devoir – passer du dixieland au swing et ensuite au bebop – au passage, j’avoue ici que je n’ai jamais vraiment pu jouer tous ces styles, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. A cette époque, j’essayais seulement d’imiter des gens qui jouaient un certain style de musique, alors que plus tard, en développant mon propre style, il m’a fallu m’éloigner de ce que j’avais « atteint ». Là, c’est une tout autre histoire, bien plus difficile, mais aussi bien plus épanouissante… [LIRE LA SECONDE PARTIE]
Radu Malfatti, propos recueillis en décembre 2012.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Chris McGregor : In His Good Time / Blue Notes : Before the Wind Changes (Ogun, 2012)
Parlons au présent. Oublions que ce «bon temps» date de l’hiver 1977. Parlons de ce dénuement, de cet ivoire qui ne vise que l’essentiel. Parlons de ce blues qui suinte et déborde. Parlons de ce clavier d’où s’échappe l’Afrique des partages. Parlons de ces hymnes courtois et merveilleux, de cette aisance à gambader follement et librement.
Au fil des minutes, la balade se fait course, le trait s’émancipe, la transe s’annonce. Et l’on danse de joie, hypnotisés par les mélopées d’un Chris McGregor alors au sommet de son art. Un Chris McGregor euphorique devrait-on plutôt écrire. Ne parlons plus, n’écrivons plus : écoutons.
EN ECOUTE >>> Sweet As Honey
Chris McGregor : In His Good Time (Ogun / Orkhêstra International)
Enregistrement : 18 novembre 1977. Réédition : 2012.
CD : 01/ Green Hymn 02/ Kwa Tebugo 03/ Sonia 04/ Call 05/ Raincloud 06/ Umhome 07/ Burning Bush 08/ Shekele 09/ Yikiti 10/ Mngqusho 11/ In His Good Time 12/ The Bride 13/ Ududu Nombambula
Luc Bouquet © Le son du grisli
Enregistré le 1er juillet 1979 en Belgique, ce concert des Blue Notes consigne le grand art de McGregor, Pukwana, Dyani et Moholo : verbe haut sur mélange de swing et de folklore sud-africain, échappées en improvisations individuelles (Pukwana redresseur sur Funk Dem Dudu d’un free altier et sans façons), musique enfin qui bat piano, tambour et cuivres, en un mot : la chamade.
Blue Notes : Before the Wind Changes (Ogun / Orkhêstra International)
Enregistrement : 1er juillet 1979. Edition : 2012.
01/ Ithi Gui 02/ Mange 03/ Lonta Uyagula [The Poor Child Is Sick] 04/ Lakutshona Ilanga 05/ The Bride 06/ Funk Dem Dudu 07/ Wish You Were Sunshine
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Blue Notes : The Ogun Collection (Ogun, 2008)
Avant de mener ses Brotherhood of Breath, le pianiste Chris McGregor aura dû fuir l’Afrique du Sud en compagnie des Blue Notes – au sein desquels se succéderont, au gré des départs et des disparitions, les saxophonistes Dudu Pukwana et Nick Moyake, le trompettiste Mongezi Feza, le contrebassiste Johnny Dyani et le batteur Louis Moholo. Le label Ogun, de revenir aujourd’hui avec élégance et dans le détail sur le parcours de la formation.
Au son d’un coffret qui rassemble des enregistrements de taille : concert donné à Durban avant le départ – qui prouve que McGregor n’a pas attendu de changer de continent pour donner à son swing l’allure d’un grand jazz libertaire –, disque double enregistré en l’honneur de Feza dix ans plus tard (Blue Notes for Mongezi, sans doute le plus radical et le plus inventif des quatre pans constituant cette rétrospective), autre concert donné cette fois à Londres, enfin, un dernier hommage, rendu à Dyani (Blue Notes for Johnny). Partout, la même joie et la même incandescence distillées sur thèmes répétitifs permettant tous les débordements.
A l’intérieur du livret, quelques photos du groupe et de nombreux témoignages – ceux de membres de la famille des musiciens, et puis d’autres, signés Moholo, Evan Parker, Enrico Rava, Keith Tippett – finissent d’embellir l’hommage et le projet, qui expose un peu moins que de coutume le personnage de McGregor pour se consacrer davantage à célébrer l’accord parfait sur lequel s’entendait le premier de ses groupes.
Blue Notes : The Ogun Collection (Ogun / Orkhêstra International)
Edition : 2008.
CD1: 01/ Now 02/ Coming Home 03/ I Cover the Waterfront 04/ Two for Sandi 05/ Vortex Special 06/ Be My Dear 07/ Dorkay House - CD2: 01/ Blue Notes for Mongezi: First Movement 02/ Blue Notes for Mongezi: Second Movement - CD3: 01/ Blue Notes for Mongezi: Third Movement 02/ Blue Notes for Mongezi: Fourth Movement - CD4: 01/ Iizwi / Msenge Mabelelo 02/ Nqamakwe 03/ Mange / Funky Boots 04/ We Nduna [Live] 05/ Kudala / Funky Boots [Long Ago] 06/ Mama Ndoluse / Abalimanga - CD5: 01/ Funk dem Dudu / To Erico 02/ Eyomzi 03/ Ntyilo Ntyilo 04/ Blues for Nick 05/ Monks & Mbizio 06/ Ithi Gqi / Nkosi Sikelele l'Afrika 07/ Funk dem Dudu [Alternate Take] 08/ Eyomzi [Alternate Take] 09/ Funk dem Dudu / To Erico [Alternate Take]
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Chris McGregor : Very Urgent (Fledg'ling, 2008)
A Londres, quelques mois avant la création de son Brotherhood of Breath, Chris McGregor donnait des couleurs au jazz britannique. Sur Very Urgent, entendre le pianiste en compagnie de quelques pré-Brotherhood (Dudu Pukwuna, Mongezi Feza, Louis Moholo) ainsi que du saxophoniste Ronnie Beer et du contrebassite Johnny Dyani.
Ouvert au son d’un jazz de salon qui, pour être dissonant, n'en est pas pour autant convaincant, Very Urgent prend avec Travelling Somewhere une tournure plus réjouissante : accords de piano plaqués et déferlement musical fait conséquence d’un art savant de l’émulation. Comme il le fera quelques années plus tard, le groupe défend ici des titres relevant d’un grand free autant que d’un swing déviationniste. Les solos, distribués selon un art accommodant de la direction d’orchestre, finissent de faire pencher la balance du côté d’une avant-garde dévastatrice.
The Chris McGregor Group : Very Urgent (Feldg'ling / Orkhêstra International)
Réédition : 2008.
CD : 01/ Marie My Dear 02/ Travelling Somewhere 03/ Heart’s Vibrations 04/ The Sound Begin Again 05/ White Lies 06/ Don’t Stir the Beehive
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Chris McGregor: Brotherhood (Fledg’ling - 2008)
En 1972, sortait Brotherhood, deuxième album (après un éponyme assez anecdotique) du Brotherhood of Breath, grand ensemble libertaire dirigé par le pianiste sud-africain Chris McGregor, ou Duke Ellington du Cap. Réédité.
Douze musiciens, parmi lesquels compter aussi Dudu Pukwana, Mongezi Feza, Harry Miller, Louis Moholo, servent sous les faux airs d’une fanfare joyeuse un mélange rare de free jazz sans limite pour rejeter avec force l’influence de piano bar à laquelle doit faire face McGregor (Joyful Noises) et de swing à l’allure mouvante, puisque altéré par les sifflements instrumentaux (Think of Something).
Plus vindicatives, les percussions soufflent ensuite sur les braises d’un répétitif et dansant Do It, saxophones clamant une dernière fois l’héritage de Sun Ra (le parallèle avec les enregistrements en leader du disciple Eddie Gale, à faire aussi) avant d’entamer un court Funky Boots March qui finit de révéler la fougue du groupe de McGregor, qui accueillera plus tard des invités de la taille d’Evan Parker ou Paul Rutherford), et donne ici l’un de ses enregistrements les plus enthousiasmants.
CD: 01/ Nick Tete 02/ Joyful Noises 03/ Think of Something 04/ Do It 05/ Funky Boots March >>> Chris McGregor’s Brotherhood of Breath - Brotherhood - 2008 (réédition) - Fledg’ling. Distribution Orkhêstra International.