Jac Berrocal, Vincent Epplay & Jean-Noël Cognard à Nantes, le 14 octobre 2016
A Nantes, la neuvième édition du festival de création radiophonique Sonor, organisé par Jet FM, offrait une carte blanche à Revue & Corrigée (dont l’aimable rédaction du son du grisli vous conseille la lecture, en commençant par le N°108) : le 14 octobre, dans la salle Micro de Stéréolux, ce furent DAN/GO (Barbara Dang à l’épinette et Raphaël Godeau à la mandoline) puis Fassbinder (autre duo, et convaincant, composé de Golem Mecanique & Poule Poutre). Après quoi, Jac Berrocal passait une tête, et même trois puisque l’accompagnaient sur scène Vincent Epplay et Jean-Noël Cognard.
Ce n’était donc pas Chico Hamilton qui excita le personnage à coups de fûts et de clochettes : « C’est l’heure ! Jac Berrocal… » annonce Cognard sur cet extrait de film (ouverture de Rock'n Roll Station) dont le noir & blanc s’est substitué aux couleurs fauves de la prestation. A genoux entre un « ambianceur » inventif et un batteur facétieux, Berrocal s’exprime dans un patois – à la manière des anciens curés de villages – peu commun, fait de bribes d’Artaud et de mots mangés crus, de souffles portés par l’écho, de signes insensés et de sourires entendus. Si la messe est noire, elle est aussi amusée – le poète qu’il est marrie dans un même geste et un même son et la nouvelle provocation et le dernier espoir. Quant au concert, il fut simplement flamboyant – voilà pour le rouge –, au sortir duquel Jac Berrocal, chapeau sur l'oeil, tente le coup : « Allez, on part faire l’Olympia ! » Faut-il craindre pour le monument historique ?
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Vidéos : KGB070272
Nurse With Wound : Dark Fat (Jnana, 2016) / Steven Stapleton, Christoph Heemann : Painting With Priests (Yesmissolga, 2016)
En marge des relectures (Musique pour Faits divers par Brian Conniffe, Dark Drippings par M.S. Waldron) et des rééditions (Soliloquy For Lilith, Echo Poeme: Sequence No 2…), Steven Stapleton extrayait récemment de ses archives de quoi composer encore. Sur Dark Fat, des enregistrements de répétitions, de concerts voire de balances, datant de 2008 à 2016, sont ainsi arrangés en seize morceaux d’atmosphère comme toujours hétéroclite.
D’autant que Nurse With Wound – Stapleton, ici avec Colin Potter, M.S. Waldron et Andrew Liles – invite (ou emprunte des interventions à) à cette occasion une kyrielle de musiciens extravagants : Jac Berrocal, David Tibet, Lyn Jackson, Quentin Rollet ou Stephen O’Malley, pour n’en citer que cinq. Sous l’effet d’une hallucination qu’on imagine partagée, ce sont alors des pièces différentes – mais aussi inégales – qui composent, comme par enchantement, une suite d’impressions floues ou de souvenirs rêvés. En refusant à ses enregistrements-matériau le seul statut de document, Stapleton arrange là une autre forme de poésie (sonore) décadente qui, malgré tout, enivre autant qu’elle interroge.
Nurse With Wound : Dark Fat
Jnana / Unit Dirter
Enregistrement : 2008-2016. Edition : 2016.
2 CD : CD1 : 01/ That Leaking Putrid Underbelly - Noble Cause Corruption 02/ Devil Dreamin' - Servants Of The Paraclete 03/ Congregatio Pro Doctrina Fedei 04/ Lost In The Ocean 05/ Banality With A Beat 06/ Whoosh (A Radicalized View) 07/ Doing What We Are Told Makes Us Free –CD2 : 01/ Congealed Entrance 02/ Devil Is This The Night 03/ Eat Shop Relax 04/ Rock N' Rolla 1959 05/ The Machinery Of Hearing 06/ I Put My Mouth To The Lips Of Eternity 07/ An Attempt By Badgers To Cull Worrisome Farmers 08/ Doing What We Are Told Makes Us Free (Embedded Version) 09/ Rock'n'Roll Station (Live)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
L’élévation sera lente. Hypnotique toujours. C’est dans le contrat bien sûr. L’érosion sera lente. Le cœur battra sans peur de la chute. Un piano coincera la digression. Digression, attendue, mais ne venant pas. Les déplacements n’en seront pas. On voudrait y voir des salmigondis zébrés, des spasmes réguliers : on y supposera la désintégration mais ce ne seront, ici, qu’amorces, désirs non aboutis. S’agripperont matières et faisceaux sur la surface du fil sonore. Jamais ne délivreront l’espace, toujours l’étoufferont. Steven Stapleton & Christoph Heemann l’estoqueront alors d’un pesant silence.
Steven Stapleton, Christoph Heemann : Paintings with Priests
Yesmissolga
Enregistrement : 2009. Edition : 2016.
CD : 01/ Painting with Priests
Luc Bouquet © Le son du grisli
Jac Berrocal, David Fenech, Vincent Epplay : Antigravity (Blackest Ever Black, 2015)
Berrocal / Fenech, le retour ? Yep, et sur un air de western (enfin, d’un western modifié, celui de Nanook, le premier titre de ce CD). Avec le duo, notons que ce n’est plus Tazartès mais Vincent Epplay, artiste sonore de son état et musicien touche-à-tout-ce-qui-sonne (synthés, fied recordings, accordéon, etc.).
Pas moins de 14 plages, le tout enregistré entre 2011 et 2014. Oui mais alors le tout quoi ? Parce qu’il y en a des choses, dans Antigravity… Des improvisations lugubrostères (The Overload), des chansonnettes inspirées par Brian Eno et David Byrne (Panic in Bali) ou Vince Taylor (Rock’n’Roll Station), des reprises (le Where Flamingoes Fly par Gil Evans ou la Valse des lilas, avec Anna Byskov à la voix, qui ferait une belle musique d’ambiance pour parking à agressions), du folk baltringue pour trompette bouchée (Tsouking Chant), des élucubrations expérimentales (Nanooks), une poésie d’exil hôtelier (Riga Centraal) et autres petits trucs parfois un peu fastoches (Solaris)…
Bref (ah oui, aussi un hommage à Jacques Thollot, et un beau morceau de danse psychotrope : L’essai des suintes ou le bal des futaies)… Bref, disais-je, un catalogue (référence !) d’excentricités rockobrutales dans un Diapason pour routier chantant (cheers, Sœur Sourire).
Jac Berrocal, David Fenech, Vincent Epplay : Antigravity (Blackest Ever Black)
Enregistrement : 2011-2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Nanook 02/ The Overload 03/ Panic in Bali 04/ Rock’n’Roll Station 05/ Where Flamingoes Fly 06/ Kinder Lieder 07/ Tsouking Chant 06/ Valse des lilas 09/ Nanooks 10/ Solaris 11/ Ife L’ayo 12/ Spain 13/ Riga Centraal 14/ L’essai des suintes ou le bal des futaies
Pierre Cécile © Le son du grisli
Kasper T. Toeplitz, Jean-Noël Cognard, Jac Berrocal : Disséminés çà et là (Bloc Thyristors / Trace, 2015)
Enregistrés le 18 juin 2014 à Evreux, puis Disséminés çà et là, Kasper T. Toeplitz, Jean-Noël Cognard et Jac Berrocal. Entendus (et expansifs) en Empan et Vierge de Nuremberg, le duo Berrocal / Cognard avait donc encore à dire. C’est-à-dire à improviser, en jouant de codes divers, électriques souvent.
Ainsi la basse de Toeplitz, derrière le sifflement des cymbales. Ronflant, elle déroule la trame et le son même de la rencontre : boulevard sous néons sombres sur lequel Berrocal pourra s’exprimer librement – c’est parfois, par quelques câbles no wave, Don Cherry solidement attaché à un totem fiché de travers. En fin de première face, les musiciens grondent toujours, mais en insistant maintenant : noise’n’roll tranchant…
Qui tranchera d’ailleurs avec la seconde face : sur un écho léger, le trompettiste y improvise du bout des lèvres quand Toeplitz nourrit quelques parasites et Cognard invente une adéquate ponctuation : c’est alors une danse contournée qui préside aux débats, chassée bientôt par un blues étouffé par d’autres grondements sourds. Et « c’est l’heure », déjà : celle de l’après-écoute, celle où le trio concrétise son vœu du jour : Toeplitz, Cognard et Berrocal, Disséminés, çà et là.
Kasper T. Toeplitz, Jean-Noël Cognard, Jac Berrocal : Disséminés çà et là (Bloc Thyristors / Trace / Souffle Continu)
Enregistrement : 18 juin 2014. Edition : 2015.
LP : A1/ Remous écumants A2/ Lune des grottes profondes – B1/ Le corps s'arque sur le lit B2/ Rock' n roll station B3/ Un oiseau d'or aux ailes déployées
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ce jeudi 14 mai, Jean-Noël Cognard battra du Tribraque (Pauvros / Müller / Cognard) aux Instants Chavirés de Montreuil.
Jac Berrocal, Dominique Coster, Roger Ferlet : Musiq Musik (Futura, 1973)
Cette chronique est extraite de sept trompettes, hors-série papier à paraître début mars 2013.
Jac Berrocal : « Une nuit d’août 1970, une 2CV poussive et bariolée s’arrêta au bord d’une piste finlandaise où je bivouaquais : c’était Roger Ferlet, passionné de pop et futur astrophysicien. Quelques heures après, arrivés au bord de l’aurore au cercle polaire, nous décidions de monter le Music Ensemble auquel se joindront aussitôt l’accordéoniste Claude Parle, Dominique Coster et le peintre Michel Potage. Grâce à la firme Futura, Musiq Musik vit le jour : soit une carte postale sonore avec des tambours de l’an 1000 qui croisent la détresse de réfugiés tibétains rencontrés dans des hôtels miteux du Népal. Pour l’histoire, ce disque en réverb’ naturelle fut enregistré en 1973 à quelques mètres de la tombe de l’évêque Pierre de Corbeille qui fut l’instigateur vers 1241 de la « Messe des fous ».
Ce projet fut réalisé par Gérard Terronès qui permit à bon nombre de musiciens de se faire entendre. Futura Records serait impensable aujourd’hui : songez, dans un catalogue à dominante free, Gérard produisait des albums de New Orleans, de rock étrange, du jazz bop, du théâtre musical, et ce disque atypique, objet brut musical. C’était une époque un peu folle : on pouvait monter un groupe l’après-midi, enregistrer des bandes le soir, trouver un label le lendemain, et, en plus, la presse et les radios s’intéressaient à vous. » Ce premier album est aussi beau que le meilleur de Don Cherry : on y verra comme un écho dans les bandes inédites enregistrées à la même époque et que publiera plusieurs décennies après Emmanuel Carcano.
Jac Berrocal, Dominique Coster, Roger Ferlet : Musiq Musik (Futura)
Enregistrement : 1973. Edition : 1973.
LP : Musiq Musik
Philippe Robert © Le son du grisli
Interview de Jac Berrocal
Jamais là où on l'attend le Berrocal. Avec pour preuve, alors qu'il fut un temps où la presse de jazz hexagonale le couvrait de lauriers, sa présence ô combien symbolique dans le Dictionnaire du rock, juste avant Chuck Berry ! Ses influences représentent à elles-seules un invraisemblable kaléidoscope, en phase avec l'envoûtant bric-à-brac qu'est sa discographie, faite de fulgurances qui ne sauraient s'étiqueter. Jazz, impro, no wave, indus : rien ne lui aura échappé. Avec lui, chez lui, dans la pénombre d'une fin d'après-midi automnale, dans ce salon où passèrent Jon Hassell et Vince Taylor, un micro Elvis à portée de main, et au milieu d'ex-voto, de gisants et d'icônes, ces mots rares d'un très GRAND ayant fait l'acteur jusque chez Mocky…
Quels ont été tes premiers chocs musicaux, ceux qui t’ont initié ? Voyons voir… Lorsque j’étais enfant, oui c’est bien ça, enfant, premier choc, dans une clairière des Charentes, avec le passage d’un autorail rouge et beige tout-au-dessus des grands arbres… L’année de mes huit ans, j’ai aussi été ébloui par les cuivres éclairés de bleu de l’orchestre de Fred Adison se produisant sous un chapiteau de cirque… J’ai ressenti la même chose sur la scène du Châtelet, avec Georges Guétary entouré d’une cinquantaine de girls dans La Rose de Noël… Quoi encore ? Les Petits chanteurs de l’Etoile, avec qui, dès 1956, j’ai appris des motets de la Renaissance. Et puis les orgues, toutes les grandes orgues… Et, à la radio, par-dessus la voix saccadée du speaker, les vrombissements du bolide de Juan Manuel Fangio. Tout ceci mixé avec les accordéons d’André Verchuren et Marcel Azzola, et le son du film Un Condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson. En 1963 j’ai assisté à tous les concerts de Duke Ellington, subjugué par son élégance. A la même époque j’entrais par effraction dans le combo de Mick Drot : à la troisième chanson outrageusement yaourt-rock, croyant à une syncope, les pompiers refermaient le rideau rouge sur moi, tandis que backstage, craignant pour ma santé, trois jeunes filles se précipitaient – ma mère était verte de honte… Au même moment, sur Europe 1, Ornette Coleman et Don Cherry jouaient Lonely Woman : je suis plombé !
Parmi ce qui se fait aujourd’hui, qu’écoutes-tu ? Juste à côté de Louis Armstrong, Zarah Leander, Gerry Mulligan, Suzy Solidor, Sonic Youth, Albert Ayler, Pierre Henry pour la musique du film L’Homme à la caméra, eh bien j’écoute Hélène Grimaud, dans le Piano concerto n° 2 de Rachmaninov, car cette grâce me permet d’écrire. Je suis également très fan du pianiste Samson François dont je me soûle régulièrement. Idem de la B.O. du film Downtown 81 sur Jean-Michel Basquiat, parce que cette scène no wave new-yorkaise de la fin des seventies, je la trouve très forte, riche… FUN, BABY ! Et puis, DANS LE NOIR TOTAL, sous climatisation réglée à 16°, j’aime écouter Marylin Manson, ses atmosphères lourdes, lancinantes et totalement funèbres.
Ton parcours est singulier. Qu’est-ce qui t’a poussé à toutes les rencontres qui l’ont jalonné ? Depuis fort longtemps sujet à de fréquents troubles neurasthéniques, 24 heures sur 24, je suis en lisière d’anémie : IL FAUT DONC QUE JE BOUGE ! Si une manière d’envisager la musique m’ennuie, je dois changer de cap : c’est une question de survie. Si quelque chose doit me faire entrer en transe : je fonce ! Je pense par exemple au groupe MKB dont j’adore le traitement guitares / machines sur textes de F.J. Ossang : NOISE’N’ROLL TRANCHANT ! Je pense à une douche de trompette, en suspension autour des poésies de Jacques Doyen, TERRIBLEMENT BOULEVERSANT… Paradoxalement je dirais que l’excentricité ne me convient pas. Une fusion réussie, c’est rare, simple et totalement mystérieux… Lors d’une répétition chez Yvette Horner, je me suis ainsi trouvé à hurler un cantique criminel et gothique sur fond de batterie métallique : TOUTE CHOSE EST POSSIBLE, MÊME UNE RESTAURATION MONARCHIQUE !
Dans quelles circonstances as-tu rencontré Vince Taylor avec qui tu as enregistré le mythique Rock’n’Roll Station, repris par Nurse With Wound ? C’était tout bêtement chez des amis, au début des seventies. Vince était comme un OVNI allant et venant avec une souplesse de félin : un voyant et un séducteur au regard faisant mouche. C’était pile l’année, où, à Londres, à la station Tottenham Court Road précisément, il avait désigné à Bowie, sur une carte d’état-major, l’emplacement secret des caches d’armes que les extra-terrestres avaient fixé pour envahir l’Europe… Vince Taylor a incarné le rock à un point inimaginable de folies sensuelles et scéniques. Si certains, depuis, ont élevé le rock comme un art, LUI SEUL EN A FAIT UNE MESSE IMPREVISIBLE ET TROUBLANTE. Alors, lorsque l’idée de Rock’n’Roll Station m’est venue, son image s’est imposée immédiatement, et l’enregistrement fut bouclé en une heure. Rock’n’Roll Station, c’est une chose qui m’a complètement échappée ; un geste rapide que j’ai mis vingt ans à chanter sur scène.
Peu de temps après, tu as rencontré James Chance avec qui tu as également enregistré.Ah oui… Baltimore, cette étrange factory par des températures en-dessous des normales saisonnières ; et ce taux d’insécurité croissant après 9 heures du soir ! L’enregistrement des Freezing Sessions avec James Chance, Ron Anderson, Mick Evans, Jason Willett, et deux canards dans l’évier : c’était vraiment THE TRASH WAY OF LIFE ! Après avoir mis en boîte un standard de Billie Holiday et rejoué Satan Dance de Giuseppi Logan, nous allions nous réchauffer, en fin de soirée, dans un restaurant où des étudiants fêtaient Mozart. On ne manquait jamais d’y évoquer Roland Kirk. Nous regardions des films d’Ed Wood… Je me souviens d’un truc délirant des Cramps, pour les enfants, tourné dans un hôpital psychiatrique. Puis, micros au ras du plancher, nous changions les paroles de I Wanna Be Your Dog d’Iggy : le 25 cm Flash! résume bien la situation.
Le milieu du jazz en France, les musique dites improvisées, c’est-à-dire aussi ceux qui ont relayé jusqu’à un certain point ton travail : eh bien, finalement, ces mileux, t’y es-tu jamais reconnu ? En ce qui concerne « les musiques dites improvisées », elles ont, en quelque vingt ans, dévié d’une spontanéité irreproductible dans une théatralisation joyeuse de l’extrême, avant qu’on n’y voie plus que des musiciens brillants aux balises consanguines, vendant leurs concerts la tête dans le sac, et le public avec. JE NE PENSE PAS, ACTUELLEMENT, QUE L’ON PUISSE ASSISTER, SUR UNE SCENE COUVERTE DE SABLE ET DE PAROIS FRIGORIFIQUES, A UN CONCERTO POUR PIANO, CAISSE DE BIERE ET MOBYLETTES JAILLISSANTES, PENDANT QU’UN GUITARISTE S’AFFAIRERAIT AVEC DES LEGUMES. Le Sens’ Music Meeting des années 1970 fut l’apothéose de ces manifestations. Le milieu musical trembla un moment, car ce qui choquait, c’était d’y voir en action de sacrés tempérament d’artistes, doublés d’un égal talent pour l’autodestruction : soit une autre manière d’envisager la musique…
Aurais-tu aimé jouir d’une reconnaissance plus large que celle associée à ton statut, si tu me permets l’expression, d’artiste culte ? Tu sais, je jouis déjà, et ma reconnaissance est encore plus large que mon culte ! (Rires) Mais pour cela j’ai UN SECRET : bouger sans cesse afin de n’être pas repéré.
Cela ne t’embête donc pas que d’autres, moins doués, aient tiré les marrons du feu à ta place ? Question un peu stupide, j’en conviens ! Pour paraphraser les propos de Simon de Montfort en 1209, disons que Dieu reconnaîtra les siens !
Pour finir, avec qui rêverais-tu d’enregistrer ?J’aurais fortement aimé participer à l’album Tilt de Scott Walker : une symphonie étrange où l’on perd pied sur des perles baroques d’un autre monde. Et puis, cette grâce de haute-contre improbable, au bord du gouffre… J’en frémis.
Jac Berrocal, propos recueillis en 2005 (ou pas loin).
Philippe Robert © Le son du grisli
La vierge de Nuremberg : Le retour de (Bloc Thyristors, 2012)
Elle aurait pu ne pas être originaire de Nuremberg, Dieu que cette Vierge aurait été pareillement affolante ! Dedans, tout ce que Jean-Noël Cognard et ses amis ont envie d’y fourrer (le rock bagarreur version France 3 Régions des débuts m’a quand même fait craindre le pire)…
Après quoi c’est du meilleur, et même du bon : une trompette (oui oui, celle de Berrocal) qui rend hommage à Don Cherry, une guitare et un saxophone qui s’affrontent à fleurets empoisonnés, une voix féminine (en anglais ça passe, en français pas loin de casser) qui pousse un air d’Americana (la trompette s’y envolera), des loops et des reverses qui dégomment tous les clichés du rock. C’est quoi donc en fait ? Une brocante farfelue qui surprend sans arrêt et où le charme agit même parfois.
La Vierge de Nuremberg : Le retour de (Bloc Thyristors / Metamkine)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
LP : A1/ Malpartida A2/ Constantinople A3/ Soundcheck A4/ Die Nacht A5/ Asba A6/ Kiss My Blood – B1/ Rock'n'Roll Station B2/ Karambolage B3/ Kurzshluss B4/ Carmilla B5/ Les Ghoules
Pierre Cécile © le son du grisli
Ce jeudi 13 décembre, La Vierge de Nuremberg se produira au Cirque électrique (Paris), dans le cadre d'une carte blanche offerte à... Chantal morte.
Lol Coxhill Expéditives
Lol Coxhill : Instant Replay (Nato, 2011)
Lol Coxhill en France, au début des années 1980. L’idée – pour lui comme pour Nato, qui réédite aujourd’hui Instant Replay – d’en profiter. Alors, entendre le soprano fantasque en compagnie de Joëlle Léandre, Christian Rollet, Annick Nozati et Sven-Ake Johansson (notamment le temps d’une relecture théâtrale d’Embraceable You), Louis Sclavis, Raymond Boni, Tony Coe, le Bagad de Kimperlé ou la Chantenaysienne sous la direction d’Yves Rochard (au son de chansons d’enfance). Et puis, avec Jac Berrocal ou Paul Rutherford, un supplément d’âme : la finesse de Coxhill servant une formidable imagination partagée.
Erik Satie et autres messieurs : Airs de jeux (Nato, 2011)
Autre réédition Nato et hommage à Erik Satie. Lol Coxhill est de ces « autres messieurs », parmi lesquels on trouve aussi Ulrich Gumpert (qui va de Sarabandes en Gnossiennes avec autant d’application que de liberté), Tony Hymas, Steve Beresford, Dave Holland, Tony Coe, Philipp Wachsmann… La forme des interprétations est diverse, le soprano faisant le pari de tentatives transgenres des plus facétieuses.
Lol Coxhill, Barre Phillips, JT Bates : The Rock on the Hill (Nato, 2011)
Enregistré au Théâtre Dunois (déplacé) en 2010, The Rock on th Hill donne à entendre Lol Coxhill et Barre Phillips auprès du batteur JT Bates. Le soprano y divague avec allure sans prendre ombrage des reliefs changeants décidés par ses partenaires ou sert avec délicatesse des mélodies qui rappellent le duo Lacy / Waldron de One More Time. Ce sont là de belles pièces improvisées dans l’écoute, l’arrangement sur le vif voire la cohésion instinctive.
Lol Coxhill, Alex Ward : Old Sight New Sounds (Incus, 2011)
Enregistré en 2010, Old Sight New Sounds est la rencontre d’un Coxhill au soprano agile, subtilement décousu ou rappelant ailleurs les premiers temps du free (Joseph Jarman en tête), et d’Alex Ward à la clarinette. Après s’être cherchés un peu, les vents tissent un parterre de sons disposés en cercles : volubiles.
GF Fitz-Gerald, Lol Coxhill : The Poppy-Seed Affair (Reel, 2011)
Un DVD et deux CD font The Poppy-Seed Affair, à ranger sous les noms de GF Fitz-Gerald et Lol Coxhill. Un film burlesque qui accueille dans son champ sonore des solos de guitare en force, des élucubrations de Fitz-Gerald (guitare, cassettes, boucles et field recordings) et surtout un concert enregistré en 1981 par le duo : sans effet désormais, la guitare fait face au soprano : deux fantaisies se toisent sur un heureux moment.
Empan : Entraxes inégaux / Tankj : Craquer les liants (Trace, 2012)
Deux rééditions d’un coup, avec des « bonux traques » ! A chaque fois, c’est Jean-Noël Cognard en 2009 avec un trompettiste (entre autres) : Jac Berrocal dans Empan (dont je ne dirais malheureusement pas plus de bien ici que jadis) et avec Serge Adam dans Tankj (qui me permet de ne pas toujours dire de mal)…
Nouvelle chronique pour d'Entraxes inégaux ? Allez !… Une trompette milesienne qui roule sur des jeux de mots, un free rock prêt-à-porter, un synthé cracheur de sons cabots-ringards, bref le retour des années 80 organisé dans ta maison alors que tu n’avais rien demandé. De toute façon, si vous (tu) faîtes l’acquisition de la réédition Tankj, vous pourrez gratuitement jeter une oreille sur la chose. Une musique de cauchemar qui fait mal…
Dans Craquer les liants de Tankj, il y a un quartette qui fournit un bien (plus) bel effort de musique électroacoustique, libre, délurée, concrète... Les percussions peuvent lui donner des tons (que l’on dira) marocains, la contrebasse de Titus Oppmann sortir des aigus que les effets-borborygmes de Jérôme Noetinger accueilleront avec félicité, la batterie mener la danse d’une troupe de zombies… Une belle musique de cauchemar qui fait du bien !
Empan : Entraxes inégaux / Tankj : Craquer les liants (Trace)
Enregistrements : 2009. Réédition : 2012.
2 CD : CD1 : Empan : Entraxes inégaux – CD2 : Tankj : Craquer les liants
Pierre Cécile © Le son du grisli
Jac Berrocal, David Fenech, Ghédalia Tazartès : Superdisque (Sub Rosa, 2012)
Superdisque, voilà un nom tout trouvé pour la (première) collaboration de trois originaux mélangeurs de rythmes et de mélodies : Jac Berrocal à la trompette, David Fenech à la guitare électrique, et Ghédalia Tazartès au chant… Trois enfants de chœur qui s’amusent avec les structures, donnent dans la trompette cinoque, l’accordéon dégonflé, l’esbroufe vocale, le langage improvisé et l’improvisation langagière…
Ian Curtis de division d’honneur (Joy Divisé), hurluberlus qui trouveraient bien dans leurs auditeurs plus remué qu’eux, poètes usés jusqu’à la rime, folkeux qui ont tant de référence qu’à la fin ils n’en ont plus (Cochise, Quando…), urbains cherchant l’herbe sous l’asphalte, équilibristes sur fil dentaire, bois sans soif et chante sans refrain, arpenteurs de vide-greniers… Ces musiciens-serpents qui sifflent sur Superdisque sont tout ça à la fois. Et voilà maintenant que vous sifflez avec !
Jac Berrocal, David Fenech et Ghédalia Tazartès : Superdisque (Sub Rosa)
Edition : 2012.
CD/LP : 01/ Joy Divisé 02 Human Bones 03 Cochise 04 Quando 05 David's Theme 06 Ife L'Ayo 07 Porte de Bagnolet 08 J'attendrai 09 Jac's Theme 10 Powow 11 Sainte 12 Final
Pierre Cécile © Le son du grisli