Jonathan Finlayson & Sicilian Defense : Moment & the Message (PI, 2013)
La Sicilan Defense n’étant autre qu’une tactique de jeu d’échecs, le contrat est on ne peut plus clair pour Jonathan Finlayson et ses amis (Miles Okazaki, David Virelles, Keith Witty, Damion Reid) : stratégie(s) toute(s) !
La complexité si bien cultivée par Steve Coleman se retrouve ici, à quelques détails près, cloitrée dans la musique anguleuse du trompettiste. Problème : pour le chroniqueur qui ne voit – et n’entend – qu’impasse et cul-de-sac dans le M’Base Collective, le jugement risque d’être hâtif et sans appel. Et s’il veut bien reconnaître à Sicilian Defense quelques belles vertus (contrepoints soutenus, dialogue sur le vif ou à distance entre trompette et guitare), le chroniqueur rechigne à évoquer le cousinage d’un JS Bach ou d’un Henry Threadgill (deux stratèges aux idées qui sonnent) qu’ont semblé percevoir quelques-uns de ses confrères.
Jonathan Finlayson & Sicilian Defense : Moment & the Message (PI Recording / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Circus 02/ Lo Haze 03/ Ruy Lopez 04/ Carthage 05/ Tensegrity 06/ Le bas-fond 07/ Tyre 08/ Fives and Pennies 09/ Scaean Gates
Luc Bouquet © Le son du grisli
Steve Lehman : Dialect Fluorescent (Pi, 2012)
Pour avoir plusieurs fois regretté que Steve Lehman ne mette sa sonorité singulière au service d’une musique qui le soit au moins autant, faudra-t-il dire de Dialect Fluorescent – enregistré en trio avec le contrebassiste Matt Brewer et le batteur Damion Reid – qu’il est un disque qui n’est pas loin de tenir de l’exception ?
Sans savoir si, enhardi par l’exception, Lehman envisagera de changer de cap, goûtons pour l’heure aux effets sur son langage d’airs choisis (Mr.E. de Jackie McLean et Jeannine de Duke Pearson, que l’alto soumet avec délice à l’épreuve de ses phrases courtes et bancales) et même à quelques compositions originales : Allocentric, dont la marche contrariée sans cesse par une fièvre inspirante que se transmettent les musiciens engage son auditeur, ou Pure Imagination sur lequel Lehman démontre sa force de frappe et convainc de ses dispositions pour l’art du rebond.
Mais – est-ce rassurant ? – Lehman reste Lehman, et voici qu’en Dialect Fluorescent se glissent quelques brouillons (euphémisme) qui le lestent : Foster Brothers et Fumba Rebel (tentatives perdues d'avance de funk hors de portée si ce n'est hors-sujet) ou, moins avilissant tout de même, Moment’s Notice, reprise de Coltrane épaissie par une section rythmique bravache. Ceci étant : trop tard, le mieux est fait et, si l’on sait qu'il est l’ennemi du bien, rien n’empêche de profiter d’un mieux quand l’occasion s’y prête.
Steve Lehman : Dialect Fluorescent (Pi Recordings / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Allocentric (Into) 02/ Allocentric 03/ Moment’s Notice 04/ Foster Brothers 05/ Jeannine 06/ Alloy 07/ Pure Imagination 08/ Fumba Rebel 09/ Mr. E.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Rudresh Mahanthappa, Steve Lehman : Dual Identity (Clean Feed, 2010)
Dual Identity serait donc l’exemple parfait du disque enregistré par une formation conduite par de brillants musiciens – les saxophonistes Rudresh Mahanthappa et Steve Lehman, dont la singularité à l’alto n’est plus à démontrer – qui peine pourtant à convaincre, voire déçoit beaucoup. Si ce n’est sur exceptions (Manifold pour Lehman et The Beautiful Enabler pour Mahanthappa), la jeune discographie des deux saxophonistes a déjà beaucoup pâti de choix de productions pompiers, sur lesquels l’un et l’autre se sont même entendus sous le nom de Lehman (Travail, Transformation and Flow) : Dual Identity – disque qui emprunte son nom à un quintette naissant –, donc, de remettre ça.
Tout avait pourtant assez bien commencé à entendre les deux premiers titres d’un concert enregistré au Braga Jazz Festival l’année dernière : « The General » et « Foster Brothers » révélant l’entente au son de mélodies tournant en boucle avec une intensité assez remarquable pour se tenir à distance de l’écueil jazz rock – le guitariste Liberty Ellman se montrant jusque-là d’une discrétion maligne. Et puis, sur SMS (SIC), voici le même guitariste exploitant avec une ardeur nouvelle mais aussi une inconsistance épatante une gamme pentatonique qui anéantira la raison qui guidait jusque-là le quintette.
En suiveurs motivés, Matthew Brewer à la contrebasse et Damion Reid à la batterie adoptent le parti pris vide et voici que l’écueil cité plus haut finit par faire son trou. Béant, celui-ci, au point que Mahanthappa et Lehman en arrivent à « sonner français » – évoquer ici rapidement l’école Lourau et associés qui n’en finit plus d’investir le domaine du jazz comme d’autres enregistrent (avec plus de discrétion tout de même) les plages sonores sensées faire patienter l’auditeur de France Info entre deux flashs identiques. Soporifique et, pour ce qui est de l’association Mahanthappa / Lehman, contraignant.
Rudresh Mahanthappa, Steve Lehman : Dual Identity (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 6 mars 2009. Edition : 2010.
CD : 01/ The General 02/ Foster Brothers 03/ SMS 04/ Post-Modern Pharaohs 05/ Extensions of Extensions of 06/ Katchu 07/ Circus 08/ Resonance Ballad 09/ Rudreshm 10/ 1010 11/ Dual Identities
Guillaume Belhomme © Le son du grisli