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Le son du grisli
simon whetham
9 mars 2011

Interview de Simon Whetham

 Whethamsli

Artiste sonore qu'inspirent les field recordings (disques publiés sous étiquettes Gruenrekorder, Entr’acte, Touch…), Simon Whetham publie ces jours-ci sur Dragon’s Eye Recordings Prayers Unheard, récit sonore et réinvention d’un récent séjour à Cracovie. Intéressant au point de le passer à la question…

Quels ont été vos débuts en musique ? Eh bien à 18 ans, j’ai commencé à jouer de la batterie, ensuite de la guitare parce que je tenais à écrire des chansons. J’ai joué de la guitare pendant une vingtaine d’années et j'ai fait partie de nombreux groupes mais à la longue ça m’a un peu fatigué, j’étouffais au sein d’un groupe… Je voulais aussi faire quelque chose de plus abstrait, sans rythme défini, sans mélodie, même si je ne savais pas par où commencer jusqu’à ce que je découvre le field recording.

Comment présenteriez-vous Prayers Unheard ? Quelle place a ce disque dans votre discographie ? Je pense que Prayers Unheard est un disque important pour moi dans la mesure où j’ai, en plus des field recordings, utilisé pour la première fois des signaux radio captés dans un endroit spécifique comme matériau brut pour mes compositions. Après avoir composé Lightyears, une commande qui m’avait été faite et dans laquelle j’utilisais presque exclusivement des éléments musicaux, j’ai commencé à réfléchir aux ondes radio qui nous assaillent sans arrêt et à leurs conséquences dans le même temps que j’élaborais des sons à partir de microphones. Ces vibrations nous atteignent très subtilement et il est possible de se servir de celles-ci si tant est qu’on possède le matériel adéquat, les amplifier, les décoder… Prayers Unheard m’a aussi fait me rendre compte combien mes propres réactions, mes émotions à un environnement, avaient un effet sur mon travail. Il ne s’agit pas de transposer sur disque un enregistrement de sons venus d’une rue de Cracovie mais plutôt de créer une musique qui soit directement en lien avec Cracovie et aussi le fruit de mon expérience personnelle, dans laquelle trouver ma façon de voir les choses et mes émotions. 

En écoutant ce disque, j’ai parfois pensé à Gershwin et d’autres fois à Gavin Bryars… L’un et l’autre sont-ils des influences ? Je ne connais pas bien Gershwin, mais ce que je sais de lui a ce même caractère émotionnel ; quant à ma connaissance de Bryars, elle est très approximative. J’ai du mal à me sentir concerné par certains de ses travaux, comme si je n’arrivais pas à les comprendre, comme s’il me fallait rechercher le pourquoi de chacune de ses propositions… J’espère que mon propre travail ne demande pas ce genre de contexte ou d’arrière plan… Pour ce qui est de mes influences, c’est un sujet délicat pour moi étant donné que j’essaye de laisser le matériau donner forme à mon travail… J’ai pu aborder quelques pièces en pensant « tiens, j’aimerais être assez silencieux ici, ou minimale », mais une fois que tu commences à travailler avec les sons, ça devient à chaque fois totalement différent !

Comment alors avez-vous « rencontré » le field recording ? J’ai dû lire quelque chose à son sujet sur le site internet Epitonic. Le terme m’a intéressé alors que j’étais sur le point de rejoindre trois artistes visuels à l’occasion d’un voyage de recherche en Islande. Ils partaient avec des caméras pour collecter du matériau pour leurs travaux et ça m’a parlé, en tant que musicien, de faire de même avec des sons. J’avais alors un lecteur / enregistreur minidisc, un pré-ampli externe et un micro AKG : je me suis mis à grimper près de cascades, de glaciers et sur des baleiniers, afin de collecter tous ces sons… La première idée était d’utiliser ces enregistrements comme point de départ pour des compositions d’ambient, mais après avoir écouté ce que j’avais enregistré – à l’époque, je ne vérifiais même pas ce que j’étais en train d’enregistrer – j’ai compris que ces sons formaient la bande-son idéale de mon voyage, de ces expériences. J’ai à cette époque aussi découvert le Weather Report de Chris Watson dans une boutique de disques de Reykjavik, 12 Tonar, ainsi que des enregistrements de Lawrence English dont je n’avais jamais entendu parler jusque-là. Des enregistrements environnements sur CD ! Ca a été un grand tournant dans ma vie !

Qu’est-ce que pourraient réussir à dire les field recordings que ne pourraient pas dire d’autres formes d’instruments ? Pour moi, j’aime avant toute chose la chasse aux sons – sortir dans un endroit avec plusieurs types de micros et voir ce que je peux y trouver. J’aime aussi beaucoup l’inattendu – tu peux penser qu’approcher un micro d’un certain type d’objet créera un son incroyable, et puis rien… Alors, tu vas voir un autre objet, près du premier, et là tu entends un son complètement fou que personne d’autre que toi ne peut entendre à ce moment précis. Cela me fait souvent sourire, et même parfois rire aux éclats !

Sur votre site internet, vous parlez de « Sound Model Making Design »… Mon site parle de mes trois champs d’action, même si je m’occupe moins de design ces temps-ci. Je suis aussi maquettiste, mais ma pratique sonore est ma véritable passion.

Vous travaillez aussi en collaboration avec des artistes à l’occasion d’installations…  Votre approche musicale est-elle différente dans cette optique ? J’ai en effet beaucoup travaillé avec des artistes, et la liste s’allonge sans cesse. J’ai une exposition itinérante qui s’appelle Active Crossover et qui m’a permis de collaborer avec Douglas Benford, Iris Garrelfs, Paul Khimasia Morgan, Charlie Romijn, Michael  Blow, Felicity Ford, KIWA, Maksim Shentelev, Andi Chapple, Rowan Forestier-Walker, Dominic Lash, Sound Meccano, Cheapmachines, Martin Franklin, Ian Murphy, Toomas Thetloff, Jonathan Coleclough, John Grzinich, Dylan Nyoukis, Alexander Thomas, Mark Durgan, Joined By Wire, Shawn Pinchbeck, Jez riley French, Daniel Jones, Colin Potter et Joseph Young… Ce projet présente l’état actuel de mon travail, mes réactions aux différents endroits où il a été monté ainsi que mes diverses collaborations. L’exposition est faite de telle sorte que vous pouvez soit écouter mon travail isolément, soit vous focaliser sur celui des artistes invités ou encore voir ce que donne la rencontre des deux dans un troisième espace, ces créations qui évoluent sans cesse.

Vous avez écrit : Dans mon travail, j’essaye d’amener l’auditeur à faire attention à des sons que l’on ne remarque pas d’habitude. En tant qu’amateur de sons, quelle votre idée du silence ? Je ne suis pas sûr que cette chose existe…. Et c’est tant mieux !

Simon Whetham, mars 2011.
Héctor Cabrero @ Le son du grisli

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