Mural : Tempo (Sofa, 2015)
S’il aura fallu trois disques à Mural pour documenter leur troisième apparition à la Rothko Chapel – on se souvient de ce récent Live –, c’est que celle-ci dura quatre heures. Le 27 avril 2013, Jim Denley, Kim Myhr et Ingar Zach invitèrent le public à aller et venir, voire à disparaître, en musique.
S’il ne dit rien de la première heure, cet enregistrement donne à entendre les trois autres comme elles se sont succédées. A la seconde, l’ivresse gagne déjà quand la cithare se lève après avoir longtemps cherché comment tenir sur les graves plateaux que remuent lentement les instruments à vent et la gran cassa. La musique tourne, mais parfois le silence la subjugue : après chaque arrêt, frottements, premiers souffles et frémissements doivent repartir de zéro.
Les musiciens peuvent alors choisir de se désolidariser : maintenant à la guitare, Myhr insiste quand, à la flûte, Denley peut éclater : la musique n’est plus atmosphérique, trois individualités s’y expriment avant de retourner à la rengaine commune. On y verra l’effet du bel art de Zach qui, au son de cymbales qui grincent et cinglent même, ramène le trio sur le chemin qu’il connaît et refait sans cesse avec bonheur : celui de la flâneuse pulsation chromatique.
Mural : Tempo
Sofa
Enregistrement : 27 avril 2013. Edition : 2015.
3 CD : CD1 : 01/ Second Hour – CD2 : 01/ Third Hour – CD3 : 01/ Fourth Hour
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Mural : Live at the Rothko Chapel (Rothko Chapel, 2011)
Comme quoi, le hasard… Pour Nectars of Emergence, j’avais écrit que Mural entamait une ascension du « Mont Rothko ». Cela se confirme avec Live at the Rothko Chapel, où Mural refait l’intérieur du lieu cher à Morton Feldman.
Jim Denley (instruments à vent), Kim Myhr (guitare acoustique) et Ingar Zach (grosse caisse) se posent donc dans la chapelle. Ils réfléchissent. Le premier choisit de débiter des phrases tranchantes, le deuxième de bercer mollement ses camarades, le troisième de faire battre le cœur de Doom and Promise. Et son cœur bat si bien qu’il fait vibrer une corde, puis deux, etc. Une ronde se forme, maintenue en vie par le trio qui l’enveloppe sans arrêt de graves et de chaleur.
Comme la lumière qui l’atteint peut faire changer la vision qu’on a d’une toile, l’acoustique de la Rotkho Chapel fait varier la musique. Avec la résonance, les accords s’affaissent, les clefs claquent moins fort et la peau du tambour expie. Tout semble chuter mais à un moment les souffles les arpèges et les frottements refont surface. Tout simplement par ce que cette chapelle est une cathédrale. Elle accélère l’ascension des notes qui se multiplient par leur vibration. Il ne suffit même par d’avoir la foi (en Mural) pour s’en convaincre.
Mural : Live at the Rothko Chapel (Rothko Chapel / Metamkine)
Enregistrement : 4 mars 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Doom and Promise
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Mural : Nectars of Emergence (Sofa, 2010)
Au rayon Ambient Music, on trouve du papier peint comme de grands panneaux d'artistes dont le catalogue de motifs est inépuisable. Mural travaille dans la seconde catégorie : trois artistes chevronnés s'y sont réunis en agence d'architecture sonore et entament sur Nectars of Emergence leur ascension du Mont Rothko.
Jim Denley (saxophone alto et flûtes), Kim Myhr (guitare acoustique et préparations) et Ingar Zach (percussion dont un belle et grosse caisse), construisent calmement les sept panneaux de leur rencontre que la guitare est la seule à structurer clairement : le jeu de Myhr est minimaliste et son instrument est désaccordé mais il a l'avantage de marquer les secondes ! On imagine le temps filant au cadran d'une horloge universelle, on imagine les trois hommes inspirés par le memento de cette horloge sans forcément s'en rendre compte d'ailleurs.
A croire qu'on vagabonde dans un grand hall de gare : après les préparatifs de voyage vient le bruit des engins de transport. Denley et Zach avancent par touches évasives et Myhr fait de ses cordes une tablature géante où il jette toutes les idées qui lui passent par la tête. Cela siffle et cela magnétise jusqu'à ce que l'énergie se désagrège et c'est justement là la fin, sur un morceau qui s'intitule Entropy – notons que ce genre de musique redonne tout son sens à l'habitude de donner un titre à chaque morceau qui est joué.
Mural : Nectars of Emergence (Sofa Records / Metamkine)
Enregistrement : 15, 16 juillet 2009. Edition : 2010.
CD : 01/ Monolith of the Chaotic Pledge 02/ Luminous Continuum 03/ Flash Expansion 04/ Saturated Field 05/ Coming-into-being 06/ Blood Listener 07/ Entropy
Héctor Cabrero © Le son du grisli