Jean-Luc Guionnet, Dedalus : Distances Ouïes Dites (Potlatch, 2016)
A la composition, c’est Jean-Luc Guionnet. A l’interprétation, l'ensemble Dedalus. L’endroit, qui a son importance, est le Consortium, centre d'art contemporain de Dijon, dont les différentes salles accueillirent pour l’occasion l’un ou l’autre des huit musiciens (Cyprien Busolini, Deborah Walker, Vincent Bouchot, Eric Chalan, Christian Pruvost, Thierry Madiot et Didier Aschour) que Guionnet a pris soin de disperser.
La partition donnée semble receler de directives (« faire mentir l’aphorisme… », « imitation de l’imitation », « arpenter les salles », etc.) que l’auditeur pourra choisir d’ignorer – après tout, lui n’a pas à être interprète, d’autant que l’exercice lui a récemment coûté sur le, finalement, peu convaincant HOME: HANDOVER. En revanche, il ne pourra faire autrement – et on l’y incitera même – que pénétrer ce grand vaisseau qui tangue dont les salles sont ouvertes à tous les vents et à toutes les intentions – coups d’archet, silences, souffles appuyés, écoutes…
Au gré des minutes, il semble qu’il approche de plus en plus de ces musiciens qui vagabondent, progressant d’abord timidement pour se méfier des angles de la distribution pour intervenir ensuite en recrues volontaires. De coups d’éclat en discrétions, les voici effleurant un minimalisme lâche (la guitare électrique d'Aschour fera d’un court motif un prétexte adéquat au langage) ou arrangeant des décisions prises sur commande avec assez tact pour réussir à s’entendre. Le public présent dans la salle attribuée à Busolini – à en croire le plan imprimé sur la pochette du disque –, applaudira au terme de l’épreuve. Est-ce à dire qu’il aurait été à la hauteur de l’expérience ? Alors, qu’on le mette sous cloche, il pourra resservir.
Jean-Luc Guionnet, Dedalus : Distances Ouïes Dites
Potlatch / Orkhêstra International
Enregistrement : 1er mars 2013. Edition : 2016.
CD : 01/ Distances Ouïes Dites
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Giacinto Scelsi : Tre Canti Popolari / Due Componimenti Impetuosi (Sub Rosa, 2010)
Giacinto Scelsi fut un personnage de roman – on pense à l’atmosphère d’Ashby de Guyotat – qui s’extrayait du concret en se penchant sur ses travaux d’hors-écoles. E come ? En sachant ses classiques et son dodécaphonisme, et encore plus en comptant sur sa foi en lui-même, certes pas imperturbable mais soutenue par des fulgurances folles. Tout cela pour servir la musique, cet art qui l’attirait.
Il faut absolument réentendre cette musique, celle de Giacinto Scelsi, sur deux disques réédités ces jours-ci par Sub Rosa. Ils expliquent de quoi retourne, retourne et non pas retournait, la musique de Giacinto Scelsi. Le piano répétitif est usé jusqu’à la corde, la voix ondulatoire est porteuse d’émotions transmissibles (qu’elle soit échappée d’un chœur antique et se lamente, seule, au milieu des ruines d’un temple ocre et vieux ou bien qu’elle interpénètre le chant de trois autres voix qui lui répondent). Le deuxième disque est tout de pianos, l’instrument assommé inspecte de fond en comble toute la structure d'un son, le son mille-feuille difficile à entendre dans son intégralité mais charmant et même mille fois plus que cela, pour avoir été accouché par Giacinto Scelsi en personne. Qu’il faut absolument réentendre, si jamais vous aviez sauté une ligne ou deux et étiez passé à côté de ce conseil…
Giacinto Scelsi : Tre Canti Popolari / Due Componimenti Impetuosi (Sub Rosa / Orkhêstra International)
Edition : 2010.
CD1 : 01-03/ Tre canti popolari 04-05/ duo 06-07/ Wo Ma 08-09/ Sauh 10/ Aitsi – CD2 : 01-03/ Sonate #4 04-12/ Suite #11
Héctor Cabrero © Le son du grisli