Hubbub : Eglise Saint-Merry, 18 octobre 2013
Jouer serrés ; ouvrir – le jeu. Sous les « misères » d'Anamorphose, ces sculptures de verre en cours de dispersion suspendues à la nef par Pascale Peyret, quelques dizaines d'avisés, de chanceux et de curieux prennent la mesure des volumes et des réverbérations typiques de l'Eglise Saint-Merry. C'est l'avant dernier « Rendez-vous contemporain » avant la trêve hivernale. En première partie de soirée les spirales abstraites de Pierre Borel, conjuguées aux techniques étendues de Louis Laurain à la trompette, aimantent le son. Comme entre deux pôles d'un champ magnétique, leurs échanges définissent un espace qui se joue, sans le recouvrir ni l'ignorer, du brouhaha d'un vendredi soir ordinaire dans le quartier Beaubourg.
Ledit « brouhaha » forme, depuis quinze ans, la visée explicite de leurs aînés de Hubbub. Aux contraintes du lieu répond un plan de scène éprouvé : les cinq membres du groupe jouent serrés, à moins d'un mètre les uns des autres. Frédéric Blondy (piano) à gauche de la scène ; Edward Perraud (batterie) à droite ; Jean-Sébastien Mariage (guitare) au centre, encadré par les deux saxophones de Jean-Luc Guionnet (alto) et Betrand Denzler (ténor). Chacun sait ce dont son voisin est capable.
Si près les uns des autres, « comme un seul homme », un peu comme une foule qui, à certains moments, possède une personnalité qui s'exprime par le son qu'elle produit ? Le fait est que, lorsque l'on écoute Hubbub, et paradoxalement plus encore que dans chacun des multiples projets dans lesquels ils sont impliqués, c'est bien de l'étoffe personnelle de chacun de ses membres qu'est tissé ce son d'ensemble qui en souligne les contours, les reliefs.
L'« instant » est la grande affaire de l'improvisation, radote-t-on (toujours l'improvisation a besoin de se justifier par l'instant). Pendant ce temps, Hubbub est déjà ailleurs. Se réserve une part d'épique et fait, comme Varèse, du son organisé. Frédéric Blondy lance un ostinato sur une quarte (une quinte ?) aux sonorités gamelan ; Jean-Sébastien Mariage lui répond à mi-concert sur un motif quasiment post-rock ; Edward Perraud retient la plupart de ses coups pour mieux éprouver ceux qu'il lâche, tandis que les deux soufflants composent des textures mouvantes et étrangement consonantes sur lesquels s'achève la pièce. La quasi-mélodie que ces textures engendrent restera quant à elle non-jouée. A chacun parmi nous d'y percevoir l'écho de sa rumeur, son Hubbub intime.
Claude-Marin Herbert © Le son du grisli
Addendum [janvier 2014]
Ce concert d'Hubbub peut désormais être écouté, et même téléchargé, sur le site Inversus Doxa.