The Necks : Vertigo (ReR, 2015) / Alessandro Bosetti, Chris Abrahams : A Heart That Responds from Schooling (Unsounds, 2015)
Trois quarts d’heure d’impro sur un filin assurent forcément à un moment ou à un autre qu’on soit sujet au (voire la proie du !) vertige, puisque tel est le nom du nouvel album de The Necks.
On connaît la recette et eux la touillent depuis longtemps (avec les mêmes gestes, bien sûr = le tissage du piano, la pause rythmique, l’arcodrone…) mais le trio arrive encore à nous surprendre. Ça peut être avec un soupçon d’électronique, des cordes de piano qui éclatent sous la pression ou un renversement acoustique / organique qui conduit Abrahams / Buck / Swanton à progresser non plus dans la tension mais avec un leste tout aussi impressionnant…
Et si le passage à la Ray Manzarek sous morphine ne vous captive pas, voilà que la basse le chasse et institue quelques minutes de bourdonnement multicouches qui ne peuvent que faire mouche. Non ce n’est pas de vertige que l’on souffre, mais de l’affalite que prescrivait l’autre jour Xavier Charles.
The Necks : Vertigo (ReR)
Edition : 2015.
CD : 01/ Vertigo
Pierre Cécile © Le son du grisli
L’échange auquel se livrent ici Chris Abrahams et Alessandro Bosetti est à l’origine de sept pièces on ne peut plus variées : électroacoustique pour piano feldmanien et close-up vocal, reprises de standards (Esteem de Lacy et Bridges de Milton Nascimento) qui pourront rappeler Ran Blake ou Patty Waters et permettent à Bosetti de jouer avec les limites de sa tessiture, instrumentaux étouffants ou poésie déconstruite. Si l’ensemble est inégal, ici ou là, « c’est possible que… ».
Alessandro Bosetti, Chris Abrahams : A Heart That Responds from Schooling (Unsounds)
Edition : 2015.
CD : 01/ Eye 02/ Reservoirs 03/ Esteem 04/ Observatories 05/ Bridges 06/ Greenhouses 07/ La Nourriture
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
The Necks : Body (ReR, 2018)
On sait que The Necks, ça tourne rond. De plus : ça tourne en rond. Ça se répète un peu, aussi, forcément, à force de tourner en rond. Mais quand on tourne en rond, la tête vous tourne de temps en temps, n’est-ce pas ? La question est de savoir, quand sort un nouvel album du trio, si celui-ci va vous la faire tourner, la tête. Hein ?
Je ne répondrai pas à cette question, il faudra lire jusqu’au bout ma petite chronique – petite, car je ne vais pas revenir sur qui c’est The Necks, sauf pour dire que c’est toujours les trois mêmes : Chris Abrahams au piano, Lloyd Swanton à la basse (mon préféré) et Tony Buck à la batterie. Le Buck en question bat de la cymbale, au début de ce CD, et le Swanton te pose deux fois la même note en attendant trois coups de balai pour te reposer deux fois la même note. Il n’y a qu’Abrahams qui a l’air de s’amuser un peu, titillant ses touches légèrement autour (lui) non pas de deux mais de trois ou quatre notes ! De temps en temps, il y en a de longues, de l'orgue qui monte, et c’est joli.
Et puis vers la (petite) vingtième minute, un archet de contrebasse casse le modal facile. Des sons d’orgues et d’instruments non identifiés s’invitent dans le trio. OK, me voilà face à une enceinte qui me crache un album de séquences sonores, rien de surprenant. Et puis vlan. Je ne vous dis rien. Je ne peux rien vous dire si ce n’est que commence le meilleur moment de l’album. Une claque entre kraut bush et Stereolab des Bermudes… Y’a même une guitare (ça m’en a tout l’air) qui retourne la chose. Bref, c’est l’effet de surprise que l’on n’attendait pas. Et même si une dernière séquence nous plonge dans un planplan séquence japonisant, c’est diantre là un très bon cru des Necks.
The Necks : Body
ReR Edition : 2018.
Pierre Cécile © Le son du grisli
The Necks : Montreuil, Instants Chavirés, 12 novembre 2013
Sur l'ardoise affichant le menu du soir à l'entrée des Instants – plat unique : le trio australien The Necks, réunissant Tony Buck (batterie), Chris Abrahams (piano) et Lloyd Swanton (contrebasse) –, on affiche « complet ». J'aurai donc l'une des dernières places, debout. Je ne m'imaginais pas d'ailleurs (pourquoi, je ne saurais le dire) qu'un concert d'un groupe qui s'appelle The Necks pouvait s'écouter autrement que... debout. Un peu comme un concert de The Ex, en somme. En quoi je me trompais, The Necks n'étant pas vraiment un groupe punk (ni même, selon la nomenclature en vigueur, « avant-punk »). Que Tony Buck ait figuré l'an dernier parmi les invités aux festivités célébrant les trente-trois années d'exercice du combo néerlandais m'aura attiré – par erreur, pour ainsi dire. Erreur qui s'est avérée, comme souvent les erreurs, grosse de découvertes.
Toutes les chaises étant occupées, il ne reste plus qu'une marche et quelques demi-mètres carrés au sol pour s'installer et écouter ce « groupe culte » dont je ne connais rien. De la dense assistance présente, au milieu de laquelle un membre de Hubbub côtoie les disquaires du Souffle Continu, et le patron de Dark Tree, de nombreux jeunes gens venus un numéro de Wire sous le bras, je dois bien être le seul, en effet, à ne pas être initié. Mes petites observations faites, la musique commence. Et pour un candide, c'est encore plus déroutant. Non pas, de prime abord, du fait du caractère de la musique. Mais d'entendre une ritournelle à la Michael Nyman, sur un piano non préparé, bref quelque chose d'à peu près conventionnel en ces lieux et devant une assistance a priori peu encline à ces façons, quel comble !
Fausse piste, bien sûr : un quart d'heure après – et l'opération marchera pendant les deux heures du concert –, l'anodine leçon de piano se dilate dans des proportions hallucinatoires, habitant des motifs mélodico-rythmiques ultra-brefs, répétitifs et graduellement déphasés. Cela rappelle évidemment quelque chose : la musique de The Necks, comme celle du Steve Reich de Music for 18 musicians, exerce un pouvoir de fascination proportionnellement égal à la visibilité concrète de ses processus, de son fonctionnement. Les traits sont visibles, les signaux évidents, la progression linéaire, et ce peut-être d'autant plus que le contexte est improvisé. Pourtant, on se retrouve périodiquement à nager dans des vagues et des creux sonores d'une invraisemblable densité, sans savoir comment on en est arrivés là, tournant autour d'un centre en perpétuel élargissement. De loin en loin on aperçoit les trois gars sur la scène qui, sobrement, sans un geste déplacé, parviennent ainsi à tout déplacer.
The Necks : Montreuil, Instants Chavirés, 12 novembre 2013.
Claude-Marin Herbert © Le son du grisli
The Necks : Mindset (ReR, 2011)
La force de The Necks est de savoir tourner en boucles sur des morceaux qui avancent dans une autre direction que celles que ces boucles conseillent. Sur Mindset, leur seizième, deux nouveaux titres montrent que cette force oeut faire effet de différentes façons.
Sur le premier, le piano (Chris Abrahams) emboîte le pas à l’association de la contrebasse (Lloyd Swanton) et de la batterie (Tony Buck) : le power trio profite de son expérience et de ses expériences (minimalisme vs jazz vs rock) pour tailler dans le filet un beau morceau bruitiste et répétitif. Sur le second, The Necks va lentement & fait plus de cas du silence et de l’électronique. Cette fois c’est la basse qui se fait attendre. Mais lorsqu’elle arrive, un riff de batterie la soutient et un sifflement nous fait comprendre que le trio bout véritablement. A ce point que Daylights devient rapidement un mélange de jazz et de post-rock charismatique, qui dépasse de loin toutes les tentatives du Chicago Underground.
The Necks : Mindset (ReR / Orkhêstra International)
Edition : 2011.
CD / LP : 01/ Rum Jungle 02/ Daylights
Pierre Cécile © le son du grisli
The Necks : Silverwater (ReR, 2010)
Saccadé, répétitif, bouleversant. Le nouvel album (ou le nouveau titre) de The Necks est tout ça à la fois : Silverwater a été enregistré en studio, ce qui change la donne. Enfin, au niveau son, car Silverwater est encore une longue divagation sonore dont chaque parcelle pourrait être une des pistes de la même chanson. Une longue divagation sonore à la The Necks : les pistes se succèdent au lieu d'apparaître en parallèle, et les repères en sont changés.
Avec un calme olympien, Chris Abrahams, Lloyd Swanton et Tony Buck envoûtent leur auditeur en usant d'un orgue et de gimmicks de toutes sortes (guitare, basse), de gimmicks de toutes sortes et d'un orgue. On ne peut que répéter : irrésistible, irrésistible, irrésistible...
The Necks : Silverwater (Rer / Orkhêstra International)
Edition : 2010.
CD : 01/ Silverwater
Pierre Cécile © Le son du grisli
The Necks : Drive By (Rer, 2003)
Hey mon ami ! Tu es en voyage ? Tu cherches comment dormir n’importe où ? Very simple ! Ecoute The Necks ! Tu mets ton casque, tu t’affales tranquille, tu glisses le disque Drive By. Ok ? C’est peut-être un des meilleurs albums de ce surprenant trio australien. Dès le début je kiffe. As de la variation : c’est lent comme quand tu roules à 180 km/h sur l’autoroute A4 juste dans la descente avant la sortie Fresnes-en-Woëvre dans le sens Paris / Strasbourg.
Chris Abrahams (piano), Tony Buck (drums), and Lloyd Swanton (bass) forment cet orchestre. Jamais pareil, pourtant un peu semblable, tout bouge, tout reste, comment dire ce qui les animent ? Une transe du tympan ? Le son fait vibrer les mêmes terminaisons, excite les mêmes molécules de viande... Je sais pas comment ça marche, mais on sent bien que le chemin parcouru se répète sans jamais s’imiter et toi tu décolles doucement mais sûrement, le son fait son effet, drogue légal, toujours pas interdite en France, étonnant...Profitons en encore tant qu’il est temps.
La musique de ce trio australien, m’a beaucoup servi ... Et oui, ça sert la musique ! Elle m’a aidé à dormir, à me réveiller, à regarder la nature, à imaginer, à rouler, bref, c’est comme qui dirait platement mais sûrement un terreau fertile... Alors pour cette revue j’ai réécouté Aquatic / Drive By / Mosquito / See Through, que du bon... Y a un site web sur lequel tu trouves tout ! Bonne écoute ! Au fait, le dernier est sorti y a peu, pas encore écouté... Silverwater. Affalons-nous !
The Necks : Drive By (Rer)
Edition : 2003.
CD : 01/ Drive By
Xavier Charles © Le son du grisli
Xavier Charles est clarinettiste. Entendu mercredi à Stockholm auprès de John Butcher et Axel Dörner, il entame ce soir une tournée avec Dans les arbres : Nantes (Pannonica ce soir), Tours (Festival Total Meeting le 5), Berne (Dampfzentrale le 8), Genève (Cave 12 le 9), Oslo (le 10) et Hamburgsund (le 12).