Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

The International Nothing (… And Something) : The Power Of Negative Thinking (Monotype, 2016)

the international nothing and something the power of negative thinking

Revenus du Dark Sife of Success, les clarinettistes Kai Fagaschinski et Michael Thieke se sont retrouvés sur un lot de compositions datées de 2006 à 2011 – personnelles, celles-ci, et signées aussi des éléments qui composent ce « quelque chose » qui accompagne désormais leur International Nothing : Christian Weber (contrebasse) et Eric Schafer (batterie).

Au jeu de patience et d’équilibre auquel s’adonnaient hier deux souffleurs déposés sur les branches d’un mobile, la paire rythmique instille un lot de tensions déstabilisantes : au gré des conductions, voilà Thieke et Fagaschinski abandonnant leur numéro de duettiste le temps de répéter un morceau de mélodie qu’il faut asseoir, d’appuyer telle ou telle note pour reprendre la main sur l’entière association ou d’envisager, à quatre cette fois, la composition de paysages flottants. Ainsi les nouveaux venus changent-ils la donne, et promettent au duo d’autres morceaux de bravoure. 


international nothing

The International Nothing (… and something) : The Power of Negative Thinking
Monotype
Enregistrement : 15 décembre 2015.
CD : 01/ Lokale Gebräuche 02/ The Golden Age Of Miscommunication 03/ We Can Name You Their Names 04/ Long Bow Glowing 05/ What You Need To Know About Drowning 06/ Something Went Wrong 07/ Nothing's Gonna Last Forever
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



The International Nothing : The Dark Side of Success (Ftarri, 2014)

the international nothing the dark side of success

Passée l’envie de se faire connaître (Mainstream), et après avoir essuyé un premier retour de clarinettes (Less Action, Less Excitment, Less Everything), Michael Thieke et Kai Fagaschinski composaient en septembre 2013 The Dark Side of Success. L’un à gauche et l’autre à droite, prenaient de la distance.

Comme hier, les clarinettes accrochent quelques motifs écrits à des partitions lâches. Les gestes lents peuvent tisser le fil d’une conversation, s’entendre sur un unisson, abandonner les notes longues pour un accord tranchant. En miroir, Thieke et Fagaschinski construisent des structures légères qu’ils font tenir en équilibre et consolident en se défaussant – lorsqu’ils semblent prendre un peu de recul pour mieux envisager leurs partitions. La méthode est originale, et fait effet.

The International Nothing : The Dark Side of Success (Ftarri)
Enregistrement : 19 et 22 septembre 2013. Edition : 2014.
CD / LP : 01/ Empty Your Pockets 02/ Beat ‘Em All 03/ Deepwater Horizon 04/ Lebensverlängernde Massnahmen 05/ Pop Music 06/ Lost and Found and Lost Again
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Barbara Romen, Kai Fagaschinski, Gunter Schneider : Here Comes the Sun (Mikroton, 2012)

barbara romen kai fagaschinski gunter schneider here comes the sun

Premier disque d'une association qui, depuis 2006, met en commun l'intérêt que Barbara Romen (hammered dulcimer), Gunter Schneider (guitares) et Kai Fagaschinski (clarinette), trouvent à la recherche de sons inusuels, Here Comes the Sun donne à entendre un couple de Viennois inquiet de musique contemporaine autant que d'Echtzeitmusik – collaborations avec Burkhard StanglChristof Kurzmann – et l'un de ses plus brillants fureteurs.

Leur démarche est lente, bien sûr, mais les premiers reliefs, bien qu'ajourés, ne sont-ils pas considérables ? Propice à la contemplation, l'air ambiant fait naître quelques questions : Sun Ra, par exemple, n'aurait-il pas trouvé chez Romen et Schneider d'autres Strange Strings que les siennes ? Pincées ou délicatement agacées, en appelant à l'arpège s'il accepte d'être court, rétablissant d'un grave ou d'un feedback l'équilibre menacé, toutes ont ici leur place, et même leur rôle.

Quant à Fagaschinski : sa première ascension n'était-elle pas un message adressé à ses deux partenaires : qu'ils quittent donc le champ de la rumeur et rejoignent, à force de flux et de reflux, le domaine de l'affirmation ! Alors, voici le dulcimer changé en soufflerie et la guitare accusant quelques coups, double transformation dont les conséquences feront le pouls de l'enregistrement... Et le soleil fut.

EN ECOUTE >>> Here Comes the Sun (extraits)

Barbara Romen, Kai Fagaschinski, Gunter Schneider : Here Comes the Sun (Mikroton)
Enregistrement : 31 mai 2008. Edition : 2012.
CD : 01/ Who's There ? 02/ Feelings Without End 03/ Dazed and Diffused 04/ The Last Words 05/ At the End Of the Tunnel There Is Always A Lie 06/ Plainchant and Goodbye
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

kai ic

30 mai 2013 : C'est avec Chris Abrahams, sous le nom de The Dogmatics, que Kai Fagaschinski donnera un concert aux Instants Chavirés.


Sélectives expéditives : Creative Sources

sélectives expéditives cd

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Ernesto Rodrigues, Angharad Davies, Guilherme Rodrigues, Alessandro Bosetti, Masafumi Ezaki : London (Creative Sources, 2005). En quelques lignes, « faire le tri » parmi les références Creative Sources, et de même dans la discographie du violoniste qui anime le label, Ernesto Rodrigues. Commencer par cet enregistrement d’un concert donné à Londres en 2005 : en compagnie d’Angharad Davies (violon), Guilherme Rodrigues (violoncelle), Alessandro Bosetti (saxophone soprano) et Masafumi Ezaki (trompette), l’alto peint un de ces paysages de craie qui l’obnubilent. Les techniques instrumentales, à bout de souffle, révèlent par le soupçon des confidences qui font  tanguer tout décor, et enfin vous chavire. (gb)

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Los Glissandinos : Stand Clear (Creative Sources, 2005). Clarinettes contre ondes sinus : sous un nom exotique (Los Glissandinos), Klaus Filip et Kai Fagaschinski enregistraient Stand Clear en juillet 2004. De longues notes, suspendues, s’y superposent, convergent ou interfèrent selon la force du vent et la trajectoire des ondulations ; surtout : quadrillent un territoire d’ébats que se disputent sifflements et chuchotements au creux desquels il arrive aux voix de Filip et Fagaschinski de se confondre avec subtilité. (gb)

cs3

Birgit Ulher, Mazen Kerbaj, Sharif Sehnaoui : 3:1 (Creative Sources, 2006) Six pièces improvisées en 2006 par deux trompettistes (Birgit Ulher, Mazen Kerbaj) et un guitariste (Sharif Sehnaoui) aux usages peu communs. Coups de pression entretenant l’effervescence, la musique se nourrit du bruit de cordes interrogées à la baguette, de projectiles soufflés et d’effets d’aiguilles redessinant sans cesse la partition. Dans le discours expérimental, ce bel art partagé de l’insinuation, qui de l’improvisation abstraite relève la saveur et explique avec superbe tous les remuants efforts. (gb)

cs4

Bertrand Denzler, Jean-Luc Guionnet, Kazushige Kinoshita, Taku Unami : Vasistas (Creative Sources, 2005). Les yeux levés vers le vasistas du 31 Nevill Road, à Londres, on enregistre ce qui en traverse le cadre ce 19 septembre 2003 : les souffleurs du groupe Hubbub sont associés à Kazushige Kinoshita (violon) et Taku Unami (laptop, guitare) pour près de soixante-dix minutes d'affût tendu (allons, il y a tout de même quelques moments creux) ; la trame du fog – archet & machine – est perforée çà et là de brusques libérations – clapets, slaps, pizz' – étranglées qui s'agglutinent en petites concrétions. Sévère mais admirable broderie pour l'auditeur qui accepte l'épreuve d'endurance. (gt)

cs5

Xavier Charles, Bertrand Denzler, Jean-Sébastien Mariage, Mathieu Werchowski : Metz (Creative Sources, 2004). C'est un plaisir renouvelé que de réécouter cette demi-heure de musique enregistrée par Jean-Luc Guionnet en octobre 2003 au Temple Neuf de Metz ! Tirant parti de l'acoustique réverbérante des lieux, clarinette, saxophone ténor, guitare électrique et violon poussent leurs séquences de jeu (que des pauses silencieuses organisent) avec une fine élégance : travail « dans le son » collectif, changements de plans et efflorescences aboutissent à un développement organique passionnant. (gt)

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Günter Müller, Jason Kahn, Christian Wolfarth : Drumming (Creative Sources, 2005). En neuf pastilles effervescentes (taillées cut dans une session au WIM de Zurich, fin octobre 2004), les drummers Müller (iPod, electronics), Kahn (laptop) et Wolfarth (percussion) appliquent à l'art tambourinaire une définition extensive... ou très littérale : à force d'entrelacs, de chevauchements, de prolifération, les pouls entrent en ébullition et crépitent ; anamorphoses, boucles, basses et balais, dans leur intrication, confèrent grain et complexité au flot – que prolongera, en 2009, le disque Limmat. (gt)


The Dogmatics : The Sacrifice for the Music Became our Lifestyle (Monotype, 2012)

the dogmatics the sacrifice for music became our lifestyle

Au rythme des rencontres qui le changent un peu de The Necks, Chris Abrahams parvient à faire dire autre chose à son piano. Malgré tout, comme son partenaire Tony Buck, il décide souvent du caractère que chaque nouvelle expérience devra adopter (récemment encore en Culture of Un). A cette quasi règle, The Sacrifice for the Music Became Our Lifestyle semble faire figure d’exception.

C’est que Kai Fagaschinski – clarinettiste qui compose aussi ce Dogmatics – arrive à en imposer assez pour ne pas donner avec le pianiste dans la sempiternelle (et avouons-le souvent efficiente) progression allant crescendo : ainsi la moitié de The International Nothing – de combien de projets à suivre Fagaschinski est-il la moitié ? – presse-t-elle Abrahams de s’essayer à l’improvisation de réserve : notes répétées à distance, délicatesses valant nuances, silences qui pullulent et harmoniques qui tracent des perspectives nouvelles sur la feuille de route écrite à même le chemin. Parfois, les passes laissent la place à des passages où les musiciens agissent l’un après l’autre sans plus réagir : c’est alors le moment qui comble leur propos commun de toutes ses vérités, de toute son évidence.

EN ECOUTE >>> Eternity is a Long Time >>> The Role of the Sun Lay at the Heart of the Problem

The Dogmatics : The Sacrifice for the Music Became our Lifestyle (Monotype)
Edition : 2012.
LP : A1/ The Role of the Sun Lay at the Heart of the Problem A2/ A Reconstruction of the Sequence of Events Which Has Brought It into Being A3/ The Land that Wields It Does Not Bear Down as Hard A4/ Snakes and Eagles – B1/ ...and those Melodies Proved to be Invulnerable Again B2/ Schnecken und Igle B3/ Eternity is a Long Time
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Echtzeitmusik Berlin (Wolke Verlag, 2011)

Echtzeitmusik

Au milieu des années 1990, un mot s’est imposé pour désigner la musique d’une scène née quelques années plus tôt à Berlin, qui hésitait jusque-là à se dire improvisée, expérimentale, libre ou nouvelle – plus tard, réductionniste. A ce mot, à cette musique et à cette scène, un livre est aujourd’hui consacré : Echtzeitmusik Berlin.

Cette scène est diverse, sa musique donc multiple ; ce mot n’est d'ailleurs pas apprécié de tous les musiciens qu’on y attache. Qu’importe, puisqu’il s’agit ici, sous prétexte d’éclairage stylistique, de revenir sur le parcours de nombre de ses représentants et pour eux d’expliquer de quoi retourne leur pratique musicale. C’est ce que font Andrea Neumann, Margareth Kammerer, Annette Krebs, Kai Fagaschinski, Burkhard Beins, Christoph Kurzmann, Ekkehard Ehlers, Axel Dörner, Franz Hautzinger, Werner Dafeldecker, Ignaz Schick, Robin Hayward

A propos de l’étiquette, tous n’ont pas le même avis (Hayward met en garde contre l’idiome réductionniste, Hautzinger accepte le terme Echtzeitmusik sans se satisfaire d’aucune définition, Ehlers prend de la hauteur et brille par sa sagacité…). Des réflexions poussées, des retours en arrière et même de sérieuses tables rondes, posent le problème dans tous les sens – des voisins et amis abondent qui proposent quelques pistes : Sven Ake-Johansson, Toshimaru Nakamura, Rhodri Davies... A force, sont bien mis au jour des points essentiels : volonté de « sonner électronique » en usant d’instruments classiques ou intérêt revendiqué pour le silence. Et puis voici que Krebs précise « quiet volume » quand Schick conseille « play it loud ». La scène est irréconciliable, si elle est celle d’une époque et d’un lieu ; sa musique seule est d’importance.

Burkhard Beins, Christian Kesten, Gisela Nauck, Andrea Neumann (Ed.) : Echtzeitmusik Berlin. Selbstbestimmung einer szene / Self-defining a scene (Wolke Verlag / Metamkine)
Edition : 2011.
Livre
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


The Magic I.D. : I'm So Awake / Sleepless I Feel (Staubgold, 2011)

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On gardait un bon souvenir de Till My Breath Gives Out, le premier album de The Magic I.D. Ce souvenir était-il trop bon ? Et deuxième question : ce souvenir aurait-il pollué l’écoute d’I’m So Awake / Sleepless I Feel ?

Les choses commençaient pourtant bien. Elles s’appelaient (s’appellent encore, d’ailleurs, pour ceux qui auront le courage...) Atmospheres of a Beginning. Une folk lo-fi, noueuse, dissonante, et deux voix (Christof Kurzmann et Margarteh Kammerer) qui se chevauchent joliment… Après ça, des atmosphères qui se suivent sans se ressembler (entre pop et expérimental) mais qui déclinent, il faut bien le dire. Les rythmes sont décalés et jurent avec le parti pris de la production : une boîte à rythme rappelle Momus, la mollesse de Kurzmann rappelle celle de David Byrne… Tant de lourdeurs qu'après Eric Kicks le disque coule, et les clarinettes de Kai Fagaschinski et Michael Thieke n’y peuvent rien. Pire encore : tout à coup glapissent des chœurs niais, la voix maniérée de Kammerer devient insupportable, la guitare se la joue demi-ukulélé rébarbatif alors que les compositions brillent déjà par leur non-originalité (celle-ci a l’avantage de trouver une catégorie dans laquelle ranger la musique de The Magic I.D. : « néo-folk, barbes & robes à fleurs »).

Bref, on l’aura compris, l’expérimentation n’est que de façade, et même branchouille de bon ton. Le disque qui avait commencé sur un air de Mark Hollis finit sur des arrangements que ne renierait pas la paire d’idiotes réunies  sous le nom de Brigitte. Oserais-je écrire que, chez Kurzmann & associés, la magie a déserté l’idée ? 

The Magic I.D. : I’m So Awake / Sleepless I Feel (Staubgold)
Edition : 2011.
CD : 01/ Atmospheres Of A Beginning 02/ My Hands 03/ Eric Kicks 04/ Children's Tale 05/ In My Dreams 06/ Weary 07/ Something 08/ Mambo 09/ Liebeslied 10/ Feels Like An Ending
Pierre Cécile © Le son du grisli


The Magic I.D. : Till My Breath Gives Out (Erstwhile, 2008)

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Emmené par Christof Kurzmann (entendu jadis auprès de John Butcher ou Steve Lacy) et Michael Thieke (membre notamment du Clarinet Trio), The Magic I.D. compose un premier album d’une électroacoustique soumises à influences – David Grubbs, Mark Hollis ou Stina Nordenstam – ainsi qu’à l’originalité de son instrumentation (voix, guitares et clarinettes).

D’allure plutôt lente, l’ensemble défend souvent une pop atmosphérique ou un folk mouvant, aux mélodies instituées sur boucles et déviant selon l’effet des interventions. Capables de quelques maladresses (voix ici trop appuyée ou improvisation virant là au refrain stérile), The Magic I.D. parvient sur la longueur à imposer avec Till My Breath Gives Out (première référence d’une section pop ouverte par le label Erstwhile) un idéal musical polyphonique et polymorphe, rare et presque singulier ; prometteur, surtout. 

The Magic I.D. : Till My Breath Gives Out (Erstwhile / Orkhêstra Interational)
Edition : 2008.
CD : 01/ True Holiday 02/ Feet Deep 03/ Wintersong 04/ Martin Fierro 05/ From the Same Road 06/ Loopstück
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 



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