Ben Bennett, Jack Wright : Tangle (Public Eyesore, 2014)
Depuis quelques années partenaires réguliers (l’attestent Ohio Grimes and Misted Meanie et Wrest), Jack Wright (ici aux saxophones alto et soprano) et Ben Bennett (à la batterie et aux percussions) développaient récemment leurs recherches communes de sons si possible singuliers.
Pour ce faire, comme en atelier, le duo prend prudemment position avant de s’essayer à diverses combinaisons : les graves de l’alto traînant sur les rebonds étouffés de batterie, et c’est déjà la naissance d’une conversation. D’autant que Wright fait grand cas des propositions de son partenaire : ainsi rogne ou retourne-t-il quelques motifs soufflés en considérant les sinueux tapis de percussions que Bennett tisse sur l’instant. Au final, l’improvisation tient, qui confirme que la fréquentation de la jeunesse – hier déjà avec Bhob Rainey ou Matthew Sperry – profite à l’ouïe de Wright.
Ben Bennett, Jack Wright : Tangle (Public Eyesore)
Enregistrement : 2 juillet 2013. Edition : 2014.
CD : 01/ Embroiled 02/ Bogus Ferret 03/ You Itchy
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Dikeman, Barrios, Makihara : We Need You (Eh?, 2008)
Enregistré en concert à Philadelphie en 2006, We Need You assemble deux improvisations du trio John Dikeman (saxophone ténor) / Jon Barrios (contrebasse) / Toshi Makihara (batterie) – section rythmique déjà repérée aux côtés du saxophoniste Jack Wright.
La particularité du groupe, d’apparaître dès les premières minutes : qui façonne avec soin la texture sonore chaleureuse de l’ensemble, et offre un compromis intelligent entre un héritage reçu du free jazz – graves puis sifflements intempestifs du ténor – et un autre glané du côté d’une histoire plus européenne de l’improvisation – emportements secs et gardés en retrait de la section rythmique. Déjà éclairée, l’inspiration ne craindra pas une fois le spectre de l’essoufflement.
John Dikeman, Jon Barrios, Toshi Makihara : We Need You (Eh?)
Edition : 2008.
CDR: 01/ - 02/ -
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Jack Wright : The Indeterminate Existence (Last Visible Dog, 2006)
Sept morceaux choisis reviennent sur les efforts en solo fournis par Jack Wright ces quinze dernières années. « Difficile d’écoute », prévient le label. Pourtant, pas le plus hermétique des enregistrements du saxophoniste. Et même, parfois, quelque chose de supérieur.
Sur chaque titre, Wright dit la même chose – The Indeterminate Existence -, mais ses façons diffèrent : sectionnant quelques aigus ou accueillant les notes longues, sacrifiant tout aux plaintes roboratives ou décidant d’un temps libre à employer de manière plus ludique, multipliant les techniques de transformation de la note pure comme il distribue les décorations borderline – grognements, raclements, souffles décentrés.
Les formes hétéroclites que Wright met au jour se bousculent donc sans ordre établi, mais laissent assez d’espace à des figures plus policées : tentatives timides de recherche mélodique, spirales redondantes du soprano ou airs de swing du ténor. Histoire, sans doute, de ne pas se reprocher un jour ou l’autre de ne pas avoir su tout expulser.
Jack Wright : The Indeterminate Existence (Last Visible Dog)
Edition : 2006.
CD : 01/ - 02/ - 03/ - 04/ - 05/ - 06/ - 07/ -
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Jack Wright: As Is, Solos from Beirut and Barcelona (Spring Garden Music - 2006)
Enregistré en avril 2006 – à l’Irtijal Festival de Beyrouth et lors d’une performance donnée à Barcelone -, As Is ballade le saxophoniste Jack Wright d’obligations de retenue en abandons permissifs. Et parfait le long œuvre en solo de l’improvisateur.
Décidant d’introduire le disque au son d’à-coups légers et de notes tremblantes, Wright révèle rapidement l’exercice du jour, qui consiste à refuser toujours l’installation de la ligne pure (01). De couacs recherchés en grincements dérangeants, d’aigus expulsés par le soprano (03) en fulgurances circulaires (02), il diversifie ses attaques, et dérange ses constructions à chaque fois différemment.
La technique brillante mise à mal, Wright peut feindre un grognement animal ou, au contraire, étouffer quelques cris à l’intérieur de son instrument ; ponctuer sobrement le silence à passer ou tout sacrifier à quelques crissements incertains. Le reste, à l’image de la pratique habituelle de l’improvisateur: raisonnable ou emportée, fougueuse toujours.
CD: 01/ 01 02/ 02 03/ 03
Jack Wright - As Is, Solos from Beirut and Barcelona - 2006 - Spring Garden Music.
From Between : No Stranger to Air (Sprout, 2006)
Profitant d'un concert donné le 1er Mars 2005 au Havre, From Between - trio formé par les saxophonistes Jack Wright et Michel Doneda, et le batteur Tatsuya Nakatani - expose sur No Stranger to Air l'actualité de sa pratique de l'improvisation.
Forcément expérimentale, au regard des personnalités présentes et de ce qu'elles ont déjà prouvé dans le domaine. Pas extrême, toutefois. Toujours, les coups vifs portés par le batteur et les plaintes polyformes sorties des saxophones surgissent d'une mesure imposée par l'expérience. Distribuant les souffles courts et les grincements, investis souvent dans l'élaboration des sifflements, Doneda (au soprano et sopranino) et Wright (au soprano et à l'alto) insinuent des parallèles le plus souvent aigus, et subitement déviés dans l'espoir de provoquer des rencontres à propos.
Interrogeant la retenue nécessaire lorsqu'il s'agit d'aborder l'improvisation expérimentale, le trio est aussi capable de suivre la voie d'une forme musicale moins opaque - Nakatani réussissant à convaincre les saxophonistes de respecter, l'espace d'une à deux minutes, le rythme qu'il dépose sur tom bas. Souvenir d'un concert convaincant, No Stranger to Air expose avec délicatesse une musique à la densité ramassée. Qui rend impossible toute explication pour être faite de failles insoupçonnables.
From Between : No Stranger to Air (Sprout)
Enregistrement : 1er mars 2005. Edition : 2006.
CD : 01 - 02/ -
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Nom Tom: Nom Tom (Spring Garden - 2005)
Depuis la fin des années 1970, le saxophoniste Jack Wright fait montre d’un jusqu’auboutisme désinvolte concernant sa manière d’aborder l’improvisation. Pourfendeur de gestes inhabituels, il a aussi bien œuvré aux côtés de John Butcher, William Parker ou Michel Doneda, qu’initié des groupes plus confidentiels, pour peu qu’ils puissent espérer tenir de la combinaison heureuse.
C’est dans cette catégorie que pourrait être rangé Nom Tom, trio que Wright forme aux côtés de la vocaliste Carol Genetti et du percussionniste Jon Mueller. Sur cet enregistrement concert daté de 2004, les musiciens tissent deux pièces expérimentales tenant donc de l’inédit. Investissant le domaine du non dit, d’abord, au son de l’imbrication des incartades free du saxophoniste, des murmures, souffles et expirations de Genetti, et des accents enthousiastes que dispense la caisse claire. Phrases lyriques refoulées et virulence en sourdine sont de mise, avant que le batteur décide d’accélérer le propos discursif pour mieux couper court aux gémissements et autres souffles prônant l’impureté.
Alors, les trois intervenants envahissent l’espace plus concrètement, les notes se font plus claires, partout – saxophone et voix. L’amalgame, plus efficace, pas à l’abri, pourtant, d’une rechute soudaine. Proche du râle apaisant du digeridoo, la voix de Genetti ira convaincre le trio d’en rester là. Après avoir expérimenté et réfléchi tout à la fois.
CD: 01/ 01 02/ 02 >>> Nom Tom - Nom Tom - 2005 - Spring Garden Music.