Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Cor Fuhler, Jim Denley : Truancy (Split Rec, 2014)

jim denley cor fuhler truancy

Pour tout avouer à mon lecteur (potentiel), j’ai retrouvé des notes prises sur un duo de Cor Fuhler (piano & préparations) et Jim Denley (saxophone alto & préparations) il y a des mois de ça. Je dois avouer aussi que je ne me souvenais pas de la musique qu’il contient mais à en croire mes notes c’était un « très bon disque ».

Alors je l’ai repassé et j’ai compris ce qui m’avait séduit et m’a séduit une autre fois. C’est cette sorte de maelstrom  incroyable dans lequel on est jeté. On s’accroche à un drone, on évite un feedback crissant ou une corde qui casse, on manœuvre pour ne pas trop approcher d’un champ magnétique mais… on tombe sur un champ de bataille. C’est sur la deuxième piste que ça se passe : pas de place pour les silences, n’en jetez plus la cour est pleine ! Réflexion faite, non : jetez-en encore un peu histoire que je ne retourne pas tout de suite à je ne sais quel minimalisme, réductionnisme, etc. Pendant ce temps, je relis mes (ma ?) notes : « très bon disque ».

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Cor Fuhler, Jim Denley : Truancy
Split Rec / Metamkine
Enregistrement : 12 et 17 décembre 2013.
CD : 01/ Skive 02/ Wag
Pierre Cécile © Le son du grisli



Mural : Tempo (Sofa, 2015)

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S’il aura fallu trois disques à Mural pour documenter leur troisième apparition à la Rothko Chapel – on se souvient de ce récent Live –, c’est que celle-ci dura quatre heures. Le 27 avril 2013, Jim Denley, Kim Myhr et Ingar Zach invitèrent le public à aller et venir, voire à disparaître, en musique.

S’il ne dit rien de la première heure, cet enregistrement donne à entendre les trois autres comme elles se sont succédées. A la seconde, l’ivresse gagne déjà quand la cithare se lève après avoir longtemps cherché comment tenir sur les graves plateaux que remuent lentement les instruments à vent et la gran cassa. La musique tourne, mais parfois le silence la subjugue : après chaque arrêt, frottements, premiers souffles et frémissements doivent repartir de zéro.

Les musiciens peuvent alors choisir de se désolidariser : maintenant à la guitare, Myhr insiste quand, à la flûte, Denley peut éclater : la musique n’est plus atmosphérique, trois individualités s’y expriment avant de retourner à la rengaine commune. On y verra l’effet du bel art de Zach qui, au son de cymbales qui grincent et cinglent même, ramène le trio sur le chemin qu’il connaît et refait sans cesse avec bonheur : celui de la flâneuse pulsation chromatique.



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Mural : Tempo
Sofa
Enregistrement : 27 avril 2013. Edition : 2015.
3 CD : CD1 : 01/ Second Hour – CD2 : 01/ Third Hour – CD3 : 01/ Fourth Hour
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Philipp Schmickl, Jim Denley, Marzen Kerbaj : Theoral 5 (Theoral, 2012)

marzen kerbaj jim denley theoral 5

Les numéros de Theoral sont, de Philipp Schmickl, les carnets de voyages et de rencontres. L’homme est amateur de transport, d’arts et de musique, de sciences humaines… En conséquence, ses publications célèbrent Marco Eneidi et Andre Gingrich (Theoral 1), Mira Sidawi et Xavier Charles (Theoral 2), Paul Lovens (Theoral 3), Nicole Brooks et Clayton Thomas (Theoral 4)… Quant à la cinquième livraison de Theoral, elle raconte le séjour de Schmickl à Beyrouth en 2012, où l’homme a pu croiser Jim Denley (le 7 avril) et Mazen Kerbaj (le 14 avril).  

A chaque fois, Schmickl et son acolyte prennent le temps, improvisent en mots, passent par l’anecdote pour dire de belles et parfois essentielles choses, perdent le fil de la conversation pour en attraper un autre, qui la rafraîchira. Ainsi, Denley aborde-t-il ses liens avec l’Australie, sa découverte de Beyrouth, lorsqu’il ne se souvient pas plutôt de Derek Bailey qu’il côtoya à domicile au début des années 1990 ou ne recommande la lecture d’un livre de Trevor Wishart. Comme toute improvisation valable, la conversation est faite d’expérience et d’instant même.  

Avec Kerbaj, le même principe opère : faire le parallèle entre l’angoisse de la page blanche du dessinateur et celle du son à découvrir de l’improvisateur, pour parler ensuite des chanteurs français qu’il écouta beaucoup – Gainsbourg, Brassens, Lapointe –, de son partenaire et alter ego Sharif Sehnaoui et de leur éducation musicale commune, puis de ses rencontres avec Raed Yassin, Charbel Haber, Evan Parker… L’écho de la guerre civil, enfin, et c’est déjà les dernières pages. Au sommaire du sixième Theoral, sont annoncés Franz Hautzinger et Hans Falb

Philipp Schmickl, Jim Denley, Marzen Kerbaj : Theoral 5 (Theoral)
Edition : 2012.
Revue : Theoral
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


SFE : Positions & Descriptions (Clean Feed, 2011)

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Sous la conduite de Clark Rundell, trouver ici quinze musiciens de choix, dont Simon H. Fell (qui signe ce disque pour avoir écrit la composition à y entendre), Jim Denley, Alex Ward, Tim Berne, Rhodri Davies, Joe Morris, Steve Beresford, Mark Sanders… Suffisant pour revenir aux chimères orchestrales…  

Découpées en neuf parties, Composition No. 75 débute au son de dissonances sur swing clair qui s’entendront sur une progression très écrite et en conséquence interprétée avec application – la découpe rappelle le Braxton de partition. Entre les lignes, des improvisations sont commandées : les instruments déboîtent les uns après les autres, la machinerie électronique jouant l’élément perturbateur de l’ensemble.

Au mitan, la harpe et le violon élaborent les secondes les plus convaincantes de l’enregistrement : leur association vaut tous les discours, mais déjà le groupe retourne au swing, aux unissons communs voire à une musique d’illustration. Redisons-le, les plus beaux moments de l’expérience sont ceux commandés par une écriture en perdition : les souffles déviants la gonflent de folie et les frappes la raniment. La conclusion, de jouer de graves derniers et de leurs entrelacs, d’un piano arbitrant une joute de cordes frottés et d’unissons emportés derrière lesquels Fell saura disparaître, en meneur impérieux.

SFE : Positions & Descriptions (Clean Feed / Orkhêstra International)
Edition : 2011.
CD : 01/ Movt. I 02/ Who's The Fat Man? 03/ Movt. II 04/ FZ pour PB 05/ Movt. III 06/ Graphic Description 07/ Movt. IV 08/ Plusieurs Commentaires de PB pour DR 09/ Movt. V
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Blip : Dead Space (Bocian, 2012)

blip dead space

S’emparant de la rumeur laissée par le passage de Calibrated, Jim Denley et Mike Majkowski ont pensé un disque blanc en hommage à leurs pères récemment disparus. Non pas un Chant des morts mais un Chant du départ qui connaît sept fins dont l’association fond les couleurs du crépuscule dans ce blanc affiché.

En artificier, Majkowski ouvre le thrène : la contrebasse à propulsion, dont les cordes frémissent ou palpitent, porte le saxophone et les flûtes de Denley menacées sans cesse d’aphonie, sinon de raucité. Quand le duo ne compose pas de concert avec les nuances d’ombres et de soupirs, ses éléments peuvent s’opposer : ainsi l’alto est-il pris d’affolement, sur Third Ending, face aux graves excavés par l’archet ; ailleurs le même trouve le moyen d’entrer dans le ventre de la contrebasse où il trouve un écho superbe à son désœuvrement.

Œuvre au noir de circonstance née de peines dissoutes sur le mouvement d’une berceuse retardataire, Dead Space est, « au final », un grand-œuvre de représailles et de consolation.

Blip : Dead Space (Bocian / Metamkine)
Enregistrement : 26 juillet 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ First Ending 02/ Second Ending 03/ Third Ending 04/ Fourth Ending 05/ Fifth Ending 06/ Sixth Ending 07/ Seventh Ending
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Bridges (Machinefabriek, 2011)

bridges

Il faudra dire comme les couleurs de ces quatre faces tournent, n’en formant plus qu’une par moments. Et aussi parler des sons qu’expulsent de la surface du vinyle la rotation choisie : 33 tours par minute pour le double disque qu’est Bridges.

Les « ponts » en question sont ceux que Gerco Hiddink a photographié (photographies découpées ensuite) pour confectionner ces deux picture-discs. Auprès de ces mêmes ponts, Rutger Zuydervelt (Machinefabriek) a recueilli des field recordings auxquels réagiront enfin une sélection d’improvisateurs. Arrangés par couples, ce sont Jim Denley et Espen Reinertsen, Burkhard Beins et Jon Mueller, Mats Gustafsson et Nate WooleyErik Carlsson et Steven Hess, que ces éléments d’environnement inspirent.

Le premier duo élabore ainsi une miniature atmosphérique jouant du vent et de chants d’oiseaux et d’abeilles ; le second lève une imposante pièce rythmique ; le troisième dépose une pièce constructiviste sur quelques chocs sourds ; le dernier évolue en souterrain sujet à courants d’airs monstres. Pour finir, DJ Sniff résumera l’ensemble en une poignée de minutes à télécharger sur internet. Rien à redire.

Jim Denley, Espen Reinertsen, Burkhard Beins, Jon Mueller, Mats Gustafsson, Nate Wooley, Erik Carlsson, Steven Hess, DJ Sniff : Bridges (Machinefabriek)
Edition : 2011.
LP1 : A/ Jim Denley, Espen Reinertsen : Bergerslagbroek B/ Burkhard Beins, Jon Mueller : Netterden Channel – LP2 : A/ Mats Gustafsson, Nate Wooley : Rhine B/ Erik Carlsson, Steven Hess : Waal
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Clare Cooper, Chris Abrahams : Germ Studies (Splitrec, 2011)

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Un poster livré avec Germ Studies fait apparaître un tableau de « germes » dessinés qui ont inspiré Clare Cooper (à la cithare / guzheng) et Chris Abrahams de The Necks (au synthétiseur DX7). Sur 5 ans, le duo a donné voix (et donc bruits) à ces monstres inventés sous le crayon de ses connaissances (allons-y : Oren Ambarchi, Lawrence English, Axel Dörner, Otomo Yoshihide, Xavier Charles, Tony Buck, Clayton Thomas, Robbie Avenaim, Jim Denley, Tetuzi Akiyama, Sean Baxter, Mazen Kerbaj, C Spencer Yeh, Robin Fox, Anthea Caddy, Annette Krebs, Andy Moore, Andrea Neumann, Stephen O’Malley, Robin Hayward, Kai Fagaschinski, Keith Rowe, Werner Dafeldecker, Jean-Philippe Gross, Mike Pride…).

Leurs études d’entomologie imaginaire auront pris cinq ans à Cooper et Abrahams. Leur mémoire de fin d’étude tient en deux CD. Une collection de miniatures sonores qui partent dans tous les sens. Cela peut être abstrait, électronique, concret, rythmé ou non, ou tout cela à la fois. Sous le microscope, les microsystèmes, pour qu’on les laisse tranquilles, lâchent un son ou deux ; Abrahams et Cooper peuvent passer au suivant. A la fin, une germination folle a donné un projet surréaliste et méritant. Locality & Reproduction?

Chris Abrahams, Clare Cooper : Germ Studies (Splitrec / Metamkine)
Enregistrement : 2003-2005. Edition : 2011.
2 CD + 1 Affiche : Germ Studies
Pierre Cécile © Le son du grisli


Blip : Calibrated (Splitrec, 2011) / West Head Project : A Closely Woven Fabrik (Splitrec, 2011)

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Jim Denley avoue : Blip – le duo qu’il forme depuis 2008 avec le contrebassiste Mike Majkowski –avait déjà enregistré des improvisations sans avoir ressenti ensuite le besoin de les consigner sur disque.

Avec Calibrated, les choses ont donc changé. C’est qu’à l’écoute, on trouve-là comme de beaux moments d’abandon mis en musique. Les sonorités de Denley peinent à quitter le corps de son saxophone alto ou de sa flûte et, lorsqu’elles y parviennent, gagnent immédiatement l’intérieur de la contrebasse à moteurs de Majkowski –  les moteurs en question ressemblent à ces langues de carton que les enfants attachent aux haubans de leur vélo.

C’est qu’un  duo tel qu’envisagé par Denley est une occasion de transformer son langage au contact de l’autre : ainsi donc, l’alto se laisse happer par la contrebasse qui le traîne et le fait rebondir, craquer enfin. Pour s’en sortir, le saxophoniste réengagera le dialogue sur une voie moins expérimentale : les réflexes sont ancrés dans la tradition d’une improvisation plus remontée. Leur chant équilibre l’exercice de mesure que promettait d’être Calibrated.

Blip : Calibrated (Splitrec)
Edition : 2011.
CD : Calibrated
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

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En mars 2009 à Maria Island, Tasmanie, Denley animait en compagnie de Monika Brooks (accordéon) et Dale Gorfinkel (trompette préparée, installations) le West Head Project. Conclusion d’une résidence d’une dizaine de jours sur ce site, A Closely Woven Fabrik  est la promenade enregistrée de trois musiciens et de leur public. Des chants d’oiseaux, quelques paroles, des pas, se mêlent à une étonnante improvisation sur site. Eau et bois participent évidemment du sonore mis en musique ; sont même les éléments de choix d’un nouvel et fabuleux écosystème.

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Ce samedi 22 octobre, Jim Denley donnera un concert en duo avec Magda Mayas à Fresnes-en-Woëvre dans le cadre du festival Densités.


Mural : Live at the Rothko Chapel (Rothko Chapel, 2011)

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Comme quoi, le hasard… Pour Nectars of Emergence, j’avais écrit que Mural entamait une ascension du « Mont Rothko ». Cela se confirme avec Live at the Rothko Chapel, où Mural refait l’intérieur du lieu cher à Morton Feldman.

Jim Denley (instruments à vent), Kim Myhr (guitare acoustique) et Ingar Zach (grosse caisse) se posent donc dans la chapelle. Ils réfléchissent. Le premier choisit de débiter des phrases tranchantes, le deuxième de bercer mollement ses camarades, le troisième de faire battre le cœur de Doom and Promise. Et son cœur bat si bien qu’il fait vibrer une corde, puis deux, etc. Une ronde se forme, maintenue en vie par le trio qui l’enveloppe sans arrêt de graves et de chaleur.

Comme la lumière qui l’atteint peut faire changer la vision qu’on a d’une toile, l’acoustique de la Rotkho Chapel fait varier la musique. Avec la résonance, les accords s’affaissent, les clefs claquent moins fort et la peau du tambour expie. Tout semble chuter mais à un moment les souffles les arpèges et les frottements refont surface. Tout simplement par ce que cette chapelle est une cathédrale. Elle accélère l’ascension des notes qui se multiplient par leur vibration. Il ne suffit même par d’avoir la foi (en Mural) pour s’en convaincre.

Mural : Live at the Rothko Chapel (Rothko Chapel / Metamkine)
Enregistrement : 4 mars 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Doom and Promise
Héctor Cabrero © Le son du grisli


Denley, Lauzier, Martel, Myhr, Normand : Transition de phase (Tour de bras, 2010)

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Trois phases (1 2 3) consignées en Transition de phase, disque que Jim Denley (alto préparé et flûte) et Kim Myhr (guitare, cithare et objets) – partenaires réguliers entendus récemment en Mural – ont improvisé en compagnie de Philippe Lauzier (soprano et clarinette basse), Pierre-Yves Martel (dessus de viole et életronique) et Eric Normand (basse électrique).

Où tout commence par la juxtaposition patiente de longues notes volontairement peu assurées, de souffles découpant en conséquence et de cordes changées en suspensions de métal que le moindre mouvement fait chanter. L’idée naît ensuite dans le changement : les musiciens profitent de zones de perturbations sur lesquelles ils s’accordent, se soutiennent, s’expriment enfin. En intérieur de clarinette, Lauzier se plaît à buter et finit d’engager la rencontre à prendre la forme d’une cohérente conciliation d’expressions individuelles.

Cithare vibrant contre machinerie crépitant, instruments à vent traçant d’autres lignes de fuite, les musiciens sont en phase toujours bien qu’en effet en perpétuelle transition. Les cordes pincées de cithare donnent une dernière couleur à l’improvisation, ressorts contre lesquels viendront se reposer les autres instruments. La dernière phase est la plus fragile, la déroute est encore autre et les propositions sont des trouvailles presque à chaque fois. Qu’on s’y perde est tout ce que l’on pouvait souhaiter avant que revienne l'humeur d'y retourner.

Jim Denley, Philippe Lauzier, Pierre-Yves Martel, Kim Myhr, Eric Normand : Transition de phase (Tour de bras / Metamkine)
Enregistrement : 25 mai 2010. Edition : 2010.
CD : 01/ Phase 1 02/ Phase 2 03/ Phase 3
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



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