Evan Parker, Urs Leimgruber : Twine (Clean Feed, 2010)
C’est dans une sincère « confraternelle du souffle » – et en un Janus plus abouché que bifrons – que se présentaient les saxophonistes (ténor & soprano) Urs Leimgruber et Evan Parker en ce début 2007, au Loft de Cologne.
Leur généreuse dépense, résolue, obstinée, prenait ce soir-là un tour particulièrement abondant : deux longs duos de ténors pour encadrer celui (tout aussi consistant) des sopranos, sur un terrain d’entente que le choix gémellaire des instruments ne fait que souligner – mais c’est vainement que les comparatistes songeront aux rencontres de Parker avec McPhee (Chicago Tenor Duets, Okka) ou Lacy (Chirps, FMP)…
On casse des bogues, on érafle des troncs, pépiant d’abord ; on roule ensuite des galets, mats, en pinçant le bec : agile, on injecte, on pique, combustion réciproque, échos d’autres échos, potlatch ! Sourdant çà et là des nuées de ce palimpseste continu, émergent des unités de souffle et de matières, des stéréophonies et des oracles, des ressacs et des miracles.
Urs Leimgruber, Evan Parker : Twine (Clean Feed / Orkhêstra International)
Edition : 2010.
CD : 01/ Twine 02/ Twirl 03/ Twist
Guillaume Tarche © Le son du grisli
La première fois que j'ai vu Evan Parker en concert, c'était à 1974 à Willisau. Il jouait en quartet avec Alexander von Schlippenbach, Peter Kowald et Paul Lovens. J'ai remarqué tout de suite que son jeu était différent de celui des autres saxophonistes… A l’époque, je travaillais avec le groupe OM, on pratiquait une musique intéressée par l’énergie du rock et la force de l’improvisation libre. Quelques années plus tard, quand j’ai commencé à jouer en solo, je suis retombé sur Evan Parker, l'une des grandes figures du solo de saxophone. Mais je n’ai alors pas beaucoup écouté sa musique en solo, son jeu était presque trop proche du mien.
Avec Steve Lacy, Roscoe Mitchell et Anthony Braxton, Evan Parker fait partie des saxophonistes les plus importants venus après Coltrane. A travers les techniques de jeu étendues (respiration circulaire, flottement de la langue, courses rapides des doigts, etc), il a contribué à faire évoluer l’usage du saxophone. Aussi bien en solo qu’en groupe, il a développé et fortement influencé la pratique de l‘« European Freemusic » ces quarante dernières années.
Ces quinze dernières années, nous nous sommes croisés quelques fois dans différentes situations. Aux Instants chavirés à Montreuil ou lors de festivals partout en Europe. Je me souviens d’un concert que j’ai donné en trio avec Barre Phillips et Jacques Demierre au festival de Parthenay : Evan était là. Il a adoré la musique du trio et nous a proposé d’enregistrer un disque pour Psi, son label. On a été enchantés par sa proposition surtout qu’on travaillait sur un enregistrement fait à Cologne. C’est ce qui a donné Idp Cologne. En 2007, on m’a aussi offert une carte blanche à l’occasion d’une série de concerts en Allemagne : je l’ai invité à jouer en duo et nous avons fait un enregistrement. C’est ce Twine, qui sort aujourd’hui sur le label Clean Feed.
Collaborer avec Evan est extraordinaire et sublime, aussi bien d’un point de vue artistique qu’humainement parlant. C’est pourquoi je peux dire qu‘Evan est un musicien unique et un excellent ami.