Charles Gayle, John Edwards, Roger Turner : 26.05.15 (OTOroku, 2016)
Londres, mai 2015. Charles Gayle se présente sur la scène du Cafe OTO avec une rythmique anglaise imparable, qu’on ne présente plus : John Edwards à la contrebasse et Roger Turner à la batterie En résultera près de quatre-vingt-dix minutes de musique, déclinée sur disque en cinq morceaux et autant de mois, violemment tendue.
De récente mémoire, le saxophoniste ténor n’avait plus arpenté de tels territoires situés constamment sur la corde raide. Rugissant plus que de raison, soufflant à cor et à cri, sollicitant l’irrégularité rythmique et l’imprévisibilité, Gayle ne feint pas la saturation : au contraire, il en joue. De ce trop plein, amas de sonorités éructives flirtant volontiers avec le suraigu aylérien, coexistence ininterrompue de fluidités et d’accentuations, naît moins un sentiment de chaos indistinct que de temporalité saturée et d’impulsions vitales débordantes, comme si le temps n’était plus qu’une succession de notes déversées hic et nunc. Un chant à en perdre haleine qui finit par se matérialiser littéralement lors d’une incantation aussi viscérale que fulgurante (March).
Plus loin, la cadence tend à ralentir, un thème se dessine et les velléités bebop de Gayle, passé au piano, se font alors davantage jour quand elles ne finissent pas par ployer à nouveau, malgré tout, sous les relances et coups de butoir d'Edwards et Turner. Et lorsque la tension se relâche vraiment (May), nonobstant quelques soubresauts de bon aloi comme des rémanences, perce soudain, à travers l’apaisement sinon l’abandon ressenti, l’harmonie d’un temps enfin retrouvé.
Charles Gayle, John Edwards, Roger Turner : 26.05.15
OTOroku
Enregistrement : 26 mai 2015. Edition : 2016.
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Fabrice Fuentes © Le son du grisli