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Le son du grisli
13 juin 2012

Fritz Hauser : Schraffur (Shiiin, 2012)

fritz hauser schraffur

« Ce que j’aime par dessus tout, c’est la transformation du silence en son. Je viens de jouer en concert Schraffur, une pièce que j’ai écrite pour un petit gong, par accident, alors que j’étais invité à jouer dans une soirée en compagnie de cinq percussionnistes : j’ai compris que ce serait le chaos technique alors j’ai développé cette pièce pour petit gong, je l’ai gratté pendant une vingtaine de minutes : j’ai trouvé cette technique, je ne frappe plus, je gratte, je décide d’étouffements puis je gratte avec des baguettes et ça crée des harmoniques incroyables. » [Fritz Hauser, en octobre 2010, dans ces colonnes]

Avec cette pièce pour gong, le percussionniste suisse apporte à l'œuvre solo qu'il élabore depuis plusieurs décennies une résonance ahurissante ; si l'horizontalité ondulante de Schraffur empêche le qualificatif de « sommet », du moins peut-on parler à son sujet de point haut et d'heureuse surprise : la frappe sèche, directe, verticale à laquelle on associait un peu vite Hauser (alors que son jeu de balais aurait dû nous en garder) est complètement écartée ici au bénéfice de la seule hachure – qui n'est pas exactement un frottement (tel qu'Eddie Prévost pourrait en produire par exemple, à l'archet).

En près d'une heure, en une lente progression crescendo et sa redescente, Schraffur (qu'il ne faudrait pas trop hâtivement rapprocher de la composition de Tenney intitulée Koan : having never written a note for percussion), avec ses « moyens limités » (ceux qui, pour Braque, « engendrent les formes nouvelles, invitent à la création, font le style. »), réinvente le gong : du plus concret, du plus mat, au plus abstrait, au plus envoûtant, par l'obstination modeste du percussionniste, navette en main, tisserand à son métier. Dans son titre même, dans son mot, Schraffur le fait entendre : hachure d'abord, grattage du sgraffite ensuite...

Au cœur du geste et dans ses intensités subtilement variables, des impressions d'accélérations et de décélérations surgissent, concourant à l'animation de la structure de ce morceau au bombé de gong, au bombé de soucoupe sonnante qui s'élève, au bombé de mont : le Niesen que Guillaume « grisli » Belhomme évoque justement dans son beau texte d'escorte – et que Ferdinand Hodler peignit.

Une fascinante expérience d'audition. Un grand disque, qui trouve naturellement sa place dans la deep listening collection du label Shiiin, et dans toute bonne discothèque !

Fritz Hauser : Schraffur. For Gong Solo (Shiiin / Abeille Musique)
Edition : 2012.
CD : 01/ Schraffur
Guillaume Tarche © Le son du grisli

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