Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Trespass Trio, Joe McPhee : Human Encore (Clean Feed, 2013) / Beresford, Küchen, Solberg : Three Babies (Peira, 2013)

trespass trio joe mcphee human encore

A Coimbra (trois soirs de concerts) en compagnie de Joe McPhee, le Trespass Trio de Martin Küchen (qui signe cinq des huit titres de ce disque), pas contrariant, pas regardant, pas rancunier, en redemandait : Human Encore

L’œil était dans l’obus, et regardait McPhee (qui, lui, soufflait en trompette piccolo). L’ouverture est en conséquence prudente : A Desert On Fire, A Forest tenant du morceau d’atmosphère porté par une contrebasse mesurée (Per Zanussi) que Küchen tiendra malgré tout à agiter. La suite convolera en motifs souterrains (Bruder Beda Ist Nicht Mehr, Xe) avec un art de l’à-propos rentré : le jazz du quartette d’exception jouant de délicatesses et d’inventions malignes.

Jazz encore : ce sont-là les improvisations, que découpent les rapides baguettes de Raymond Strid. Trompette et saxophone s’y mêlent sur un air de free terrible ou l’allure d’un swing dont les pulsations varient d’un instrument à l’autre. En conclusion, alors, cet Human Encore attendu : l’archet grave de contrebasse, le baryton et la trompette enlacés, sur un de ces hymnes prégnants dont Joe McPhee a le secret. Imparable. Indispensable.

Trespass Trio, Joe McPhee : Human Encore (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 31 mai, 1er-2 juin 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ A Desert on Fire, A Forest 02/ Bruder Beda Ist Nicht Mehr 03/ Xe 04/ Coimbra, mon amour 05/ A Different Koko 05/ In Our Midst 07/ Human Encore 08/ A Desert on Fire, A Forest (First Day Take)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

beresford küchen solberg three babies

2012, 6 octobre, Londres (Café Oto) : Steve Beresford, Martin Küchen et Ståle Liavik Solberg, soit : piano et objets, saxophone sopranino et percussions. Three Babies, peut-être, parce qu’ils se laissent aller à une improvisation loufoque (plus qu’iconoclaste) et surtout parler leur instinct. Et c’est le saxophoniste qui consolidera trois structures fragiles à coups d’intimidations presque adultes. A moins que ces Three Babies soient les pièces dont le trio a accouchées : le disque plaiderait ainsi en faveur de la tare réservée à l’aîné.

Steve Beresford, Martin Küchen, Ståle Liavik Solberg : Three Babies (Peira)
Edition : 2013.
CD : 01/ Steel Babies 02/ Car Babies 03/ Kitchen Babies
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Mats Gustafsson, John Russell, Raymond Strid : Birds (dEN, 2012)

mats gustafsson john russell raymond strid birds

Pour John Russell, Mats Gustafsson et Raymond Strid – intimes, ces deux-derniers, au point de constituer une paire affûtée –, l'exercice de l'improvisation n'est pas une nouveauté. Birds, fait de deux pièces enregistrées en concert à l'Hagenfesten, dit qu'elle est gage quand même de bon temps et même capable de moments précieux.

Ainsi les trois hommes rivalisent-ils de discrétions en ouverture d'une plage longue de trois-quarts d'heure : effleurements, retenues, congestions, jusqu'à ce que les baguettes provoquent chez Gustafsson (là au soprano, plus tard au baryton) une furieuse allergie à l'accortise. Vrillant, le saxophone entraîne la guitare : accords incomplets mais se bousculant, précipitations de notes isolées qui, par paquets, peuvent convaincre Strid de redoubler de dextérité à mains nues. Soit deux pièces données le temps d'une nouvelle épreuve, imparable.

Mats Gustafsson, John Russell, Raymond Strid : Birds (dEN)
Enregistrement : 6 août 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ The Earth As The Sun And The Ravens Are Watching 02/ The Birds. They Fly As They Want, Don't They?
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

meteoJohn Russell, Mats Gustafsson et Raymond Strid, désormais devenus Birds, se produiront au Festival Météo de Mulhouse, Chapelle Saint-Jean, ce 30 août 2013.


Johansson, Dörner, Neumann : Große Gartenbauausstellung (Olof Bright, 2012) / Johansson : Die Hark und Der Spaten (Umlaut, 2012)

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Enregistrées les 18 et 19 mars 2009, les neuf pistes qui gonflent Grosse Gartenbauausstellung sont nées de l’association Andrea Neumann / Axel Dörner / Sven-Åke Johansson.

Ainsi les résonances du cadre de piano portent la rumeur d’affronts musicaux qu’enveloppent les souffles accommodant de Dörner et les balais interrogateurs de Johansson. Les râles sont inquiets, les crissements nombreux, mais les soupçons d’expressions moins discrets qu’il n’y paraît. Leur accumulation confectionne d’ailleurs avec le temps qu’ils habitent des morceaux de poésie ambigüe qui profite du goût qu’a Johansson pour le théâtre et de l’intérêt pour l’abstraction qui anime ses partenaires.

Les coups portés à la batterie commandent-ils l’imagination de Neumann et celle de Dörner ? Leur autorité ont-elles un effet sur l’art de ces deux fabriques de conjectures sonores ? Ce qui est sûr est qu’en leur imposant – davantage encore que de coutume – tout emploi de vocabulaire arrêté, Johansson aura aidé Neumann et Dörner à faire entendre ce qu’un discours économe peut receler de trésors. Pour cela, Große Gartenbauausstellung est un indispensable du genre.

Sven-Åke Johansson, Axel Dörner, Andrea Neumann : Grosse Gartenbauausstellung (Olof Bright / Metamkine)
Enregistrement : 18 et 19 mars 2009. Edition : 2012.
CD : 01/ Eingang 02/ Hauptweg I 03/ Seitenpfad 04/ Gross Kreuz 05/ Hauptweg II 06/ Café 07/ Allee 08/ Terrasse 09/ Seitenausgang
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

Sven-Åke Johansson Die Harke Und Der Spaten

Die Harke Und Der Spaten est une pièce enregistrée en 1998 sur laquelle Johansson déclame et joue de l’accordéon en compagnie de Matthias Bauer, Axel Dörner, Mats Gustafsson, Per-Ake Holmlander, Sten Sandell et Raymond Strid. Si la barrière de la langue ne vous éloigne pas de l’exercice, les instruments pourront s’en charger : illustrant un propos de cabaret expérimental, ils parviennent rarement à surprendre et, quand ils le font, ce n’est qu’au son d’une marche certes facétieuse mais négligeable aussi.

Sven-Åke Johansson : Die Harke Und Der Spaten (Umlaut)
Enregistrement : 1998. Edition : 2012.
CD : Die Harke Und Der Spaten
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Fire!, Oren Ambarchi : In Your Mouth - A Hand / Fire! Orchestra : Exit! (Rune Grammofon, 2012/2013)

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L’amateur de crochets et d'anicroches trouvera là son compte : In the Mouth – A Hand est ce récit de coups portés par Fire! à un invité de marque : Oren Ambarchi.

Alors que la rencontre du trio et de Jim O’Rourke (Released! / Unreleased?) avait accouché de ballades expérimentales, mornes mais néanmoins inventives, In the Mouth – A Hand joue de basses et de rythmes soutenus qui enjoignent Gustafsson et Ambarchi à faire respectivement œuvre de cris rentrés et de cordes envisagées au poing – parfois le coup est maladroit, la gesticulation manque son but, alors le moulinet tourne à vide et l’exercice tient de l’entraînement longuet. Mais dans son ensemble, le disque se montre digne d’intérêt : faite de nœuds inextricables, la musique qu’il délivre trouve dans son endurance même la raison de son entêtement.

Fire!, Oren Ambarchi : In the Mouth – A Hand (Rune Grammofon)
Enregistrement : 28 octobre 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ A Man Who Might Have Been Screaming 02/ And The Stories Will Flood Your Satisfaction (With Terror) 03/ He Wants To Sleep In A Dream (He Keeps In His Head) 04/ Possibly She Was One, Or Had Been One Before (Brew Dog)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 2013

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Au son de compositions de Gustafsson, Berthling et Werllin et sur des paroles d’Arnold de Boer, Fire! s’est fait grand orchestre. Enregistré le 13 janvier 2012, une trentaine de musiciens (dont Magnus Broo, Per-Ake Holmlander, David Stackenäs, Sten Sandell, Joel Grip ou Raymond Strid) s’y bousculaient de concert. Déclamant, Mariam Wallentin, Emil Swanangen et Sofia Jernberg, mènent la formation de ronde affolée en berceuse inquiète et de free folk en post-rock prog, obtiennent grâce après supplique : Fire!, stay with me.

Fire! Orchestra : Exit! (Rune Grammofon)
Enregistrement :13 janvier 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Exit! Part One 02/ Exit! Part Two
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 2013


Trespass Trio : Bruder Beda / Angles (8) : By Way of Deception (Clean Feed, 2012)

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Quatre compositions de Martin Küchen et une improvisation : l’hommage du Trespass Trio à Bruder Beda, moine d’origine juive déporté à Terezin en 1942, est intense.

L’art de Küchen – rare, redisons-le –, que Per Zanussi et Raymond Strid comprennent et accompagnent en conséquence avec justesse, imagine ici un mémorandum de sons mesurés, lentement imbriqués les uns aux autres, qui composent enfin un disque-relique où l’on trouve un peu de l’âme d’un frère. Sa forme opte pour le rapprochement du jazz et de cette Echtzeitmusik que Küchen loua ici même : «  Trespass Trio, il n’y a pas de doute, c’est une sorte de jazz, même si l’on y entend un million d’autres influences. Et puis, à côté de ça, je joue pas mal en qualité de faiseur de son : là, je me base sur des textures et des événements qui interviennent sur l’instant et j’utilise mon instrument de façon plus anti conventionnelle – même si cette pratique tend à devenir la nouvelle convention à la mode ! Je ne vois vraiment pas comment on pourrait qualifier cette musique : « improvisation » n’est pas tout à fait exact, alors « Instant compositions » ou, comme ils disent à Berlin, « Echtzeitmusik », seraient peut-être des propositions plus viables… »

Second élément de la discographie du trio (après ...Was There To Illuminate The Night Sky…, sur le même label), Bruder Beda va donc plus loin dans ces réminiscences de jazz dissoutes en précautions improvisées. Ainsi, la figure de Beda émerge-t-elle d’un hymne sur lequel Küchen se fait maître de distorsion (non pas de la note, mais tout bonnement de son instrument) et les stations de son chemin de croix sont-elles encadrées par un archet tranquillisant et rehaussées des interventions d’un percussionniste de miniatures ajourées. Ici, comme sur Bruder Beda Ist Nicht Mehr, l’alto peut réclamer la tempête : la tempête suivra alors, mais fugace, qui en annonce une autre, tout aussi courte qu’elle : ces quelques minutes d’A Different Koko improvisé. Partout ailleurs, c’est l’expression terrible mêlée au recueillement sur une allure de déposition. Une musique de l’instant assez forte pour durer longtemps.

Trespass Trio : Bruder Beda (Clean Feed / Orkhêstra International)
17 juin 2011. Edition : 2012.
CD : Ein Krieg in Einem Kind (Take 3) 02/ Don’t Ruin Me 03/ Bruder Beda Ist Nicht Mehr 04/ Todays Better than Tomorrow 05/ A Different Koko 06/ Ein Krieg in Einem Kind (Take 4)
Guillaume Belhomme © le son du grisli

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Si Angles – autre groupe qu’emmène Küchen avec cette « sorte de jazz » en tête – n’est pas le projet le plus enthousiasmant du saxophoniste, il n’en est pas moins capable de surprises. Dans sa version octette, enregistré à Lubiana l’année dernière, il revêt ainsi les atours d’un marching band profitant de gimmicks renforcés ou jouant des collisions provoquées par un soudain embouteillage (Dactyloscopy). On peut regretter que tous les membres de l’orchestre n’aient pas le charisme de leur meneur : à défaut, certains démontrent une implication féroce (Eirik Hegdal aux saxophones, et Kjell Nordeson, batteur d’Exploding Customer).

Angles : By Way of Deception (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 1er juillet 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ By Way of Deception 02/ Dactyloscopy 03/ Today is Better than Tommorow 04/ Lets Speak About the Weather (and not about the war) 05/ Don’t Ruin Me / Lets Tear the Threads of Trust
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Barry Guy New Orchestra : Amphi + Radio Rondo (Intakt, 2014)

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L’agencement de passages solos au sein des rigoureuses compositions de Barry Guy n’est pas chose nouvelle. Homme de fluidités et de tuilages, le contrebassiste britannique creuse à nouveau ce sillon avec son New Orchestra (Agustí Fernández, Maya Homburger, Evan Parker, Jürg Wickihalder, Mats Gustafsson, Hans Koch, Herb Robertson, Johannes Bauer, Per-Ake Holmlander, Paul Lytton, Raymond Strid).

Aux avant-postes d’Amphi, contrebasse et violon prennent le parti de lier et de relier dans un même mouvement ce qui ne le fut que rarement : les deux cent ans séparant la musique baroque de la musique contemporaine, l’effervescence d’un trio saxophone-trompette-piano opposé aux effets contrapunctiques de ces mêmes cordes.

Radio Rondo régénère quelques dissonances titubantes avant de débrider la masse orchestrale. Terrain plus connu ici et où solos brûlants, clusters, vagues et crescendos retrouvent les justes effusions de jadis. Soit deux figures bien connues de l’ami Barry Guy. Bien connues, mais toujours autant appréciées.

écoute le son du grisliBarry Guy New Orchestra
Amphi + Radio Rondo (extraits)

Barry Guy New Orchestra : Amphi. Radio Rondo (Intkat / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2013. Edition : 2014.
CD : 01/Amphi 02/ Radio Rondo
Luc Bouquet © Le son du grisli


Erb & Lonberg-Holm Erb Expéditives

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erb_lonberg_holm_sackChristoph Erb, Fred Lonberg-Holm, Jason Roebke, Frank RosalySack (Veto, 2011)
Le 2 mai 2011 à Chicago, Christoph Erb embouchait saxophone ténor et clarinette basse en grande compagnie : Fred Lonberg-Holm (violoncelle et guitare), Jason Roebke (contrebasse) et Frank Rosaly (batterie, électronique). Le groupe investit le domaine d’une improvisation aux tensions vives où fleurissent les références (jazz, minimalisme, noise…). Erb brille lorsqu’il répète un motif et le fait vriller, Lonberg-Holm lorsqu’il exalte le collectif, à coups d’archet ou de médiator.

erb_aloneChristoph Erb : Alone (Veto, 2011)
A Chicago déjà, Erb enregistrait un peu plus tôt Alone. Au ténor et à la clarinette basse, enregistrant parfois plusieurs fois pour une même plage, il s’adonnait à l’exercice en solitaire en expressionniste. Dans les pas d’Evan Parker au ténor (évocation de Chicago Solo, que publia Okka Disk), Erb invente dans le même temps qu’il vibrionne, voire s’affole : à bout de souffle, il envisagera encore l’instrument en l’astiquant.

erb_lonbergChristoph Erb, Fred Lonberg-Holm : Screw and Straw (Veto, 2012)
La clarinette basse est remontée, l’archet la contre avant de l’agacer davantage : les premières minutes de Screw and Straw, duo improvisé le 23 juin 2011, peignent Erb et Lonberg-Holm en querelleurs inquiets des coups qu’ils pourraient prendre. Plus loin, Lonberg-Holm passe à la guitare et part à l’assaut des répétitions du clarinettiste. L’opposition, dans un brouillard électronique, finit par impressionner – sur le neuvième temps notamment.

lonberg_zarzutzkiFred Lonberg-Holm, Aaron Zarzutzki : Feminization of the Tassel (Peira, 2011)
Si cette rencontre Fred Lonberg-Holm / Aaron Zarzutzki commence chichement, elle saura prendre de la hauteur. Lancé par des machines expressives (le violoncelle en est une, ce « no-input turntable » une autre), raclements et tiraillements s’entendent sur une improvisation éclatée à en devenir singulière : certes parfois creuse, mais encourageante (qu’il faudra creuser, donc)…

lonberg_stridFred Lonberg-Holm, Raymond Strid : Discus and Plumbing (Peira, 2012)
Autre référence Peira,  cette improvisation (non datée) oppose Lonberg-Holm à Raymond Strid. Le batteur, qui a appris à plus d’un musicien de quoi retourne le respect, oblige l’archet à plus de concentration. Contrant les coups secs et prenant appui sur les résonances, Lonberg-Holm élabore attaques franches et mouvements de fuite qui font de ces conversations de sensibles  échanges. Aux frileux : les coups pleuvent.


Tarfala Trio : SYZYGY (NoBusiness, 2011)

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Si l’entrée en matière est discrète, ce n’est pas qu’il faille à Mats Gustafsson faire preuve de prudence : le Tarfala Trio l’expose en effet depuis 1992 (sous ce nom) auprès de partenaires à qui il fait confiance : Barry Guy et Raymond Strid. C’est peut être davantage que la discrétion est permise en guise d’introduction, puisque le Tarfala a ici le temps de deux 33 tours augmenté de celui d’une face de 45. Sur celle-ci, trouver le morceau qui donne son titre à l’ensemble : SYZYGY.

Autant commencer par là : SYZYGY est un microcosme d’improvisation compactant une somme fantastique d’emportements dans lequel Guy taille à l’archet des formes qui le réorganisent sans jamais le déranger. Le tout est ensuite de développer le thème sur deux grands disques. En concert à Hasselt en 2009, les membres du Tarfala prirent les traits d’expressifs apaisés. Ici, ils divaguent sur commandes ; là, laissent libre cours à une suite d’inventions individuelles ; ailleurs encore, s’adonnent de concert à des exercices de style (swing, ballade…) transformés à chaque fois en aires de récréation.

Plus loin, les effets de Guy et Strid (archet harmonique, déboîtements soudains) mettent en action une machine à tisser des allusions suggestives qui déroutent Gustafsson : le ténor est sans cesse écarté de la rive d’où proviennent les promesses de confort des sirènes mélodiques – ailleurs qu’en Tarfala, faudra-t-il qu'il leur cède ? Le saxophoniste, de trouver alors dans ce rapport entre confiance et opposition le moyen d’inventer en baguenaudant. Ses phrases sont courtes et filées, les dérapages nombreux. Plus qu’une simple confiance puisque, l’âge aidant, le Tarfala Trio semble ne s’être jamais aussi bien porté.

EN ECOUTE >>> Lapilli Fragments

Tarfala Trio : SYZYGY (NoBusiness)
Enregistrement : 14 novembre 2009. Edition : 2011.
2 LP + 1 7” : A/ Broken by Fire B/ Lapilli Fragments C/ Cool in Flight D/ Tephra E/ SYZYGY
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Pat Thomas, Raymond Strid, Clayton Thomas : Wazifa (Psi, 2011)

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En Suède, le 7 mars 2009, Pat Thomas (piano et quelques pincées de synthétiseur), Raymond Strid (percussions) et Clayton Thomas (contrebasse), s’engageaient à tout dévoiler de leur extravagance. Celle d’être ici et ailleurs, de choyer les contraires et de n’en faire qu’un.

Par exemple : détrousser la tension initiale au profit d’une courte mais nécessaire confrontation des timbres. Puis, retourner en une périphérie sonique et, au final,  ne rien taire d’un jazz venu d’on ne sait quel trouble-mémoire (Perceptive).

Mais aussi : ne pas craindre qu’un piano caricature sa propre mélancolie tout en la striant de cluster féroces (Preceptive). Et pour conclure : tenailler un trait obsessionnel et ne jamais le lâcher. Retrouver la tension du début, ici splendidement amorcée par une sauvage contrebasse, et laisser agir les forces obscures (Perspective). Oui, un disque de belles extravagances !

Pat Thomas, Raymond Strid, Clayton Thomas : Wazifa (Psi / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2009. Edition : 2010.
CD : 01/ Perceptive 02/ Preceptive 03/ Perspective
Luc Bouquet © Le son du grisli


Joëlle Léandre, François Houle, Raymond Strid : Last Seen Headed (Ayler, 2010)

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« Musique libre, ça ne veut rien dire, on n’est pas libre », dit Joëlle Léandre ci-dessous. Alors, quelles sont les « choses » qui changent l’improvisation ? Les partenaires ? Joëlle Léandre a déjà rencontré François Houle (clarinettes) et Raymond Strid (batterie). Les moments ? Ces 9 anciens s’opposeraient-ils vraiment à ceux de ces Last Seen Headed ? Les gestes de chacun et leurs conséquences ? Les combinaisons auxquelles l’instant les oblige ?

Peut-être que l’improvisateur n’est pas libre et peut-être qu’un moment ne diffère pas tellement d’un autre, même si plusieurs mois les sépare. Restent alors le souvenir sur disque : ici, les clarinettes de François Houle adoptant d’autres langages (parallèles établis avec les sonorités du soprano ou de flûtes, diphonie, mirages folkloriques parfois entendus, abstractions diaphanes) ; là, l’archet plongeant de Joëlle Léandre, sa propension à chasser le mièvre qui menace d’un grincement de cordes puis à trouver toujours de nouveaux espaces à investir à trois ; par-dessus, les coups secs de Raymond Strid règlent l’allure ou rétablissent l’équilibre, la ponctuation étouffée pour se montrer efficace en toute discrétion lie la clarinette volage à la contrebasse balayant. Si l’improvisateur n’est pas libre, preuve est donnée ici que sa musique peut encore être différente, même attaché à d'anciens partenaires et même s’il passe avec eux un simple moment de plus devant un public ressemblant.


Joëlle Léandre, François Houle, Raymond Strid, Last Seen Headed I (extrait). Courtesy of Ayler Records.

Joëlle Léandre, François Houle, Raymond Strid : Last Seen Headed (Ayler Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 24 janvier 2009. Edition : 2010.
CD : 01/  Last Last Seen Headed I 02/ Last Seen Headed II 03/ Last Seen Headed III 04/ Last Seen Headed IV 05/ Last Seen Headed V 06/ Last Seen Headed VI 07/ Last Seen Headed VII
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



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