Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


Vers TwitterAu grisli clandestinVers Instagram

Archives des interviews du son du grisli

Vijay Iyer, Wadada Leo Smith : A Cosmic Rhythm with Each Stroke (ECM, 2016)

vijay iyer wadada leo smith a cosmic rhythm with each stroke

Avant d’en découdre avec A Cosmic Rhythm with Each Stroke, suite en sept parties dédiée à l’artiste indienne Nasreen Mohamadi, Vijay Iyer et Wadada Leo Smith inaugurent leur duo avec Passage. Arpèges crépusculaires, trompette déchirant la voute céleste, le duo sélectionne les espaces à conquérir, ceux à bannir. Après A Cosmic Rhythm with Each Stroke, pianiste et trompettiste évoquent Marian Anderson. Chant crépusculaire, larges spectres, larges souffles, piano se libérant, la structure est ajustée, manifeste.

Au centre : A Cosmic Rhythm with Each Stroke, ou l’art des lignes crépusculaires et ininterrompues. Dans ce territoire de consonances : un seul paysage, une seule contrée. Le piano hèle la trompette, lui indique le chemin à suivre. Le temps de s’éparpiller et de se jauger, le désordre semble adopté. Puis se rétracte et réintègre l’harmonie initiale. Mais rien de monocorde ici, juste une grande et envoûtante résonance.



each stroke

Vijay Iyer, Wadada Leo Smith : A Cosmic Rhythm with Each Stroke
ECM / Universal
Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ Passage 02/ All Becomes Alive 03/ The Empty Mind Receives 04/ Labyrinths 05/ A Divine Courage 06/ Uncut Emeralds 07/ A Cold Fire 08/ Notes on Water 09/ Marian Anderson
Luc Bouquet © Le son du grisli



Angelica Sanchez, Wadada Leo Smith : Twine Forest (Clean Feed, 2013)

angelica sanchez wadada leo smith twine forest

Le ton est donné : le premier (Wadada Leo Smith) vrille ses aigus ; la seconde (Angelica Sanchez) plaque l’accord tranchant. La fidélité sera de mise. Les compositions de la pianiste porteront dans leurs veines la mémoire d’astres sombres. La trompette délivrera le filet de son, se perdra et se réverbérera dans le silence. Les accords-glas de la pianiste chercheront les passages secrets. Ceux qui, intimement, tentent d’investir la lumière. Une noire lumière précisément.

Et il aura ces trouées de cuivre, ce surgissement de blues. Un surgissement, certes court, mais qui dit tout des pactes passés. Et il y aura d’autres surgissements : ils auront pour territoire le murmure de la douleur, la masse frappant l’intérieur du piano, le velours des attentes. Et il y aura, surtout, deux musiciens portant à bras le corps une musique s’ajustant à leurs denses élans.

Angelica Sanchez, Wadada Leo Smith : Twine Forest (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2013. Edition : 2013.
CD : 01/ Cones of Chrome 02/ Veinular Rub 03/ Retinal Sand 04/ Echolocation 05/ Light Black Birds 06/ Twine Forest 07/ In the Falls of… 08/ Ultimate Causes
Luc Bouquet © Le son du grisli


Wadada Leo Smith, Louis Moholo : Ancestors (Tum, 2012) / Alexander Hankins, Louis Moholo : Keep Your Heart Straight (Ogun, 2012)

wadada leo smith louis moholo ancestors

Ancestors… De tous les ancêtres salués sur ce disque, certains seront nommés, tels le père de Louis Moholo, l’écrivain James Baldwin ou le peintre Jackson Pollock, figures inspirantes et incarnations respectives de la fidélité aux racines, de l’engagement social de l’artiste et de l’improvisation comme geste créatif. Alors, déjà, ce disque de nous entretenir de la conciliation nécessaire en toute création du souvenir, de la conscience du temps présent et de l’inattendu.

Les premières notes d’un spiritual, des tambours graves : le disque s’ancre en son début dans une histoire, celle de la musique dont Louis Moholo-Moholo et Wadada Leo Smith sont de vénérables vétérans à présent, le jazz. Un morceau de musique liminaire qui s’intitule Moholo-Moholo / Golden Spirit, composé par Wadada Leo Smith : la complicité et le respect, l’attention mutuelle, ainsi se dessinent les contours de l’album Ancestors. La contemporanéité d’une trompette qui hérite sa sonorité du Miles période électrique (ou quand le jazz se réinventait à grands coups de courts circuits et de trouées silencieuses) règle son pas sur les fûts enracinés d’un batteur à la mémoire longue.

Wadada Leo Smith et Louis Moholo-Moholo signent tous deux leur meilleur disque depuis longtemps. L’originalité de leur discours, la nécessité de cette rencontre, les deux musiciens nous les démontrent en refusant de tourner le dos aux grandes inspirations, et en les mêlant en un cours naturel à leur dialogue spontané. Aux premiers enchevêtrements, le souvenir de Mu, premier dialogue trompette / batterie, survient. C’était en 1969 et s’y rencontraient les tambours d’un Ed Blackwell tout juste revenu d’Afrique et la trompette apatride de Don Cherry. C’était il y a plus de 40 ans. En chemin seront aussi convoqués quelques fantômes gospel, délicatement déposés de petits cailloux de blues, soufflées de vives bourrasques free, claudiqué quelque swing. Et toujours le disque sera tendre, même en ses instants vifs et toujours tendu, y compris en ses méditations.

Wadada Leo Smith, Louis Moholo-Moholo : Ancestors (Tum / Orkhêstra International)
Edition : 2012.
CD : 01/ Moholo-Moholo/Golden Spirit 02/ No Name In The Street, James Baldwin 03/ Jackson Pollock, Action 04/ Siholaro 05/ Ancestors
Pierre Lemarchand © Le son du grisli 2013

alexander hawkins louis moholo keep your heart straight

Est-ce en l’honneur de Moholo que le pianiste Alexander Hawkins – enregistré ici à l’automne 2011 aux côtés du batteur – en fait des caisses ? Progressions dramatiques, accords-cabris et des notes partout : le piano d’Hawkins a horreur du vide, qu’il tente de saisir une impression d’Afrique signée Moholo ou peine même à accompagner celui-ci sur Prelude to a Kiss d’Ellington. Tant pis.

Alexander Hawkins, Louis Moholo-Moholo : Keep Your Heart Straight (Ogun / Orkhêstra International)
Enregistrement : octobre 2011. Edition : 2012.
CD : Keep Your Heart Straight
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 2013


Frank Lowe : The Flam (Black Saint, 1975)

frank_lowe_the_flam

Ce texte est extrait du premier volume de Free Fight, This Is Our (New) Thing. Retrouvez les quatre premiers tomes de Free Fight dans le livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié par Camion Blanc.

Sur la couverture de The Flam, Frank Lowe a le visage symboliste. On pense au sphinx de Boleslas Biegas, dont aurait été corrigée la moue défaite. Le regard est interrogateur, de musique sans doute est-il encore question – Val Wilmer n’insiste-t-elle pas, dans As Serious As Your Life, sur cette vie faite de musique et presque que de cela (jeu, écoute et palabre) ?

lowe_flam_a

En The Flam, Frank Lowe compose en effet au gré de ses interrogations. Hier, de beaux échanges avec Rashied Ali ou l’éventualité d’un monde à mettre en musique en compagnie de Don Cherry (Brown Rice, borderline). 20 et 21 octobre 1975, l’heure est aux réponses à apporter et le disque qui les consignera prendra le nom de la composition du saxophoniste qu’on y trouve : « The Flam » – définition rapportée : drumbeat consisting of two almost simultaneous strokes of which the first is a very rapid grace note.

Elle est une pièce de free teintée d’un exotisme amusé.  Sa direction est folle et semble avoir été attribuée à Alex Blake, bassiste qui dépose un solo avant d’engager les autres musiciens en présence à dire en belles échappées : Lowe premier de tous et puis Leo Smith (trompette, bugle, flûte), le tromboniste Joseph Bowie et le batteur Charles ‘’Bobo’’ Shaw. Un quartette, donc, dont le tromboniste et le batteur étaient déjà, quelques semaines plus tôt, de l’enregistrement de The Fresh. Un quartette, surtout, dont le raffinement est à entendre sur trois compositions et deux improvisations – la dernière, un solo de Smith, n’atteint pas la minute.

lowe_flam_b

Déjà sur Black Beings, premier disque personnel publié par ESP-Disk, Lowe avait délégué un peu de ses devoirs de compositeur – c’était alors à Joseph Jarman. Sur The Flam, c’est à Joseph Bowie – dont le « Sun Voyage » est un grand-ouvrage sur lequel Lowe et Smith rivalisent de découpes hardies – et Charles Shaw – sur le « Be-Bo-Bo-Be » duquel le ténor épaissit le trait ou vocalise pour que vole en éclats sa virulence multiforme.

Morceau d’archéologie personnelle : « Si le jazz rock a jamais existé, Frank Lowe en a donné ici l’épreuve la plus convaincante » (Way Ahead, Le Mot et le reste, 2011) : « Third St. Stomp »est une improvisation collective aux éléments de rythme longtemps étouffés. Blake à la basse électrique y apparaît en guitariste dément qui insère des vociférations de 45 (voire de 78) tours au creux du 33 pourtant fabriqué. Un free électrique que les interrogations sensées, les doutes inquiets et les subterfuges fantastiques que l’on trouve partout ailleurs sur The Flam, rehaussent de leur inédite harmonie.

lowe_flam_c     


Wadada Leo Smith : Heart's Reflections (Cuneiform, 2011)

grislections

Qui chercherait ici une unité en serait pour ses frais. Wadada Leo Smith y désorganise sa musique plutôt que d’en justifier un seul et unique trait. S’y retrouvent donc les formes jadis explorées par le trompettiste : le lyrisme profond et perçant des enregistrements solos, les excès binaires et électriques du Yo Miles !, la résurgence d’un free décentré (ici en hommage à Leroy Jenkins). S’y découvre aussi, même si timidement, un intérêt pour les electronics et autres laptop saturants.

Et de cet orchestre aux larges épaules (présences appuyées de Michael Gregory, Pheeraon AkLaff, Brandon Ross, John Lindberg, Skuli Sverrisson, Angelica Sanchez, Stephanie Smith) de s’inventer une diversité et une richesse de formes clairvoyantes. Des inquiétudes sourdes et prégnantes que viennent percer la trompette du leader aux sèches frappes binaires du batteur, se construit un paysage sonore dont l’unité, si on devait obligatoirement en trouver une, pourrait se nommer errance. Une belle errance, inutile de vous le préciser.

Wadada Leo Smith’s Organic : Heart’s Reflections (Cuneiform / Orkhêstra International)
Edition : 2011.
CD1 : 01/ Don Cherry’s Electric Sonic Garden 02/ The Dhikr of Radiant Hearts Part I 03/ The Dhikr of Radiant Hearts Part II 04/ The Majestic Way 05/ The Shaykh, as far as Humaythira 06/ Spiritual Wayfarers 07/ Certainty  08/ Ritual Purity & Love Part I 09/ Ritual Purity & Love Part II – CD2 : 01/ The Well : from Bitter to Fresh Sweet Water Part I 02/ The Well : from Bitter to Fresh Sweet Water Part II 03/ Toni Morrison : The Black Hole (Sagittarius A), Conscience & Epic Memory 05/ Leroy Jenkin’s Air Steps
Luc Bouquet © Le son du grisli



Michael Gregory Jackson : Clarity (ESP, 2010)

clarisly

Contemporains et frères, le Song of Humanity de Wadada Leo Smith et le Clarity de Michael Gregory Jackson ne peuvent pas tout expliquer quant à la singularité des ces disques, publiés tous les deux en 1976.

Pour le guitariste Michael Gregory Jackson, la présence d’un Wadada Leo Smith qu’il admire plus que tout, ne peut qu'être inspirante. De même, le couple David Murray Oliver Lake (ce dernier participant, par ailleurs, au Song of Humanity de Smith) n’est sans doute pas pour rien dans la réussite de ce disque.

Clarity n’est en aucun cas le fourre-tout carte de visite que certains ont cru voir à sa sortie. Si MG Jackson visite quelques chantiers déjà bien avancés (un free éclaté, un folk pas encore estampillé avant, des cadres contemporains, des structures en contrepoint), c’est qu’il est tout cela à la fois. Il est celui qui frôle la dissonance. Il est celui qui avance ses arpèges avec une clarté absolue. Il est celui qui agence ses thèmes en des unissons intrépides (Oliver Lake, Ab Bb 1-7-3°). Il est surtout, ici, celui qui ose avec naturel et décontraction. Un disque bien trop court mais tellement riche de sensations.

Michael Gregory Jackson : Clarity (ESP / Orkhêstra International)
Enregistrement : 1976. Edition : 2010.
CD : 01/ Clarity 02/ A View of This Life 03/ Oliver Lake 04/ Prelueionti 05/ Ballad 06/ Clarity (4) 07/ Ab Bb 1-7-3° 08/ Iomi
Luc Bouquet © Le son du grisli


Tony Malaby : Tamarindo Live (Clean Feed, 2010)

grislirindoiveAu Tamarindo d’origine, ajouter le trompettiste Wadada Leo Smith pour obtenir Tamarindo Live. Transformation datée du 5 juin 2010.

On sait l’instabilité avec laquelle l’inspiration meut Malaby, qui change fort selon ses partenaires. Aux côtés de Smith, Parker et Waits, la faute de goût serait malvenue : sonorité empruntée aux années 1960, le saxophoniste passe alors de ténor en soprano avec un charisme de forcené. Lorsque le développement musical se fait plus incertain, il trouve refuge dans les propositions de Smith, linéaires lorsqu’elles ne sont pas martiales, et toujours audacieuses autant que délicates.

Le contact rapproché jusque-là en attente, Malaby et Smith profitent de la conclusion pour jouer de paraphrase et de question-réponse, se cherchant sur structure rythmique surélevée et puis s’y accordant au son de notes longues. Tamarindo Live a passé. La discographie de Malaby y gagne une référence ; celle de Smith une évidente preuve de vaillance.

Tony Malaby’s Tamarindo : Tamarindo Live (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 5 juin 2010. Edition : 2010.
CD : 01/ Buoyant Boy 02/ Death Rattle 03/ Hibiscus 04/ Jack the Hat with Coda
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Anthony Braxton : Creative Orchestra (Köln) 1978 (HatOLOGY, 2009)

creativeorchrisli

En concert à Cologne en 1978, le Creative Orchestra d’Anthony Braxton vivait ses dernières heures, et peut être aussi ses plus intenses, à en croire ce Creative Orchestra (Köln) 1978, aujourd'hui éédité.

Parmi la vingtaine d’intervenants auprès de Braxton, souligner les présences de Vinny Golia, Leo Smith, Kenny Wheeler, George Lewis ou Marilyn Crispell – détail de l’orchestre à trouver en image. Pour tenter de décrire la musique, commencer par dire la lutte engagée sur Language Improvisations par un soprano contre le reste d'un groupe, lutte qui servira les intérêts du guitariste James Emery.

Cinq compositions du chef d’orchestre, ensuite : numérotées 55 (bop servi à l’unisson puis démoli par individualismes), 45 (musique de fanfare mêlant le grotesque à ses tourments obsessionnels), 59 (masse compacte née de dissonances d’où ne dépassera plus une note), 51 (bop soumis davantage aux oppositions frontales des solistes, Crispell étant de ceux-là la plus radicale de toutes) et enfin 58 (exploration sonore d’essence plus rare sur laquelle l’accordéon de Birgit Taubhorn et le synthétiseur de Bob Ostertag revendiquent leur place en musique créative et donnent par la même une leçon de subtilité à la plupart des défenseurs de tango jazz ou de fusion). En conclusion de cette même composition, une marche grave impose son allure, « funèbre » pourrait la qualifier. A suivre, la disparition du Creative Orchestra la revendiquerait même, après avoir presque tout prouvé dans le domaine de la musique créative comme dans le domaine de la musique d’orchestre.

Anthony Braxton : Creative Orchestra (Köln) 1978 (HatOLOGY / Harmonia Mundi)
Enregistrement : 1978. Réédition : 2010.
CD1 : 01/ Language Improvisations 02/ Comp. 55 03/ Comp. 45 – CD2 : 01/ Comp. 59 02/ Comp. 51 03/ Comp. 58
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


(Wadada) Leo Smith : Spirit Catcher (Nessa, 2009)

grislicatcher

L'un des fantasmes les plus fréquemment rencontrés chez les musiciens de jazz – art qui aura généré un imposant nid à clichés pour s'y lover ensuite et y abandonner beaucoup de son invention – est celui d'enregistrer auprès d'une section de cordes. Face à ce genre de clichés, deux solutions pour les novateurs : feindre l'ignorance (mais là, difficile, puisque même le référent habituel qu'est Charlie Parker a cédé un jour à la tentation du « With Strings ») ou investir la pratique répandue pour la transcender, à la manière de Leo Smith sur Spirit Catcher.

En 1979, à la tête de deux formations différentes, Smith enregistre auprès de cordes spéciales, qui changent et vont à merveille au lyrisme fluctuant d'un des plus charismatiques représentants de l'A.A.C.M. : trois harpes, en l'occurence, derrière lesquelles prennent place Irene, Ruth et Carol Emanuel (la dernière travaillera longtemps au Third Stream aux côtés de Ran Blake et côtoiera Earl Howard, Anthony Braxton ou John Zorn, récemment encore sur Femina). Sous la conduite de Dwight Andrews, les quatre musiciens consignent deux versions de The Burning of Stones, pièce dédiée à Braxton au  développement sonore à pas comptés – Smith intervenant en fond et instrument bouché – et au lyrisme compact qui lorgne autant vers les concepts de l'A.A.C.M (premiers disques de Muhal Richard Abrams en compagnie de la jeune garde) que vers la musique classique européenne.

L'autre formation (soeurs Emanuel écartées / Dwight Andrews passé au ténor à la clarinette et à la flûte, Bobby Naughton au vibraphone, Wes Brown à la contrebasse et à la flûte et enfin Pheeroan AkLaaf à la batterie), de donner Images, divagation lente qui rêverait de répondre aux commandements d'une marche puis s'emballe pour suivre les imprécations du duo contrebasse / batterie ; et puis Spirit Catcher, morceau de rêve fait sons qui donne son nom au disque réédité aujourd'hui et résume à lui seul les émotions intactes à y trouver. En inventeur, Leo Smith s'est servi d'un cliché : son « With Strings » tient de l'exception.

Leo Smith : Spirit Catcher (Nessa / Amazon).
Enregistrement : 1979. Réédition : 2009.
CD : 01/ Images 02/ The Burning of Stones 03/ Spirit Catcher 04/The Burning of Stones (First Version)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Wadada Leo Smith : Spiritual Dimensions (Cuneiform, 2009)

wadislileosli

Dans ce disque, Wadada Leo Smith se livre à de longues improvisations / méditations autour d’un motif mélodique (Al-Shadhili’s Litany of the Sea : Sunrise) ou rythmique (Umar at the Dome of the Rock, parts 1 & 2). Longues à propos, car il faut du temps, et de l’espace, pour que la musique de Wadada Leo Smith se déploie, que la trompette du leader ondoie au gré des vents de son inspiration.

Ces vents là viennent des terres de Miles. Ce dernier semble partout présent, plus comme un esprit inspirant que comme une ombre étouffante. Pour preuve la sonorité aigrelette et le jeu avec le silence qui frappent dans le premier disque, et l’instrumentation choisie dans le second disque. Car cet album est double, et si l’esthétique y est partout la même, les formations qui l’incarnent diffèrent selon les deux disques.

Tout d’abord, le Golden Quintet, qui joue sur le premier disque, témoignage d’un concert donné lors du Vision Festival 2008. On y retrouve le même contrebassiste (John Lindberg) et le même pianiste (Vijay Iyer) que dans le Golden Quartet de Smith. A la place de Shannon Jackson, deux batteurs sont ici conviés (Don Moye et Pheeroan Aklaff) comme pour souligner l’importance du rythme, de la pulsation comme moteurs de la machine et véhicules pour ces voyages dans l’espace (les terres africaines de Umar) ou le temps, comme l’atteste la plongée dans l’époque funky qu’est South Central L.A. Kulture.

Ce morceau charnière, qui clôt le premier disque, est repris en introduction du second, emmené cette fois par une formation plus ample (un nonet) et plus électrique aussi. Pheeroan AkLaff, John Lindberg et Wadada restent pour y accueillir de nombreuses cordes (le violoncelle de la précieuse Okkyung Lee, quatre guitares et une basse électriques) qui, superposées, sur-imprimées telles des aplats de peintures, concourent à créer la pâte sonore de l’orchestre. La batterie, qui émerge de cette pâte liminaire annonce clairement la couleur : celle de rythmes binaires, que Miles empruntait au rock dans les années 70, mais envoyés ici avec une fraîcheur et une urgence qui nous éloignent assez vite de toute tentative de comparaison. Car Wadada joue Wadada et le sillon qu’il creuse depuis tant d’années trouve en ce double disque une belle introduction pour aller plus avant en même temps que l’aboutissement d’une exigeante démarche.

Wadada Leo Smith : Spiritual Dimensions (Cuneiform Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2008 et 2009. Edition : 2009.
CD1 : 01/ Al-Shadhili’s Litany of the Sea : Sunrise 02/ Pacifica 03/ Umar at the Dome of the Rocks, Part 1 & 2 04/Crossing Sirat 05/ South central L.A. Kulture - CD2 : 01/ South Central L.A. Kulture 02/ Angela Davis 03/ Organic 04/ Joy : Spiritual Fire : Joy
Pierre Lemarchand © Le son du grisli



Commentaires sur