New York Art Quartet : Call It Art 1964-1965 (Triple Point, 2013)
John Tchicai : « Roswell Rudd et moi voulions nous regrouper pour jouer davantage. Je l’appréciais en tant que personne et que musicien. Je voyais bien que le NYC5 tirait sur sa fin… Alors, nous avons commencé à rechercher les bonnes personnes… » La recherche en question mènera à la création, en 1964, du New York Art Quartet, ensemble que le saxophoniste et le tromboniste emmèneront quelques mois seulement (si l’on ne compte les tardives retrouvailles) et dans lequel ils côtoieront Milford Graves (troisième pilier d’un trio, en fait, diversement augmenté), JC Moses et Louis Moholo, pour les batteurs, Lewis Worrell, Reggie Workman, Don Moore, Eddie Gomez, Bob Cunningham, Richard Davis et Finn Von Eyben, parmi les nombreux contrebassistes.
A la (courte) discographie du New York Art Quartet, il faudra donc ajouter une (imposante) référence : Call It Art, soit cinq trente-trois tours et un livre du même format, enfermés dans une boîte de bois clair. Dans le livre, trouver de nombreuses photos du groupe, quelques reproductions (boîtes de bandes, pochettes de disques, partitions, lettres, annonces de concerts, articles…) et puis la riche histoire de la formation : présage du Four for Trane d’Archie Shepp, naissance du ventre du New York Contemporary Five (lui-même né du Shepp-Dixon Group) et envol : débuts dans le loft du (alors) pianiste Michael Snow, arrivée de Milford Graves et liens avec la Jazz Composers’ Guild de Bill Dixon, enregistrements et concerts, enfin, séparation – possibles dissensions esthétiques : départ de Tchicai pour l’Europe, qui du quartette provoquera une nouvelle mouture ; rapprochement de Graves et de Don Pullen, avec lequel il jouait auprès de Giuseppi Logan… Dernier concert, en tout cas, daté du 17 décembre 1965.
Au son, cinq disques donc, d’enregistrements rares, sinon inédits : extraits de concerts donnés à l’occasion du New Year’s Eve ou dans le loft de Marzette Watts, prises « alternatives » (« parallèles », serait plus adapté), morceaux inachevés et même faux-départs : toutes pièces qui interrogent la place du soliste en groupe libre et celle du « collectif » en association d’individualistes, mais aussi la part du swing dans le « free » – Amiri Baraka pourra ainsi dire sur le swing que l’on n’attendait pas de Worrell –, l’effet de la nonchalance sur la forme de la danse et sur la fortune des déroutes, la façon de trouver chez d’autres l’inspiration nouvelle (Now’s The Time ou Mohawk de Charlie Parker, For Eric: Memento Mori ou Uh-Oh encore – apparition d’Alan Shorter –, improvisation partie du Sound By-Yor d’Ornette Coleman), le moyen d’accueillir le verbe au creux de l’expression insensée (Ballad Theta de Tchicai, sur lequel Baraka lit son « Western Front »)… Autant de morceaux d’atmosphère et de tempéraments qui marquent cet « esprit nouveau » que Gary Peacock – partenaire de Tchicai et Rudd sur New York Eye and Ear Control d’Albert Ayler – expliquait en guise de présentation à l’art du New York Art Quartet : « Plutôt que d’harmonie, on s’occupait de texture ; plutôt que de mélodie, on s’inquiétait des formes ; plutôt que le tempo, on suivait un entrain changeant. »
New York Art Quartet
Now's the Time
New York Art Quartet : Call It Art 1964-1965 (Triple Point)
Enregistrement : 1964-1965. Edition : 2013.
5 LP + 1 livre : Call It Art 1964-1965
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Birgit Ulher : Hochdruckzone (Entr'acte, 2012)
L’hommage qu’adresse ici Birgit Ulher à Bill Dixon débute au son d’un souffle grêle porté par un léger mouvement de balancier : approchant d’une mécanique complexe (trompette, enceintes, radio, objets…), il l’actionne bientôt. C’est alors l’intérêt d’Ulher pour les réactions en chaîne qui nous revient en mémoire. Les artifices instrumentaux sont multiples et les sons qu’ils inventent énigmatiques (grésillement, sirène, surfaces vibrantes, sifflements, pneumatiques, presque silences…).
D’actions et de leurs conséquences, Uhler fait donc son langage improvisé. L’abstraction n’est cependant pas son seul propos. La musicienne peut ainsi décider de faire tourner en chercheuse d’or un plateau large et rond : la rumeur naissante a un goût de métal qui contraste avec les notes que la trompette étouffe – mais qui pourront ensuite résonner – et débite par salves. Chaque nouvel enregistrement atteste l’évolution de l’art de Birgit Ulher, d’une pratique instrumentale obsessionnelle qu’elle ne cesse de parfaire.
Birgit Ulher : Hochdruckzone (Entr’acte)
Enregistrement : 21-24 juin 2010. Edition : 2012.
CD : 01/ Antizyklone 02/ Hochdrukkern 03/ Zwischenhoch 04/ Grenzschicht 05/ Inversion 06/ Polar Kaltluft 07/ Hochdruckzone 08/ Isobaren
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Bill Dixon : 17 Musicians in Search of a Sound: Darfur (AUM Fidelity, 2008)
Après avoir intégré l'Exploding Star Orchestra de Rob Mazurek, le trompettiste Bill Dixon se produisait en 2007 au Vision Festival de New York en compagnie d'un autre grand ensemble : le sien propre, qui emploie notamment le tromboniste Steve Swell, le saxophoniste John Hagen et le batteur Jackson Krall.
Sur 17 Musicians in Search of a Sound : Darfur, Dixon commande le soulèvement par couches successives de musiciens en quête d'un son capable de faire cohabiter les dissonances, et puis d'une œuvre, assez parlante, elle, pour porter loin ses espoirs de réconciliation. Grandiloquent, le message passe du bruissement à la sommation dramatique ; va crescendo, encore, jusqu'au free orchestral qui clôt dans le tumulte l'exposé donné en public et signe le grand retour d'un trompettiste d'importance.
Bill Dixon : 17 Musicians in Search of a Sound: Darfur (AUM Fideity / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2007. Edition : 2008.
CD : 01/ Prelude 02/ Intrados 03/ In Search of a Sound 04/ Contour One 05/ Contour Two 06/ Scattering of the Following 07/ Darfur 08/ Contour Three 09/ Sinopia 10/ Pentimento I 11/ Pentimento II 12/ pentimento III 13/ Pentimiento IV
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Franz Koglmann : Flaps / Opium for Franz (Black Monk, 2019)
Il fut un temps où Franz Koglmann ne s’embarrassait pas – sans que cela n’ôte rien aux charmes de sa musique – de préciosité : il répétait, voilà tout ; s’y essayait peut-être. Entre musiques classique et contemporaine, jazz et expérimentations, il a d’ailleurs longtemps hésité. Et puis, en 1973, il invita Steve Lacy à jouer avec lui ; en 1976, ce fut au tour de Bill Dixon. Flaps et Opium for Franz, les fruits de ces séances que Koglmann autoproduira sous étiquette Pipe (c’est que le souffleur viennois aspire en pipe) sont aujourd’hui réédités – au début du XXIe siècle, Koglmann en consignait déjà une sélection sur Opium (Between the Lines).
Le 26 avril 1973 à Vienne à la trompette et au bugle, l’Autrichien enregistrait en quartette – Toni Michlmayr (contrebasse), Walter Muhammad Malli (batterie) et Geird Geier (électronique) – augmenté de Steve Lacy. Puisque dédié à Pee Wee Russell, c’est bien de jazz dont parle encore Flaps, le morceau-titre de l’enregistrement. Koglmann et Lacy, à l’unisson, y déposent un court motif que l’électronique de Geier vient bientôt bouleverser. C’est d’ailleurs elle qui met les autres musiciens devant le fait accompli : le « free » d’hier va devoir faire avec la technologie du jour, voire avec les ambitions de demain. Mais pas au point, non plus, de leur faire ravaler tous leurs excès : de tarentelles où les vents refusent de suivre la même ligne (Misera Plebs, Take 1) en frasques imaginées de conserve (Flops), Koglmann emprunte à Lacy bien des airs (ne croirait-on pas Bowery du soprano ?) ; et quand Geier fait son retour, toujours à contre-courant, leurs répliques – celles, aussi, du bel archet de Michlmayr – balaient l’affront dans un fracas terrible.
En 1975 et 1976, Koglmann et Lacy se retrouvent à Paris et à Vienne : de ces nouvelles rencontres, Opium retient un titre enregistré en quartette avec Geier et Michlmayr et deux autres en quintette dans lequel se font entendre le tromboniste Joseph Traindl, le contrebassiste Cesarius Alvim Botelho et le batteur Aldo Romano – bien moins subtil que Malli. Koglmann règle là son pas sur celui de Lacy et Geier se fait moins surprenant.
C’est pourquoi Opium fait surtout effet en première plage, où deux trompettes (Koglmann et Dixon), un saxophone ténor (Steve Horenstein), une contrebasse (Alan Silva) et une batterie (Muhammad Malli) interprètent une composition que Dixon dédia à Koglmann : For Franz. La prise date d’août 1976, elle aurait pu avoir été enregistrée dix ans plus tôt ou encore vingt ans plus tard : les deux trompettistes n’ont que faire de leur époque, ils s’entendent au-delà, le temps de dix-sept minutes, en 1976, soit toute une époque.
Franz Koglmann : Flaps / Opium for Franz
Black Monk
Réédition : 2019.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Marc Levin : The Dragon Suite (BYG, 1967)
Ce texte est extrait du deuxième volume de Free Fight, This Is Our (New) Thing. Retrouvez les quatre premiers tomes de Free Fight dans le livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié par Camion Blanc.
Parce que Bill Dixon fut l’un des principaux théoriciens du free jazz, sa carrière musicale d’instrumentiste en aura probablement pâti. A la trompette, d’autres ont été bien plus remarqués que lui dont le rôle de catalyseur, d’agitateur et de guide était pourtant essentiel. Entamées dès 1964 avec l’organisation de la Jazz Composers’ Guild destinée à promouvoir la Nouvelle Musique et ceux qui la faisaient alors, les aspirations de Bill Dixon trouvèrent un premier exutoire dans la Révolution dite d’octobre (une série de concerts d’avant-garde donnés au Cellar Club à New York la même année), prolongée par la suite par la mise sur pied de l’United Nations Jazz Society, puis par la création d’un département d’études de la Musique Noire au Bennington College dans le Vermont. Tâche colossale qui amènera son instigateur à collaborer avec la danseuse Judith Dunn comme à figurer à l’affiche du Festival d’Automne à Paris.
D’un côté il y eut donc chez Bill Dixon un trompettiste influencé par le légendaire Tony Fruscella ; et de l’autre un arrangeur-compositeur marqué par Gil Fuller, collaborateur régulier du célèbre grand orchestre de Dizzy Gillespie. Casquettes auxquelles s’ajoutèrent celle d’enseignant, et, on le sait moins, de producteur. Parmi ses poulains, des musiciens attirés comme lui par les cuivres : Jacques Coursil par exemple, qui joua son « Paper » en 1969 sur l’album Way Ahead ; ou Marc Levin, virtuose du cornet, du bugle et de la flûte, pour qui il produisit le présent The Dragon Suite ; sans oublier le saxophoniste Marzette Watts dont il lança l’ensemble via le label Savoy avec lequel il travaillait alors.
Marc Levin a peu enregistré et The Dragon Suite constitue sa première apparition phonographique sous son nom. Comme chez son mentor l’esprit d’ouverture est le même, qui oscille constamment entre rigueur et liberté, composition et improvisation – des compositions dont les thèmes, quand ils sont simples, s’inspirent comme chez Ayler des fanfares, offrant de saisissants contrastes par rapport aux improvisations sans concession. Marc Levin, on l’a dit, aime les cuivres, et il en joue d’une manière que l’on rapprochera de celle de son professeur Bill Dixon, mais aussi d’un de ses autres disciples : Jacques Coursil. Levin s’exprime aussi à la flûte, avec force scories et effets de souffle, et, à l’instar d’un Don Cherry, il cultive le poly-instrumentisme : tout ce qui peut servir le développement d’une idée musicale est sollicité, sans complexe, comme sur son troisième opus, Social Sketches, où l’on peut entre autres l’entendre au mélodica ou au Mellotron.
L’instrumentarium de The Dragon Suite, quant à lui, est relativement singulier en pareil contexte free : cuivres, flûte, trombone (Jonas Gwanga), violoncelle (Calo Scott), basse (Cecil McBee) et batterie (Frank Clayton). Des alliages offerts naissent des ambiances évoquant par endroits les audaces de la musique contemporaine de l’époque comme ces jeux avec la matière auxquels Marc Levin n’est pas étranger – il a déjà étudié avec Hall Overton et Carmine Caruso, joué avec Alan Silva, Narada Burton Greene et Perry Robinson.
Si l’on devait comparer l’ambiance globale de cette Dragon Suite, viendraient à l’esprit des tentatives antérieures de cross over initiées par Eric Dolphy autour de 1960-1962, tardivement réunies en 1987 sur le disque Other Aspects, où elles sont présentées par James Newton, musicien qu’évoque aussi Dragon Suite – Paseo del Mar par exemple. Avec ce premier disque, Marc Levin s’imposait comme un inclassable créateur de climats alors peu courants dans le free. Sa discographie, malheureusement, est presque aussi mince que celle d’un Giuseppi Logan. Chacun de ses opus s’avère toutefois indispensable, qu’il s’agisse de Songs Dances and Prayers (on y entend Billy Hart), publié par son label Sweet Dragon, ou Social Sketches (sur Enja), où Marc Levin est entouré par de remarquables musiciens finlandais, dont certains sont des fidèles du méconnu Eero Koivistoinen.
Taylor Ho Bynum : Apparent Distance (Firehouse 12, 2011) / Bill Dixon : Envoi (Victo, 2011)
Entendues ici et ailleurs, ces suites constituées de thèmes, d’enchevêtrements et de déstructuration free attirent presque toujours les impasses. Et ici, il n’y a aucun génie à déclarer, aucune imposture à épingler. Juste la précautionneuse mise en place d’une musique qui ne dit rien du brûlant, parfois repéré chez Taylor Ho Bynum, Bill Lowe, Jim Hobbs, Mary Halvorson, Ken Filiano et Tomas Fujiwara en d’autres occasions.
L’aventure tourne court faute de spontanéité et d’intensité rarement dévoilée. On se raccroche donc aux détails surgissant ça et là et que l’on imagine et espère plus longuement explorés / exploités en concert : l’alto vrillant de Jim Hobbs, la guitare canaille de Mary Halvorson, le solo introductif du leader sous forte influence Dixon, l’archet lacérant de Ken Filiano. Moments forts mais n’arrivant pas à dissiper une trop lourde impression de déjà-entendu.
Taylor Ho Bynum Sextet : Apparent Distance (Firehouse 12 / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2011. Edition : 2011.
CD : 01/ Part I : Shift 02/ Part II : Strike 03/ Part III : Source 04/ Part IV : Layer
Luc Bouquet © Le son du grisli
Un mois avant de disparaître, Bill Dixon emmenait un nonette à Victoriaville, et donnait son dernier concert. A ses côtés, les musiciens déjà présents sur Tapestries for Small Orchestra : Taylor Ho Bynum, Stephan Haynes, Rob Mazurek, Graham Haynes et Michel Côté, Glynis Loman, Ken Filiano et Warren Smith. En deux temps, Envoi arrange des parallèles et provoque quelques perturbations qui interrogent leur résistance : l’ouvrage de traîne est captivant, que rehausse en plus les incursions qu’y taille la clarinette contrebasse de Côté.
Bill Dixon : Envoi (Victo / Orkhêstra International)
Enregistrement : 22 mai 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Envoi, Section I 02/ Envoi, Section II 03/ Epilogue
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Bill Dixon : The Complete Remastered Recordings on Soul Note (CAM, 2010)
Neuf fois Bill Dixon : The Complete Remastered Recordings on (Black Saint &) Soul Note réunit les albums enregistrés par le trompettiste et pianiste, pour le label italien entre 1980 et 1998.
Après avoir inventé auprès de Cecil Taylor et Archie Shepp puis au Cellar Café de New York, Dixon remit donc à plat – influence sur le musicien du peintre qu’il était aussi ? – les reliefs vertigineux du premier free. Pour objectif : l’horizon, ligne sur laquelle il n'est pas interdit de faire naître d’autres reliefs. La réécoute de ces neuf disques – pour les citer tous et dans l’ordre chronologique : Bill Dixon in Italy (Volumes I et II), November 1981, Thoughts, Son of Sisyphus, Vade Mecum (Volumes I et II) et Papyrus (Volumes I et II) – dresse un portrait nébuleux de l’artiste en Sisyphe ayant assez d’idées pour transformer chaque nouvel enregistrement en expérience de nouveautés.
En formations différentes, Dixon remet ainsi son métier sur l’ouvrage au son d'échanges qui, lorsqu’ils ne se limitent pas à de courts dialogues défaits, adoptent les contours d’un lyrisme traînant voire y accrochent chacune des notes auxquels ils donnent naissance. Dans l’invention et l’indolence, Dixon profite en plus d’autres souffles que le sien : tuba de John Buckingham (Son of Sisyphus), trompette d’Arthur Brooks (Bill Dixon in Italy), saxophones de Marco Eneidi (Thoughts) pour n'en citer que trois. Autre élément d’horizontalité, l’archet auquel Dixon fait souvent confiance lorsqu’il s’agit de composer de grands pans d’atmosphères soumises à dépression : la contrebasse d’Alan Silva, chaotique, au début des années 1980 ; celles de Mario Pavone, Peter Kowald et William Parker (triple archet de Thoughts) ; celle encore de Barry Guy sur Vade Mecum. Enfin Tony Oxley, qui fit peu à peu pencher la balance en faveur du rythme, et apparition qui commanda une autre fois à Dixon de subtilement changer d’angle de création.
Bill Dixon : The Complete Remastered Recordings on Soul Note (CAM / Amazon)
Enregistrement : 1980-1998. Edition : 2010.
9 CD : Bill Dixon in Italy I, Bill Dixon in Italy II, November 1981, Thoughts, Son of Sisyphus, Vade Mecum I, Vade Mecum II, Papyrus I, Papyrus II
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Bill Dixon (1925-2010)
I've just been asked by his estate to deliver the sad news that trumpeter/composer/educator Bill Dixon died last night in his sleep at his longtime home in North Bennington, Vermont after a two-year illness. He was 84 years old. Dixon is survived by his longtime partner Sharon Vogel and two children. Scott Menhinick. Photo © Nick Rueschel.
Bill Dixon, Aaron Siegel, Ben Hall : Weight / Counterweight (Broken Research, 2009)
Sur son propre label, le percussionniste Ben Hall publie un double disque vinyle où on peut l’entendre en compagnie d’Aaron Siegel (autre percussionniste) et de Bill Dixon : Weight / Counterweight.
D’autres « tapisseries » sonores que celles du récent Tapestries for Small Orchestra sont à entendre ici, apposées en outre par une formation plus légère encore qu’un « petit orchestre ». Sur un léger écho et les effets de l’usage d’une électronique minuscule qui portent toujours un peu plus loin les interventions mesurées de sa trompette, Dixon invente encore autrement, compose un bouquet de souffles éthérés ou oppose à la rumeur apaisante commandée par ses partenaires un lot de râles caverneux.
La musique à sortir de Weight / Counterweight, d’épouser avec subtilité l’atmosphère dans laquelle se propagent chacune de ses vibrations. L’espace alentour soudain chargé d’ondes positives, sorties d’un objet rare qu’il faudra d’abord réussir à capturer.
Bill Dixon, Aaron Siegel, Ben Hall : Weight / Counterweight (Broken Research)
Enregistrement : Avril 2008. Edition : 2009.
LP1 : A/ Atelier : Corbu’s Studio B/ Hirado – LP2 : C/Contrapposto D/ The Red & the Black
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
William Parker, Marcello Lorrai : Conversazioni sul jazz (Auditorium, 2010)
Il faudra d’abord dire que l’Italien de ce livre n’est pas celui, pour ne prendre qu’un exemple, des romans de Bontempelli, soit : est accessible à qui ne pratique pas la langue mais est doué quand même d’un minimum d’entendement. Ensuite, noter qu’il s’agit là d’un long entretien donné par William Parker à Marcello Lorrai, journaliste à qui aucune revue ne peut offrir autant de pages pour un même sujet et scribe qui regretterait sans doute qu’un tel témoignage ne soit pas consigné sur papier.
C’est qu’ici, William Parker revient sur son parcours – passage par le Jazzmobile, formation de l’Aumic Orchestra, interventions au sein de Muntu, de l’Unit de Cecil Taylor ou d’un orchestre emmené par Bill Dixon – et se plaît aussi à raconter dans le détail la journée type d’un lofter new-yorkais dans les années 1970, à évoquer quelques partenaires charismatiques, notamment percussionnistes (Milford Graves, Hamid Drake, Han Bennink) et contrebassistes (Charles Mingus, Peter Kowald, Henry Grimes), ou encore à répondre aux questions touchant à son rapport à la religion (école italienne de journalisme). En une centaine de pages qu’augmente un cahier d’une quarantaine de photos signées Luciano Rossetti, Conversazioni sul jazz peint un William Parker aussi lucide et humble qu’il est imposant.
William Parker, Marcello Lorrai : Conversazioni sul jazz (Auditorium Edizioni)
Edition : 2010.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli