Nurse With Wound : Dark Fat (Jnana, 2016) / Steven Stapleton, Christoph Heemann : Painting With Priests (Yesmissolga, 2016)
En marge des relectures (Musique pour Faits divers par Brian Conniffe, Dark Drippings par M.S. Waldron) et des rééditions (Soliloquy For Lilith, Echo Poeme: Sequence No 2…), Steven Stapleton extrayait récemment de ses archives de quoi composer encore. Sur Dark Fat, des enregistrements de répétitions, de concerts voire de balances, datant de 2008 à 2016, sont ainsi arrangés en seize morceaux d’atmosphère comme toujours hétéroclite.
D’autant que Nurse With Wound – Stapleton, ici avec Colin Potter, M.S. Waldron et Andrew Liles – invite (ou emprunte des interventions à) à cette occasion une kyrielle de musiciens extravagants : Jac Berrocal, David Tibet, Lyn Jackson, Quentin Rollet ou Stephen O’Malley, pour n’en citer que cinq. Sous l’effet d’une hallucination qu’on imagine partagée, ce sont alors des pièces différentes – mais aussi inégales – qui composent, comme par enchantement, une suite d’impressions floues ou de souvenirs rêvés. En refusant à ses enregistrements-matériau le seul statut de document, Stapleton arrange là une autre forme de poésie (sonore) décadente qui, malgré tout, enivre autant qu’elle interroge.
Nurse With Wound : Dark Fat
Jnana / Unit Dirter
Enregistrement : 2008-2016. Edition : 2016.
2 CD : CD1 : 01/ That Leaking Putrid Underbelly - Noble Cause Corruption 02/ Devil Dreamin' - Servants Of The Paraclete 03/ Congregatio Pro Doctrina Fedei 04/ Lost In The Ocean 05/ Banality With A Beat 06/ Whoosh (A Radicalized View) 07/ Doing What We Are Told Makes Us Free –CD2 : 01/ Congealed Entrance 02/ Devil Is This The Night 03/ Eat Shop Relax 04/ Rock N' Rolla 1959 05/ The Machinery Of Hearing 06/ I Put My Mouth To The Lips Of Eternity 07/ An Attempt By Badgers To Cull Worrisome Farmers 08/ Doing What We Are Told Makes Us Free (Embedded Version) 09/ Rock'n'Roll Station (Live)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
L’élévation sera lente. Hypnotique toujours. C’est dans le contrat bien sûr. L’érosion sera lente. Le cœur battra sans peur de la chute. Un piano coincera la digression. Digression, attendue, mais ne venant pas. Les déplacements n’en seront pas. On voudrait y voir des salmigondis zébrés, des spasmes réguliers : on y supposera la désintégration mais ce ne seront, ici, qu’amorces, désirs non aboutis. S’agripperont matières et faisceaux sur la surface du fil sonore. Jamais ne délivreront l’espace, toujours l’étoufferont. Steven Stapleton & Christoph Heemann l’estoqueront alors d’un pesant silence.
Steven Stapleton, Christoph Heemann : Paintings with Priests
Yesmissolga
Enregistrement : 2009. Edition : 2016.
CD : 01/ Painting with Priests
Luc Bouquet © Le son du grisli
Colin Potter : Rank Sonata (Hallow Ground, 2015)
On avait croisé l’ingé-son Colin Potter dans les parages de Nurse With Wound & Current 93 et le voici qui fait de la musique pour lui. En fait, ce n’est pas une nouveauté, sa discographie personnelle est bien fournie, j’avoue donc mon retard puisque ce LP, Rank Sonata, est ma première sortie dans l’univers Potter.
Le premier titre est lancé par un drone, mais un beat arrive. L’Anglais ne le lâche pas pendant une bonne dizaine de minutes jusqu’à ce que son trip de dance ramolli plonge dans une ambient à ondes hallucinogènes. C’est dire qu’avec A Wider Pale of Shale le disque est bien parti, d’autant que son battement est déjà re...parti ! Toujours mou, mais bien là, il inspire à Potter des instrumentaux d’un bizarroïde à loops qui finiront dans une prototechindus un peu forcée mais qui ne nous fera pas bouder notre plaisir !
Colin Potter : Rank Sonata (Hallow Ground)
Edition : 2015.
LP : 01/ A Wider Pale of Shale 02/ You 03/ Knit Where? 04/ Beyond the Pail
Pierre Cécile © Le son du grisli
Faust : C'est com... com... compliqué (Bureau B, 2009)
Petite mise au point en préambule, le légendaire groupe "krautrock" Faust plus au moins formé sous les hospices de Polydor en 1970 est aujourd'hui une hydre à deux têtes, avec d'un côté Hans-Joachim Irmler et de l'autre Jean-Hervé Péron, deux fractions légitimes et divergentes. Il s'agit ici de la branche péronne pour ce C'est com... com... compliqué. Jean-Hervé Péron ne croyait pas si bien dire il y a trois ans lorsqu'il projetait déjà de publier sous ce titre la matière sonore enregistrée et mixée à Hambourg en été 2006 par Colin Potter et Steven Stapleton de Nurse With Wound.
En puisant dans cette matière, c'est d'abord un Disconnected qui fut publié en 2007, puis en reprenant le mixage à zéro (sans Potter et Stapleton), et en grande partie en se basant sur des morceaux distincts, c'est finalement ce C'est com... com... compliqué qui a vu le jour sur le label Bureau B. Ces tergiversations en sont peut-être elles-mêmes la conséquence, le Faust mené par Jean-Hervé Péron est plus fier et conquérant que jamais. Les morceaux s'imposent par leur puissance, leur longueur et leurs structures répétitives. Tout semble pouvoir chavirer à chaque instant et tient l'auditeur sur la brèche. Les rythmiques austères comme du béton de Zappi Diermaier y sont pour beaucoup, tout comme les drones à la guitare d'Amaury Cambuzat (ex-Ulan Bator). Péron, également à la guitare, est surtout présent à la voix. Il psalmodie des textes aux allures surréalistes au point que chaque phrase s'impose comme un nouveau leitmotiv inébranlable (Ce chemin est le bon, En veux-tu des effets, en voilà en voilà...).
Il n'y avait pas d'équivalent dans la discographie de Faust (tout juste pense-t-on à IV de 1974), il n'y en aura pas dans le futur. Amaury Cambuzat a jeté l'éponge (trop de pression semble-t-il), tout comme Zappi Diermaier arrêtant pour cause de douleurs lombaires persistantes. Jean-Hervé Péron tourne depuis avec d'autres musiciens.
Faust : C'est com... com... compliqué (Bureau B / Amazon)
Edition : 2009.
CD : 01/ Kundalini tremolos 02/ Accroché à tes lèvres 03/ Ce chemin est le bon 04/ Stimmen 05/ Petits sons appétissants 06/ Bonjour Gioacchino 07/ En veux-tu des effets, en voilà 08/ Lass mich, version originale 09/ C'est com...com...compliqué
Eric Deshayes © Le son du grisli