Claudio Parodi : A Tree, at Night (Luscinia, 2015)
Les effets de Prima del Terzo ne s’étaient pas encore dissipés que se faisaient entendre les neuf pièces d’A Tree, at Night. Après avoir mis le port de Chiavari en bouteille, c’est vers ses habitants – réels ou fantasmés : Claudio Parodi aux voix, tout comme Luigi Marangoni, Bobby Soul, Carlo De Benedetti et Ratti – que Parodi semble ici tendre ses micros.
Certes, on entendra quelques notes de sanza, un brin d’italien chanté changé soudain en conversation – on soupçonne plusieurs fois un maladroit jeu d’acteurs – et quelques boucles de voix arrangées sur plusieurs pistes. Folie radiophonique, A Tree, at Night est en fait un conte dont les mots nous échappent et dont, aussi et malheureusement, le théâtre nous perd rapidement.
Claudio Parodi : A Tree, at Night
Luscinia Discos
Enregistrement : 2012-2013. Edition : 2015.
CD : 01/ A Tree, at Night 02/ Il Sediosauro 03/ Corridoio, la Donna bicipite 04/ Scale, Foglia rinsecchita 05/ Sutra di Guscio di Lumaca 06/ Il Maniaco della Pulizia 07/ Sentenza n. 2255 08/ The Red Bad Cat Gang 09/ Feather of an Eagle
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Claudio Parodi : Prima del Terzo (Unfathomless, 2015)
Sans image : il y a la présence de la mer – en tout cas celle du vent qui, même de loin, la ramènerait. On aura beau tendre l’oreille, cette mer n'est-elle pas en fait la rumeur d’un trafic à moteurs ? Certes moins oppressant que celui qu'Akio Suzuki nous fit entendre en Tubridge 99-00, mais quand même…
Il suffira d’ouvrir la pochette du disque pour trouver trois photos-indices : un port, celui (lira-t-on) de Chiavari, en Ligurie. C’est là que vit Claudio Parodi et c’est là qu’il s’est promené, Zoom H2 en main, pour répondre au souhait du label Unfathomless, qui est celui de publier des « phonographies » capables de rendre l’esprit d’un endroit.
Ce qui interpelle, dans le cas de Parodi, est qu’il dit avoir écrit Prima del Terzo après avoir récolté ses premiers enregistrements de terrain et avant d’avoir attrapé les derniers éléments qui la constitueront. Il y a donc bien « composition » : le passage d’une oreille (ou enceinte) à l’autre est d’ailleurs l’un de ses partis pris. Rumeur des transports, clapotis de l’eau, grincements de quels objets de métal, bruit de câbles claquant contre les mâts de bateaux, jets de bouteilles en conteneur en guise d’unique chanson de fin de soirée… Le Chiavari de Parodi est discret car quasi désert, ses bateaux semblent à l’abandon, et l’humanité qui les a désertés fait un bruit de déchet. Si l’on résume : tout pour plaire.
Claudio Parodi : Prima del Terzo (Unfathomless)
Enregistrement : 2012-2013. Edition : 2015.
CD : 01/ Vrúah 02/ Elohim 03/ Merahèfet 04/ Al Penè 05/ Hammàim
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Solos Expéditives : Peter Brötzmann, Claudio Parodi, Alessandra Eramo, Claudia Ulla Binder, Erik Friedlander...
Naoto Yamagishi : Hossu no Mori (Creative Sources / Metamkine, 2015)
Peau sur peaux, tiges sur peaux, archet sur peaux, ongles sur peaux, Naoto Yamagishi indispose le silence de ses crissements et grincements. Inlassablement, il râcle les futs, écartèle doucement les périphéries et s’abandonne à quelques ricochets sur percussions sensibles. Se risque parfois à coordonner le désordre et à impulser quelque drone accidenté. Mais, trop souvent, passe et repasse par le même chemin. (lb)
Lucie Laricq : Poèmes enviolonnés / Violonisations (Coax, 2015)
Dans un premier temps (CD 1), Lucie Laricq embarque son violon baroque en de virulentes virées... baroques, déclame sa propre et forte poésie, soutient son violon d’une basse-garage, expose sa voix aux hautes fréquences, arpente un blues dégueulasse (c’est elle qui le dit, et on souscrit), ferait presque du Bittova trash. Dans un second temps (CD 2), la violoniste fait grincer cordes et ne crisse jamais pour rien, délivre la mélodie de sa noire prison. Pour résumer : il fait bon être violon entre les mains de Lucie Laricq. (lb)
Erik Friedlander : Illuminations / A Suite for Solo Cello (Skipstone, 2015)
L’ombre du cantor ne semblant pas avoir impressionné Erik Friendlander durant l’enregistrement de cette suite pour violoncelle solo en dix chapitres, le violoncelliste se déploie en archet très baroque ou en pizz libéré. Prélude, madrigal, chant, pavane : autant de clins d’œil nécessaires aux lumières baroques auxquels s’immiscent quelques épices des Balkans ou quelque banderille arabo-andalouse. Dans cette suite, souvent mélancolique, on ne trouvera aucune dissonance ou technique étendue : juste une claire et directe beauté. (lb)
Claudio Parodi : Heavy Michel (Creative Sources / Metamkine, 2015)
Sur clarinette turque et en mode méditatif, Claudio Parodi explore, recherche, n’abandonne jamais l’étude de l’instrument quitte à passer plusieurs fois par les mêmes chemins. En quatre longues plages, il explore-dissèque techniques étendues et clarté des lignes. Vont ainsi se succéder, s’enchâsser, se retrouver : unissons et modulations, souffles-murmures, harmoniques douces ou amères, sifflements et vibratos, fins caquetages, tentation du cri, polyphonies et molles stridences. Ni singulier, ni fastidieux. Mais intime et tout à fait convaincant. (lb)
Peter Brötzmann : Münster Bern (Cubus, 2015)
Seul à la Collégiale de Berne : Peter Brötzmann, le 27 octobre 2013. L’espace alloué permet qu’on y disperse les vents et les méthodes sont nombreuses : frappe à l’ancienne, secouage, propulsion, enfouissement, dérapage, citation (Dolphy au côté de Mingus, ou Coleman)… Car l’air n’est pas en reste : jouant de l’épaisseur de l’instrument qu’il porte comme il le ferait de celle d’un pinceau japonais, Brötzmann trace une ligne mélodique qui impressionne par l’histoire qu’elle raconte et celle, plus longue, qui l’enrichit. (gb)
Alessandra Eramo : Roars Bangs Booms (Corvo, 2014)
Désormais (semble-t-il) affranchie du pseudonyme d’Ezramo, Alessandra Eramo s’empare de huit travaux onomatopéiques – assez pour un quarante-cinq tours – de Luigi Russolo. Inspirant jusqu’à l’électronique moderne, le Futuriste commande ici des bruits de bouche capable aussi de chuintements ou d’interjections quand elle n’est pas occupée à rendre des chants de machines imitées. Si ce n’est sa lecture des fantaisies de Russolo, c’est le culot d’Eramo qui touche. (gb)
Claudia Ulla Binder : Piano Solo II (Creative Sources / Metamkine, 2015)
Des Quatre Têtes, une ici dépasse : celle de Claudia Ulla Binder, entendue aussi auprès de John Butcher. Enregistrée en février 2014, elle envisage une autre fois son piano en compositrice égarée entre soucis de classique contemporain et envies d’autres sonorités (le polissage d’It Takes Two to Tango ou les grattements de Polyphony III). Ici ou là, on imagine même des espoirs de chansons en négatif : Room for a Sound luttant deux fois contre les ritournelles « à la » Songs From a Room. (gb)
Claudio Parodi: Horizontal Mover (Homage to Alvin Lucier) (Extreme - 2006)
Pour avoir découvert l’improvisation au contact du contrebassiste Barre Phillips, le pianiste Claudio Parodi n’en a pas pour autant choisi de tout lui sacrifier. Pour preuve, cet hommage au compositeur Alvin Lucier, qui transporte l'Italien loin de son instrument de prédilection pour le poster derrière une machinerie électronique.
A l’image de Lucier, Parodi explore sur Horizontal Mover les possibilités acoustiques d’installations toutes personnelles, et signe une longue plage d’ambient angoissée. Là, 58 minutes d’un univers dense et trouble, fait de répétitions et de vents engouffrés, de réverbérations soudaines et de drones oscillants, s’imposent avec naturel.
Après avoir superposé quelques bourdons tout sauf complémentaires, la pièce change de ton et entame une retraite pétrie de discrétion. Jusqu’au larsen infime, d’où tout repartira, plus oppressant encore. Jusqu’à l’extinction fatale, venue à bout des résonances.
CD: 01/ Horizontal Mover
Claudio Parodi - Horizontal Mover (Homage to Alvin Lucier) - 2007 - Extreme Music.