Dragonfly Breath : Live at the Stone (Not Two, 2016) / Yoni Kretzmer : Five (OutNow, 2016)
C’est une réduction de fanfare qui, dès l’ouverture du concert qu’elle donna le 24 novembre 2015 – dans le cadre des célébrations du soixantième anniversaire de Steve Swell organisé un week-end durant au Stone, New York –, vola en éclats. Non pas sous l’effet du souffle du dragon, mais sous celui du troisième passage de la libellule – nulle trace du second, quand le premier avait paru déjà sur Not Two.
C’est dire la puissance du trombone et celle des saxophones de Paul Flaherty. Les beaux éclats chassés par un solo de batterie – les coups de Weasel Walter sont étouffés, est-ce dû à la prise de son ? –, l’improvisation perd en intensité. Mais c’est l’histoire de quelques minutes seulement. L’archet vindicatif de C. Spencer Yeh, les expérimentations de Swell (qui pourra par exemple donner l’impression de se noyer dans son instrument) et l’affront avec lequel Flaherty « challenge » ses partenaires ont certes battu en retraite, mais une retraite qui n’en est pas moins trublionne.
Dragonfly Breath III : Live at the Stone: Megaloprepus Caerulatus
Not Two
Enregistrement : 24 novembre 2015. Edition : 2016.
CD : Live at the Stone: Megaloprepus Caerulatus
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
C’est un autre orchestre miniature qu’emmène Yoni Kretzmer sur cinq compositions personnelles : quintette dans lequel on retrouve Swell aux côtés de Thomas Heberer, Max Johnson et Chad Taylor. Marqué davantage par le blues, on croirait parfois entendre le Vandermark 5 allant entre unissons décidés (belle association cornet / trombone) et quartiers libres. A défaut d’être originales, les compositions de Kretzmer ont le mérite de permettre à son jeu de ténor de démontrer qu’il tient la route sur laquelle tracent ses quatre partenaires.
Yoni Kretzmer : Five
OutNow
Enregistrement : 22 juillet 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ July 19 02/ Quintet I 03/ Quintet II 04/ Feb 23 05/ For DC
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Steve Swell : Kanreki. Reflection & Renewal (Not Two, 2015)
La soixantaine est, pour Steve Swell, le temps du Kanreki – regard tourné vers le passé sur fond de réflexion permettant d’envisager la suite –, qu’illustrerait le florilège d’enregistrements que le label Not Two met aujourd’hui en boîte. Entre 2011 et 2014, on y entend le tromboniste en différentes compagnies : en conséquence, différemment occupé.
C’est d’abord avec Dragonfly Breath (et Paul Flaherty, C. Spencer Yeh et Weasel Walter) une « fuite en avant » d’une demi-heure enregistrée en concert à Brooklyn. Cette insatiable envie d’en découdre et même de tapage, Swell la soigne ici pour la relativiser ailleurs au son d’un jazz « straight » qui n’est qu’un prétexte à jouer en perpétuel affranchi (en quintette avec Ken Vandermark et Magnus Broo).
Après quoi, la palette s’élargit encore : composition plus complexe qu'interprètent quatre clarinettes (dont celles de Ned Rothenberg et Guillermo Gregorio) ; duo avec Tom Buckner ou trio avec Gregorio et Fred Lonberg-Holm qui servent l’un et l’autre d’inquiets morceaux d’atmosphère ; combinaison plus écrite qui accorde le trombone, le saxophone alto de Darius Jones et la guitare d’Omar Tamez. Enfin, il y a ces quatre minutes enregistrées seul au trombone, où, sur une note qu’il tient pour travailler encore à sa sonorité, Swell démontre ce qu’il affirmait au son du grisli en 2007 : « Je sens qu’il y a encore à dire ».
Steve Swell : Kanreki. Reflection & Renewal (Not Two)
Enregistrement : 2011-2014. Edition : 2015.
2 CD : CD1 : 01/ Live at Zebulon 02/ Essakane 03/ Schemata and Heuristics for Four Clarinets #1 04/ News from the Upper West Side – CD2 : 01/ Splitting up is Hard to Do 02-04/ Live at the Hideout 05/ Composite #8
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Paul Flaherty, Steve Swell, C. Spencer Yeh, Weasel Walter : Dragonfly Breath (Not Two, 2013)
Paul Flaherty a toujours attisé son discours, déjà tonitruant, au contact d’une jeunesse remuante, pour ne pas dire remontée. Jadis, comme l’attestent Slow Blind Avalanche et A Rock In The Snow – deux références Important –, il rencontra C. Spencer Yeh en présence de Chris Corsano. Le 6 mai 2011 à l’ISSUE Project Room de New York, il retrouvait le violoniste le temps d’une improvisation à quatre, à laquelle Steve Swell et Weasel Walter étaient invités aussi.
La compagnie est donc d’attaque, et rue sans attendre avec son aîné en combinaisons abrasives. Décidant quand même de la mesure, le saxophoniste choisi soudain de vaciller coude-à-coude avec Swell – qui, lui, joue encore des épaules – pour passer ensuite le témoin (ou bâton) à Yeh : archet crissant et crachant même, éructant des bribes d’un inquiétant langage, celui-ci conduit le groupe sur pente bruitiste et sentiers plus explosifs encore. La libellule tenait bien du dragon, vélocité en plus.
Paul Flaherty, Steve Swell, C. Spencer Yeh, Weasel Walter : Dragonfly Breath (Not Two / Products from Poland)
Enregistrement : 6 mai 2011. Edition : 2013.
CD : 01/ Praying Mantis 02/ Tarantula 03/ Mosquito
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Paul Flaherty, Bill Nace : An Airless Field (Ecstatic Peace!, 2007)
Ce texte est extrait du dernier des quatre fanzines Free Fight. Retrouvez l'intégrale Free Fight dans le livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié par Camion Blanc.
Avant de prendre goût à l’enregistrement en solitaire, Paul Flaherty s’en donna à cœur joie en associations inspirantes disputées par tambours et cordes. Après avoir rejeté le jazz – à Marc Medwin pour One Final Note, le saxophoniste confia : « j’avais une vingtaine d’années, j’ai en quelque sorte été effrayé par Coltrane, Pharoah et Dolphy, et me suis emparé de tous mes disques pour m’en débarrasser. Pendant douze ans, je n’ai pas suivi ce qui se faisait dans le domaine – j’ai tout ignoré, ne voulant pas savoir » –, Flaherty y reviendra en force.
A la fin des années 1970, il signe In the Midst of Chaos sous le nom d’Orange, quartette qu’il emmena avec le guitariste Barry Greika. Un peu plus tard, c’est avec deux autres guitaristes, Froc Filipetti et Bill Walach, qu’il enregistre le deuxième élément de sa discographie : Trinity Symphony. Le gros de sa discographie, le saxophoniste l’enregistrera pourtant bien des années plus tard en compagnie de Randall Colbourne, batteur qu’il rencontre à la fin des années 1980 – avec Daniel Carter, Raphe Malik et Sabir Mateen, le duo enregistrera l’indispensable Resonance, enregistrement d’un concert daté de 1997 autoproduit par Flaherty sur Zaabway en 2005.
Malgré les preuves données, indéniables déjà, du talent avec lequel le saxophoniste tient à créer autant qu’à en découdre, Flaherty soignera encore davantage ensuite au contact de jeunes musiciens ses dons de virulence. Avec les batteurs Chris Corsano – le duo a donné plusieurs disques d’importance – et Weasel Walter, le trompettiste Greg Kelley, le violoniste C. Spencer Yeh…, Flaherty s’est offert un supplément d’âme – ce phrên, en grec, qui donnera phrenesis… « Je n’ai envie d’écrire que dans un état explosif, dans la fièvre ou la crispation, dans une stupeur muée en frénésie, dans un climat de règlement de compte où les invectives remplacent les gifles et les coups. » Ce passage de Cioran, Flaherty ne peut qu’y souscrire, tout en prenant soin de toujours nuancer l’invective et de faire varier les climats. A ce jeu, ses partenaires peuvent l’aider. Pour exemple, prenons An Airless Field, enregistré en duo avec Bill Nace.
Le 1er décembre 2007, Flaherty et le guitariste ont enregistré de quoi permettre à Ecstatic Peace! de produire deux disques : Paul Flaherty / Thurston Moore / Bill Nace et An Airless Field. Après avoir inventé en trio sur les zones de perturbations nées de l’agitation de deux musiciens amateurs de bruits – Flaherty a côtoyé Moore quelques années auparavant en quartette dans lequel on trouvait aussi Wally Shoup et Chris Corsano –, le saxophoniste teste la résistance de Nace, avec lequel il sera amené à enregistrer encore (en duo ou en présence de Steve Baczkowski ou Laila Salins).
Plus virulent – moins expérimenté, certes – que Moore (aller écouter X.O.4. ou Body/Head), Nace pourrait être aux cordes ce que Corsano est au tambour : un agent provocateur qui sied à la verve du ténor comme de l’alto. En douce, le guitariste entretient un drone instable que le saxophone percera de toutes parts (ses aigus sifflent et ses graves charment) avant de maîtriser un larsen qui pousse le souffle épais à convenir avec lui de tout sacrifier à un free extensif. En situation, l’ampli est derrière Nace et son instrument ; dans le vinyle, il est là, devant, qui crache des grisailles allant aux derniers rauques inventés par Paul Flaherty. La suite est une fin : l’anaérobie disparaissant avec le retour de l’oxygène.
Foole, Flaherty, Baczkowsky, Nace, Corsano : Wrong Number (Open Mouth) / Flaherty, Colbourne : Ironic Havoc (Relative Pitch)
Est-ce un « jazz » (un « iazz » ?) compressé qu’il faut déchiffrer sur la couverture de ce nouvel enregistrement – daté du 30 janvier 2013 – de Paul Flaherty, Bill Nace et Chris Corsano ? Parlant de « compressé », comment Steve Baczkoswky et le (ci-devant) vocaliste Dredd Foole pourront-ils s’imposer auprès du trio ?
Assez bien – le suspense fut de courte durée –, à entendre Foole, voix lointaine mais que les musiciens écoutent à tel point qu’un parfum de Body/Head flotte sur la première face : aux appels lancés, répondent les soupirs des saxophonistes… Mais la tension monte.
En seconde face, Foole, en chef d’orchestre éconduit, essuie les foudres d’improvisateurs aux coudées franches : Corsano cogne et même mitraille, Nace élabore à distance rapprochée d’ampli, Flaherty et Baczkowsky bronchent. Si l’ensemble met à mal les éléments de langage que Foole a plus tôt osés, la cacophonie à naître, ambiante et accaparante, se passe très bien de ne rien signifier. Son « iazz » est non seulement compressé, mais bel et bien serré et menaçant.
Dredd Foole, Paul Flaherty, Steve Baczkowsky, Bill Nace, Chris Corsano : Wrong Number (Open Mouth)
Enregistrement : 30 janvier 2013. Edition : 2014.
LP : A-B/ Wrong Number
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Poursuivant une collaboration qui commence à dater, Paul Flaherty et Randall Colbourne enregistrèrent en mai 2013 Ironic Havoc en duo. Inspirés par un phénomène atmosphérique (plus de détails dans les notes du disque, que signe Flaherty), le saxophoniste et le batteur peaufinent un autre jazz d’intensité, free possible ou swing défait qui font leurs reliefs d’accrocs supérieurs.
Paul Flaherty, Randall Colbourne : Ironic Havoc (Relative Pitch)
Enregistrement : mai 2013. Edition : 2014.
CD : 01/ Jumping Spiders 02/ Moving Outside a Million Years 03/ Bstry 04/ Revenge of the Roadkill 05/ Watching 06/ Conclusion
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ce dimanche 1er juin, à 18H30, Bill Nace sera de concert avec Kim Gordon en Body/Head à Vandoeuvre, dans le cadre du festival Musique Action.
Interview de Chris Corsano
D’origine américaine, Chris Corsano est un des batteurs les plus talentueux à être apparu ces dernières années. Il fait partie de ces musiciens qui font de l’ubiquité un principe et un art de vivre. De la noise à l’improvisation en passant par le free rock, il s’illustre dans un grand nombre de genres avec une facilité déconcertante. La liste de ses collaborations est éloquente : Thurston Moore, Paul Flaherty, Evan Parker, Joe McPhee, Keiji Haino, Mick Flower, Björk…
Quelle a été ta formation musicale et comment en es-tu venu à l’improvisation ? J’ai commencé à jouer de la batterie quand j’avais 14 ans. Au début, j’ai pris quelques leçons, mais elles ne m’ont pas vraiment donné l’impulsion nécessaire. Puis, vers mes 19 ans, j’ai vraiment eu envie de me lancer dans l’improvisation en voyant des concerts de Paul Flaherty (saxophone) avec Randall Colbourne (batterie), de Test, de William Parker (contrebasse).... Ensuite, des groupes comme Ascension, Sun City Girls et pas mal de sorties sur les labels Majora et Siltbreeze (durant la seconde moitié des années 1990) m’ont ouvert les yeux sur la possibilité d’improviser dans un contexte rock/punk ou en tout cas avec des instruments plus souvent utilisés dans le rock. Ce fut une étape importante pour moi, dans le sens où a priori je ne me sentais pas du tout attiré par le fait de jouer du « jazz ».
Tu sembles avoir une relation forte avec le saxophoniste Paul Flaherty. Peux-tu nous rappeler comment tu l’as rencontré et décrire ce qui vous a rassemblé ? Après l’avoir vu jouer avec Randall Colbourne, je suis allé les trouver pour leur acheter quelques disques et leur dire à quel point j’avais aimé le concert. Quelques mois plus tard, je leur ai demandé de jouer lors d’une soirée que j’organisais. Mon groupe faisait la première partie et j’ai donné à Paul un de nos disques, qui était mon premier essai enregistré d’improvisation libre. Il m’a écrit une lettre quelques temps après, et peut-être un an plus tard, il me demandait si je voulais jouer avec lui.
Pourquoi avez-vous nommé un de vos albums The Hated Music (Ecstatic Yod, 2001) ? C’est Flaherty qui en a eu l’idée. Avec Byron Coley (qui a sorti le disque), nous évoquions le peu de chances qu’il récupère l’argent investi dans ce projet. En effet, l’improvisation ne jouit pas d’une bonne couverture médiatique et de nombreux critiques jazz (grand public) n’aiment pas ce genre musical. Flaherty a remarqué que c’était vraiment la musique détestée ce à quoi Byron répliqua que nous tenions notre titre d’album.
Peux-tu citer tes batteurs favoris et dire quelques mots sur ce qu’ils t’ont appris ? Milford Graves, Adris Hoyos, Sean Meehan, Muhammad Ali, George Hurley. Il y en a plein d’autres. Je pense que ce que j’ai appris de tous ces batteurs (et de tous mes musiciens favoris en général) est qu’ils ont tous un son et une approche uniques ainsi qu’un style personnel fort inventif. Je pense aussi qu’ils sont tous au service d’un idéal musical, chacun selon leurs propres conceptions. Ils ne fournissent pas seulement un cadre rythmique, ils se préoccupent tout aussi bien de tons, de textures et de densités. Pour moi, le concept de développement est une part importante de l’improvisation. Si tu réponds toujours de la même manière à une situation donnée, c’est que tu n’improvises pas réellement. J’aime mélanger instruments et approches afin d’essayer de garder les choses nouvelles et inédites.
Cela semble facile pour toi d’aller d’un genre à l’autre (free noise, improv, free jazz…) Dirais-tu que tu as toujours la même approche ou que tu as une idée précise de la façon dont tu abordes chaque style ? Pour moi, tout cela est fait avec la même intention. La musique de chaque groupe révèle les relations entre chaque participant. Ainsi, si je peux compter sur ce que chacun apporte et vice-versa, alors quelque chose d’intéressant peut être créé.
Tu as joué avec Evan Parker et John Edwards récemment. Peux-tu dire quelques mots sur eux ? Par ailleurs, quels sont tes autres projets en cours ? Evan et John sont des incroyables improvisateurs. Les entendre sur disque fut une révélation, les voir en concert fut encore plus frappant et actuellement jouer avec eux me montre encore plus comme ils sont extraordinaires. Cette année, j’ai principalement joué avec Mick Flower (du Vibracathedral Orchestra). J’ai enregistré avec Sir Richard Bishop et Ben Chasny (de Six Organs of Admittance) et, je l’espère, nous devrions faire une tournée en Europe le printemps prochain. Maintenant que je vis à nouveau aux USA, je projette de jouer à nouveau avec des gens comme Paul Flaherty, Bill Nace et Thurston Moore.
Peux-tu citer certains de tes albums favoris ? Récemment, j’ai écouté beaucoup de John Lee Hooker. Sittin’ Here Thinkin’ a été un favori pendant un bon bout de temps. Il y a peu, j’ai écouté le Live at Disobey de Charles Gayle (ndr : Blast First, 1994) et cela m’a aussi beaucoup plu. Enfin, le disque de Group Inerane sur Sublime Frequencies m’a vraiment renversé.
Chris Corsano, propos recueillis en novembre 2009.
Jean Dezert © Le son du grisli
Paul Flaherty, Bill Nace, Thurston Moore (Ecstatic Peace, 2008)
Après avoir beaucoup expectoré aux côtés du batteur Chris Corsano – en duo ou compagnie du saxophoniste Wally Shoup et de Thurston Moore –, Paul Flaherty s’essaie au trio, alternant saxophones ténor et alto près des amplis de Moore et d’un second guitariste : Bill Nace.
Courte, l’ouverture oppose sans attendre les sifflements de Flaherty et l’abandon bruitiste dans lequel se vautrent déjà ses partenaires, laisser-aller bientôt anéanti au profit du déploiement de Drugs, mise au jour progressive d’une texture sonore grondante et intense pour être née du rapprochement d’un free exacerbé et d’une no wave corrigée par les techniques du jour. Quarante minutes, encore, le temps pour Lavender de donner à entendre un saxophoniste plus introspectif, qui tourne lentement sur les constructions maintenant rythmiques des guitaristes, avant d’agir au profit de nouvelles déflagrations sonores, et réjouissantes.
Paul Flaherty, Bill Nace, Thurston Moore (Ecstatic Peace! / Differ-ant)
Enregistrement : 1er décembre 2007. Edition : 2008.
CD : 01/ Sex – Why Won’t Anyone Talk About It ? 02/ Drugs – Elegy for All The Murdered Rockstars 03/ Lavender – Mafia Runs CIA Runs Entertainment Industry Ruins Soul
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Paul Flaherty, Chris Corsano : The Beloved Music (Family Vineyard, 2006)
Dès la sortie de son premier disque, en 1978, le saxophoniste Paul Flaherty s’est fait le chantre d’un free jazz radical auquel les années 1980 ont imposé silence. Décidé à rattraper le temps perdu, il a profité de la décennie suivante pour effectuer son retour. Et multiplie, depuis, les collaborations tapageuses.
Aux côtés du batteur Chris Corsano, notamment, partenaire régulier avec lequel il donna, en 2004, un concert amené à devenir The Beloved Music. Dès l’ouverture, il semble évident que le duo cherche aussi peu à se faire un public que des amis. Rauque, le saxophone verse déjà dans l’excès quand il décide d’aller estimer les suraigus dont il se sent capable. Une fois encore, le parallèle entre le jeu de Flaherty et celui de Peter Brötzmann tient de l’évidence.
Jamais apaisé, Corsano multiplie les soutiens changeants. Virulent sans jamais en arriver au point d’abandonner tout référent de structure (The Great Pine Tar Scandal), il joue avec sa propre impatience, appuyant à merveille les phrases du saxophoniste ou décidant d’une promenade hors champ, lorsqu’il ne distribue pas partout les coups qui prolifèrent. Toujours sur le qui-vive, Flaherty comme Corsano, se retournant la politesse du solo introspectif, voire tourmenté (A Lean and Tortured Heart), ou bricolant à deux un free péquenaudicide, histoire de rendre l’air de Louisville, Kentucky, un peu plus respirable (What Do You Mean This Is A Dry County ?). A défaut de pouvoir faire céder sous leurs coups les manières dégénérescentes d’une American Way of Life devenue affaire de parvenus ignares.
Paul Flaherty, Chris Corsano : The Beloved Music (Family Vineyard / Differ-ant)
Edition : 2006.
CD : 01/ The Great Pine Tar Scandal 02/ A Lean and Tortured Heart 03/ What Do You Mean This Is A Dry County ?
Guillaume Belhomme © Le son du grisli