Carate Urio Orchestra : Lover / Le Septième Continent : Talking Trash / Systematic Distortion Orchestra : The Assembly
Voilà un CD de chansons pas comme les autres (le CD). D’abord parce que, sur ses huit plages, il n’y en a que trois (de chansons). Ensuite parce que son interprète n’est pas un chanteur (en l’occurrence Sean Corpio ou Joachim Badenhorst) mais un orchestre tout entier (dirigé par… Badenhorst).
Foin de l’impro, nous disent ici le clarinetto-saxophoniste et ses collègues (Sam Kulik au trombone et à la guitare, Frantz Loriot au viola, Pascal Niggenkemper et Brice Soniano aux contrebasses, Sean Corpio à la guitare et à la batterie & Nico Roig à la guitare too) sur ces prises studio de clôture de tournée. Mais des ambiances tout en retenue, une pop orchestrale très cinématographique (la voix de fausset de Corpio s’y prête à merveille) et des minutes d’instruments en bisbille (le très beau Crazy Wind Lay Down)…
Souvent bellement mystérieux mais aussi parfois lisse (le faiblard Feet History) tout en restant écoutable, ce second album, après Sparrow Mountain en 2013, du Carate Urio Orchestra confirme donc tous les espoirs qu’on (LB) avait mis en lui. In love ;)
Carate Urio Orchestra : Lover
Klein
Edition : 2016.
CD : 01 / Preacher 02/ Ar Antiphon 03/ Interlude 04/ Iron Bird 05/ Lover 06/ Crazy Wind Laid Down 07/ Feet History 08/ Fremdenzimmer
Pierre Cécile © Le son du grisli
Dans Le Septième Continent – non pas dépôt d’ondines-ordures mais plutôt orchestre flottant – de Pascal Niggenkemper, on retrouve Joachim Badenhorst en présence de Joris Rühl, Eve Risser, Philip Zoubek et Julián Elvira. Entre la contrebasse et une flûte grave, ce sont donc deux clarinettes et deux pianos préparés qui servent un ouvrage ambitieux dont le lent mouvement d’ouverture (les deux premières plages) impressionne. Malheureusement, le groupe vire bientôt de bord pour envisager des récifs qui le rendent nerveux, et même pire : bavard.
Pascal Niggenkemper / Le Septième Continent : Talking Trash
Clean Feed / Orkhêstra International
Edition : 2016.
CD : 01/ Great Pacific Garbage Patch 02/ 135°W - 155°W & 35°N - 42°N 03/ Gyres Océaniques 04/ Plastisphere 05/ Talking Trash 06/ Crochet Coral Reef 07/ Ideonella Sakaiensis 08/ Geisternetz 09/ Kinetic Islands
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Dans le Systematic Distortion Orchestra qu’emmène Frantz Loriot, on retrouve Pascal Niggenkemper, qui tient une des deux contrebasses de l’ensemble en présence de dix autres musiciens : trombonistes (Ben Gerstein, Sam Kulik), trompettistes (Brad Henkel, Joe Moffett) et contrebassistes (Niggenkemper et Sean Ali) allant aussi par deux. Epais, l’orchestre se soulève lentement, se manifeste à l’unisson – quelques permissions individuelles sont bien sûr accordées – même lorsqu’il feint la mésentente, avant de laisser la parole à Ali sur …Maybe…Still… et à un étonnant passage de relais qui engage batteries, archets puis vents. Au final, l'orchestre de Loriot signe une œuvre d’une belle envergure.
Frantz Loriot Systematic Distortion Orchestra : The Assembly
OutNow
Enregistrement : 21 janvier 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ Echo 02/ The Assembly 03/ … Maybe… Still… 04/ Le relais
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
LHZ+H : Scope (Monotype, 2011)
Du synthétiseur de Thomas Lehn partent des projectiles sonores faits (et j’ose le dire sûrement pensés) pour nous abattre. Et ce dessein, Carl Ludwig Hübsch, Philip Zoubek et Franz Hautzinger le font leur sur ce CD du groupe-initiales LHZ+H.
Scope est sans doute le nom de code de l’attaque. Coups de piano préparé et cris de sirènes sont les éléments du chaos lent de la première piste. De là à la deuxième, les instruments vrillent et les échanges plus énergiques composent avec pertes et fracas (le tuba ne cesse malgré cela de sonner la charge). Puisque nous sommes protégés par la distance qui nous sépare des musiciens, ce n’est pas pour l’auditeur qu’il faut craindre. La preuve dans la conclusion : cette électroacoustique là abat des murs de sons dont la chute anéantira même les instruments. C’est bien fait !
LHZ+H : Scope (Monotype)
Edition : 2011.
CD : 01/ Zoom 02/ Scope 03/ Lesn 04/ Hal
Pierre Cécile © le son du grisli
Ensemble X : Ensemble X (Red Toucan, 2012)
Dans les notes qui accompagnent ces extraits de concerts donnés par une grande formation qu’il emmène, Carl Ludwig Hübsch dit avoir trié sur le volet les musiciens capables de sacrifier leur identité au profit d’une improvisation collective – ce « X » donnant les gages de l'anonymat de l’Ensemble en question. En échange, ils concevraient, selon les vœux du même Hübsch, une musique de subtilités et de bruits en mouvement, un grand-œuvre à partager à dix-neuf.
Ce dix-neuf, nombre de ces musiciens qu’Hübsch a côtoyé dans d’autres circonstances, oblige au copier-coller. Ainsi trouvent-on dans l’ensemble : Nate Wooley et Nils Ostendorf (trompettes), Matthias Muche (trombone), Xavier Charles et Markus Eichenberger (clarinettes), Dirk Marwedel (saxophone étendu), Eiko Yamada et Angelika Sheridan (flûtes), Philip Zoubek (piano), Christoph Schiller (épinette), Nicolas Desmarchelier (guitare), Tiziana Bertoncini et Harald Kimmig (violons), Martine Altenburger (violoncelle), Ulrich Phillipp (contrebasse), Uli Böttcher (électronique), Olivier Toulemonde (objets) et Michael Vorfeld (percussion) – de quoi passer sa journée sur un grisli si l’on veut explorer l'ensemble de ces liens.
Hübsch n’ignorant pas les obligations et parfois les facilités qui peuvent décider du faire d’une grande formation d’improvisateurs, sa direction épouse des formes d’arrangements intelligents : ainsi des strates de sons oscillent et tremblent sous les coups d’instruments à vent obnubilés par les graves pour laisser place à des plages d’improvisation percutante, de climats contrastés ensuite et d’atmosphères plus contemporaines enfin. Comme les noms, les instruments s’emmêlent avec autant de force que de discrétion, leurs turbulences ravivant à intervalles les flammes de leur profond acte de communion.
Ensemble X : Ensemble X (Red Toucan / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2008-2011. Edition : 2012.
CD : 01/ X113 02/ X8 03/ X112 04/ X111
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Improvisations Expéditives : Evan Parker, Sequoia, Carl Ludwig Hubsch, Pierre-Yves Martel, Jeffrey Morgan, David Birchall...
Sequoia : Rotations (Evil Rabbit, 2014)
Avec celle de Meinrad Kneer, ce sont en Sequoia trois autres contrebasses qui usinent, scient ou provoque des avalanches : Antonio Borghini, Klaus Kürvers et Miles Perkin, accordés, le 31 mai 2012 en studio, sur une musique d’ombres portées. Leurs instruments changés en sculptures sonores fuselées, le quatuor de contrebasses joue de torsions et de courants divers pour accoucher de chants parallèles aux pizzicatos graves et grincements de mécaniques qu’on trouve en creux de ce bel enregistrement.
Antonio Bertoni : ½ (H)our Drama (Leo, 2013)
Autre contrebassiste habile, Antonio Bertoni se plaisait, le 11 juin 2013, à gripper la progression d’un solo d’une demi-heure. Balançant entre deux notes, l’archet accroche en effet et puis dérape, obligeant le musicien à trouver, sans changer d’allure, des parades instrumentales inspirantes (certaines convaincantes) mais qui l’endormiront : l’allure faiblit, la fatigue point.
Carl Ludwig Hübsch, Pierre-Yves Martel, Philip Zoubek : June 16th (Schraum, 2013)
C’est à une musique d’atmosphère que nous convient Carl Ludwig Hübsch, Pierre-Yves Martel et Philip Zoubek. L’avantage, d’aller rapidement à Martel, dont la viole de gambe, ses obsessions et ses crissements, rehausse un exercice allant de baroque en minimalisme coi et entraîne bientôt piano et tuba à sa suite : la fin du disque en devient même passionnante.
1724 : Escaped Fragments (Klopotek, 2014)
Luca Kézdy (violon, efx), Emil Gross (batterie, électronique) et Tomes Leś (guitare, efx) forment ce 1724 enregistré en 2013. Souvent agitée – malgré quelques replis en lents atermoiements de convenance –, l’improvisation du trio pâtit de gestes dispensables, élans emportés et phrasage rebattu, qui rappellent le free rock Knitting Factory… l’urgence et la fièvre en moins.
David Birchall, Olie Brice, Phillip Marks : Spitting Feathers (Black & White Cat Press, 2013)
Enregistrés le 22 octobre 2011, David Birchall (guitare), Olie Brice (contrebasse) et Phillip Marks (batterie membre de Bark!) démontrent en une heure un goût pour une improvisation aérée. Que taillent quand même quelques gestes incisifs et augmente une recherche sonore qui impose à Birchall l’usage d’effets variés. Changeante, la musique du trio intéresse.
Jeffrey Morgan, Mike Goyvaerts, Willy Van Buggenhout : White Smoke (Creative Sources, 2012)
Les saxophones (soprano et ténor) de Jeffrey Morgan vont plutôt bien aux usages hétéroclites que font Mike Goyvaerts de ses percussions et objets et Willy Van Buggenhout de son synthétiseur EMS – ici enregistrés les 10 et 20 novembre 2011. Amusée sinon traînante, voire détachée, l’improvisation du trio claudique et divertit sans toutefois faire preuve de singularité.
Simão Costa : π_Ano Pre-Cau-Tion Per-Cu-Ssion On Short Circuit (Shhpuma, 2014)
Simão Costa joue certes seul, mais ses instruments sont multiples : piano, enceintes, transducteur et objets. Parvenant à sortir de belles lignes de l’usage qu’il fait de feedbacks, son jeu au piano est d’un conventionnel qui ruine ses découvertes électriques. Et lorsque ses structures grondent, elles s’effritent et laissent paraître leurs canevas simplistes.
Evan Parker : Vaincu.Va! Live at Western Front 1978 (Western Front New Music, 2013)
En 1978, en clôture d’une tournée nord-américaine, Evan Parker improvisa seul au Western Front de Vancouver – concert consigné l’année dernière sur vinyle par l’institution. Qu’elle parte des aigus ou des graves du soprano, l’exploration instrumentale est toujours impressionnante, son motif naissant toujours de la profusion : de notes, d’attaques, de tentatives, de retournements, de nuances et d’abandons. Western Front a donc bien fait d’explorer ses archives.
Matthias Schubert : 9 Compositions for the Multiple Joy[ce] Ensemble (Red Toucan, 2013)
Profitant d’être à la tête du Multiple Joy[ce] Ensemble, Matthias Schubert célèbre quelques-uns de ses inspirateurs à travers neuf compositions aux senteurs pluri-contemporaines.
Ainsi Conlon Nancarrow (récits itératifs, scansion soutenue), Helmut Lachenmann-Axel Dörner (dérèglements salivaires, rauques harmoniques), Anthony Braxton (jaillissement de cuivres, alto torrentueux), Duke Ellington-Billy Strayhorn (trombone au blues profond), Fred Frith (succession de silences et de contusions), Pierre Boulez-Igor Stravinsky (clarinette loyale sur tapis de dissonances et fusées rythmiques), Olivier Messiaen (violon en péril) et John Cage-Hans Martin Müller (flûte enragée) voient quelques-uns de leurs traits exaltés par le saxophoniste allemand.
Et offre aux solistes convoqués (Philip Zoubek, Udo Moll, Frank Gratkowski, Matthias Muche, Holger Werner, Axel Lindner, Angelika Sheridan) l’occasion de s’éloigner de leurs registres habituels. Disque étonnant et à réécouter souvent.
Matthias Schubert : 9 Compositions for the Multiple Joy[ce] Ensemble (Red Toucan / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Colon Zoubeck 02/ Moose 03/ Anthonykowski 04/ Duke Muche 05/ Frith Fields 06/ Boulevinsky 07/ Ende der zeit 08/ Akkorstudie 09/ John Müller
Luc Bouquet © Le son du grisli
Scott Fields : Moersbow/OZZO (Clean Feed, 2011)
A Cologne, Scott Fields dirige un ensemble de vingt-quatre musiciens (dont font partie Frank Gratkowski, Carl Ludwig Hübsch, Thomas Lehn, Matthias Schubert) et argumente sa conduction d’une fluidité exemplaire.
Ici, continuité et exploration d’une texture contenue (Moersbow en hommage à Merzbow) ; ailleurs, séparation des cuivres et des cordes avant réunion ténébreuse des deux entités ; plus loin, percées solitaires et retrouvailles en forme d’unissons salvateurs. Et dans tous les cas de figures, une justesse de ton et de forme ne s’encombrant d’aucune démonstration de force ou de virtuosité inutile.
Scott Fields & Multiple Joyce Orchestra : Moersbow/Ozzo (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2009. Edition : 2011.
CD: 01/ Moersbow 02/ Ozzo 1 03/ Ozzo 2 04/ Ozzo 3 05/ Ozzo 4
Luc Bouquet © Le son du grisli
Matthias Muche, Philip Zoubek, Achim Tang : Excerpts from Anything (Creative Sources, 2011)
Si c'est d'après une composition de Marcus Schmickler que le trio avait, pour le même label en 2007, bâti Sator-Rotas, la sélection d'aujourd'hui offre cinq pièces improvisées, en octobre 2010, par Matthias Muche (trombone), Philip Zoubek (piano préparé) et Achim Tang (contrebasse), au Loft de Cologne.
Ces cinq échantillons de tissu de belle facture timbrale, au tramé de qualité (coupe un peu berlinoise – on ne s'en plaint pas – mais saison 2000...), rendent compte d'un indéniable savoir-faire dans la recherche de textures, statiques ou sous ébullition contrôlée, et d'une bonne connaissance des idiomes en cours durant cette première décennie du siècle, entre Vienne et Londres.
Quelque chose, pourtant, finit par gâcher un peu le défilé : l'impression de feuilleter un catalogue, un book de cinq « excerpts » – effectivement – tous bâtis sur une idée distinctive (successivement : le drone-confort, le rêche-animé, la mosaïque-combinée, le sibilant-frotté, le fantôme-glissant), sans que l'attente ni l'attention de l'auditeur ne soient récompensées de quelque envoûtement. Un travail digne certainement, mais seulement plaisant.
Matthias Muche, Philip Zoubek, Achim Tang : Excerpts from Anything (Creative Sources / Metamkine)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Excerpts from Anything
Guillaume Tarche © Le son du grisli
Shift : Songs from Aipotu (Leo, 2011)
Au début les traits ne sont pas totalement définis, les frontières sont poreuses. Plutôt qu’une musique de tension(s) et de détente(s), s’envisage une musique d’attente et d’accomplissement. Le sens de ces grouillements, craquèlements et quasi-silence s’éclaircissent peu à peu. Dans ce demi-songe qu’est Introduction, les sons, frêles et distants, se brouillent, s’entrechoquent et donnent naissance à un rythme tendu, délivrant ainsi les élans enfouis. Le synthétiseur pousse alors ses larges vagues en plein large, le piano ne s’incommode plus d’un solo tranchant et la clarinette devient presque debusyenne.
Maintenant, tous peuvent resserrer les formes, ne plus taire leur jeu et grignoter le spasme en son entier (Modern Classics, Shot). Ainsi va la musique de Shift (Frank Gratkowski, Thomas Lehn, Philip Zoubek, Dieter Manderscheid, Martin Blume) : libre, autonome et diablement convaincante.
EN ECOUTE >>> Un extrait de 40 secondes
Shift : Songs from Aipotu (Leo Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2008. Edition : 2011.
CD : 01/ Introduction 02/ Modern Classics 03/ Gavotte 04/ Shot
Luc Bouquet © Le son du grisli
Nils Ostendorf, Philip Zoubek, Philippe Lauzier : Subsurface (Schraum, 2010)
Trois hommes font remonter des souvenirs enfouis à la « subsurface » des choses. L'un est trompettiste (Nils Ostendorf), un autre est pianiste (Philip Zoubek) et le dernier est clarinettiste et saxophoniste (Philippe Lauzier). Ces trois hommes improvisent.
La référence au concret dont Ostendorf, Zoubek et Lauzier dispensent leur action instrumentale est repérable dans la façon qu’ils ont d’appeler les sept étapes qui la composent. Magnetic Hill, Calm City ou Slow Collapse sont des titres fiables pour parler de leur musique. Abstraite, cette musique peut accepter de chanter. Remplie de brisures, elle peut passer pour zen ou se laisser porter par les vents tel un mobile métallique.
C'est de cette manière qu'Ostendorf, Zoubek et Lauzier réussissent leur tour. Leurs dosages sont précis du début à la fin de leur rencontre, fin qui est cette Subsurface justement qui les force à sortir de leurs gonds, à dépareiller pour montrer que leur belle collaboration aurait pu tourner au drame mais ne l'a pas fait ne serait-ce qu'un instant.
Nils Ostendorf, Philip Zoubek, Philippe Lauzier : Subsurface (Schraum)
Edition : 2010.
CD : 01/ Magnetic Hill 02/ Dreaming on a Cargo 03/ Hyperlinking 04/ Calm City 05/ Slow Collapse 06/ Spectral Radiance 07/ Subsurface
Héctor Cabrero © Le son du grisli