Johansson, Dörner, Neumann : Große Gartenbauausstellung (Olof Bright, 2012) / Johansson : Die Hark und Der Spaten (Umlaut, 2012)
Enregistrées les 18 et 19 mars 2009, les neuf pistes qui gonflent Grosse Gartenbauausstellung sont nées de l’association Andrea Neumann / Axel Dörner / Sven-Åke Johansson.
Ainsi les résonances du cadre de piano portent la rumeur d’affronts musicaux qu’enveloppent les souffles accommodant de Dörner et les balais interrogateurs de Johansson. Les râles sont inquiets, les crissements nombreux, mais les soupçons d’expressions moins discrets qu’il n’y paraît. Leur accumulation confectionne d’ailleurs avec le temps qu’ils habitent des morceaux de poésie ambigüe qui profite du goût qu’a Johansson pour le théâtre et de l’intérêt pour l’abstraction qui anime ses partenaires.
Les coups portés à la batterie commandent-ils l’imagination de Neumann et celle de Dörner ? Leur autorité ont-elles un effet sur l’art de ces deux fabriques de conjectures sonores ? Ce qui est sûr est qu’en leur imposant – davantage encore que de coutume – tout emploi de vocabulaire arrêté, Johansson aura aidé Neumann et Dörner à faire entendre ce qu’un discours économe peut receler de trésors. Pour cela, Große Gartenbauausstellung est un indispensable du genre.
Sven-Åke Johansson, Axel Dörner, Andrea Neumann : Grosse Gartenbauausstellung (Olof Bright / Metamkine)
Enregistrement : 18 et 19 mars 2009. Edition : 2012.
CD : 01/ Eingang 02/ Hauptweg I 03/ Seitenpfad 04/ Gross Kreuz 05/ Hauptweg II 06/ Café 07/ Allee 08/ Terrasse 09/ Seitenausgang
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Die Harke Und Der Spaten est une pièce enregistrée en 1998 sur laquelle Johansson déclame et joue de l’accordéon en compagnie de Matthias Bauer, Axel Dörner, Mats Gustafsson, Per-Ake Holmlander, Sten Sandell et Raymond Strid. Si la barrière de la langue ne vous éloigne pas de l’exercice, les instruments pourront s’en charger : illustrant un propos de cabaret expérimental, ils parviennent rarement à surprendre et, quand ils le font, ce n’est qu’au son d’une marche certes facétieuse mais négligeable aussi.
Sven-Åke Johansson : Die Harke Und Der Spaten (Umlaut)
Enregistrement : 1998. Edition : 2012.
CD : Die Harke Und Der Spaten
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Fire!, Oren Ambarchi : In Your Mouth - A Hand / Fire! Orchestra : Exit! (Rune Grammofon, 2012/2013)
L’amateur de crochets et d'anicroches trouvera là son compte : In the Mouth – A Hand est ce récit de coups portés par Fire! à un invité de marque : Oren Ambarchi.
Alors que la rencontre du trio et de Jim O’Rourke (Released! / Unreleased?) avait accouché de ballades expérimentales, mornes mais néanmoins inventives, In the Mouth – A Hand joue de basses et de rythmes soutenus qui enjoignent Gustafsson et Ambarchi à faire respectivement œuvre de cris rentrés et de cordes envisagées au poing – parfois le coup est maladroit, la gesticulation manque son but, alors le moulinet tourne à vide et l’exercice tient de l’entraînement longuet. Mais dans son ensemble, le disque se montre digne d’intérêt : faite de nœuds inextricables, la musique qu’il délivre trouve dans son endurance même la raison de son entêtement.
Fire!, Oren Ambarchi : In the Mouth – A Hand (Rune Grammofon)
Enregistrement : 28 octobre 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ A Man Who Might Have Been Screaming 02/ And The Stories Will Flood Your Satisfaction (With Terror) 03/ He Wants To Sleep In A Dream (He Keeps In His Head) 04/ Possibly She Was One, Or Had Been One Before (Brew Dog)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 2013
Au son de compositions de Gustafsson, Berthling et Werllin et sur des paroles d’Arnold de Boer, Fire! s’est fait grand orchestre. Enregistré le 13 janvier 2012, une trentaine de musiciens (dont Magnus Broo, Per-Ake Holmlander, David Stackenäs, Sten Sandell, Joel Grip ou Raymond Strid) s’y bousculaient de concert. Déclamant, Mariam Wallentin, Emil Swanangen et Sofia Jernberg, mènent la formation de ronde affolée en berceuse inquiète et de free folk en post-rock prog, obtiennent grâce après supplique : Fire!, stay with me.
Fire! Orchestra : Exit! (Rune Grammofon)
Enregistrement :13 janvier 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Exit! Part One 02/ Exit! Part Two
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 2013
The Godforgottens : Never Forgotten, Always Remembered (Clean Feed, 2009)
Un petit peu à la manière de The Necks, The Godforgottens (Magnus Broo, Sten Sandell, Johan Berthling, Paal Nilssen-Love) empoignent une horizontalité étouffante. Poison continu pour orgue Hammond et contrebasse ronflante. Pure angoisse et violence sourde. S’interposent les saillies d’une trompette agitée et éruptive. Le crescendo enfle et n’est plus que lente montée en agonie (Always Forgotten).
Les deux autres improvisations (Never Remembered, Remembered Forgotten) renvoient à des séquences plus familières. Toujours pris dans l’étau de ce (trop) plein débordant, seule la trompette refuse ce climat pesant. Elle crie, perce et obtient rupture. Maintenant, la musique consent à son propre effacement et une pulsation régulière vient sauver un combo à la limite de la dérive. Musique en demi-teinte, entre échec et fulgurances.
The Godforgottens : Never Forgotten, Always Remembered (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2006. Edition : 2009.
CD : 01/ Always Forgotten 02/ Never Remembered 03/ Remembered Forgotten
Luc Bouquet © Le son du grisli
Gush: Norrköping (Atavistic - 2006)
Comptant dans ses rangs trois des plus vertueux représentants de la scène improvisée suédoise, Gush expose sur Norrköping trois manières de gérer les gestes intuitifs. Autant d’alternatives pour l’auditeur.
Lentement mis en place, Handpicked prend les allures d’une construction élevée sur le hard bop insinué par la batterie de Raymond Strid, accepté bientôt par le piano de Sten Sandell et le saxophone ténor de Mats Gustafsson – qui impose toutefois quelques écarts bienvenus de free récréatif. Le temps de quelques pauses, le trio réfléchit aux directions à suivre : élans répétitifs du piano et du saxophone avant quelques solos distribués.
Infiltrant sur Sava de nombreux silences, les trois hommes choisissent d’y exposer un parti pris différent : déposée, la musique est faite des longues notes tenues par le soprano, avant d’être rattrapée (et convaincue) par la fougue du piano. De retour, la tension dramatique s’exprime toutefois différemment, comme réfléchie davantage. Sur le mouvement lent d’une danse macabre, Gush investit Rhomb, qui convoque lui aussi les tentations free du saxophone avant de commander à Sandell l’amas d’arpèges déliés, à Gustafsson le choc des clefs, à Strid la présence discrète. Passé au baryton, le saxophoniste ouvre la deuxième partie du morceau, qui fera se succéder relâchements faussement paisibles et emballements bruitistes grandiloquents. Le chaos s’en ira étouffé. Comme si le trio voulait faire croire qu’il avait tenu à l’assagir, quant il l’envisageait avec intelligence pour l’imposer bien mieux.
CD: 01/ Handpicked 02/ Sava 03/ Rhomb >>> Gush - Norrköping - 2006 - Atavistic. Distribution Orkhêstra International.
Sten Sandell, David Stackenäs : Gubbröra (Psi - 2004)
Deux musiciens suédois se faisaient face, ce 3 mai 2004, au Conway Hall de Londres, à l’occasion du festival Freedom of the City. Le pianiste Sten Sandell, d’une part, et le guitariste David Stackenäs, de l’autre. Un duo d’improvisateurs, donc, que viendra rejoindre, après deux pièces exécutées, le trio d’Evan Parker, par ailleurs patron du label Psi.
Sur un déroulement éthéré de nappes électroniques, Jansson's Temptation (part 1) installe un dialogue piano / guitare. Le premier digresse, individuel, quand la seconde tente d’imposer ses rythmes, y parvenant quelque fois. Evolution d’une montée en puissance annoncée, le mouvement suit la violence des attaques de Sten Sandell, qu’il accompagne de sa voix sifflante, pour enfin avaler le morceau à lui seul à force de basses de fin du monde.
Phénix autoproclamé, la guitare introduit Jansson’s Temptation (part 2), au moyen d’accords dissonants, d’égrenages rapides de notes opposées par les pauses dont Stackenäs sait tirer parties. S’attaquant aux tirants, rugueux et acharné, il persuade bientôt le pianiste de l’utilité de le rejoindre. Celui-ci répond d’abord rythmiquement, percussionniste sur piano, avant de mêler ses notes fantasques à la plainte d’une alarme et de sifflets programmés. Un solo en remplace un autre, et Sandell conclut, une fois encore en graves, sobres et questionnant les interférences.
Maintenant aux côtés d’Evan Parker, Barry Guy et Paul Lytton, le duo démontre en quintette ce qu’est la maîtrise en improvisation. Gubbröra ne laisse rien échapper. D’envolées lyriques et déjantées en instants d’accalmie, les cinq musiciens s’entendent à la perfection. Parker, radical, avance en roue libre, tandis que les percussions de Paul Lytton enrobent les cercles convulsifs de la guitare de Stackenäs. Sandell, lui, provoque des avalanches d’aigus, et cède un peu de son statut de meneur au duo Lytton / Guy, qui appelle à la fuite, sème distances et doutes tout en recadrant régulièrement l’effort collectif.
Musique instantanée, aussi inaliénable qu’une topographie des mouvements, Gubbröra est plus simplement un double exercice d’improvisation réussi. Que nous conseille Evan Parker, parrain qui sait de quoi il parle, distribuant un avis du genre de ceux qu’on ne peut que suivre, et entendre.
CD: 01/ Jansson's Temptation (part 1) 02/ Jansson’s Temptation (part 2) 03/ Gubbröra
Sten Sandell, David Stackenas - Gubbröra - 2004 - Psi. Distribution Orkhêstra International.