Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Harris Eisenstadt : Old Growth Forrest (Clean Feed, 2016)

harris eisenstadt old growht forest

En bons frères de souffles qu’ils sont, Jeb Bishop et Tony Malaby s’amusent de la complexité rythmique des partitions d’Harris Eisenstadt. Il est vrai que leur facilite la tâche le jeu tout en suavité et en bienveillance de Jason Roebke : la contrebasse gravite, dissimule le quart de mesure en plus (ou en moins : on m’excusera de n’avoir pas fait de relevés ici).

Souvent, la partition s’effrite en milieu de plage pour ouvrir la voie à des entrelacs de cuivres. Les réseaux ainsi ouverts, on découvre un ténor sinueux (rien de neuf chez Malaby mais toujours la même présence) et un trombone au lyrisme juteux. Il faudra dire ici le sens de la danse et du zigzag constant. Entre décalages et rapprochements, tous vont relâcher la pression, assumer la souplesse de leur art et, ainsi, réactiver un trio (le saxophoniste, ici, s’ajoutant) de très bonne mémoire.  

old growth

Harris Eisenstadt : Old Growth Forest
Clean Feed / Orkhêstra International

Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ Larch 02/ Pine 03/ Hemlock 04/ Redwood 05/ Spruce 06/ Fir 07/ Big Basin 08/ Cedar
Luc Bouquet © Le son du grisli



Peter Brötzmann Chicago Tentet : Concert for Fukushima (Pan Rec / Trost, 2013)

peter brotzmann chicago tentet concert for fukushima

Assez solides, les planches du Stadttheater de Wels, Autriche, pour accueillir, le 6 novembre 2011 à l'occasion d'un hommage aux victimes de la catastrophe de Fukushima, le Chicago Tentet de Peter Brötzmann augmenté de quatre Japonais de poids (Toshinori Kondo, Michihiyo Yagi, Otomo Yoshihide et Akira Sakata).

Les caméras de Pavel Borodin montrent tout de même qu'un invité chasse l'autre auprès de l'épaisse formation : Kondo, d'abord, se ralliant sur l'instant à la fougue qui emporte un hymne que l'on croirait illustratif ; Yagi, dont les kotos encouragent les vents à redoubler d'ardeur, et qui se recueillera seule sur les deux notes d'une berceuse, parenthèse refermée par un Tentet alarmant ; Yoshihide, cinglant d'abord à la guitare, puis occupé à de patientes recherches sur l'harmonie des lignes à l'invitation de Brötzmann, Vandermark et Gustafsson – un motif de trois notes qu'il mettra au jour et fera tourner relancera la furieuse machine ; Sakata, pour conclure, sur une pièce qui double souvent tel instrument privilégié : course d'alto entamée avec Brötzmann à laquelle feront écho Bishop et Bauer, puis clarinette couplée à celle de Vandermark, combinaison qui attirera tous les musiciens à elle.

Ce sont-là quatre paysages jouant d'éléments différents mais d'une force partagée, et de caractéristiques nées de leur rencontre : méditative, habile, espiègle, ardente.

Peter Brötzmann Chicago Tentet : Concert for Fukushima, Wels 2011 (PanRec / Trost / Metamkine)
Enregistrement : 6 novembre 2011. Edition : 2013.
DVD : 01-04/ Japanese Landscapes 1-4
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


The Whammies : Play the Music of Steve Lacy (Driff, 2013)

the whammies play the music of steve lacy 2 le son du grisli

Décidés à « jouer la musique de Steve Lacy », The Whammies le font effectivement... mais ne font que s'y tenir – là où le sopraniste espérait que ses partitions, ouvertes sur l'improvisation, serviraient de tremplins vers un « other stuff »...

Certainement la tâche n'est-elle pas si aisée, et c'est bien ce que montrent, près de dix ans après la disparition du compositeur, plusieurs des groupes qui s'attellent à son énorme répertoire : les uns appuyant le trait (on pensera au trio Lacy Pool), les autres « re-composant » (comme Ideal Bread qui enregistre son troisième disque, Beating the Teens, d'après les années Saravah de Lacy).

Jorrit Dijkstra (saxophone alto et lyricon), Pandelis Karayorgis (piano), Jeb Bishop (trombone), Mary Oliver (violon, alto), Nate McBride (contrebasse) et Han Bennink (batterie) semblent avoir choisi, de leur côté, une forme de reconstitution – d'un son, d'un univers (jusqu'au clin d'œil monkien final), voire d'un groupe, bien que l'effectif éclate souvent en petites combinaisons instrumentales. Bien sûr, on ne peut que saluer le soin et l'allant de l'entreprise, l'apport d'une pièce lacyenne inédite et la fidélité au « texte », mais la quantité de morceaux regroupés entrave leur exploitation, l'exploration de leurs propositions. Avec ce second volume, sans doute The Whammies aèrent-ils les partitions et dressent-ils un bon aide-mémoire, mais ce « patrimoine » n'est-il pas assez solide pour être mieux secoué ou plus sauvagement cannibalisé ?!

The Whammies : Play the Music of Steve Lacy Volume 2 (Driff Records)
Edition : 2013.
CD : 01/ Skirts 02/ Pregnant Virgin 03/ Lumps 04/ Art 05/ Somebody Special 06/ The Oil 07/ Feline 08/ Saxovision 09/ Threads 10/ Hanky-Panky 11/ Wickets 12/ Shuffle Boil
Guillaume Tarche © Le son du grisli


The Engines, John Tchicai : Other Violets (Not Two, 2013)

the engines john tchicai other violets

Hungy Brain de Chicago, le 15 mai 2011. The Engines accueillait un cinquième membre, éminent et solidement ancré au projet qui plus est : John Tchicai.

Du saxophoniste, le groupe interprétera Cool Copy, marche éléphantesque bientôt démembrée, couplée à une marche plus lente, Looking, signée cette fois Jeb Bishop, et puis Super Orgasmic Life que flûte et trombone fleuriront de fins entrelacs. Spécieuse, languissante, la langue en partage est réflexive et concentrée. Pour rappel : The Engines tire sa force de son répertoire, original et dérivant. Ainsi Nate McBride et Dave Rempis associent-ils deux de leurs pièces pour jouer de contrainte et d’unissons, de surenchère enfin sur solos libres (High and Low/Strafe) avant que Gloxina de Tim Daisy renoue avec la prudence recommandée par une atmosphère augurale.

La conclusion ira, elle, voir du côté d’une soul qui finira en débordements d’une cohérence que seule la réunion de ces cinq musiciens – plus qu’un hommage rendu à Tchicai, sa présence auprès de ses jeunes partenaires atteste une ligne d’action, voire de conduite, commune – pouvait assurer.

The Engines : Other Violets (Not Two)
Enregistrement : 15 mai 2011. Edition : 2013
CD : 01/ High and Low/ Strafe 02/ Gloxinia 03/ Cool Copy/Looking 04/ Super Orgasmoc Life 05/ Planet
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Rodrigo Amado Motion Trio, Jeb Bishop : The Flame Alphabet (Not Two, 2013)

rodrigo amado motion trio the flame alphabet

Deux jours après un enregistrement live des plus réjouissant (Burning Live / JACC), Rodrigo Amado, Jeb Bishop, Miguel Mira et Gabriel Ferrandini se retrouvent en studio et en profitent pour réitérer quelques-unes de leurs plus belles ascensions.

Souvent entamées par un duo batterie-saxophone ou batterie-trombone (The Flame Alphabet, First Light), les improvisations du quartet ne tardent pas à s’entrouvrir au collectif, à escalader des crescendos rayonnants. La ballade est là qui se déroule sans heurts, stagne (The Healing) ou se gargarise de sèches hachures (Into the Valley). Reflets, effets de miroir, les improvisateurs ne peuvent que se compléter ou s’interpénétrer.

On écrira à nouveau combien sont soyeux et profonds les graves du ténor d’Amado, endurants les solos du tromboniste, précieux et constructifs l’accompagnement du violoncelle-contrebasse de Mira,  débordante et impétueuse la frappe de Ferrandini. Et bien sûr, on écrira que le free jazz n’est pas tout à fait trépassé puisqu’ici débordant de vitalité et d’intensité.

Rodrigo Amado Motion Trio + Jeb Bishop : The Flame Alphabet (Not Two Records / Products from Poland)
Enregistrement : 30 mai 2011. Edition : 2013.
CD : 01/ Burning Mountain 02/ The Flame Alphabet 03/ First Light 04/ Into the Valley 05/ The Healing
Luc Bouquet © Le son du grisli



The Luzern-Chicago Connection : Live at Jazzfestival Willisau (Veto, 2012) / Fast Citizens : Gather (Delmark, 2012)

the luzern-chicago connection

C’est l’histoire d’une mayonnaise qui ne prend pas toujours. Soit pour trois musiciens de Lucerne (Isa Wiss, Marc Unternährer, Hans-Peter Pfammater) et pour trois musiciens natifs de ou installés à Chicago (Jeb Bishop, Jason Roebke, Frank Rosaly) la recherche d’une terre d’union et de partage. L’idée d’impliquer figures anciennes (swing, bop) et tentations plus libertaires (free jazz, improvisation) n’est que rarement concluante. Et ici, à nouveau…

Quand les éléments entrent en collision, s’opposent, animent le contresens et que la ballade se voit perturbée par des signes extérieurs, cela fait sens (Apples Tree Structures). Mais quand une pesante masse phagocyte un passionné duo voix-batterie, l’auditeur déchante (B & P). Et ce dernier de naviguer, désappointé, en un sucré-salé de peu de consistance.

The Luzern-Chicago Connection : Live at Jazzfestival Willisau (Veto Records)
Enregistrement : 2010. Edition : 2012.
CD : 01/ Entenparade – How D 02/ Apples – Tree Structures 03/Third Spin 04/ Willisau Thing – Poor Feathers 05/ B & P 06/ Lonely Cowboy
Luc Bouquet © Le son du grisli

lonberg-holm fast citizens

Puisqu’elle passe de main en main, voici la formation des Fast Citizens aujourd’hui emmenée par Fred Lonberg-Holm. Après avoir enregistré Ready Everyday sous la conduite de Keefe Jackson puis Two Cities sous celle d’Aram Shelton, le sextette – que complètent Josh Berman, Anton Hatwich et Frank Rosaly – signe avec Gather un disque de jazz qui profite des réactions et ruades soudaines qui depuis toujours inspirent le violoncelliste. De quoi peaufiner post-bop et free Vander-marqué, même si le meneur ne peut rien contre quelques récurentes étrangetés dans les arrangements.

Fred Lonberg Holm Fast Citizens : Gather (Delmark)
Edition : 2012
CD : Gather
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Paul Giallorenzo : Emergent (Leo, 2012)

paul giallorenzo emergent le son du grisli

D’un label ayant peu documenté la scène de Chicago, on ne pourra que se réjouir de la sortie de l’Emergent de Paul Giallorenzo. De ce quartet aux multiples entrées, on n’entendra d’abord que l’ouragan Williams (Mars de son prénom) : rapidement convulsif, soudainement barbierien, Imprograf semble avoir été composé pour lui : chorus embrasé avant solo absolu de ténor sur fond de rythmique déchaînée (bien trop sages et trop métronomiques, par ailleurs, messieurs Anton Hatwich et Marc Riordan). Mais on aura également remarqué le gouailleur et généreux tromboniste Jeb Bishop. Et dans le rôle du détrousseur de phrasés, Giallorenzo nous convainc totalement.

Reste à approfondir les compositions du pianiste et cela est une autre affaire : hommage appuyé à Fred Anderson (Spatialist) et à peine plus voilé en direction de Steve Lacy (Slowed Roll) pour le meilleur ; swing rigide (The Swinger) et bop raisonnable (Spring Chicken) pour le moins bon. Soit quelques légers bémols n’entachant que partiellement un enregistrement souvent lumineux.

Paul Giallorenzo’s Gitgo : Emergent (Leo Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2010. Edition : 2012.
CD : 01/ On Your Marks 02/ Want It 03/ Slowed Roll 04/ Spacialist 05/ Obelaskism 06/ Imprograf 07/ The Swinger 08/ Spring Chicken
Luc Bouquet © Le son du grisli


Josh Berman : There Now (Delmark, 2012)

josh berman there now

Le Gang du cornettiste Josh Berman aime à s’incarner selon son humeur en une fanfare dixie (Liza), en un orchestre swing (I’veFound a New Baby), en un combo bebop (Sugar) ou, encore,en un groupe de blues (Mobile and Blues).  Mais, à chaque fois, sitôt le thème exposé (ou parfois déjà lors du dévoilement de ce thème), les membres du Gang malmènent ce dernier, le dévoient, le corrompent, se jouent de lui. Car, si ses membres maîtrisent l’art d’Armstrong, Ellington, Parker ou Muddy Waters, ils ont aussi assidument fréquenté Eric Dolphy, Rahsaan Roland Kirk et Lester Bowie. Alors, respect et irrévérence, de faire bon ménage ici.

De son amour de la tradition et de son refus de la nostalgie, le cornettiste Josh Berman nous avait déjà entretenus dans le bien nommé Old Idea qui paraissait voici 3 ans sur le label Delmark. Sur ce même label, historique firme chicagoane, Berman en octet propose aujourd’hui There Now. Et nous convainc tout autant : l’esprit frondeur et facétieux, la pertinence des musiciens, complices de longue date de Berman (mention spéciale au contrebassiste Joshua Abrams et au vibraphoniste Jason Adasiewicz) emportent totalement l’adhésion.

One Train May Hide Another, troisième morceau de l’album au titre-programme, pourrait en servir d’exemple. La machine bien huilée roule tranquillement jusqu’à son mitan, pour soudain exploser en route et révéler brisures cuivrées, éclats boisés, métaux épars. La mécanique ainsi démontée finira cependant par se rassembler et repartir tant bien que mal, mais en conservant cette légère claudication symptomatique de ce que le Gang de Berman pourrait désigner comme sa propre conception du swing.

Josh Berman & His Gang : There Now (Delmark)
Edition : 2012.
CD : 01/ Love Is Just Around the Corner 02/ Sugar 03/ One Train May Hide Another 04/ Cloudy 05/ Jada 06/ Liza 07/ I've Found a New Baby 08/ Mobile and Blues.
Pierre Lemarchand © Le son du grisli


Rodrigo Amado : Burning Live at Jazz ao Centro (JACC, 2012)

rodrigo amado burning live

Ils n’ont pas besoin de se chercher puisque se trouvant dès la première seconde. Eux, ce sont Rodrigo Amado et Jeb Bishop, respectivement saxophoniste et tromboniste. En ce jour du 28 mai 2011, dans le cadre du Jazz ao Centro Festival de Coimbra, le second rejoint le Motion Trio du premier.

Leurs souffles ne sont là que pour s’embraser, s’étreindre, se concurrencer. Le tromboniste aime à aggraver le cercle, à lui pulvériser l’écorce protectrice. Le saxophoniste, lui, fait de l’âpreté un royaume flamboyant. Jamais séparés trop longtemps, ils peinent à trouver le chemin de la douceur.  Le trouvant, ils s’en détachent rapidement. A leurs côtés, Miguel Mira et Gabriel Ferrandini rejoignent l’incendie d’une fire music qui n’en finit pas d’irriguer leurs pourpres élans.

EN ECOUTE >>> Red Halo

Rodrigo Amado Motion Trio, Jeb Bishop : Burning Live at Jazz ao Centro (JACC Records)
Enregistrement : 28 mai 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Burning Live 02/ Imaginary Caverns 03/ Red Hallo
Luc Bouquet © Le son du grisli


Cactus Truck : Live in USA (Eh? / Tractata, 2013)

cactus truck live usa

Si John Dikeman (saxophones), Jasper Stadhouders (guitare et basse électriques) et Onno Govaert (batterie) se cachent derrière Cactus Truck c’est qu’ils ne craignent ni l’épine ni la vitesse. D’ailleurs, le power trio sax / guitare / batterie se s’embarrasse pas de présentation : à la place, il déverse directement le même free costaud que Luc Bouquet avait entendu sur Brand New China.

Sur le CD en question, les Hollandais ont placé des morceaux de trois concerts donnés aux USA, parfois avec Jeb Bishop (les deux premiers titres) et parfois avec Roy Campbell (le dernier titre). Et oui, le trio étend sa menace et les murs étasuniens en tremblent. Heureusement que Bishop improvise et que Campbell mélodise pour que le free jazz de Cactus Truck n’abatte pas tout jusqu’au dernier de leurs auditeurs. S’ils ont les épaules assez larges, ces-derniers applaudiront le groupe sur les ruines.

Cactus Truck : Live in USA (Eh? / Tractata Records)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Prairie Oyster 02/ Seans Gone 03/ Hot Brown 04/ The Twerk 05/ Magnum Eyebrow 06/ Wedding Present (Sorry Erine) 07/ Ninja
Pierre Cécile © Le son du grisli



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