Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Garrison Fewell, Gianni Mimmo : Flawless Dust (Long Song Records, 2016)

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Sachant l’amour que Garrison Fewell portait à l’Italie, il fallait bien qu’un jour il croisât la route de Gianni Mimmo. Flawless Dust a été enregistré, par les soins de Stefano Ferrian, le 31 octobre 2014.

Neuf pièces improvisées pour tout Outcome – mais c’est ici l’Outcome d’un duo d’héritiers et non pas d’usurpateurs : Fewell et Mimmo, c’est d’ailleurs, tous les deux assumés, le geste d’avant celui de Derek Bailey et le souffle d’avant celui de Steve Lacy. Si le disque atteste parfois un goût ancien pour le bavardage (Mimmo, surtout, qui court souvent après la mélodie et s’y laisse parfois emporter), il réserve aussi quelques plages à des conversations plus réfléchies.

Le morceau-titre en est le meilleur exemple – qui rappelle, lui, la rencontre d’une autre guitare (celle de Billy Bauer) et d’un alto (celui de Lee Konitz) sur Inside Hi Fi –, dans les pas duquel Fewell invente : en milieu de demi-caisse, en taping et tout en retenue expressive. S’il pourra ici ou là passer pour accompagnateur, Fewell peut aussi retourner la situation le temps d’une miniature (Other Song) ou d’un dernier morceau de bravoure (Grainy Fabric). Alors, le geste d’avant celui de Bailey a beau jeu de se souvenir ; ce que le souffle d’après celui de Lacy atteste.



flawless dust

Garrison Fewell, Gianni Mimmo : Flawless Dust
Long Song Records
Enregistrement : 31 octobre 2014. Edition : 2016.
CD : 01/ Flawless Dust 02/ Song 03/ Coherent 04/ News from Beyond 05/ Struggente 06/ Other Song 07/ A Floating Caravan 08/ Other Chat 09/ Grainy Fabric
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Reciprocal Uncles, Ove Volquartz : Glance and Many Avenues (Amirani, 2015)

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Considérant la fluidité comme chose recherchée, espérée voire implorée, cet enregistrement la débusque d’entrée. A Göttingen, patrie du clarinettiste Ove Volquartz, cette même fluidité saute aux oreilles. Le naturel passe par là et rien ne viendra le déranger. Histoire de sensibilités, pensera-t-on, et l’on aura raison.

Ces quatre musiciens (je découvre pour la première fois le batteur Cristiano Calcagnile) savent écouter et ne pas taire leur savoir de mélodistes. Ils ont l’appétit vorace, parfois trop (Almost Presto et ses fausses fins) et l’interdit aux oubliettes. Nulle joute entre le soprano de Gianni Mimmo et les clarinettes de Volquartz, juste l’enlacement adéquat. Nulle épine rythmique chez le batteur mais des tambours transperçant. Nulle hérésie ceciltaylorienne chez Gianni Lenoci mais un désir d’accompagner la foudre avant d’attendrir les épices. Rien d’autre, ici, qu’une fougue naturelle, rare, ensorcelante.

Reciprocal Uncles with Ove Volquartz : Glance and Many Avenues (Amirani Records)
Enregistrement : 19 mars 2013. Edition : 2015.
CD : 01/ Schönberg Slides on Boulevard Dali 02/ Flowerpiercers on Cecil Rd. 03/ Zögernd in der Weberngasse 04/ Blaues Schichtengeflecht 05/ Act Not Re-Act 06/ Graciously Flowing Shadows 07/ Almost Presto
Luc Bouquet © Le son du grisli

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Dario Palermo : Difference Engines (Amirani, 2015)/ Gianni Mimmo, Alison Blunt : Lasting Ephemerals (Amirani, 2014)

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La musique de Dario Palermo serait une musique d’épreuves, à la fois humaines et électroacoustiques. Humaines comme Milo Tamez (percussions), les membres de l’Arditti Quartet et Catherine Carter (mezzo-soprano), et Jean-Michel Van Schouwburg (voix). Electroacoustiques comme RO – Première danse de la Lune, The Difference Engine et Trance, les trois compositions de Palermo que ces humains interprètent respectivement.

Tamez est le premier à faire face à l’électronique en temps réel de ces trois pièces. Ses percussions grincent avant de lui répondre, réfléchissent à des parades avant de se faire avaler. L’obscur exercice n’en est pas moins passionnant. Au tour de  l’Arditti Quartet et de Carter. Les cordes parcourent en tous sens un dédale en forme de labyrinthe où sont nichés des oiseaux-flûtes. Le contemporain est moins original. Reste le tour de Van Schouwburg, qui grogne à l’écoute des larsens, essaye de s’expliquer et déblatère. Trance est elle aussi moins captivante que la première pièce. Elle, on l’a réécoutera. En attendant des nouvelles de Dario Palermo.

Dario Palermo : Difference Engines (Amirani)
Edition : 2015.
CD : 01/ RO – Première danse de la Lune (2012) 02/ The Difference Engine 03/ Trance
Héctor Cabrero © Le son du grisli

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Gianni Mimmo est un soprano lui aussi, mais saxophoniste. Sur Lasting Ephemerals, il cherche le sillon qui le mènera le plus sûrement à la violoniste Alison Blunt. Comme dans ces jeux pour enfants, il y a plusieurs possibilités, mais Mimmo et Blunt préfèrent brouiller les pistes en déformant au maximum le son de leurs instruments (qui sonnent « électronique » parfois, comme sur la deuxième face où le romantisme côtoie la BO de film noir). Et ce sera le plus sûr chemin, celui d’un scherzo pas banal.

Gianni Mimmo, Alison Blunt : Lasting Ephemerals (Amirani)
LP : A/ Lasting Ephemerals – B1/ Elliptical Birds B2/ Scherzo
Enregistrement : 26 juin 2013. Edition : 2014.
Héctor Cabrero © Le son du grisli


The Radiata 5tet : Aurelia Aurita (dEN, 2012) / Gianni Mimmo : Name of the Game (Setola di Maiale, 2012)

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D’accrochages en accrochages, d’embardées en embardées, le Radiata Quintet n’a aucun mal à nous convaincre du bien-fondé de son improvisation...

Quintet en mouvement, préférant le trouble à l’organisé, Stefano Ferrian (saxophone ténor), Cecilia Quinteros (violoncelle), Claudio Milano (voix), Luca Pissavini (contrebasse) et Vito Emanuele Galante (trompette) introduisent quelques frêles balises à leur musique. Et de ces frêles balises, naîtront de raides et rudes scénarios. Dialoguant en des espaces réduits puis allongeant la prose jusqu’à envahir leur propre sphère, ils se répandent en illuminations croisées. Suppliques, cris et gesticulations de la voix ; cordes stressantes et jamais liantes ; saxophone débraillé ici, evanparkerien ailleurs, la strangulation est proche, annoncée. A découvrir…

The Radiata 5tet : Aurelia Aurita (dEN Records)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Bile dal Po 02/ Eumetazoa 03/ Planula larvae 04/ Diploblastic 05/ Single Germ Layer 06/ Echinoderms 07/ Spiralia 08/ Radially Symmetrical Cnidarians 09/ Vectensis 10/ (c)tenophores
Luc Bouquet © Le son du grisli

 

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Ce quelque chose de familier que proposent Gianni Mimmo, Stefano Ferrian, Luca Pissavini et Stefano Giust ne cache aucune révolution, aucune redéfinition des codes. Il s’agit, seulement et simplement, d’improvisation. Ici, la guitare de Stefano Ferrian distille quelques étranges saveurs : l’arpège n’est jamais tranquille, la corde frise l’excès et entretient de désagréables trouées. A l’opposé, le soprano de Gianni Mimmo – beaucoup moins lacyen que d’ordinaire – mise sur des phrasés aux chauds contours. Foisonnants et jamais en reste d’un motif à étrangler, Luca Pissavini et Stefano Giust, respectivement contrebassiste et percussionniste, maintiennent l’improvisation à haut niveau. Ainsi de ces paysages familiers, se perdant parfois en des virées utopiques (humour et chaos ne font jamais bon ménage cf. Essi), on louera, plus que toute chose, l’unité offerte, ici, intensément.

Gianni Mimmo, Stefano Ferrian, Luca Pissavii, Stefano Giust : Name of the Game (Setola di Maiale)
Enregistrement : 2010. Edition : 2012.
CD: 01/ Tu 02/ Io 03/ Egli 04/ Voi 05/ Essi 06/ Noi
Luc Bouquet © Le son du grisli


Fonosextant : Fonosextant (Setola di Maiale, 2011)

fonosextant

Pas facile de dégager une ligne claire à ce Fonosextant (Gianni Lenoci, Gianni Mimmo, Marcello Magliocchi, Matthias Boss + invités). Les appels à se rassembler (répétition des motifs, enchâssement piano-soprano) échouent presque toujours – les inquiétudes larvées de certaines pièces vont, elles, jusqu’à terme – et si fourmille et gronde une masse, elle évolue sans logique ni point d’appui.

En choisissant de nier l’axe collectif, d’éclater plus que de coutume l’improvisation, cette musique s’ouvre, de fait, à la maladresse et à l’excès. Et c’est là, précisément, où elle atteint son but : être libre de ses éclats et de son refus des évidences. On lui reconnaîtra donc sa belle impolitesse et on louera de ces quelques extraits pris sur le vif d’une tournée helvète, un indéniable talent à consommer l’insaisissable.

Fonosextant : Fonosextant (Setola di Maiale)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Rendez-vous 1 02/ Rendez-vous 2 03/ Rendez-vous 3 04/ Rendez-vous 4 05/ Rendez-vous 5
Luc Bouquet © Le son du grisli


Gianni Mimmo, Harri Sjöström : Live at Bauchhund (Amirani, 2011)

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Deux sopranos : Chirps pour balise plutôt que matrice. Réécouter Lacy et Parker et se dire que le grandiose a déjà été atteint. Et qu’il ne sert à rien de s’y frotter. S’y frotter : ce que ne font jamais Gianni Mimmo et Harri Sjöström.

Deux sopranos donc. Ludiques et alliés. Ludiques et sans accrocs. A l’écoute et sans singer, sans copier. Parfois s’opposer avec la douceur de ceux qui exècrent combats et duels. Souffler plutôt qu’occire. Et, en passant, détruire quelques idées reçues sur les conciliabules de piafs. Au charivari contenu de l’un, l’autre répond d’une harmonique rauque. Ou bien est-ce le contraire. S’amuser des souffles. Additionner et ne jamais soustraire ou diviser. Etre simplement naturels puis souder le temps qui passe. Non pas un exploit mais une possible définition de l’improvisation.

Gianni Mimmo, Harri Sjöström : Live at Bauchhund (Amirani Records)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Introduction 02/ Tap-Soup 03/ Uncovered-Pointed 04/ Curtain & Beyond 05/ Threshold Song 06/ Twin Constellation 07/ Lied 08/ Elliptical 09/ Facing the Distance 10/ Spirals
Luc Bouquet © Le son du grisli


Gianni Lenoci, Gianni Mimmo : Reciprocal Uncles (Amirani, 2010)

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On sait Lenoci être un infatigable arpenteur de terres multiples. Les chemins tracés par la musique contemporaine, les reliefs changeants dessinés par les musiques improvisées, mais aussi la fausse monotonie des déserts électroniques ont été visités par les pas curieux du pianiste.

Au début de ce disque, la musique que propose Gianni Lenoci, ici en duo avec le saxophoniste soprano Gianni Mimmo, est une musique des périmètres, qui se joue là ou on ne l’attend pas : sur les cordes et le cadre du piano, dans le souffle lui-même plutôt que pour le son qu’il propulse. Ici nous assistons à la musique en train de se faire, hors champ. Puis le paysage se dégage, par petites touches. C’est le piano qui guide, crée un climat, et le sax soprano s’engouffre dans son passage. Les deux musiciens italiens creusent une musique de l’épure, qui évoque la netteté des paysages ensoleillés après la pluie.

On pense au duo que formaient Steve Lacy et Mal Waldron, pour les sinuosités du sax qui se faufilent dans les silences, pour les respirations du piano, ses notes qui cascadent et s’entrechoquent tels de petits cailloux lumineux, mais aussi pour les trous hérités de Monk semés ici et là par le piano, comme autant d’invitations à ne pas marcher trop droit et à se détourner du chemin jusque là tracé.

L’esprit de Morton Feldman plane aussi sur cette session : on y retrouve l’attachement du compositeur américain pour la douceur des sonorités et la place qu’il souhaitait ménager au hasard dans la musique. Ainsi, chez Lenoci, on entend des mélodies qui se créent comme on jetterait des dés au ralenti. Mais parfois le piano se fait plus pressant, percussif alors, et précipité. Nous revient à l’esprit ce que disait Mal Waldron au sujet de l’improvisation : « Épuisez ce que vous avez jusqu'au bout, puis changez d’angle. »  Ici c’est le cas : une ébauche, un fragment esquissé entraînent pour les deux musiciens des tâtonnements, des errances, des foulées plus cadencées, un nouveau trébuchement, pour enfin trouver la beauté et l’apaisement. Jusqu’au nouveau virage, au nouveau « changement d’angle ».

Gianni Lenoci, Gianni Mimmo : Reciprocal Uncles (Amirani Records)
Edition : 2010.
CD : 01/ Brain Prelude 02/ Consideration 03/ One or More 04/ What the Truth is Made for 05/ Steppin’ Elements 06/ Sparse Lyrics 07/ News from the Distance 08/ Almost Interlude
Pierre Lemarchand © Le son du grisli


Five Rooms : No Room for Doubt (Amirani, 2009)

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No Room for Doubt s’ouvre sur un chant, celui de The Door, sur lequel la voix de Jean-Michel van Schouwburg rivalise de présence avec l’excellent soprano de Gianni Mimmo – qui pose d’emblée la question : tout sopraniste est-il forcément lacyen ?

La présence du guitariste John Russell oriente peut-être la suite : improvisations (ou « Music Instant Compositions by Five Rooms ») relevées soudain par la présence des cordes sans lesquelles la réunion irait de jolis moments en instants perdus, comme passe la voix de Schouwburg d’exclamations râleuses en discussions vaines ou de belles réclamations de fausset en interjections de pas grand-chose. Parce qu’aussi les autres musiciens (le tromboniste Angelo Contini, le violoncelliste Andrea Serrapiglio et, sur les deux derniers titres, le contrebassiste Paolo Falascone) respectent avec application les codes d’une improvisation entendue, quitte à laisser au commun acceptable toute la place du doute.

Five Rooms : No Room for Doubt (Amirani)
Edition : 2009.
CD : 01/ The Door 02/ No Room for Doubt 03/ Other Conspiracy 04/ Promises : the Farewell Speech 05/ train Jumper 06/ Afternoon Revelation 07/ The Next Room Interlude 08/ Cried Reasons 09/ Threshold Lyric 10/ Conspiracy #2 11/ Briskly Done 12/ Cracknel (Clouded Marble) 13/ Attractive Theory 14/ Conspiracy #1 15/ Abstract 16/ Neglected Garden 17/ Calls & Rumours
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



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