Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Oliver Lake, William Parker : To Roy (Intakt, 2015) / Billy Bang, William Parker : Medicine Buddha (NoBusiness, 2014)

oliver lake william parker to roy

De ces deux musiciens, rarement réunis et se rattrapant aujourd’hui pour évoquer la mémoire de Roy Campbell, on imagine assez bien la rencontre. Et notre imagination, de faire mouche.

Le soyeux ne sera pas de mise. Les arrêtes seront vives, tranchantes, limite raides. L’alto sera acéré et les saillies ne surprendront que les non-initiés. La contrebasse annoncera l’harmonie et n’en dira pas plus. Du moins jusqu’à cette balade (Bisceglia) où tous deux partent en connivence. L’archet sortira de son étui, et les cordes grogneront quelque Afrique proche (Victor Jara), le blues se retrouvera, les phrasés se feront de plus en plus cabossés, la convulsion sera reine. Et Oliver Lake et William Parker, de rêver à leurs futures aventures. Et nous avec.

écoute le son du grisliOliver Lake, William Parker
To Roy (extraits)

Oliver Lake, William Parker : To Roy (Intakt / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2014. Edition : 2015.
CD : 01/Variation on a Theme of Marvin Gaye 02/ Check 03/ Is It Alright? 04/ Bisceglia 05/ Flight Plan 06/ Victor Jara 07/ 2 of Us 08/ Bonu 09/ Net Down 10/ Light Over Still Water Paints a Portrait of God 11/ To Roy
Luc Bouquet © Le son du grisli

billy bang william parker medicine buddha

Enregistrés en concert à New York le 8 mai 2009, Billy Bang et William Parker ne donnent pas seulement, comme c’est le cas en ouverture (Medicine Buddha), dans le duo / duel d’archets. Sanza, shakuhashi et n’goni s’imposent en effet comme autant d’instruments commandant le renouvellement des paysages. Un folklore à lamelles et un œcuménisme bon enfant décident alors d'un presque tour du monde que Bang et Parker bouclent avec plus de légèreté qu’ils n’en montrent d'ordinaire, à leurs instruments traditionnels.

Billy Bang, William Parker : Medicine Buddha (NoBusiness)
Enregistrement : 8 mai 2009. Edition : 2014.
CD : 01/ Medicine Buddha 02/ Sky Song 03/ Bronx Aborigines 04/ Eternal Planet (Dedicated to Leroy Jenkins) 05/ Buddha’s Joy
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Andrew Cyrille : The Complete Remastered Recordings On Black Saint & Soul Note (CAM Jazz, 2013)

andrew cyrille the complete remastered recordings on black saint and soul note

C’est sur Metamusicians’ Stomp (dont on pourra lire ici une évocation publiée en Free Fight) que l’on tombe en ouvrant The Complete Remastered Recordings On Black Saint & Soul Note, coffret enfermant sept enregistrements d’Andrew Cyrille jadis publiés par les deux labels italiens annoncés.

Si Metamusicians’ Stomp célèbre l’association du batteur, de David S. Ware et de Ted Daniel, c’est auprès d’un autre souffleur qu’on le retrouve sur Nuba et Something In Return : Jimmy Lyons. Vibrionnant, au fluet magistral, le saxophoniste alto tisse en compagnie de Cyrille, sur peaux souvent lâches, le cadre dans lequel s’épanouira la poésie écrite et chantée de Jeanne Lee (Nuba, enregistré en 1979). Sans elle, c’est à un exercice plus conventionnel mais néanmoins bouleversant que s’adonnent Cyrille et Lyons : en duo, ils découpent Take the ‘’A’’ Train, y aménageant plusieurs aires de solos avant de s’opposer sur des compositions personnelles (Lorry, J.L., Nuba) qui recèlent d’interventions courtes et d’intentions diverses (Something In Return, 1981). Indispensable, cette réédition nous fait regretter l’absence (l’oubli ?) dans le coffret de Burnt Offering, autre duo que Cyrille et Lyons enregistrèrent pour Black Saint en 1982.

Datant de 1980, Special People est la première des quatre références Soul Note ici rééditées. Cyrille y retrouve Maono (Daniel, Ware et le contrebassiste Nick DiGeronimo) le temps de l’interprétation de trois titres de sa composition et de deux autres signés Ornette Coleman (A Girl Named Rainbow) et John Stubblefield (Baby Man). Ne parvenant déjà pas à remettre la main sur l’harmonie qui fit de Metamusicians’ Stomp ce si bel ouvrage, le batteur se plie en plus aux codes naissant d’une ingénierie sonore adepte de lissage, glaçage et vernis – dont The Navigator (1982) pâtira encore davantage (impossible son – et même jeu – de piano de Sonelius Smith).

La décennie suivante, Andrew Cyrille accompagnera sur références Soul Note le pianiste Borah Bergman ou le violoniste Billy Bang. Dans la boîte, on le retrouve en meneur d’un quartette (X Man, 1993) et d’un trio (Good to Go, 1995) dont le souffleur est flûtiste : James Newton. Clinquant, encore, et un répertoire fait pour beaucoup de morceaux signés de ses partenaires (Newton, Anthony Cox, Alix Pascal, Lisle Atkinson) qui nous incite à retourner aux disques que Cyrille enregistra à la même époque en d’autres formations – avec Oliver Lake et Reggie Workman en Trio 3, notamment : Live in Willisau, par exemple.

C’est dire la puissance des notes emmêlées d’Andrew Cyrille et de Jimmy Lyons : dès les premières, voici relativisées la qualité toute relative des références Soul Note et les quelques impasses de l’anthologie – David Murray voyant paraître ces jours-ci un second volume de ses Complete Remastered Recordings On Black Saint & Soul Note, peut-être est-il réservé à Cyrille le même et enviable sort.  

Andrew Cyrille : The Complete Remastered Recordings On Black Saint & Soul Note (CAM Jazz)
Réédition : 2013.
7 CD : CD1 : Metamusicians’ Stomp CD2 : Nuba CD3 : Something In Return CD4 : Special People CD5 : The Navigator CD6 : X Man CD7 : Good to Go, with A Tribute to Bu
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


The Group : Live (NoBusiness, 2012)

the group live

Les années 1980 virent la disparition des lofts qui, à New York, permettaient aux musiciens de free jazz d’exprimer leurs idées musicales. L’accession au pouvoir de Ronald Reagan coïncida avec la suprématie de Wynton Marsalis : ainsi la décennie serait marquée du double sceau de l’individualisme et de la réaction.

Aussi certains musiciens américains, héritiers de générations de jazzmen qui n’eurent de cesse de bousculer les formes établies, surent incarner une autre vision du jazz, et peut-être, de l’Amérique. Les années 1980 virent donc s’épanouir de nouvelles fleurs sauvages, en la qualité de groupes coopératifs qui comptaient bien abolir la notion de leader et s’inscrire dans le grand continuum de la musique africaine américaine (se souvenir pour mieux s’affranchir). Ainsi naquirent Old and New Dreams (Dewey Redman, Don Cherry, Charlie Haden et Ed Blackwell), Song X (Ornette Coleman et Pat Metheny), The Leaders (Lester Bowie, Chico Freeman, Arthur Blythe, Kirk Lightsey, Cecil McBee et Don Moye) ou encore The World Saxophone Quartet (David Murray, Oliver Lake, Julius Hemphill et Hamiet Bluiett). Ainsi naquit The Group.

Derrière ce patronyme humble, débusquer cependant cinq pointures, en d’autres circonstances à la tête de leurs propres formations., et rappeler leurs  parcours légendaires : Andrew Cyrille avait battu pour Coleman Hawkins et Cecil Taylor ; Marion Brown soufflé auprès de John Coltrane et Archie Shepp ; on entendit le violon de Billy Bang et la trompette d'Ahmed Abdullah au sein de l’orchestre de Sun Ra ; la contrebasse de Sirone avait accompagné Pharoah Sanders et Charles Gayle. The Group tourna pendant deux années dans la région de New York, en 1986 et 1987, et c’est leur cinquième concert qui est ici documenté. Cette unique trace discographique du quintet est exceptionnelle. Tout d’abord parce que ce soir-là, le 13 septembre 1986 au Jazz Center of New York, le groupe était augmenté d’un second contrebassiste, Fred Hopkins. Ensuite, pour le répertoire interprété. En plus de leur propre matériau (on peut entendre ici une composition de Bang et une de Brown), The Group commença d’embrasser plus large et proposa trois relectures passionnantes de thèmes de Charles Mingus, Butch Morris et Miriam Makeba.

Aux côtés de la rythmique, les trois instruments sont donc le saxophone alto, la trompette et le violon., soit : tles rois instruments pratiqués par Ornette Coleman. Et s’il fallait chercher une influence, ou plus exactement une parenté, dans la musique jouée par The Group, c’est vers celui-ci qu’il faudrait se tourner. Comme chez le musicien texan, on entend sur ce disque l’amour des mélodies autour desquelles tourner agilement et gaiement, de soudains accès de mélancolie bientôt balayés, l’importance de la pulsation et le dynamitage tranquille des formes. Cette musique incroyablement vivante, la joie communicative de six musiciens au sommet de leur art et les notes de pochettes éclairantes d'Ahmed Abdullah, suscitent une très forte émotion.

EN ECOUTE >>> Joann's Green Satin Dress >>> Goodbye Pork Pie Hat

The Group : Live (NoBusiness)
Enregistrement : 13 septembre 1986. Edition : 2012.
LP : A1/ Joann’s Green Satin Dress A2/ Goodbye Pork Pie Hat – B1/ Amanpondo
Pierre Lemarchand © Le son du grisli

the group

Au même disque de The Group, Pierre Lemarchand a aussi consacré une émission de radio : son écoute peut être faite en streaming sur le site de Jazz à part

 

 


Billy Bang (1947-2011)

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Pour bien se souvenir de Billy Bang (1947-2011), conseiller l'écoute de l'émission spéciale de Jazz à part que Pierre Lemarchand lui consacrait récemment.

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FAB Trio : Live in Amsterdam (Porter, 2009)

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Certes, il s’agit ici de jazz, de thèmes et d’improvisation, de solistes et de solos. Certes, certes. Mais parce que cette musique est signée Joe Fonda, Barry Altschul et Billy Bang, on dresse l’oreille avec curiosité. Parce qu’on sait qu’avec eux, c’est encore possible. Parce qu’avec eux, le sens du mot collectif n’est pas formule mais nécessité. Et ce qui arrive ici, en ce soir du 16 avril 2008 au Bimhuis d’Amsteram, est bien trop précieux pour qu’on le passe sous silence.

Ce soir, le son est brut de fonte, l’ambiance est électrique. D’emblée, ils improvisent sans filet, ne lâchent rien. C’est limpide et héroïque. Ils s’écoutent, scrutent et sont à l’affût de toute nouvelle proposition. Celle-ci était une fausse piste. Les voici doutant puis, très vite, ils retrouvent le chemin des intensités initiales (Fabmusic Opening). Ailleurs, ils espacent la mélodie (Go East), abandonnent le violoniste en un soliloque anguleux avant de s’en repartir improviser de concert. Musique en perpétuel mouvement, flamboyante, tempétueuse, animée d’une fougue singulière (Spirits Entering), elle ne tombe jamais dans la facilité ou la redite et se construit dans un immédiat toujours partagé. Oui, quelque chose circule magnifiquement entre eux. En atteste ce disque et un second (A Night in Paris / Marge), enregistré trois jours plus tard au Sunset et tout aussi passionnant que celui-ci. S’ils passent près de chez vous, ne les ratez surtout pas !


FAB Trio, Fab Music Continuation (extrait). Courtesy of Porter Records.

Fab Trio : Live in Amsterdam (Porter / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2008. Edition : 2009.
CD : 01/ Fabmusic Opening 02/ Go East-Da Bang 03/ Fabmusic Continuation-Spirits Entering
Luc Bouquet © Le son du grisli

Joe Fonda déjà sur grisli
Lower East Side Blues (Porter - 2009)
Trio (Not Two - 2007)
The Dope and The Ghost (Not Two - 2007)
Circle The Path (Drip Audio - 2007)
Duets 1995 (Clean Feed - 2007)
Loaded Basses (CIMP - 2006)

Billy Bang déjà sur grisli
Big M (Delmark - 2006)


Roy Campbell: Akhenaten Suite (AUM Fidelity - 2008)

CampbellAkhenGrisli

Au Vision Festival de 2007, Roy Campbell emmenait une formation peu commune : lui, seul souffleur, auprès du violon de Billy Bang, du vibraphone de Bryan Carrott, de la contrebasse d’Hilliard Greene et de la batterie de Zen Matsuura

Investissant une autre Egypte hallucinée, Campbell attise forcément des convoitises orientalisantes qu’il partage avec Bang : le duo s’appliquant à rendre à l’unisson, approximatif mais réjouissant, le grand swing d’Akhenaten ou le lyrisme d’Aten and Amarna, ou ébauchant sur le vif quelques solos brillants (Pharaoh's Revenge Intro Part 2, sur lequel Campbell passe à l’arghul, double flûte datant de l’Ancienne Egypte, puis au bugle).

Plus tôt, Pharaoh's Revenge Part 1 avait emporté l’ensemble : jazz libre et plus appuyé profitant des entrelacs flamboyants de la trompette, du violon et du vibraphone, qui contraste avec les deux derniers titres donnés ce jour-là, récréations cette fois latines et plus anecdotiques. Ecart de langage dû peut être à la fatigue, qui n’enlève rien à la persuasion du premier propos. 

CD: 01/ Akhenaten (Amenophis, Amenhotep IV) 02/ Aten and Amarna 03/ Pharaoh's Revenge Intro Part 1 04/ Pharaoh's Revenge Part 1 05/ Pharaoh's Revenge Intro Part 2 06/ Pharaoh's Revenge Part 2 07/ Sunset On The Nile

Roy Campbell Ensemble - Akhenaten Suite - 2008 - AUM Fidelity. Distribution Orkhêstra International.


Kahil El'Zabar: Big M, A Tribute to Malachi Favors (Delmark - 2006)

kahilsliEn compagnie du violoniste Billy Bang, le Ritual Trio du percussionniste Kahil El’Zabar rend un hommage plus ou moins adroit à Malachi Favors, contrebassiste de l’Art Ensemble of Chicago, personnage emblématique de l’A.A.C.M. et figure sensible du jazz d’avant-garde de ces 50 dernières années.

A ses propres compositions, Zabar insuffle pas mal de l’esprit du jazz pratiqué à Chicago depuis les années 1960: gimmicks efficaces installés par la contrebasse de Yosef Ben Israel (Crumb-Puck-U-Lent), savant mélange de soul et de free (Kan) ou impressions d’Afrique construites avant tout par la kalimba du leader (Oof).

Mais ici ou là, le groupe se montre moins convaincant: lorsque Ari Brown préfère le piano au saxophone sur le poussif Freedom Flexibility, tandis qu’il avait réussi à rattrapper de justesse au moyen de son ténor le frêle fantasme d’Orient qu’est Maghoustut ; ou quand Bang se perd dans un lyrisme déplacé (Oof) alors qu’il s’était montré plutôt inspiré jusque là.

Soit, un hommage en demi-teinte, fait autant d’adresse que de faux-pas. Mais duquel il suffit de retenir la dédicace sincère, sublimée par quelques moments de grâce, pour être, au final, approuvé.

CD: 01/ Crumb-Puck-U-Lent 02/ Oof 03/ Freedom Flexibility 04/ Big M 05/ Kan 06/ Maghoustut 07/ Malachi

Kahil El'Zabar - Big M, A Tribute to Malachi Favors - 2006 - Delmark. Distribution Socadisc.



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