Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le son du grisli
photographie
18 juin 2006

Roy DeCarava : The Sound I Saw (Phaïdon, 2001)

decaravaAu début des années 1960, le photographe Roy DeCarava s’engage à rendre sur papier une réalité qu’il connaît pour la fréquenter au quotidien : celle des rues de Harlem. Brute, son approche trouve bientôt une bande-son évidente, relents de jazz suintant sous les peines, là pour divertir ou revendiquer, cherchant une solution acceptable au rythme plus concret sur lequel vont les choses.

Empruntant des rues négligées par un service d’entretien qu’on n’envoie plus guère dans cette partie de la ville, DeCarava gagne les clubs de jazz - parfois quelques studios d’enregistrement - et récolte les clichés décisifs. Parmi le nombre, il en choisira 196, qu’il mettra en ordre et auxquels il accolera un texte écrit de sa main pour former le prototype de The Sound I Saw, recueil de photographies haut de gamme autant qu’hommage au New York des déclassés, au jazz, à la vie comme elle est et comme il faut la prendre. Nous sommes alors toujours dans les années 1960. La première publication de The Sound I Saw verra le jour en 2001.

Elaborée, la mise en page alterne les tirages d’une netteté qui accable et les épreuves au parti pris plus abstrait ; les portraits de jazzmen reconnus et d’autres d’anonymes ; oppose un urbanisme au charme déficitaire à l’éclat des instruments, à la précision des gestes. Le noir et blanc souligne encore la dualité d’une existence à part, tout en glorifiant l’instant exposé. Ici, la photo de 4 enfants des rues fait le pendant à celle d’un quartette de contrebasses. Là, un Santa Claus sorti du ruisseau – « Poor feet who walk on souls » - égaré parmi quelques jazzmen en majesté : Coltrane méditatif dans le reflet d’un miroir, Ellington, Monk et Brubeck derrière pianos, Billie Holiday, Elvin Jones, Max Roach, Clifford Brown, Jackie McLeanMiles Davis, ou Ornette Coleman, regardant droit devant lui – « To release songs of wanting nor wasted ».

« Puzzled in the crush of every morning mash », noires pauvres et pauvres blancs, américain middle class soudain désorienté parmi la foule semblable et agitée. L’attente, presque partout, quand la musique est absente : « Men’s aspirations to speak to sing and make music justifying the endless moments heavy ». Au bout du compte, un flegme ultime sorti de sous les gravats lourds, en réponse au quotidien pesant. Sereine, la mère peut continuer de bercer l’enfant, sur le rythme révélé par ceux à qui il suffit de fermer les yeux – « Frustration and pain into a cry for aching fingers ». Pour savoir que la réalité n’est pas indivisible, et qu’il s’agit simplement d’être à l’écoute – « The love of life revealing the open place that is Us ».

carava 1

carava 3

carava 4

roy 2

Roy DeCarava, Le son que j’ai vu, Paris, Phaidon, 2001.

<< < 1 2 3 4 5
Newsletter