Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

John Zorn : In the Hall of Mirrors (Tzadik, 2014)

john zorn in the hall of mirrors

Un auditeur ne connaissant pas l’astuce trouverait en Stephen Gosling un pianiste téméraire et à l’imagination débordante. Un auditeur connaissant l’astuce n’aurait d’autre choix que d’admettre la fulgurance de cette musique.

L’astuce, la voici : John Zorn a composé six pièces (oublions la première, sorte de muzak d’un autre âge) et a rédigé la complexe partition de piano pour Stephen Gosling, lequel se charge d’en être l’interprète, et seulement l’interprète. Greg Cohen (contrebasse) et Tyshawn Sorey (batterie) disposent, eux, de la liberté d’improviser à leur guise autour de la partition de Zorn.

Le résultat est convaincant. Le malin (pour ne pas dire plus) Zorn jette de l’huile sur le feu en renvoyant dos à dos improvisation et écriture. Ce n’est pas la première fois, ce ne sera pas la dernière. Reste qu’ici ses choix compositionnels, adoptés des codes de l’improvisation, des musiques contemporaines ou sérielles, font toujours bon ménage. Oui, malin ce Zorn qui putréfie la ballade (In Lovely Blueness), lui offre un sonique-solide cluster avant d’égrener quelques lumineuses gymnopédies. Malin comme un Zorn, pourrait-on même écrire.

John Zorn : In the Hall of Mirrors (Tzadik / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2014. Edition : 2014.
CD : 01/ Epode 02/ Maldoror 03/ Tender Buttons 04/ In Lovely Blueness 05/ Illuminations 06/ Nightwood
Luc Bouquet © Le son du grisli



Mike Pride : Drummer's Corpse / Mike Pride's From Bacteria To Boys : Birthing Days (AUM Fidelity, 2013)

mike pride drummer's corpse birthing days

La mort déborde de Drummer’s Corpse. Il y a d’abord ces glas qui ouvrent le bal. L’agonie n’est alors plus très loin qui éclate quand une armada de batteurs-percussionnistes (Mike Pride, Oran Canfield, Russell Greenberg, Eivind Opsvik, John McLellan, Chris Welcome, Yuko Tonohira, Bobby Previte, Ches Smith, Tyshawn Sorey, Marissa Perel, Fritz Welch)  martèle une bronca héroïque (on se croirait chez Branca). De ce sarcophage sonique s’extraient et s’incrustent cris, râles, torsions. La vibration est continue, le drone est d’acier, l’issue ne pourra être que fatale.

Tout aussi mortifère et gangrénée est Some Will Die Animals. Une guitare se fait koto, une contrebasse sirote puis s’emmourache du drame, des toms viennent fracasser des dialogues empilés (on se croirait chez Godard). Le lugubre n’en finit pas de frapper à nos oreilles.

En totale opposition à Drummer’s Corpse et inspiré par la naissance du premier fils de Mike Pride, Birthing Days joue la carte de la complexité rythmique, du vertige, du tournis. Seule une ballade (Lullaby for Charlie) vient calmer ce déluge irraisonné. Du jazz, de l’improvisation, de la fusion poussiéreuse et, toujours, une manie à jouer de l’insaisissable. Des retournements de situation(s) à l’exercice de style, il n’y a qu’un pas. Et malgré les interventions musclées et souvent inspirées de Jon Irabagon et d’Alexis Marcelo, la machine tourne à vide.

Mike Pride : Drummer’s Corpse (Aum Fidelity / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Drummer’s Corpse 02/ Some Will Die Animals
Luc Bouquet © Le son du grisli

Mike Pride's From Bacteria to Boys : Birthing Days (Aum Fidelity / Orkhêstra Intenational)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ 79 Beatdowns of Infinite Justice, the 02/ Birthing Days 03/ Marcel’s Hat 04/ Brestwerp 05/ Lullaby for Charlie 06/ CLAP 07/ Fuller Place 08/ Pass the Zone 09/ Occupied Man 10/ Motion
Luc Bouquet © Le son du grisli


Roscoe Mitchell : Duets with Tyshawn Sorey and Special Guest Hugh Ragin (Wide Hive, 2013)

roscoe mitchell duets with tyshawn sorey and special guest hug ragin

De silences introspectifs en grand charivari, Roscoe Mitchell, Tyshawn Sorey et Hugh Ragin démontrent qu’un disque n’a aucunement obligation d’unité. Quand on espère la souplesse des futs de Sorey c’est un piano qui déboule. Un piano fait de braises et de cendres. Un piano pour se brûler les ailes. Roscoe Mitchell, parfait décomposeur d’habitudes, insiste sur de scintillants carillons avant de convoquer un spectre de souffles allant du plus grave au plus aigu. Et Ragin, de trancher dans le vif des ses aigus mordants.

Et les styles n’ont plus le moindre besoin de s’énoncer. Ils s’agitent et forent de nouvelles pépites. Désirez-vous du free, des songes intérieurs, de modernes motets, des zébrures appuyés, du répétitif fluet ? N’en doutez pas : vous allez être servis.

Roscoe Mitchell : Duets with Tyshawn Sorey and Special Guest Hugh Ragin (Wide Hive / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ The Horn 02/ The Way Home 03/ Bells in the Air 04/ Out There 05/ Scrunch 06/ A Cactus and a Rose 07/ Chant 08/ Meadows 09/ A Game of Catch 10/ Waves 11/ Windows with a View
Luc Bouquet © Le son du grisli


Max Johnson : Quartet (Not Two, 2012)

max johnson quartet

Six compositions de Max Johnson font le matériau du premier enregistrement du contrebassiste : Quartet. Dans la formation qu’il y emmène, trouver Steve Swell (trombone), Mark Whitecage (saxophone alto et clarinette) et Tyshawn Sorey (batterie) – tous partenaires rassurants lorsqu’il s’agit d’improviser un peu au sein de structures mouvantes.

Ainsi la verve roublarde de Swell guide-t-elle Elephant March, morceau de jazz pétri de soul autant qu’Iset-Ra le sera de candeur exotique – l’alto de Whitecage rappelant les expériences ambigües de Dolphy auprès du Latin Jazz Quintet – quand les changements d’allure de Sorey (moins « agaçant » qu’à l’ordinaire) se chargeront de remodeler sans cesse les expérimentations et excentricités des solistes sur 60-66.

C’est alors Lost & Found et Atonement qui disent, davantage encore, la singularité de Johnson : respectivement au son d’un archet qui s’exprime dans la convulsion et sur l’air d’un joli thème rappelant l’art of the song de Charlie Haden et qu’emporte lentement la clarinette de Whitecage. Voilà de quoi retourne ce Quartet engageant.

Max Johnson : Quartet (Not Two / Products from Poland)
Edition : 2012.
CD : 01/ Elephant March 02/ Lost & Found (for Henry Grimes) 03/ Disharmony in 5 Notes of Less 04/ 60-66 05/ Atonement 06/ Iset-Ra
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Tyshawn Sorey : That / Not (Firehouse 12, 2007)

tygrislisorey

Merci au jeune guitariste turco-suisse Yaman Palak de m'avoir fait découvrir ce joyau new-yorkais. Le percussionniste Tyshawn Sorey transmue les sons de la batterie, du piano, du trombone et de la basse, dans un miroir des plus poétiques. Sur le double disque That / Not, la réflexion se situe dans cette région imperceptible qui existe entre “différence” et “similarité”. La question y est le “pourquoi” et le “comment”.

Merci pour la clairvoyance de ces 43 minutes de Permutations for Piano Solo sur cet album enregistré en 2007. La particularité d’une réflexion des plus concentrées et lucides repose dans mon rayonnage de souffles éthérés, où l’on trouve aussi les couleurs de For Bunita Marcus, les blanches vibrations d’Alvin Lucier et les îles imaginaires d’Anthony Braxton.

Tyshawn Sorey : That / Not (Firehouse 12)
Edition : 2007.
CD1 : 01/ Leveled 02/ Template I 03/ Sympathy 04/ Permutations For Solo Piano 05/ Seven Pieces Fo Trombone Quartet 06/ Template II 07/ That/Not Songs - CD2 : 01/ Sacred and Profane 02/ Template III 03/ Four Duos 04/ Cell Block 05/ That's a Blues, Right? 06/ Template IV 07/ Commentary
Hildegard Kleeb © Le son du grisli

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Hildegard Kleeb est pianiste. Interprète de Morton Feldman, Alvin Lucier, Maria de Alvear ou encore Anthony Braxton, elle donnait récemment sur World News sa lecture de thèmes signés Peter Hansen.



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