Sylvain Chauveau : Kogetsudai (Brocoli, 2013)
Second volet d’une trilogie démarrée en 2010 avec l’exigeant Singular Forms (Sometimes Repeated), Kogetsudai permet à Sylvain Chauveau (parfois aidé de Stéphane Garin, Steven Hess et Pierre Gerard) de poursuivre un œuvre en solitaire, tranché dans le vif de l’austérité. Exposée en six paysages dénudés et impressionnistes, la vision de l’artiste français contourne les vieilles habitudes radiophoniques pour mieux ouvrir nos oreilles à une nouvelle façon d’inscrire la pop music dans son siècle.
Rejoignant David Sylvian (ah, ce chant…) sur l’autel des armateurs de l’aventure en friche électronique, un monde étrange et poétique s’ouvre à nous. Tel son camarade Stephan Mathieu – avec qui il a commis le fabuleux Palimpsest, un des plus grands disques de 2012 – Chauveau démonte une à une les mauvaises habitudes du show biz, laissant à l’auditeur toute latitude d’imprimer sa propre poésie dans le cadre d’un dépouillement volontaire, où les souvenirs d’un phonographe lointain remontent à la surface d’un avenir entre envie et renoncement.
Sylvain Chauveau
Demeure
Sylvain Chauveau : Kogetsudai (Brocoli)
Edition : 2013.
CD / LP : 01/ Tofukuji 02/ The Most Beautiful Music 03/ Dark Clouds In The Sand 04/ Lenta La Neve 05/ Demeure 06/ Kogetsudai
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli
Ural Umbo : Fog Tapes (Hinterzimmer, 2010)
Les cloches qui résonnent au début de ce LP nous apprennent que nous nous sommes éloignés de la civilisation. Sans savoir encore si le village est habité, l’ambiance est lourde, l’atmosphère oppressante & pour couronner le tout un vibrato nous tord la vue. Lugubre, gangrenée de métal, la nouvelle humanité que Steven Hess et Reto Mäder forgent sous le drapeau de leur Ural Umbo n’est pas faite pour nous rassurer.
Pourtant si on approche du couple à l’action (si l’on ne craint ni les grands tremblements ni les drones qui quadrillent le secteur), on se laissera dicter notre conduite. C’est que leur musique nous a conquis... les battements sourds ankylosés... les coups de boutoir abasourdis. Plus noir que tout ce qu’Ural Umbo a fait avant, Fog Tapes est le vinyl qui nous fait nous soumettre pour toujours à leur doom (dum-dum ?).
Ural Umbo : Fog Tapes (Hinterzimmer)
Edition : 2010.
LP : A1/ Ghost Cell A2/ Speed Of Light In Vacuum A3/ Background Value 04/ Indefinite Outline – B1/ Self Appointed B2/ Non Physical Contact B3/ The Mediums Feed 04/ Glory Humus
Pierre Cécile © Le son du grisli
Boris Hauf : Proxemics / Next Delusion (Creative Sources / Clean Feed, 2011)
Cette aire de jeux en couverture (une moitié de terrain) pourrait être la partition graphique dont l’association inattendue de Boris Hauf (saxophones), Juun (Judith Unterpertinger, piano), Keefe Jackson (clarinette contrebasse et saxophone ténor) et Steven Hess (batterie, électronique), suivrait les lignes avec concentration. Si ses règles ne sont pas arrêtées, le jeu est toujours le même : remise en cause de la ligne écrite, que chacun des musiciens peut, s’il l’entend, prolonger en plein ciel.
Et l’appel du large est irrésistible – les vents se croisent, fomentent et achoppent – et même inspirant : plusieurs formules électroacoustiques sont ici essayées : mises bout à bout, elles rivalisent de subtilités et leurs moments polymorphes s’emboîtent avec nonchalance. Si leur harmonie est parfois empêchée, c’est parce que les intervenants préfèrent passer pour perturbateurs plutôt que pour musiciens. C’est ce qui rend Proxemics attachant, alors qu’il était déjà perturbant et musical.
Boris Hauf, Steven Hess, Keefe Jackson, Juun : Proxemics (Creative Sources)
Enregistrement : avril 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Public 02/ Social 03/ Personal
Guillaume Belhomme © le son du grisli
Enregistré à la même époque que Proxemics, Next Delusion donne à entendre Boris Hauf conduire un sextette dans lequel prennent place Steven Hess (batterie, électronique) et Keefe Jackson (saxophone ténor et clarinette basse) et puis Jason Stein (clarinette basse), Frank Rosaly et Michael Hartmann (batteries). Là, les vents progressent à l’unisson, que les tambours attisent puis contraignent. Des graves sinueux se répandent au sol et bientôt les rôles sont distribués : série de duels, pour l’essentiel, qui arrangent l’ensemble par modules. L’intérêt de l’auditeur variant au gré des inspirations.
Boris Hauf Sextet : Next Delusion (Clean Feed / Orkhestra International)
Enregistrement : Avril 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Gregory Grant Machine 02/ Eighteen Ghost Roads 03/ Fame & Riches 04/ Wayward Lanes
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Bridges (Machinefabriek, 2011)
Il faudra dire comme les couleurs de ces quatre faces tournent, n’en formant plus qu’une par moments. Et aussi parler des sons qu’expulsent de la surface du vinyle la rotation choisie : 33 tours par minute pour le double disque qu’est Bridges.
Les « ponts » en question sont ceux que Gerco Hiddink a photographié (photographies découpées ensuite) pour confectionner ces deux picture-discs. Auprès de ces mêmes ponts, Rutger Zuydervelt (Machinefabriek) a recueilli des field recordings auxquels réagiront enfin une sélection d’improvisateurs. Arrangés par couples, ce sont Jim Denley et Espen Reinertsen, Burkhard Beins et Jon Mueller, Mats Gustafsson et Nate Wooley, Erik Carlsson et Steven Hess, que ces éléments d’environnement inspirent.
Le premier duo élabore ainsi une miniature atmosphérique jouant du vent et de chants d’oiseaux et d’abeilles ; le second lève une imposante pièce rythmique ; le troisième dépose une pièce constructiviste sur quelques chocs sourds ; le dernier évolue en souterrain sujet à courants d’airs monstres. Pour finir, DJ Sniff résumera l’ensemble en une poignée de minutes à télécharger sur internet. Rien à redire.
Jim Denley, Espen Reinertsen, Burkhard Beins, Jon Mueller, Mats Gustafsson, Nate Wooley, Erik Carlsson, Steven Hess, DJ Sniff : Bridges (Machinefabriek)
Edition : 2011.
LP1 : A/ Jim Denley, Espen Reinertsen : Bergerslagbroek B/ Burkhard Beins, Jon Mueller : Netterden Channel – LP2 : A/ Mats Gustafsson, Nate Wooley : Rhine B/ Erik Carlsson, Steven Hess : Waal
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ural Umbo : - (Utech, 2009)
Sous le nom d’Ural Umbo, Steven Hess et Reto Mäder (Sum of R) composaient récemment un ouvrage d’un noir intense. Lent toujours, tournant sans cesse autour de trois à quatre notes, fait d’arpèges de guitares distendues aux cordes frôlant en conséquence la rupture et de plaintes sorties de mécanismes infernaux.
De temps à autre, la masse sonore vacille pour laisser apparaître une structure fragile, et puis une batterie subtile retouche le nécessaire, et le macabre de pacotille se fait impérial, accaparant, d'un brouillon malin.
Ural Umbo, The Stumbling Upon Blood And Mercury (extrait).
Ural Umbo, Theme of the Paranormal (extrait). Courtesy of Utech Records.
Ural Umbo : - (Utech Records)
Edition : 2009.
CD : 01/ The Lights Would Stop Flickering 02/ Theme Of The Paranormal Feedback 03/ Förlåta Jag 04/ Voices From The Room Below 05/ Don’t Eat Carrots, My Little Ghost Horse 06/ Stumbling Upon Blood And Mercury 07/ Pendulum Impact Test 08/ Among The Bones 09/ Mathieu 2004-2009
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Haptic : Trebuchet (Entr'acte, 2009)
A l'écoute de Trebuchet, des choses pas possibles vous envahissent dans la minute : des résonances et de la pluie, des infrabasses et des cris d'enfants, des drones et des larsens bien sûr, et des bruits de moteurs bien sûr aussi. Vous me direz que Steven Hess, Joseph Clayton Mills et Adam Sonderberg, ont rassemblés tout ça sur trois plages sous le nom d'Haptic et en on fait de petites musiques décoratives comme beaucoup d'autres avant eux, et comme beaucoup d'autres après eux...
Certes, si ce n'est qu'Haptic démontre sur son Trebuchet – comme il l'a fait d'ailleurs six fois déjà sur disque – d'une capacité à peindre des paysages abstraits avec une maîtrise qui dépasse peut être celle des autres. C'est pourquoi : qui voudra s'ouvrir à ce genre devra se précipiter sur Trebuchet et, tout à coup, la pop expérimentale ambientique et symphonique n'aura plus de secret pour lui.
Haptic : Trebuchet (Entr'acte)
Enregistrement : 2007-2009. Edition : 2009.
CD : 01/ Counterpoise 02/ Three 03/ Four
Pierre Cécile © Le son du grisli
Greg Davis, Steven Hess: Thirty Thirty (Presto!? - 2008)
Trois quarts d’heure, pour chacun des trois cent exemplaires de Thirty Thirty, fruit d’un concert donné par Greg Davis (laptop) et Steven Hess (percussions) au 3030 de Chicago. Exception faite à la règle de trois : l’année de la rencontre (2005).
Comme d’autres manient des bâtons de pluie, Davis et Hess œuvrent ensemble à une rumeur obnubilée par les drones : parasites électroniques et frottements de balais sur caisse claire, extensions artificielles de coups portés sur cymbales, collages minutieux et interventions spectrales sur clavier minuscule. L’ensemble, rampant et dense, avant de connaître l’affront de l’éreintement obligé, puis l’extinction. Aujourd’hui, trois cent souvenirs seulement.
Greg Davis, Steven Hess, Thirty Thirty (extrait). Courtesy of Presto!?
CD: 01/ Thirty Thirty >>> Greg Davis, Steven Hess - Thirty Thirty - 2008 - Presto !?
Greg Davis déjà sur grisli
Paquet Surprise (Carpark - 2005)
Steven Hess déjà sur grisli
v1.1 (Other Electricities - 2008)
Second souffle (Brocoli - 2007)
For Waiting, For Chasing (Mosz - 2006)
s/t (Crouton - 2005)
Fessenden: v1.1 (Other Electricities - 2008)
Premier enregistrement studio mais sixième référence de Fessenden – comprendre : Steven Hess (Pan American, On), Joshua Convey et Stephen Fiehn –, v1.1 redit toutes les qualités de la musique électroacoustique du trio.
Passées en ordinateurs, une batterie, une guitare et une basse, s’occupent de peindre différentes atmosphères, quoique toutes oppressantes. Des rythmes mis en boucles que bousculent des effets ayant déjà avalé les guitares, un embouteillage d’aigus provoqué par la progression saccadée des musiciens, le mariage improvisé et réussi de nappes bruitistes et de larsens. L’électroacoustique brute voire féroce, souveraine et agissante.
Fessenden, Diode. Courtesy of Other Electricities.
CD: 01/ Not Sleeping, Just Resting 02/ Mid-Swing 03/ Diode 04/ A Walk In The Park 05/ PeakV/Z*sin
Fessenden - v1.1 - 2008 - Other Electricities.
ON: Second Souffle (Brocoli - 2007)
A partir de l’enregistrement d’une improvisation menée ensemble, Sylvain Chauveau et le percussionniste Steven Hess édifièrent Your Naked Ghost Comes Back At Night, premier album de ON sorti en 2004 sur le label Les disques du soleil et de l’acier. Muni de ces mêmes bandes, Pierre-Yves Macé construit le Second souffle d’une rencontre fructueuse.
Qu’il décide d’installer un bourdon électronique sur lequel viennent se greffer les coups lents portés par Hess sur toms ou cymbales (I) ou donner dans une mélodie lasse sortie d’un mélodica (IV, moins réussie), Macé transporte le duo dans un univers qui, forcément, lui ressemble : musique électroacoustique sortie de jeux de hasard.
Se voyant refuser le recours à de telles tentatives, les notes d’un piano donnent dans une étrange pop déconstruite (II, fantasmant une pièce de Jim O’Rourke privée de toute énergie) ou installent une impression mélancolique ressassée jusqu’à l’interruption obligatoire et sauvage (Afterward). Lentement déployées, les pièces de Second souffle finissent par former un tout cohérent, voire logique. Conclusion d’une appropriation réussie.
CD: 01/ I 02/ II 03/ III 04/ IV 05/ Afterward
ON - Second Souffle - 2007 - Brocoli.
Robert Hampson, Steven Hess: s/t (Crouton Music - 2006)
Retenues, 20 minutes issues de la rencontre de Robert Hampson (Loop, Main, et partenaire occasionnel de Jim O’Rourke) et de Steven Hess (percussionniste ayant, lui, collaboré avec Pan American ou Fessenden). La pochette : transparente ; les titres : pas arrêtés. Et Crouton Music de donner à nouveau dans l’abstraction fière.
Tirant le matériau de ses propositions musicales de coups divers distribués par Hess, Hampson monte ensuite patiemment les chocs et leurs résonances. Coups de charleston espacés rivalisant avec quelques drones, cloches infinitésimales rappelant à l’ordre des hordes de parasites, attaques sur cymbales au devenir sombre, noyées bientôt par le traitement que leur réserve l’ordinateur.
Dépositaire ailleurs de tensions diverses, d’effets de masse ou de simili larsens, le duo aura tiré de ses expériences de quoi inquiéter qui cherche dans un disque l’assurance délicate. Et adresse aux restants le fruit de manipulations appréciables selon l’humeur.
CD: 01/ - 02/ - 03/ - 04/ -
Robert Hampson, Steven Hess - s/t - 2006 - Crouton Music.