Ivo Perelman : The Passion According to G.H. / The Foreign Legion (Leo, 2012)
C’est l’histoire d’un saxophoniste ténor qui observe, scrute, guette, tournoie puis s’immisce dans l’épais tapis d’un quatuor à cordes sans peur et sans reproche. C’est donc Ivo Perelman aux prises avec le Sirius Quartet...
Si au quota des stridences, les deux entités font jeu égal, c’est presque toujours le quatuor à cordes qui introduit la matière à explorer – mais échoue à embarquer le saxophoniste dans quelque trait manouche par exemple. Le Brésilien rejoint promptement la ruche et le festin peut commencer : la convulsion sera au centre des débats (archets se crispant sur les cordes, ténor fouillant l’harmonie jusqu’à la distordre totalement), les cordes crisseront et le saxophoniste, plus d’une fois, sera le soliste-mélodiste inspiré que l’on connaît. Ayler, en son temps, avait approché cette structure (deux contrebasses, un violon) mais n’avait jamais osé intégrer un quatuor à cordes sur scène. Ivo Perelman vient de la faire et c’est une totale réussite.
Ivo Perelman with Sirius Quartet : The Passion According to G.H. (Leo Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Part 1 02/ Part 2 03/ Part 3 04/ Part 4 05/ Part 5 06/ Part 6
Luc Bouquet © Le son du grisli
Saxophoniste à la convulsion facile, ténor aimant à désintégrer ou refuser la forme, Ivo Perelman affine et approfondit de disque en disque son chant profond. Et la violence gratuite qui entachait certaines de ses improvisations n’est plus ici de rejet mais de stricte nécessité. Le chemin semble trouvé entre fougue (An Abstract Door) et retenue (Paul Klee). Aidé en cela par un Matthew Shipp et un Gerald Cleaver totalement en phase avec le saxophoniste, la musique trouve ici son juste équilibre. Shipp n’envahit plus le cercle et entretient une riche correspondance avec ses deux camarades. Quant à Cleaver, son jeu foisonne mais n’encombre pas. Refusant toute idée de rythme, il devra toutefois admettre que c’est avec ce dernier que se résolvent souvent certains embarras (An Angel’s Disquiet). Ici, l’un des disques les plus aboutis du saxophoniste.
Ivo Perelman, Matthew Shipp, Gerald Cleaver : The Foreign Legion (Leo Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Mute Singing, Mute Dancing 02/ An Angels’ Disquiet 03/ Paul Klee 04/ Sketch of an Wardrobe 05/ An Abstract Door
Luc Bouquet © Le son du grisli
Nick Didkovsky: Tube Mouth Bow String (Pogus - 2006)
Membre du groupe Doctor Nerve et du Fred Frith Quartet, le guitariste Nick Didkovsky s’associe au Sirius String Quartet pour interpréter cinq de ses propres compositions.
Qui opposent les mouvements lents du quatuor à cordes à la mélodie prudente déposée par la guitare électrique au son d’une ambient soignée (She Closes Her Sister With Heavy Bones), ou calque le bourdon installé par les cordes sur le bruitisme grave fomenté par la guitare (Machinecore).
Interrogeant son instrument au moyen de talk boxes et d’une pédale Harmonizer, Didkovsky commande ensuite aux violons et violoncelle de s’en tenir à une note oscillante (Tube Mouth Bow String). Puis, derrière ordinateur, dévie de leur axe les notes de cordes capturées, pour servir un univers redondant, fantasmant la convocation d’un Kronos Quartet downtempo, pour ne pas dire angoissant (What Sheep Herd).
Après avoir offert, en guise de conclusion, deux minutes à peine de loisirs au quatuor (Just a Voice That Bothered Him), Didkovsky referme Tube Mouth Bow String, recueil de compositions lumineuses autant que préoccupantes.
CD: 01/ She Closes Her Sister With Heavy Bones 02/ Machinecore 03/ Tube Mouth Bow String 04/ What Sheep Herd 05/ Just a Voice That Bothered Him
Nick Didkovsky - Tube Mouth Bow String - 2006 - Pogus.