Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Nurse With Wound : Echo Poeme: Sequence N°2 (Drastic Plastic, 2016)

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Le phénomène de voix que l’on trouve sur Echo Poeme: Sequence N°2 n’est ni électronique ni fortuit : il est dû aux interventions d’Amantine Dahan Steiner et Isabelle Gaborit que Steven Stapleton a ensuite manipulées pour composer un hommage au film d’Alain Resnais, Hiroshima mon amour.

Editée par le label Jnana en 2005 – entre The Little Dipper Minus Two (Echo Poeme Sequence 1) et Sand Tangled Women (Echo Poeme Sequence 3), ensemble compilés plus tard sur Creakiness And Other Misdemeanours – et aujourd’hui sur vinyle, la « sequence » en question arrange trois-quarts d’heure durant récitations, hésitations et prises On & Off the record le long d’un jeu qui rappelle celui que Stapleton avait mis en place dès 1980 sur To the Quiet Men from A Tiny Girl. Les récitantes peuvent ainsi entamer une comptine en français, lire Victor Hugo, fredonner L’aigle noir de Barbara ou même s’interroger à voix haute : « tu peux essayer un son ? » / « J’crois que t’es en train de le dire sur l’autre… euh… enregistrement qu’on a fait… »

Au contraste établi par la valse du On et du (false) Off et aux faux-semblants avec lesquels Stapleton s’est mis dans l’idée de composer, un léger écho ajoute l’étrange effet de nombreux décalages. A tel point qu’en se laissant aller un peu – Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées / Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit –, on pourrait imaginer Léopoldine et Adèle revenues et, avant de repartir, confirmer à leur père – tout comme, à Hiroshima, Lui disait à Elle – : en effet, « Tu n’as rien vu ».


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Nurse With Wound : Echo Poeme: Sequence N°2
Drastic Plastic / Souffle Continu
Edition : 2005. Réédition : 2016.
LP : A-B/ Echo Poeme: Sequence N°2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

 

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Nurse With Wound : Dark Fat (Jnana, 2016) / Steven Stapleton, Christoph Heemann : Painting With Priests (Yesmissolga, 2016)

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En marge des relectures (Musique pour Faits divers par Brian Conniffe, Dark Drippings par M.S. Waldron) et des rééditions (Soliloquy For Lilith, Echo Poeme: Sequence No 2…), Steven Stapleton extrayait récemment de ses archives de quoi composer encore. Sur Dark Fat, des enregistrements de répétitions, de concerts voire de balances, datant de 2008 à 2016, sont ainsi arrangés en seize morceaux d’atmosphère comme toujours hétéroclite.

D’autant que Nurse With WoundStapleton, ici avec Colin Potter, M.S. Waldron et Andrew Liles – invite (ou emprunte des interventions à) à cette occasion une kyrielle de musiciens extravagants : Jac Berrocal, David Tibet, Lyn Jackson, Quentin Rollet ou Stephen O’Malley, pour n’en citer que cinq. Sous l’effet d’une hallucination qu’on imagine partagée, ce sont alors des pièces différentes – mais aussi inégales – qui composent, comme par enchantement, une suite d’impressions floues ou de souvenirs rêvés. En refusant à ses enregistrements-matériau le seul statut de document, Stapleton arrange là une autre forme de poésie (sonore) décadente qui, malgré tout, enivre autant qu’elle interroge.

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Nurse With Wound : Dark Fat
Jnana / Unit Dirter
Enregistrement : 2008-2016. Edition : 2016.
2 CD : CD1 : 01/ That Leaking Putrid Underbelly - Noble Cause Corruption 02/ Devil Dreamin' - Servants Of The Paraclete 03/ Congregatio Pro Doctrina Fedei 04/ Lost In The Ocean 05/ Banality With A Beat 06/ Whoosh (A Radicalized View) 07/ Doing What We Are Told Makes Us Free –CD2 : 01/ Congealed Entrance 02/ Devil Is This The Night 03/ Eat Shop Relax 04/ Rock N' Rolla 1959 05/ The Machinery Of Hearing 06/ I Put My Mouth To The Lips Of Eternity 07/ An Attempt By Badgers To Cull Worrisome Farmers 08/ Doing What We Are Told Makes Us Free (Embedded Version) 09/ Rock'n'Roll Station (Live)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

steven stapleton christoph heemann painting with priests

L’élévation sera lente. Hypnotique toujours. C’est dans le contrat bien sûr. L’érosion sera lente. Le cœur battra sans peur de la chute. Un piano coincera la digression. Digression, attendue, mais ne venant pas. Les déplacements n’en seront pas. On voudrait y voir des salmigondis zébrés, des spasmes réguliers : on y supposera la désintégration mais ce ne seront, ici, qu’amorces, désirs non aboutis. S’agripperont matières et faisceaux sur la surface du fil sonore. Jamais ne délivreront l’espace, toujours l’étoufferont. Steven Stapleton & Christoph Heemann l’estoqueront alors d’un pesant silence.


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Steven Stapleton, Christoph Heemann : Paintings with Priests
Yesmissolga
Enregistrement : 2009. Edition : 2016.
CD : 01/ Painting with Priests
Luc Bouquet © Le son du grisli


Nurse With Wound, Aranos : Santoor Lena Bicycle (Tourette, 2013)

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Il était temps que ça arrive et c’est arrivé : Santoor Lena Bicycle a été réédité. Ça, c’est la rencontre de Nurse With Wound et d’Aranos, la rencontre que l’on s’attendait plus à entendre, et encore moins à toucher. Alors voilà : haro sur le vinyle !

Sur les vinyles, pour être exact (puisqu’il y en a deux, pour qui pointille). Un brin de classique dans votre cocktail Nurse ? Aranos t’y mets des cordes, dans cette électro-indus bohémienne servie au chant par Screamin’ Jay… De quoi nous refaire, pour NWW, le coup de l’iconoclastie, et ce n’est que le début.

Car les restes (et les beaux restes) shakent un drone zen, un funk basse / guitare / batterie décalé, des loops de voix et des temple blocks vs violon qui puisent au blues pour fizzer noise. Et après ? Eh bien des tables volantes, dont un coin que je prends dans la sourcilière. Sous le choc, impossible d’en dire plus. Sauf qu’il faudrait être fou pour ne pas se jeter sur l’une des 500 rééditions de Santoor… A moins de vouloir attendre dix ans encore.

Nurse With Wound, Aranos : Santoor Lena Bicycle (Tourette)
Réédition : 2014.
2 LP : A1/ Sparking Cloud (Outing) A2/ Gongs + Wood A3/ Peak Of Purified Dream A4/ Dusty Bella –
B1/ Bathing In Air B2/ Two From Half's Be Cracked B3/ Marbles B4/ Sunset Belly Mother – C1/ Mary Jane C2/ Generally Regarded As Safe C3/ Knife Knows His Doing – D1/ Every Bower Builder Aims To Be A Polygamist
Pierre Cécile © Le son du grisli

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P16.D4 : Passagen (Monotype, 2012)

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C’est à un projet complètement fou (donc nécessaire) que s’est attelé le label Monotype : la réédition de la discographie de P16.D4, groupe allemand qui sévit dans les années 1980 et fit grand bruit quels que furent la nature (électronique, électriques, cassettes, bandes) de ses instruments. Si l’on craint pour Monotype la catastrophe industrielle, on se réjouit d’une telle entreprise !

Car elle nous permet de mettre l’oreille sur des enregistrements labellisés Selektion qui étaient devenus rares et qui nous font un effet d’une rare modernité… Ralf Wehowsky (RLW), membre le plus endurant (si je puis m’exprimer ainsi), et ses comparses Roger Schönauer (RS), Ewald Weber (EW) et bientôt Stefan E. Schmidt (SES), pourraient en effet faire passer Throbbing Gristle pour un gentil groupe de hit parade. Dès Kühe in ½ Trauer, leur premier disque enregistré entre 1982 et 1983, tout est dit (ou presque) : instruments traditionnels (piano, guitares, synthétiseurs, orgues, voix…), loops rutilantes, cassettes réemployées à vau-l’eau, arrangent des atmosphères étouffantes : dans un blockhaus fermé à double tour, vous voilà spectateur des frasques des plus cinglés fantômes Dada. Malgré tout, les musiciens respectent encore un format court de chanson estampillé punk.

Après ce coup de maître, le groupe signe Distruct en retouchant des bandes de Merzbow (qui collaborera souvent avec le groupe), Smegma, De Fabriek, The Haters, Nurse with Wound ou encore du guitariste et saxophoniste Yoshiaki Kinno. P16.D4 y donne dans une sorte d’indus pour ensuite casser tous les codes, mis à part peut-être ceux de la musique concrète (il n’y a qu’à entendre le disque suivant, Nichts Niemans Nirgends Nie, et Bruitiste avec Alchim Wollscheid, l’un des Three Projects publiés par RRRecords et Selektion entre 1988 et 1990). Au diable les punks, donc, voici le temps venu des ingénieurs « studio » farfelus.

Comme pour faire le pont, mais a-posteriori, le gruppe concocte en 1987 Acrid Acme [Of] qui regorge de réutilisations d’enregistrements qui datent, eux, de 1981. On reprend des chansons punks et on les taille au cutter comme s’il s’agissait de vieux jean. Et les bouts qui tombent, on se les arrache aux cris de collages de bouts de chants de guitares ou de cymbales,, de déformations de sons d’orgues, de constructions tranchantes … La pratique est la même pour les morceaux que P16.D4 distribuera sur des compilations k7 publiées aux quatre coins du monde, morceaux compilés sur le disque Tionchor.

Pour terminer en beauté, le grand coffret contient un DVD (neuf vidéos de Markus Caspers et Horst Maus diffusés sur scène pendant les prestations du groupe + quatre films tiré des archives de Caspers qui montrent des inscription ou le tapage fait par des musiciens armés de marteaux ou chatouillant un piano ou les murs d’un studio…), un livret (qui reprend une histoire de P16.D4 publiée signée Dan Warburton pour Wire en 2005 et renferme des photos, des chroniques et les discographies de P16.D4 et RLW) et enfin 4 cartes cartonnées (à jouer puisqu’elles pourraient bien être des non-partitions, qui sait ?). Bref, de quoi tenir quelques mois en bonne et bruyante compagnie !

P16.D4 : Passagen (Monotype)
Enregistrement : 1982-1991. Edition : 2012.
5 CD + 1 DVD : CD1/ Kühe in ½ Trauer CD2/ Distruct CD3/ Nichts Niemand Nirgends Nie CD4/ Tionchor LP CD5/ Acrid Acme – DVD / Ethereal Ephemera
Pierre Cécile © Le son du grisli

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Interview de Quentin Rollet

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A l'occasion de la parution de La chanson des vieux époux de Pierre Loti, illustré sur CD par Quentin Rollet et Vomir, nous reproduisons cet entretien de Quentin Rollet avec Philippe Robert, extrait du deuxième volume d'Agitation Frite.

Quentin Rollet, fils du batteur du Workshop de Lyon, insiste : il lui aura fallu des années en quête de liberté afin de désapprendre l'enseignement du conservatoire. Depuis, on a pu entendre son saxophone avec Prohibition, David Grubbs, Akosh S. Unit, The Red Krayola ou Nurse With Wound : soit un parcours singulièrement éclectique, allant du hardcore au free jazz, mais aussi de la pop à la chanson. Après une décennie passée à coproduire les disques d'une enseigne décloisonnée au cahier des charges tout aussi éclectique (à savoir Rectangle, en compagnie de Noël Akchoté), Quentin Rollet entame un nouveau chapitre et s'occupe du label Bisou avec Isabelle Magnon.

J'imagine que le contexte familial a été déterminant : ton père est batteur du Workshop de Lyon ! Et fondateur de l'Arfi, batteur de La Marmite Infernale et de nombreux autres groupes de l'Arfi, créateur de La Carrérarie, compagnie de spectacle pour enfants avec Maurice Merle, Steve Waring, etc. J'ai été très tôt confronté à la musique, que cela soit à la maison (mes parents écoutaient des disques mais aussi la radio), et surtout en concert, en direct. J'ai assisté à de nombreux concerts des groupes de l'Arfi ou à ceux qu'ils organisaient dans leurs clubs à la Croix-Rousse à Lyon (tout d'abord Les Clochards Célestes, puis le Via Colomès). Je me souviens d'un concert solo de Han Bennink au cours duquel il a crevé la peau de caisse claire, mis le feu au charleston et a fait semblant de se couper les oreilles avec une paire de ciseaux géante. Je me souviens aussi des tournées de La Marmite Infernale (pour le carnaval de Venise au début des années 1980, en Ukraine en 1990) et du Workshop de Lyon (en Allemagne en 1991). Ma mère, Maryse Franck, est également aussi dans la musique. Elle a travaillé sur les premières Fêtes de la Musique lorsqu'elle était au CENAM (Centre National d'Action Musicale) puis elle a fait partie de la première équipe de la Cité de la Musique, où elle est programmatrice des spectacles jeunesse à l'Auditorium du Musée de la Musique. Pour la programmation de la grande salle de la Cité (aujourd'hui Philarmonie 2), elle a aussi prodigué ses conseils.

Y a-t-il des disques qui t'ont motivé à passer à l'acte ? En tant que musicien ou producteur ?

En qualité de musicien d'abord. À vrai dire, je ne me souviens pas d'un disque particulier. Je pense que ce sont plutôt les concerts qui m'ont donné envie de jouer. J'ai toutefois écouté pendant toute ma jeunesse les disques vinyles de l'Arfi, notamment Musique Basalte et Anniversaire du Workshop de Lyon, É'guijecri (Jean Méreu, Guy Villerd, Christian Rollet), Sept jeunes et fiers maris du Marvelous Band et Moralité surprise de La Marmite Infernale.

Rien d'électrique ? Si, en réfléchissant je me dis que les disques de Caspar Brötzmann, Naked City et Painkiller y sont pour quelque chose...

Un grand souvenir de concert à cette époque ? La Marmite Infernale au Carnaval de Venise, le Workshop ou La Marmite dans les arènes à Nîmes, le solo de Han Bennink aux Clochards Célestes à Lyon. Le piège que m'ont tendu des musiciens de l'Arfi alors que je commençais le saxophone : Maurice Merle m'a demandé de les rejoindre car il manquait un saxophoniste, aussi me suis-je retrouvé à jouer deux thèmes avec Louis Sclavis, Jean Méreu, Maurice Merle et Guy Villerd ! Et lorsque j'ai vu mon père dans la salle, j'ai eu un trac énorme, qui fait que depuis ce jour-là, je n'ai plus du tout le trac avant de monter sur scène.

Des disques qui t'auraient également motivé à passer à l'acte, mais en qualité de producteur cette fois ? Je ne sais pas trop quoi te répondre, en fait : je ne fais pas forcément les liens ou rapprochements entre ce que j'ai écouté et ce que j'ai produit.

Qu'est-ce qui te motive à jouer du saxophone en particulier ? C’est plus un hasard qu'autre chose. Ça n'est pas un instrument qui me plaisait particulièrement plus qu'un autre – j'ai toujours (eu) envie de savoir jouer du trombone ou de la vielle à roue ! Il se trouve que quand j'ai finalement décidé de commencer un  instrument, on m'en a prêté un. Et que parmi les amis de mes parents, il y en a qui m'ont un peu « poussé ». J'ai fait quelques années de conservatoire, classique. Avec un enseignement tout sauf motivant. Devoir étudier le solfège une année avant d'avoir le droit de toucher à un instrument, il y a pas mieux pour dégoûter dès le départ. J'ai donc commencé par un an à ARPEJ, parallèlement au solfège infligé.

Sur l'instrument, quels saxophonistes t'ont marqué et pourquoi ? Je pense que les saxophonistes qui m'ont le plus influencé sont Maurice Merle (son inventivité et son humour), Daunik Lazro (la justesse de l'émotion) et Anthony Braxton (le côté touche-à-tout, de l'équation mathématique au standard un peu limite). Là je parle du jeu même. Quand j'écoute des enregistrements de mes concerts, des fois ça me saute aux oreilles ! Au niveau de la scène, j'ai beaucoup appris avec Akosh Szelevenyi qui m'a pris dans son groupe sans vraiment m'avoir entendu jouer avant, et avec qui j'ai joué pendant plusieurs années dans tous types de conditions (bars, salles, festival). Là j'ai appris qu'on peut se reposer sur les autres. Et que quand on part dans une mauvaise direction, il ne faut surtout pas s'arrêter mais attendre que les autres musiciens te rattrapent. En dehors de ça, j'ai évidemment été épaté par Peter Brötzmann en concert ; j'admire le travail de Steve Lacy, surtout en solo ; et suis (encore maintenant) très touché par la musique et l'inventivité d'Albert Ayler.

Quand décides-tu d'engager ta vie dans la musique ? Et qu'est-ce qui vient en premier dans ta discographie ? Le 17 cm Aka Doug ? Au milieu des années 1990, j'associe surtout ton nom à Prohibition, groupe noise rock. A Bästard et Ulan Bator aussi, qui tous deux t'invitent sur un morceau... Je crois que j'ai très tôt apprécié les concerts et les tournées. Je me suis donc naturellement orienté vers la musique, pas immédiatement en tant que musicien d’ailleurs. J'ai commencé le saxophone à l'âge de 11 ans, une fois installé à Paris. J'ai joué dans un groupe de lycée dirigé par Tristan Macé, dans lequel on jouait presque exclusivement des compositions originales  mis à part Chant bien fatal du Workshop de Lyon ! Puis, pendant que j'étais à la fac, j'ai rencontré successivement les gens de Distortion (jeune label plutôt pop au départ) et de Prohibition – en 1992, je crois. Je les ai présentés et ils ont commencé à travailler ensemble. Le premier album est sorti en 1993. Ils m'ont ensuite invité à partir en tournée avec eux en tant que roadie, et je me suis petit à petit retrouvé sur scène avec eux. À la même époque, j'ai travaillé au Passage du Nord-Ouest en tant qu'organisateur de la promo par « tractage ». Ce qui m'a permis d'assister à de nombreux concerts et aussi aux premiers cycles du Festival de l'Étrange. Puis d'y organiser un premier concert (Prohibition / Hems), ce qui m'a motivé à en organiser d'autres dans différents endroits : Théâtre Dunois, La Dame Bleue et Les Instants Chavirés. C'était l'époque des concerts Ortie, avec Marcel Perrin d'Heliogabale. Pendant une année j'ai co-animé l'émission Songs of Praise sur Radio Aligre. Et j'ai aussi participé à des fanzines comme Ortie, Peace Warriors, Octopus, écrit pour Jazzman pendant quelques années, et lancé un premier label, Rectangle, avec Noël Akchoté fin 1995. Tout ça pour dire que la musique occupait déjà beaucoup ma vie à cette époque-là. Dans ma discographie, le 45 tours Aka Doug est mon véritable premier disque, solo. Il est sorti en 1998, mais a été enregistré en 1994. Ma première apparition discographique avec Prohibition date de 1995 sur leur troisième album. À cette époque, la scène parisienne était composée de Prohibition, Ulan Bator, Sister Iodine, Heliogabale (qui ont a un moment pris un local de répétition ensemble, PUSH!), et les interactions entre ces groupes étaient courantes. Effectivement, les membres d’Ulan Bator m'ont invité à enregistrer avec eux dans leur local sous-terrain en banlieue, ce qui a donné Ursula Minor, qu'on trouve sur une face d'un split 7" avec Étage 34 (si je me souviens bien), ensuite réédité sur une compilation d'Ulan Bator. Quant à Bästard, je les avais fait jouer à Ris Orangis et les ai recroisés sur la route à plusieurs occasions. En tant qu'ex-Croix-Roussien (lyonnais) le courant est bien passé, si bien qu'ils m'ont invité (ainsi que Bif et Wil de Condense, autre groupe lyonnais) à jouer sur une reprise de Sun Ra pour un maxi qui est sorti chez Zeitgeist / Semantic, réédité dans leur anthologie chez Ici d'Ailleurs.

Quel genre de musique programmais-tu dans Songs of Praise ? De tout. Par odre alphabétique (sourire entendu) : Albert Ayler, Derek Bailey, Costes, Danielle Dax, eRikm, Fred Frith, Goz Of Kermeur, Alfred Harth, Ice, Joy Division, Henry Kaiser, Laïka, Vincent Malone, Nurse With Wound, Otomo Yoshihide, Painkiller, Quatrophage, The Residents, Shock Headed Peters, Throbbing Gristle, Ulan Bator, Victim's Family, Whitehouse, Xper Xr, Yona-Kit, Carlos Zingaro. Je ne me souviens pas tout ce que j'ai pu passer pendant cette année de co-programmation / co-animation (nous étions quatre animateurs je crois : Franq de Quengo, Cyril Hoffmeyer, Jean-Christophe et moi-même), mais c'était très éclectique, avec des émissions à thèmes.

Pour quelle raison montes-tu le label Rectangle avec le guitariste Noël Akchoté ? Quand nous nous sommes rencontrés, assez vite nous nous sommes rendus compte que nous étions d'accord sur pas mal de choses concernant le milieu du jazz et de la musique improvisée de l'époque. Le « jazz français » se gargarisait avec des projets sans grand intérêt, en vivant de subventions, d'aides, avec ce mépris pour les jeunes qui « cherchent » que peuvent avoir les musiciens « qui ont travaillé leur instrument » pendant des années. À l'époque, il ne faut pas oublier qu'il n'y avait pas ou très peu de connexions entre le jazz, la musique improvisée et le rock. Nous avions tous les deux des connections dans différents milieux : l'envie de croisements et de rencontres était là. Peu de disques proposaient pourtant ce type de rencontres. Nous ne nous retrouvions pas dans la production musicale de l'époque, à part chez nato peut-être. Donc, un soir de la fin 1995, au comptoir des Instants Chavirés, la décision a été prise de monter un label. Noël avait de l'argent, et moi du temps. On a proposé des disques à des gens dont nous aimions le travail en leur faisant rencontrer d'autres musiciens qu'ils ne connaissaient pas du tout, mais qui pourtant étaient connus dans leur milieu… En fait, nous avons sortis les disques que nous aurions aimé pouvoir acheter.

Pourquoi les avoir sortis en vinyle, tout du moins au début ? Au milieu des années 1990, il paraissait indispensable de « remplir » les CD, ce qui donnait des albums interminables de soixante-dix minutes, avec beaucoup de passages peu intéressants. Avec le vinyle, on a fait des disques courts, denses, sans baisse de qualité sur la longueur. Et les vingt et quelques minutes par face correspondent bien au temps de concentration que l'on peut avoir sans être interrompu dans l'écoute. Surtout que l'écoute de ces musiques dites « difficiles », « expérimentales », demande bien plus d'attention que des disques de pop, de rock, et même de jazz.

Vous avez aussi sorti des 17 et des 25 cm : par exemple les Xmas Songs avec Lol Coxhill et Phil Minton (dans l'esprit des productions nato) ou le duo Fred Frith / Noël Akchoté. Vous adaptiez le format à ce dont vous disposiez et vouliez sortir ? Il y a quand même eu du CD : Felk, de Red, n'est sorti qu'en CD me semble-t-il ? Le triple-CD de Luigee Trademarq, Bande original, compilant les musiques de films pornos de John B. Root est terrible ! Un format correspond à un type de musique, et inversement. S’il n'y a que vingt minutes vraiment intéressantes et cohérentes, pourquoi en mettre absolument plus ? Les disques des années 1960-1970 duraient dans les trente minutes et étaient pourtant considérés comme des albums à part entière. Concernant Felk, il y a eu deux raisons au choix du CD. Red est le premier artiste que l'on a « signé » (il n'avait jamais sorti d'album sous ce nom avant) et que l'on a « développé » : on a sorti aussi son deuxième album Songs From A Room, puis on a produit le troisième, 33, que l'on a vendu clé en mains à Universal Jazz. Red venait de quitter son travail alimentaire pour se consacrer entièrement à la musique, nous voulions donc lui offrir une plus grande « visibilité », d’où le choix du CD. La seconde raison, dont nous ne nous doutions pas au départ, est que Felk ne pouvait, à l'époque, être gravé en vinyle, en partie à cause des boucles électroniques de Red. Nous avions fait faire un test pressing qui a été catastrophique, aussi avons-nous laissé tomber l'idée du vinyle, y compris pour l'album suivant, composé un peu de la même manière, avec des boucles électroniques accompagnant la guitare et la voix. e même pour le triple-CD de Luigee Trademarq. Le public de ce genre de productions ne jurait à l'époque que par le CD. Cela a bien changé ! Peut-être avions-nous vingt ans d’avance ?

Le disque File Under Music me paraît symptomatique des croisements alors peu fréquets que tu évoquais. D'ailleurs, on y retrouve entre autres Prohibition, Bästard et Heliogabale dont tu parlais en début d'entretien. Serais-tu à l'origine de cette référence plus particulièrement ? Effectivement, ce disque était mon idée. Ce genre de collaboration paraît désormais évident. Sauf qu’à l'époque, il n'y avait (peut-être) que Gastr Del Sol ou The Ex qui s'acoquinaient avec des improvisateurs. Il était prévu deux suites à File Under Music : un album de rencontres entre groupes de rock et électro-acousticiens – un morceau avait été enregistré avec Quattrophage et NORSQ, et un autre entre groupes de rock et musiciens trad : j'avais branché Dominique Regef et Michel Godard... Ces projets étaient trop compliqués à mener à bout faute de temps et de moyens, malheureusement. Un autre disque de rencontres est Morceaux choisis dans lequel The Recyclers (version originale, avec Noël Akchoté et pas Christophe Minck) accompagnaient des chanteurs. Au départ étaient prévus Katerine, Ignatus, Dominique A, Françoise Breut et Sacha Andrès. Après désistement de Françoise et Dominique, Katerine a décidé de reprendre le morceau que Dominique avait choisi (et qu'il a finalement enregistré quelques années plus tard sur un de ses disques), et Irène Jacob que connaissait Benoît Delbecq a repris le morceau choisi par Françoise Breut. Malheureusement, ce disque n'a eu qu'un petit succès à cause de son format.

Chez Rectangle, il y a avait aussi l'idée de promotionner le travail de Noël et le tien. MOSQ par exemple, c'est eRikm, Charlie O., Akosh S et toi. Tu étais bien moins présent que Noël toutefois... Beaucoup d'enregistrements inédits à l'époque ne sont sortis qu'au cours des années 2010, mais pas sur support. Je pense au live aux Instants Chavirés de N.Q.O. par exemple... Rectangle n'a pas été monté pour sortir spécifiquement les disques de Noël et les miens. Il y en a eu pas mal avec Noël parce que nous les aimions bien – des projets plutôt à part de ce qu'il faisait à cette époque pour le compte du label Winter & Winter, comme la série des trois Joseph par exemple. Quant à moi, je n'avais pas de groupe à proprement parler, ni de projets au sein desquels ma vision musicale aurait été prédominante. J’étais surtout invité dans les groupes des autres : Akosh S. Unit, Herman Dune, Mendelson… Par contre, j'ai effectivement « monté » MOSQ, les autres membres du groupe n'ayant jamais joué ensemble, certains ne se connaissant même pas (musicalement) avant le premier concert au festival Rectangle à Mains d'Œuvres, qui a d’ailleurs donné l'album.

Où en est Rectangle, aujourd’hui ? Quelques années après la fin de Rectangle, nous avons eu envie de rendre disponible des bandes qui étaient restées inédites, des enregistrements de concerts – des morceaux orphelins. Le support (ou non-support) numérique nous a permis cela facilement, sans coût financier. Par contre, c'est une activité très chronophage.

Depuis 2015, avec Isabelle Magnon, tu t'occupes du label Bisou. Due à Graeme Allwright et Steve Waring que l'on retrouve en public en compagnie du tromboniste Alain Gibert entre autres, la première référence paraît faire le lien avec les productions de l'Arfi, et donc avec un passé se rapportant à ton père. Ce disque est plutôt la référence « zéro » de Bisou. Nous l'avons sorti à l'occasion d'un concert de Steve et Graeme dans un village des Monts du Lyonnais. Six cents personnes étaient là pour les écouter ! Des enfants et des adultes aussi. Le disque n'a ensuite pas été distribué, étant donné que chacun des deux artistes possède son label dédié. C'est donc un collector. Une version plus courte, plus axée « enfants », devrait sortir sur le label Victorie Musique. C'est Isabelle Magnon qui est à l'initiative du label Bisou et qui m'a motivé afin de recommencer à produire des disques. Nous avons pris pas mal de temps à choisir une structure et à nous lancer. Les deux véritables premières sorties ont été On Your Body's Landscape de Thierry Müller et moi-même, et La Bar Mitzvah du chien de Ghédalia Tazartès. Parmi les prochaines sorties, il y aura aussi un enregistrement du trio Eugene Chadbourne / Steve Beresford / Alex Ward, que l'on a réalisé à Londres avant même la création officielle du label.

Sur Bisou, en plus de l'album de Ghédalia Tazartès et du coffret consacré au Workshop de Lyon, est sorti projet singulier remarquable : un livre pour enfants accompagné d'un disque de Costes ! Isabelle a eu l'idée d'une ligne pour enfants. Elle a donc demandé à Costes, maintenant qu'il est père, si ça l'intéressait. L'idée l'a emballé, et il a donc fait son premier livre-disque pour enfant ! Evidemment, comme pour tout ce qu'il fait, c'était prêt moins d'un mois après qu'on lui ait fait la demande – la partie musique tout au moins. Il a fait les illustrations plus tard et on a enlevé un morceau (moins intéressant) d'un commun accord. Il a donc écrit l'histoire, fait les dessins, écrit les chansons, composé et enregistré la musique. Dans cette lignée, on a d'autres sorties prévues. La seconde sera l'album du guitariste Eugene Chadbourne illustré par Yaya (David-Ivar, d'Herman Düne). Il ne s'agira pas d'une histoire, mais de différentes chansons ayant rapport aux monstres, aux films d'horreur, et donc plus axé ados, en fait.

Tu as joué dernièrement avec Nurse With Wound, comment cela s'est-il fait ? Avant tout, je dois dire que je suis fan de Nurse With Wound que j'ai découvert en même temps que Current 93 en 1992, à l'époque où ils ont sortis chacun un album portant le même titre (Thunder Perfect Mind). Depuis, j'ai suivi ces deux groupes. E plus particulièrement le travail de Steven Stapleton, membre fondateur de Nurse With Wound ayant été également impliqué dans la plupart des disques de Current 93 jusqu'aux années 2000. Et aussi le travail d'ingénieur du son de Colin Potter (qui a enregistré la majorité des disques de Nurse With Wound depuis 1991 jusqu'à ce qu'Andrew Liles entre dans le groupe). Colin fait aussi partie de Nurse With Wound en tant que membre à part entière. Sur scène, c'est même lui qui a le mot de la fin, puisque c'est lui qui mixe en direct toutes sources des musiciens et qui décide de ce qui va sortir dans la sono ou pas. La rencontre s'est d'abord faite avec Colin que j'ai tout d'abord contacté par internet en 2012. Après quelques échanges, nous nous sommes donnés rendez-vous lors d'un séjour à Londres où Isabelle et moi étions venus pour enregistrer l'album d'Eugene Chadbourne à paraître sur Bisou prochainement. Nous avons échangé quelques disques et parlé un peu. Suite à cela, nous avons décidé d'essayer de jouer en duo, et le rendez-vous a été pris pour notre séjour suivant à Londres. L'enregistrement a eu lieu dans son studio, et la première prise a donné une pièce de vingt-quatre minutes que nous avons ensuite retravaillée et raccourcie. Pour cette pièce, Colin avait préparé des pistes et des pistes de sons et d'ambiances superposées qu'il faisait apparaître ou se chevaucher, et sur lesquelles j'ai improvisé au saxophone alto et au sopranino. J'ai été assez surpris du résultat, les sons étant très proches de ceux de Nurse With Wound. Quelques autres morceaux plus « improvisés » n'ont pas été retenus. Quelque temps après, en correspondant avec Colin, il me dit que Nurse With Wound joue à Lyon, aux Nuits Sonores (2013) et qu'ils m'invitent à jouer avec eux à cette occasion. Pour cette date, Matthew Waldron n'était pas disponible, et leur set allait être différent. Steven Stapleton m'a envoyé un CD-R avec des idées de morceaux pour le concert, mais lorsque je l'ai rencontré pour la première fois, la veille de concert, ils avaient complètement changé leurs plans et m'ont demandé d'improviser sur leur masse de son. La position de membre de Nurse With Wound est assez particulière, parce qu'il faut jouer en permanence afin que Colin écoute ce que l'on produit comme son, et qu'il décide (ou pas) de le mettre dans le mix. C'est d'autant plus physique quand on joue d'un instrument à vent : si l’on ne souffle plus, le son s'arrête et on n’est pas dans le mix. Après ce concert, ils m'ont invité à jouer avec eux à Paris au festival Présences électroniques, au festival Convergence à Londres en 2016, et donc à Sonic Protest en 2017 à l'Église Saint-Merri à Paris. J'ai aussi collaboré à un album d’Andrew Liles, ainsi qu'Isabelle Magnon, qui, elle, a fait des voix sur deux de ses albums. Un travail est aussi en cours avec Matthew Waldron. Et la pièce enregistrée avec Colin Potter sera éditée chez Bisou sur une face de vinyle, alors que sur l'autre il y aura la première véritable collaboration entre Steven Stapleton et Edward Ka-Spel, des Legendary Pink Dots.

Tu participes aussi à Red Krayola C'est Dominique Répécaud qui m'a fait découvrir Red Krayola lors de l’édition 1995 du festival MIMI. Il m'avait alors conseillé deux disques à acheter : un Derek Bailey solo, et un Red Krayola. On connait la suite...La rencontre en personne s'est faite par l'intermédiaire de David Grubbs que j'avais rencontré au Pop In en 1997. C'est l'un des tous premiers musiciens à avoir joué là-bas. J'étais venu en avance pour vendre des disques Rectangle à son concert, et il s'est précipité sur le vinyle qu'on venait de sortir de... Derek Bailey ! Suite à cette rencontre, on a commencé à correspondre par cartes postales, puis je suis allé le voir en concert à Londres afin de lui proposer de faire un disque chez Rectangle. Il a accepté, et nous avons pu enregistrer cet album l'année suivante à Paris. Il est venu avec Steven Prina (un des chanteurs de Red Krayola) et m'avait demandé de lui trouver des musiciens pour enregistrer. C'est ainsi qu'il a pu adapter une nouvelle de Stephen Crane pour trois chanteurs (lui-même, Steven Prina et Sacha Andrès, d'Héliogabale), deux trombones (Yves Robert et Thierry Madiot), un violoncelle (Didier Petit) – et lui donc, à la guitare. Pour la face B, il a composé une pièce jouée avec un petit harmonium, et a demandé à Noël Akchoté d'ajouter une nappe de guitare pour créer une masse sonore. Ce disque, enregistré dans un studio à l'intérieur des locaux de John B. Root, et dont la pochette a été réalisée par Albert Oehlen (aussi membre de Red Krayola à l'époque), reflète bien les influences et les réseaux que Noël Akchoté et moi avions à cette époque. David m'a ensuite demandé de partir en tournée avec lui en Europe – et même plus tard au Japon. Nous sommes devenus proches, et il m'a proposé de venir à Graz en Autriche pour voir Red Krayola sur scène. J'ai pris ça comme des vacances, et suis venu les mains dans les poches, n'imaginant pas ce qui allait se passer... La veille du concert, David demanda à Mayo Thompson s'il était possible que Charlie O. et moi jouions dans Red Krayola pour le concert. Mayo a d'abord été catégoriquement contre. Ils allaient être huit sur scène (Mayo Thompson, David Grubbs, Steven Prina, Tom Watson, Eliza Randazzo, Sandy Yang, George Hurley de Minutemen, Albert Oehlen). De toute façon, je n'avais pas d'instrument avec moi… Et, juste avant le concert, grand chamboulement : ils nous demandent d'intervenir sur scène ! Après quelques essais infructueux pour trouver un saxophone, il a été décidé que je jouerais de ce que je trouverais. Donc : premier Red Krayola à dix personnes sur scène, première version du groupe avec des Français ! Le concert a été incroyable, ils ont gardé la forme de leur premier disque, c'est-à-dire des « free forms freakout » entre chaque morceau. De la véritable improvisation libre ! Et les morceaux qu'ils ont joués avaient tous été écrits par Mayo avant  le premier album de Red Krayola ! J'ai donc écrasé des gobelets en plastique sur les micros, pris des photos au flash en mettant l'appareil sur les micros-guitare de Tom Watson, fait des percussions, secoué une caisse de bières en bouteilles pendant que Charlie utilisait le clavier de Steven Prina ou faisait des percussions. C'était assez magique et complètement fou à la fois ! Après ce concert, Mayo m'a systématiquement contacté quand il y avait une date de Red Krayola à Paris. J'ai donc rejoué avec la version réduite du groupe (Mayo, Tom et une boîte-à-rythmes programmée par John McEntire) à Paris ainsi qu'au festival Printemps de Septembre à Toulouse, puis dans une version avec, en plus de Mayo et Tom, Alex Neilson et Sandy Yang, à l'Etrange Festival à Paris en 2005. Enfin, en 2008, Mayo me demande de venir jouer avec eux à Londres au Somerset House au bord de la Tamise. À cette occasion, le groupe était composé de Mayo, Gina Birch (The Raincoats) et d'un batteur de metal. J'ai improvisé sur les morceaux du groupe, et à la fin du concert, il m'a demandé de me préparer à venir enregistrer avec les mêmes musiciens sur le prochain album... Je suis donc sur tous les morceaux de Five American Portraits (Drag City), sur lequel un pianiste anglais est intervenu au studio, ainsi que Tom Watson en overdub. Après la sortie du disque, il y a eu deux concerts au cours desquels on a joué ce programme : un à l’ICA à Londres, et un autre au musée d'art contemporain de Graz, la ville où j'ai rencontré Mayo Thompson une dizaine d'années auparavant.

De la chanson au free jazz, de l'impro au noise en passant par le free-rock, tu ne fais jamais que ce qui te plaît... À l'image des labels Rectangle et Bisou, ouverts à tous les possibles décloisonnements...  J'ai l'avantage de ne pas être un professionnel de la musique. Contrairement à pas mal de gens que je connais, et qui se trouvent dans la position de devoir intégrer des groupes dans lesquels ils ne s'épanouissent pas afin d'obtenir leurs « heures » (cela au détriment de leur propre musique, parfois même ils n'ont plus le temps de jouer leur musique et de faire avancer leurs projets). Certains achètent même des cachets pour ne pas perdre l'intermittence ! Je n'ai jamais été intermittent du spectacle : au départ c’était faute de moyens (pas assez de sous pour déclarer tout le monde dans le groupe) ; puis, voyant les frustrations et les angoisses des uns et des autres qui sont toujours limite sur le nombre de cachets, j’ai fini par trouver ma position plus que correcte. Cela fait des années que je travaille « à côté », de manière à ne faire que la musique dont j'ai envie. J'ai la chance d'avoir un travail qui me permet de prendre des congés afin de donner des concerts ou d’enregistrer. C'est une vraie liberté, dans un sens. Et il faut bien se rendre à l'évidence que la musique que je fais n'est pas facile, et même si elle a un réel public dans le monde entier, celui-ci est réduit. Il suffit d'aller voir n'importe quel concert de musique improvisée à Paris, Londres ou New York pour se rendre compte du peu d'intérêt général par rapport à ces musiques. Ma manière de faire est d'amener cette touche de musique improvisée, d'abstraction, d’humour, dans des musiques qui vont de la pop au rock, de l’electro à la poésie, sans me « vendre », sans concessions, mais toujours avec musicalité. C'est pour cela que je me suis retrouvé à jouer avec des gens et des groupes aussi variés que Mendelson, Herman Düne, Akosh S. Unit, Prohibition, The Big Crunch Theory, Villeneuve, Dragibus, La Vierge de Nüremberg, etc. : finalement, je suis un peu la cerise sur le gâteau.

 Philippe Robert © Le son du grisli / Agitation Friite.

Image of La chanson des vieux époux de Pierre Loti & Quentin Rollet / Vomir

 



Strotter Inst. : Miszellen (Hallow Ground, 2017)

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Depuis la fin des années 1990, Christoph Hess fait tourner ses platines sous pseudo Strotter Inst. La particularité est qu’il ne prend même plus la peine de déposer de vinyles sur ses machines tournantes et donc qu’il compose dans le vide. C’est d’ailleurs là que réside le mystère de sa techno minimaliste ou de sa rotobik envoûtante.

Maintenant, la particularité de Miszellen est de prouver que Strotter Inst. ne respecte rien, même par la particularité dont je viens de parler. Sur ce double LP, il puise en effet dans ses influences musicales pour s’en servir de matériau brut (de défrocage). C’est ce qui explique que ce nouveau Strotter Inst., eh bien, ne sonne pas tellement Strotter Inst. Il n’en est pas moins recommandable, car Hess y ouvre des boîtes qui cachent des boîtes qui cachent des boîtes…

Et c’est à force d’ouvrir tout ça qu’il habille ses structures élastiques, jonglant avec des samples qui donnent à ses atmosphères de nouvelles couleurs. Si ce n’est pas toujours convaincant (je pense au violoncelle qui a du mal à faire bon ménage avec l’électronique sur la plage Asmus Tietchens ou à la relecture de Darsombra) on trouve quelques perles sur ce disque, que ce soit dans le genre d’une strange ambient inspirée par Nurse With Wound ou Ultra ou quand il joue à la roulette sous les encouragements de RLW. L’autre grand intérêt de Miszellen est qu’il permet de dénicher des morceaux d’indus sur lesquels on ne serait peut-être jamais tombé sans les conseils avisés de Strotter Inst.


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Strotter Inst. : Miszellen
Hallow Ground
Edition : 2017.
2 LP : A1. AAADSTY : Spassreiz beim Polen (a miscellany about TASADAY) A2. ABDMORRS : Yaeh-Namp (a miscellany about DARSOMBRA) A3. ACEEH IMNSSSTTU : Artigst nach Gutem changiert (a miscellany about ASMUS TIETCHENS) – B1. BEEEENQU : Snijdende Tests (a miscellany about BEEQUEEN) B2. DEHIN NOR STUUWW : 105 Humorous Print Diseases (a miscellany about NURSE WITH WOUND) B3. GIILLMSS U : Juli enteist Jute (a miscellany about SIGILLUM S) – C1. 146DP : typisch CH-Hofpresse (a miscellany about P16D4) C2. AHMNOT : Ahnenreihe O.T. (a miscellany about MATHON) C3. EFOSTU : Acid Hang (a miscellany about FOETUS) - D1. LRW : Keilhirnrinde... (a miscellany about RLW) D2. ÄDEKL : Seismic Sofa Gang 44 (a miscellany about DÄLEK) D3. ALRTU : Mysterious Flowershirts (a miscellany about ULTRA)
Pierre Cécile © Le son du grisli

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La bonne chanson : Nurse With Wound

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A l'occasion du concert que Nurse With Wound donnera demain, mardi 21 mars, à Paris dans le cadre du festival Sonic Protest, nous publions un extrait du premier numéro papier du son du grisli - dont le sommaire et l'affiche de la soirée ont deux musiciens en commun : Nurse With Wound, donc, et Sven-Åke Johansson

Et si la bonne chanson était faite de plusieurs, de centaines, de milliers de chansons mêlées ? Au petit bonheur la chance : Nature Boy et Tonada de luna llena, Lonely Woman et La noyée, Balderrama et Alone Together… Autour, tout autour, des bouts d’expérimentations ou des morceaux de bruits signés – s’il faut extirper encore quelques noms de la Nurse With Wound List – AMM, Henri Chopin, Stockhausen, PIL, New Phonic Art… approchent en satellites que Steven Stapleton fait tourner. Quelqu’un a-t-il d’ailleurs jamais compté le nombre de conseils donnés en cette liste que l’homme a glissé dans la pochette du premier disque de son groupe, Chance Meeting on a Dissecting Table of a Sewing Machine and an Umbrella ? Et en cette autre, qui l’allongeait, dans To the Quiet Men from a Tiny Girl dédié à l’actionniste Rudolf Schwarzkogler ?

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Quel rôle cette somme d’inspirations a-t-elle pu jouer sur l’aspiration de Steven Stapleton, et puis sur son aura ? Dès les origines de Nurse With Wound, l’amateur éclairé qu’il est les arrange et en joue dans un sanctuaire qu’il a élevé à cet effet : un Jardin des Délices qu’il explore d’un panneau à l’autre sous la surveillance de convives de tailles gigantesques. Chance Meeting on a Dissecting Table of a Sewing Machine and an Umbrella, et c’est (avec John Fothergill et Heman Pathak) déjà Lautréamont : « beau (…) comme ce piège à rats perpétuel, toujours retendu par l'animal pris, qui peut prendre seul des rongeurs indéfiniment, et fonctionner même caché sous la paille ; et surtout, comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie ! » Descendant de ces tafouilleux, ou chiffonniers de la Seine, qui, selon les mots de Maxime du Camp, « envisagent dans le sillon leur prochaine prise ; tout leur est bon, tout leur est une proie, et un profit », Stapleton dépose sur la table ses trouvailles de la journée : ce ne sont plus alors ni parapluie ni machine à coudre, mais des sons de toutes provenances que des bouches minuscules ramassées avec précaution chantent sans avoir pris le temps de s’être consultées.

Curieux travail de catéchisation – d’autant qu’on a cru apercevoir à l’instant Stapleton se « promenader » sur le panneau de droite : … vos yeux habitués à la pénombre s’ouvriront bientôt à de plus radieuses visions de clarté ; est-il déjà parti voir de quoi retourne l’envers du décor ? Le temps peut-être, pour nous, de feuilleter un livre ou deux : Journal occulte de Strindberg ou Billy & Betty de Twiggs Jameson dont Stapleton fit l’acquisition un jour de 1973 sur un marché d’Amsterdam, roman drolatique dans lequel il a pêché quelques titres de morceaux et qu’il pensa même, avec Geoff Cox et David Tibet, rééditer augmenté d’illustrations de sa main. Au son de Sister Ray du Velvet Underground, écoutons Sister Susie s’épancher à nouveau : « Nombreux étaient les coups que je tirais avec des hommes célèbres mais, dans ce domaine, je ne jouais pas à la difficile. Je dirais même que je préférais l’homme de la rue aux stars avec des noms comme ça, car la plupart sont pédés comme – » … N’y voyez aucune allusion, pas plus de raccourci, mais voilà qui nous amène quand même à évoquer cet autre ouvrage dans lequel David Tibet expose une partie de sa collection de cuirs (et en dit long sur la fascination qu’exerce sur lui le personnage de Oui-Oui).

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Hommage aux chansons branlantes de Coil, Current 93 et – dans une moindre mesure – Nurse With Wound, ce livre l’est aussi : England’s Hidden Reverse, sous-titré A Secret History of the Esoteric Underground, écrit à la fin des années 1990, publié au début des années 2000 et récemment traduit en français – une postface permet à son auteur, David Keenan, d’aborder un peu l’ « actualité » de ses sujets, désormais hommes célèbres mais jadis trublions confinés en caves après que le punk eut perdu de sa morgue (l’affaire a vite été réglée). Si la lecture de ce livre a laissé plus d’un de ses protagonistes circonspect, il n’en reste pas moins qu’il renferme de précieuses informations. Sagement, le journaliste raconte l’histoire de formations qui se côtoient et même se mélangent malgré quelques divergences d’idées et d’intérêts. C’est que les bases communes sont solides : lectures de Joe Orton, Arthur Machen ou Aleister Crowley, écoutes diverses et même variées, goût pour le contact – ainsi Tibet rejoindra-t-il Psychic TV sur un simple coup de téléphone passé à Genesis P-Orridge – et culture de l’idiosyncrasie – qui poussa par exemple John Balance à s’extraire du même Psychic TV pour former Coil, que rejoindra rapidement Peter Sleazy Christopherson. Voilà pour ces « hommes célèbres » qu’en approcheront d’autres : William Bennett (Whitehouse), Karl Blake et Danielle Dax (Lemon Kittens), Graeme Revell (SPK)… On pourrait croire la scène indus (celle des années 1980 à 1985, que Bennett qualifie de « géniales et passionnantes ») attachée au concept d’exclusivité – par simple jeu de domination –, or ces personnalités là (pour combien d’embrigadés volontaires ?) parviennent à s’y exprimer chacun à sa façon. Comme à distance, Stapleton – il faut le lire : « Tout ce truc industriel, c’était de la merde. » – fait donc avec ses premières influences (le krautrock de Guru Guru et Amon Düül, première des toutes) et son goût pour la musique dépaysante – la question de l’origine du son que l’on entend se posera d’ailleurs souvent à l’écoute des disques de Nurse With Wound. C’est d’ailleurs l’expérience qu’il faudra faire : tout reprendre un jour, et dans l’ordre, depuis Chance Meeting on a Dissecting Table of a Sewing Machine and an Umbrella jusqu’aux récentes collaborations avec Colin Potter, Andrew Liles et MS Waldron en passant par Homotopy to Marie, que Stapleton considère comme son premier « vrai » disque parce qu’il est celui par lequel il a découvert « comment mettre en forme la dynamique ». … Les ombres que nous peindrons seront plus lumineuses que les pleines lumières de nos prédécesseurs…

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Avant la dynamique, c’est par exemple Insect and Individual Silenced : une salle des pas perdus (mais toujours une voix qui traîne) improvisée salon de danse macabre. Dans la dynamique, s’engouffreront ensuite autant d’expressions disparates que de mutilations nécessaires : alchimiste patenté, Stapleton arrange le tout en dada nostalgique, démonstrateur en fabuloserie (Creakiness), guitariste incertain (The 6 Buttons of Sex Appeal), chasseur de fantômes sur pellicule (Poeme Sequence), organiste panique (Santoor Lena Bicycle)… Bien sûr, la tête vous tourne, et c’est voulu – d’autant qu’il faut ajouter aux éditions originales des disques NWW leurs multiples rééditions, certaines compilées ou réassemblées pour ne pas dire « collées à l’arrache. » C’est Echo, non plus punie mais cette fois gratifiée par le sort : devenu labyrinthe, le sanctuaire élevé par Stapleton nous renvoie par un subtil jeu de miroirs les clichés de chacune des étapes de sa construction. C’est parfois hors-sujet, la plupart du temps terriblement impressionnant ; autant que l’est l’envergure de l’entreprise, qui ne doit jamais nous faire renoncer à cette idée de tout – tout, c’est à dire Nurse With Wound jusqu’à sa liste – reprendre un jour, et dans l’ordre encore.

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Au sommaire du premier numéro papier de la revue Le son du grisli : Nurse With Wound & Sven-Åke Johansson, et puis Jason Kahn,Zbigniew Karkowski et La Monte Young. Informations et précommande sur le site des éditions Lenka lente.

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Larsen, Nurse With Wound : Erroneous: A Collection of Errors (Important, 2010)

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Passez-moi l’expression : le premier titre de la collaboration entre Nurse With Wound – rejoints par le guitariste Eberhard Kranemann – et Larsen fait tâche. A ce point qu’on a peur que tout le disque en question respecte le nom qui lui a été donné (Erroneous: A Collection of Errors).

Ce premier titre, Tickety-Boo, est régi par la boucle d’un logiciel quelconque avec laquelle jouent Steven Stapleton et Eberhard Kranemann de cuts en reprises, et entre les deux une guitare qui n’y croit pas vraiment. Heureusement, il y a une suite : ballades planantes et morceaux mille-feuilles de Larsen qui sauront ravir le plus usé des post-rockers. Grâce aux Italiens, la boutique des erreurs devient un capharnaüm fantastique où il faut se perdre de toute urgence.

Larsen, Nurse With Wound : Erroneous: A Collection of Errors (Important / Amazon)
Edition : 2010.
CD : 01/ Tickety-Boo 02/ Driftin’ By 03/ Rock, Baby, Rock 04/ Cob-Kite Toy 05/ Call Me, Tell Me 06/ Bug Vaudeville
Pierre Cécile © Le son du grisli

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Nurse With Wound : Alice the Goon (United Jnana, 2010)

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La réédition d’Alice the Goon – les 500 LPs originaux étant écoulés depuis plus de dix ans – nous prouve s’il le fallait encore que Nurse With Wound est un groupe très peu commun – et même, disons le, pas commun du tout.

Chaque morceau ici présent semble avoir été écrit pour promener son auditeur. Par exemple, (I Don't Want To Have) Easy Listening Nightmares Nurse With Wound revêt des habits de Kid Creole experimental : une boucle exotique qui tourne et tourne encore et le tour est joué, il n’y a plus qu’à fleurir de petits solos décalés ce monument d’easy listening répétitive.

Pour faire honneur au CD, un troisième titre a été ajouté et placé entre les deux originaux : le groupe y flirte avec une indus glabre sous les débris de laquelle on croit entendre Laurie Anderson appeler à l’aide. Plus expérimentale encore et plus sérieux, des filets de voix s’occupent de dépeindre le cauchemar annoncé plus haut. D’Alice the Goon sort un « dirty listening » implacable, bien au-dessus du lot. 

Nurse with Wound :  Alice the Goon (Durtro Jnana / Orkhêstra International)
Réédition : 2010.
CD : 01/ (I Don’t Want To Have) Easy Listening Nightmares 02/ Prelude to Alice the Goon 03/ Alice the Goon
Pierre Cécile © Le son du grisli

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Faust : C'est com... com... compliqué (Bureau B, 2009)

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Petite mise au point en préambule, le légendaire groupe "krautrock" Faust plus au moins formé sous les hospices de Polydor en 1970 est aujourd'hui une hydre à deux têtes, avec d'un côté Hans-Joachim Irmler et de l'autre Jean-Hervé Péron, deux fractions légitimes et divergentes. Il s'agit ici de la branche péronne pour ce C'est com... com... compliqué. Jean-Hervé Péron ne croyait pas si bien dire il y a trois ans lorsqu'il projetait déjà de publier sous ce titre la matière sonore enregistrée et mixée à Hambourg en été 2006 par Colin Potter et Steven Stapleton de Nurse With Wound.

En puisant dans cette matière, c'est d'abord un Disconnected qui fut publié en 2007, puis en reprenant le mixage à zéro (sans Potter et Stapleton), et en grande partie en se basant sur des morceaux  distincts, c'est finalement ce C'est com... com... compliqué qui a vu le jour sur le label Bureau B. Ces tergiversations en sont peut-être elles-mêmes la conséquence, le Faust mené par Jean-Hervé Péron est plus fier et conquérant que jamais. Les morceaux s'imposent par leur puissance, leur longueur et leurs structures répétitives. Tout semble pouvoir chavirer à chaque instant et tient l'auditeur sur la brèche. Les rythmiques austères comme du béton de Zappi Diermaier y sont pour beaucoup, tout comme les drones à la guitare d'Amaury Cambuzat (ex-Ulan Bator). Péron, également à la guitare, est surtout présent à la voix. Il psalmodie des textes aux allures surréalistes au point que chaque phrase s'impose comme un nouveau leitmotiv inébranlable (Ce chemin est le bon, En veux-tu des effets, en voilà en voilà...).

Il n'y avait pas d'équivalent dans la discographie de Faust (tout juste pense-t-on à IV de 1974), il n'y en aura pas dans le futur. Amaury Cambuzat a jeté l'éponge (trop de pression semble-t-il), tout comme Zappi Diermaier arrêtant pour cause de douleurs lombaires persistantes. Jean-Hervé Péron tourne depuis avec d'autres musiciens.

Faust : C'est com... com... compliqué (Bureau B / Amazon)
Edition : 2009.
CD : 01/ Kundalini tremolos 02/ Accroché à tes lèvres 03/ Ce chemin est le bon 04/ Stimmen 05/ Petits sons appétissants 06/ Bonjour Gioacchino 07/ En veux-tu des effets, en voilà 08/ Lass mich, version originale 09/ C'est com...com...compliqué
Eric Deshayes © Le son du grisli

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