Lucio Capece : Epimoric Tide (Entr'acte, 2021)
L’art sonore de Lucio Capece, en plus d’être toujours musical, est celui de la surprise. Alors que nous l’avions quitté il y a quelques mois en lévitation, le voici de retour au rythme d’une musique électronique d’un autre âge. Pourtant enregistrée à l’été 2019, à Berlin.
Synthétiseur analogique, boîte à rythmes, pédales, séquenceur, slide saxophone… Il faudra tendre l’oreille pour croire deviner l’origine de telle ou telle sonorité. D’autant qu’Epimoric Tide suit une programmation rythmique qu’il n’abandonnera qu’un quart d’heure avant son terme : relent d’électronique minimaliste sur lequel Capece construit sa pièce fabuleuse.
C’est que, comme annoncée, la surprise intervient. S’il est endurant, le tout premier motif doit faire avec des présences de plus en plus récalcitrantes : bruits parasites (jusqu’à celui d’une contrebasse échappée de quel quartette), harmoniques vacillantes, pleurs successifs, boucles déchues… De sa périphérie, chacun de ces éléments vient bousculer le cœur de la composition : sous leurs effets, Epimoric Tide perd haleine et trouve refuge dans deux à trois notes soufflées qui évoqueront aux cinéphiles les harmonicas de Morricone.
Or ce n’est pas Leone mais Lynch qui renversera le plateau, et son jeu avec : le premier rythme disparaît tout à fait, laissant l’entier espace à des notes tenues, et qui inquiètent. Sans qu’on s’en rende compte, Lucio Capece nous a attiré dans une zone trouble dont on ne pouvait supposer l’existence. Trente minutes de transport, et nous y voilà pourtant. Comme par enchantement.
Lucio Capece : Epimoric Tide
Entr’acte
Enregistrement : 2019. Edition : 2021
Guillaume Belhomme © Le son du grisli