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Le son du grisli
20 juillet 2012

Paul Flaherty, Bill Nace : An Airless Field (Ecstatic Peace!, 2007)

paul flaherty bill nace an airless field

Ce texte est extrait du troisième des quatre fanzines Free Fight. Retrouvez l'intégrale Free Fight dans le livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié aux éditions Lenka lente.

Avant de prendre goût à l’enregistrement en solitaire, Paul Flaherty s’en donna à cœur joie en associations inspirantes disputées par tambours et cordes. Après avoir rejeté le jazz – à Marc Medwin pour One Final Note, le saxophoniste confia : « j’avais une vingtaine d’années, j’ai en quelque sorte été effrayé par Coltrane, Pharoah et Dolphy, et me suis emparé de tous mes disques pour m’en débarrasser. Pendant douze ans, je n’ai pas suivi ce qui se faisait dans le domaine – j’ai tout ignoré, ne voulant pas savoir » –, Flaherty y reviendra en force.

A la fin des années 1970, il signe In the Midst of Chaos sous le nom d’Orange, quartette qu’il emmena avec le guitariste Barry Greika. Un peu plus tard, c’est avec deux autres guitaristes, Froc Filipetti et Bill Walach, qu’il enregistre le deuxième élément de sa discographie : Trinity Symphony. Le gros de sa discographie, le saxophoniste l’enregistrera pourtant bien des années plus tard en compagnie de Randall Colbourne, batteur qu’il rencontre à la fin des années 1980 – avec Daniel Carter, Raphe Malik et Sabir Mateen, le duo enregistrera l’indispensable Resonance, enregistrement d’un concert daté de 1997 autoproduit par Flaherty sur Zaabway en 2005.

Paul Flaherty 2

Malgré les preuves données, indéniables déjà, du talent avec lequel le saxophoniste tient à créer autant qu’à en découdre, Flaherty soignera encore davantage ensuite au contact de jeunes musiciens ses dons de virulence.  Avec les batteurs Chris Corsano – le duo a donné plusieurs disques d’importance – et Weasel Walter, le trompettiste Greg Kelley, le violoniste C. Spencer Yeh…, Flaherty s’est offert un supplément d’âme – ce phrên, en grec, qui donnera phrenesis… « Je n’ai envie d’écrire que dans un état explosif, dans la fièvre ou la crispation, dans une stupeur muée en frénésie, dans un climat de règlement de compte où les invectives remplacent les gifles et les coups. » Ce passage de Cioran, Flaherty ne peut qu’y souscrire, tout en prenant soin de toujours nuancer l’invective et de faire varier les climats. A ce jeu, ses partenaires peuvent l’aider. Pour exemple, prenons An Airless Field, enregistré en duo avec Bill Nace.

Paul Flaherty 1

Le 1er décembre 2007, Flaherty et le guitariste ont enregistré de quoi permettre à Ecstatic Peace! de produire deux disques : Paul Flaherty / Thurston Moore / Bill Nace et An Airless Field.  Après avoir inventé en trio sur les zones de perturbations nées de l’agitation de deux musiciens amateurs de bruits – Flaherty a côtoyé Moore quelques années auparavant en quartette dans lequel on trouvait aussi Wally Shoup et Chris Corsano –, le saxophoniste teste la résistance de Nace, avec lequel il sera amené à enregistrer encore (en duo ou en présence de Steve Baczkowski ou Laila Salins).

Plus virulent – moins expérimenté, certes – que Moore (aller écouter X.O.4. ou Body/Head), Nace pourrait être aux cordes ce que Corsano est  au tambour : un agent provocateur qui sied à la verve du ténor comme de l’alto.  En douce, le guitariste entretient un drone instable que le saxophone percera de toutes parts (ses aigus sifflent et ses graves charment) avant de maîtriser un larsen qui pousse le souffle épais à convenir avec lui de tout sacrifier à un free extensif. En situation, l’ampli est derrière Nace et son instrument ; dans le vinyle, il est là, devant, qui crache des grisailles allant aux derniers rauques inventés par Paul Flaherty. La suite est une fin : l’anaérobie disparaissant avec le retour de l’oxygène.

Paul Flaherty 1

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