IKB Ensemble : Rhinocerus / Anthropométrie sans titre (Creative Sources, 2014)
Référence faite à l’International Klein Blue, l’IKB Ensemble devra, pour qu’on lui reconnaisse une identité, lui aussi jouer de nuances. En faisant, par exemple, changer son personnel – qui voudra s’en convaincre pourra passer d’une page Creative Sources à l’autre : Rhinocerus / Anthropométrie sans titre / Rhinocerus, etc. –, mais pas seulement. Certes, les lentes suspensions que décrivait hier Luc Bouquet sont là encore, comme les précautions collectives et les louvoiements individuels. Mais les mouvements fébriles n’interdisent pas les déplacements.
Sur Rhinocerus, c’est ainsi le violon d’Ernesto Rodrigues qui est à la manœuvre. Patiemment, l’archet – que double souvent celui de Guilherme – tire à lui les percussions chantantes de Nuno Morão et José Oliveira, l’électronique avaleuse d’aigus de Carlos Santos ou la shruti box de João Silva. De longues minutes passent, et puis vient le moment pour Rodrigues d’échanger le lot de murmures qu’il a collectés contre un rythme délicat. Si délicat qu’il ne peut devancer longtemps l’évanouissement qu’il avait à ses trousses.
Si l’on tient compte du croquis reproduit dans le livret d’Anthropométrie sans titre, les musiciens de l’ensemble forment un demi-cercle à la gauche duquel on trouve Carlos Santos puis Maria Radich – dont la voix percera davantage. Ce sont eux, cette fois, qui semblent commander les interventions : celle du piano de Rodrigo Pinheiro, celle de la contrebasse de Miguel Mira… C’est un ballet, en quelque sorte, dont les transports et les bruissements répondent oui à la question suivante : est-il plus évident de céder à la tentation de disparaître lorsqu’on est si nombreux ?
IKB Ensemble : Rhinocerus (Creative Sources)
Edition : 2014.
CD : 01/ Rhinocerus
IKB Ensemble : Anthropométrie sans titre (Creative Sources)
Edition : 2014.
CD : 01/ Anthropométrie sans titre
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ernesto Rodrigues, Katsura Yamauchi, Carlos Santos : Three Rushes (Creative Sources, 2012)
L’enregistrement né de la rencontre d’Ernesto Rodrigues (ici à la harpe et aux objets), Katsura Yamauchi (saxophone alto) et Carlos Santos (ordinateur), n’excède que de peu la demi-heure. Ce sont là trois plages, trois scènes, et aussi trois fois trois « précipitations », trois fois trois « hâtes ».
Pas toujours virulent, le produit des opérations électroacoustiques abonde en souffles découpés, cordes tremblantes, qui traînent avant de disparaître quand les larsens et parasites en liberté persistent, eux. Car Santos ne ménage pas ses efforts, multipliant les déstabilisations électroniques d’un champ acoustique déjà perturbé. A force de mouvement, les instruments en présence vous ont assigné une place : cœur de cible que dessinent les trois anneaux de sons qu’ils ont enchassés.
Ernesto Rodrigues, Katsura Yamauchi, Carlos Santos : Three Rushes (Creative Sources)
Enregistrement : 13 juillet 2010. Edition : 2012.
01/ Scene1: Cookie’s Birth 02/ Scene2: Cookie’s Role 03/ Scene3: Cookie’s Departure
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Birgit Ulher : Doppelgänger (Creative Sources, 2007)
Cette chronique est l'une des cinq qui illustreront le portrait de Birgit Ulher, à paraître en mars dans sept trompettes, dixième hors-série papier du son du grisli.
Le réel (11 mai 2007) et son double (Doppelgänger) : évoquer Clément Rosset pour envisager cette illusion de « réel » élaborée à force de retouches – pour instruments nécessaires : trompette (Birgit Ulher), violon alto (Ernesto Rodrigues) et sampler (Carlos Santos).
Il ne suffit ainsi pas à Santos de reprendre sur le vif les voix de ses partenaires pour leur faire dire « autre » chose, en décalage léger à leur expression première. Il lui faut encore, pour plus de discrétion, calquer ses propres intentions sur les leurs. De là naît l’illusion : du rapprochement d’un matériau improvisé et de ses transformations subtiles.
Son triple : agitée, Ulher peut chercher à se fondre dans la trame que polissent Rodrigues et Santos sur la première plage ou passer partout ailleurs de plateau en plateau afin de répondre à chaque craquement du bois du violon ou à toute excentricité des machines. Les chants sont d’insistance et l’impression de brouillage radio qu’ils donnent parfois sont nés des façons qu’ont Ulher, Rodrigues et Santos, de camoufler sous grisailles leurs hautes conversations.
Birgit Ulher, Ernesto Rodrigues, Carlos Santos : Doppelgänger (Creative Sources)
Enregistrement : 11 mai 2007. Edition : 2007.
CD : 01/ The Idle Class 02/ The One 03/ Welt Am Draht 04/ The Third Man 05/ Face/Off 06/ Johnny Stecchino
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ernesto Rodrigues, Guilherme Rodrigues, Abdul Moimême... : Suspensão (Creative Sources, 2011)
Deux disques et deux plages à chaque fois. Donc : Quatre plages en suspension sur lesquelles évoluent Ernesto Rodrigues (violon, harpe, métronome, objets), Guilherme Rodrigues (violoncelle), Gil Gonçalves (tuba), Nuno Torres (alto), Abdul Moimême (guitare électrique préparée, objets), Armando Pereira (piano-jouet, accordéon), Carlos Santos (électronique) et José Oliveira (percussions).
Un tuba du bout des lèvres, un archet sur une note, un timide piano-jouet, se font entendre l’un après l’autre sous des chapes de nébulosités qu’ils perceront bientôt pour s’être entendus, motivés par les promesses de l’accordéon de Pereira et l’électronique de Santos, sur un brillant assaut. S’ensuit alors une série de revendications, chaque intervenant ou presque réclamant d’être l’autorité derrière laquelle il semble nécessaire de se ranger.
Charmantes, les tergiversations peinent à s’imposer tout à fait et les musiciens décident alors d’incarner leurs expressions : diverses, souvent courtes, presque toujours inquiètes. Les plages du second disque sont minées et les improvisateurs rivalisent maintenant de précautions : l’archet d’Ernesto bourdonne et celui de Guilherme claque, ailleurs des cordes sont frottées. Avec l’exercice, les rivalités s’éteignent. Leurs ambitions perdues sur Suspensão courent toujours.
Ernesto Rodrigues, Guilherme Rodrigues, Gil Gonçalves, Nuno Torres, Abdul Moimême, Armando Pereira, Carlos Santos, José Oliveira : Suspensão (Creative Sources / Metamkine)
Enregistrement : 21 juin 2010. Edition : 2011.
CD1 : 01/ 23’58’’ 02/ 24’48’’ – CD2 : 01/ 24’19’’ 02/ 20’08’’
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Küchen, Rodrigues, Rodrigues, Santos : Vinter (Creative Sources, 2010)
Le souffle, répété, qui traverse le saxophone alto de Martin Küchen pousse quelques notes hors de l’instrument. Dans un bruit de métal, Küchen fabrique ses plaintes d’opposition aux longues lignes sorties d’un duo d’archets – association d’Ernesto (violon) et Guilherme Rodrigues (violoncelle) – jusqu’à ce qu’un grave se répande pour donner à l’ensemble expérimental des airs de berceuse. Des airs que parasites et frottements chercheront à déstabiliser, eux qui rêveraient d’une ambient hérétique qui interdirait toute récupération ou tentative d’assimilation, musicales toutes deux.
Or, la berceuse tient ici par le jeu d’une ossature de clefs-satellites et de structures électroniques du discret et cubiste Carlos Santos et là par le soutien affirmé de l’archet de violoncelle d’un père rassurant (Guilherme). A force de cohésions, c’est une autre musique d’atmosphère que l’on traîne à terre pour que ne lui échappe pas un centimètre carré de surface ni, une fois recraché par le disque à mille lieux d’où elle est née, un centimètre cube d'espace environnant.
Martin Küchen, Ernesto Rodrigues, Guilherme Rodrigues, Carlos Santos : Vinter (Creative Sources / Metamkine)
Enregistrement : 18 mai 2007. Edition : 2010.
CD : 01/ Mörkertid 02/ Kyla 03/ Barmark
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ernesto Rodrigues, Rhodri Davies, Stéphane Rives, Guilherme Rodrigues, Carlos Santos : Twrf Neus Ciglau (Creative Sources, 2009)
Au Música Portuguesa Hoje festival de Lisbonne, fut donnée l’année dernière une trentaine de minutes d’une musique électroacoustique élaborée par Rhodri Davies (harpe, électronique), Carlos Santos (électronique), Stéphane Rives (saxophone soprano), et puis Guilherme et Ernesto Rodrigues (violoncelle et violon).
Plus d’une demi-heure, pour être tout à fait juste, d’une rencontre internationale s’entendant sur un amas de lignes de fuite, souterraines ou ascendantes, et de drones assemblés : là, un aigu perce, ailleurs, un autre renonce. L’improvisation s’immisce dans le paysage, attire à elle l’auditeur pour l’avaler ensuite. L’exercice est réussi, et l’épreuve : manifeste.
Ernesto Rodrigues, Rhodri Davies, Stéphane Rives, Guilherme Rodrigues, Carlos Santos : Twrf Neus Ciglau (Creative Sources)
Enregistrement : 12 juillet 2008. Edition : 2009
CD : 01/ #1
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
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