Sabu Toyozumi, Rick Countryman, Yong Yandsen : Future Of Change (Chap Chap, 2020)
L'excellent Sabu Toyozumi, notons-le, est des interviewés de Micro Japon, livre (et même : somme !) de Michel Henritzi...
Quelque part aux Philippines, le 29 février 2020. L’atmosphère est celle de n’importe quel club de jazz : on y converse, on n’écoute pas toujours, mais on y fait soudain silence… Plusieurs fois même puisque le trio en place en impose. Le batteur ne porte pas la barbe, mais fait figure de prophète : Sabu Toyozumi bouge encore, et comment.
Les assauts qu’il fomente-là n’auront pas à souffrir de la comparaison avec les échanges que le batteur enregistra hier avec Kaoru Abe, Anthony Braxton ou Peter Brötzmann – pour ne citer que trois saxophonistes. A l’alto, c’est aujourd’hui le fidèle Rick Countryman ; au baryton, c’est Yong Yandsen, que l’on a récemment entendu seul (Disillusion) ou accompagné par Christian Meaas Svendsen et Paal Nilssen-Love (Hungry Ghosts).
Si l’on est pressé, il faudra aller entendre les cinq dernières minutes de Two Snakes, Dark River, la deuxième plage de Future Of Change. Subtilement agacés par le batteur, les deux saxophonistes y tourbillonnent et se percutent avec un bonheur contagieux. Le free jazz d’hier joué afin d’entretenir la tradition, et ce même si la tradition prend là de nouveaux coups : ainsi, s’il existe seulement, le « free jazz de tradition » ne convainc que lorsqu’on met à mal l’évidence qu’il est devenu pour beaucoup.
C’est heureusement le cas de la musique jouée ici. A force d’accrocs, de divergences, plus encore que d’entente, le trio passionne d’un bout à l’autre de ces trois improvisations données en public. Si l’on était pressé, on sera allé entendre les cinq dernières minutes de Two Snakes, Dark River. Or, celles-ci nous assoient et, en conséquence, nous obligent : il s’agit de tout reprendre depuis le début, et d’écouter avec plaisir.
Sabu Toyozumi : Future Of Change
Chap Chap Music
Edition : 2020.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli