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Le son du grisli
22 avril 2010

Alexey Kruglov : Seal of Time (Leo, 2010)

alexsli

On ne nomme pas son disque, lorsque l’on a 30 ans à peine, Seal of Time (soit « le sceau du temps ») par hasard. Alexey Kruglov, saxophoniste russe,  s’inscrit en effet dans la grande histoire du jazz et s’offre une pause dans ses plus belles pages free. Ici, les références sont assumées, et ne nuisent en rien à la pertinence du propos.

C’est d’abord à Ayler que l’on pense, tant la musique de Kruglov semble chasser l’esprit du grand Albert et vouloir comme ce dernier dire en un même souffle la beauté et la violence du monde. Puisant dans un passé un peu plus proche, on peut évoquer sans peur de trahir Kruglov la personnalité de David S.Ware, pour le lyrisme et l’exaspération qui se mêlent dans le discours du jeune musicien russe. L’introduction de Poet, notamment, nous y invite : sur les accords obsédants d’un piano mantra et la pulsation de toms en transe, Alexey Kruglov élève lentement sa voix, comme Ware avait pu le faire sur un Ganesh Sound de forte mémoire (sur son disque Renunciation). Enfin, s’il fallait citer une troisième figure tutélaire de ce disque, nous en appellerions sans doute à Jan Garbarek, pour le son cristallin de Kruglov, et la production du disque qui lorgne vers la prise de son du label ECM : réverbération, halo, semblent entourer chaque instrument et en particulier les soufflants.

Souvent, Alexey joue en tandem avec le batteur Oleg Udanov et nous les retrouvons ainsi côte à côte sur ce disque qui rassemble deux enregistrements en trio. Le premier témoigne d’un concert donné par les deux hommes avec le pianiste Dmitry Bartukhin dans un club de Saint Petersburg en septembre 2009, et le second est le fruit d’une session plus ancienne,  invitant le contrebassiste Igor Ivanushkin, et qui s’était déroulée en novembre 2007 dans un studio de Moscou. Ici et alors, Alexey Kruglov, saxophoniste alto, fait preuve d’une indéniable aisance en d’autres tonalités et tessitures ; sur la longue et changeante suite The Battle, par exemple, on l’entend également au saxophone soprano, au saxophone baryton, à la flûte, au piano ainsi qu’au très rare cor de basset.

On pourra certes reprocher à Alexey Kruglov de trop vouloir en dire (la juxtaposition alors superficielle d’univers qui peinent à se lier nous éloigne du musicien), mais l’originalité et la sincérité du propos, ainsi que les enthousiasmantes deux pièces maîtresses que sont Poet et Love, augurent de beaux lendemains.

Alexey Kruglov : Seal of Time (Leo Records / Orkhêstra International)
Edition : 2010.
CD : 01/ Poet 02/ The Battle 03/ Seal of Time 04/ Love 05/ The Ascent
Pierre Lemarchand © Le son du grisli

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