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Le son du grisli
30 mai 2018

Harutaka Mochizuki : Through the Glass / Short Short (Armageddon Nova, 2017)

lsdg4150Cette chronique de disque est l'une des soixante-dix que l'on trouvera dans le quatrième numéro papier du son du grisli, en plus d'une longue interview de... Harutaka Mochizuki

mochizuki

Il y a presque quinze ans paraissait Solo Document 2004, premier disque du saxophoniste – et chanteur – Harutaka Mochizuki. En quatre improvisations, le jeune homme prouvait que d’un souffle voulu difficile pouvait naître une expression certaine. Au jeu des comparaisons, on pouvait oser les noms d’Albert Ayler ou de Martin Küchen, mais quelque chose n’allait pas. Les provocations de Mochizuki cachaient de toute évidence autre chose qu’une énième révérence au free jazz ou à l’improvisation libre.

Déjà en 2004, un air – pour ne pas dire une mélodie – s’insinuait au fil de l’exercice : au creux d’un souffle timide ou derrière un sifflement, une habile soustraction de notes ajoutant sans cesse au contenu musical. Aujourd’hui, le mystère reste entier et, même : après l’écoute de Through the Glass et de Short Short, deux nouveaux solos de saxophone, n’a-t-il pas épaissi ? Mochizuki a beau dire qu’il a passé du temps entre son premier solo publié et ces deux disques-là, la première intention est la même : chanter la bouche fermée par le bec d’un alto.

Vingt minutes et puis dix, voilà pour Through the Glass. Aux souffles embarrassés pourront succéder des sifflements et à un chapelet de notes amoindries un bruyant dérapage : le saxophoniste n’abandonnera jamais la mélodie étrange qu’il a construite sans même que l’auditeur s’en aperçoive. Mais lorsque le motif l’atteint enfin – ce Summertime rebelle mais qui vacille –, ce-dernier comprend qu'il n’a pas été à la hauteur. Trop distrait, ici, pour saisir telle nuance, trop occupé ailleurs à chercher, en lieu et place du musicien, une conclusion à son exercice. Pouvait-il s’attendre alors, pour finir, à ce bruit de verre brisé ? 

La seconde pièce de Through the Glass pourrait faire l’effet d’une ligne tracée à la craie sur un tableau noir. C’est donc l’histoire d’une trace et celle d’un passage, ce que redit Short Short en deux très courtes faces. C’est là une cassette tirée à 51 exemplaires, certes, mais toujours différente puisque Mochizuki les a enregistrées l’une après l’autre en combinant deux morceaux tirés de manière aléatoire d’un répertoire de dix. Quelle mélodie l’auditeur entendra-t-il alors ? Acceptera-t-il d’ignorer jusqu’au titre des deux pièces qu’il possède ?

La bande tourne déjà : le passage a commencé et la trace se laisse entendre au gré de la progression d’un alto fragile. Derrière le premier souffle il y a une, deux ou trois notes à la peine et des bruits impromptus : il y a surtout un air qui reviendra plusieurs fois, disparaîtra ensuite, reviendra à nouveau. Aussi fragile que l’instrument duquel il est sorti, aussi iconoclaste que le musicien qui l’a inventé. C’est une somme de mystères qui provoque une exceptionnelle attente.

Guillaume Belhomme © Le son du grisli

 

 

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