Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Mazz Swift, Tomeka Reid, Silvia Bolognesi : Hear in Now (Rudi, 2012)

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Si ce n’est l’orchestration et une certaine mélancolie bartokienne, le classicisme déserte la musique de Mazz Swift, Tomeka Reid et Silvia Bolognesi. N’ayant pas le jazz dans sa poche mais dans ses vifs archets, chacune des compositions de ce disque rivalise de clarté et d’audace.

Les thèmes sont tranchants comme des couperets mais le motif est élémentaire, plus rythmique que mélodique, et l’une peut facilement poursuivre ce que l’autre a commencé. Ainsi, en s’échangeant les rôles mais en n’abusant jamais de la formule, les cordes peuvent s’entrelacer, tout en assurant une métrique précise. Les cordes ne sont jamais grouillantes mais attirent de vifs glissendis en leur centre, un petit peu à la manière d’un William Parker, conquis et signant, ici, d’élogieuses notes de pochettes. Les surprises ne sont pas rares (un chant érudit et lumineux qui s’élève en fin d’enregistrement, un archet très Donald Duck que n’aurait pas renié un Chambers des grands soirs) et finissent de nous rendre ce disque indispensable.

Mazz Swift, Tomeka Reid, Silvia Bolognesi : Hear in Now (Rudi Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Cakewalk 02/ Spiderwoman 03/ Bassolo / Far East Suite 04/ La citta’ di loup 05/ L’albero secco 06/ Effendi 07/ Ova 08/ Impro I 09/ Ponce 10/ Malitalian Lullaby
Luc Bouquet © Le son du grisli



Joe McPhee, Dave Rempis, Tomeka Reid, Paal Nilssen-Love : Of Things Beyond Thule (Aerophonic, 2020)

A l'occasion (et jusqu'à) la parution, à la fin du mois d'avril 2022, de l'anthologie du Son du grisli aux éditions Lenka lente, nous vous offrons une dernière salve de chroniques récentes (et évidemment inédites). Après quoi, ce sera la fermeture. 

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16 décembre 2018, Hungry Brain de Chicago : une même soirée et deux disques pour la raconter – un vinyle (vol 1) et un CD (vol. 2).

Joe McPhee, Dave Rempis, Tomeka Reid et Paal Nilssen-Love : quatre musiciens pour un flipper. La première bille claque, le reste est question d’intuition et de savoir-faire : le saxophone dans les hauteurs, déjà, échappe aux cinglants coups d’archets de Reid ; la trompette laisse faire, fabrique à distance un antivenin pour ouvrir ensuite la marche.

Dans la forêt de cordes qu’élève avec délicatesse la violoncelliste, Nilssen-Love s’occupe de faire tomber des branches ; malgré les obstacles, McPhee et Rempis jouent de notes longues et de souffles filés. Quand le premier passe au saxophone ténor, l’envie d’en découdre revient, auquel le quartette s’adonne avant de s’en défendre : voilà le « faire ce qu’il me plaît, avec les gens que j’apprécie » dont parlait Joe McPhee.

 

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Nicole Mitchell : Xenogenesis Suite (Firehouse 12, 2010)

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Sur disque, Nicole Mitchell n’a pas toujours réussi à convaincre du talent qu’on a quand même raison de lui prêter. Mais avec Xenogenesis Suite, la flûtiste rattraperait ses faux-pas…

A la tête de son Black Earth Ensemble, elle consacre là un disque-hommage à l’œuvre de l’écrivaine de science-fiction Octavia Butler et fait preuve d’une inspiration surprenante. Qui mêle dès l’ouverture envolées répétitives commandées par la voix de Mankwe Ndosi (assez subtile pour ne pas donner dans le spoken-word élémentaire comme l’entier ouvrage l’est aussi pour ne pas suivre lourdement les traces laissées par le vaisseau de Sun Ra) et déconstructions intenses qui refusent de mettre encore leurs notes au service d’un lyrisme flamboyant.

Parfois même, les musiciens s’en tiennent à un simple canevas sonore – entendre le duel remarquable auquel se livrent par exemple le violoncelliste Tomeka Reid et le contrebassiste Josh Abrams – sur lequel Mitchell pourra envisager le prochain paysage et commander un autre récitatif las. Si ce n’est sur sa fin – le piano de Justin Dillard trahissant là les mauvaises conditions dans lesquelles se passe l’atterrissage –, le voyage est étonnant et donc recommandable.

Nicole Mitchell’s Black Earth Ensemble : Xenogenesis Suite : A Tribute to Octavia Butler (Firehouse 12 / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2007. Edition : 2010.
CD : 01/ Wonder 02/ transition A 03/ Smell of Fear 04/ Sequence Shadows 05/ Oankali 06/ Adrenalin 07/ transition C 08/ Before and After 09/ Drawn of a New Life
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Nicole Mitchell’s Black Earth Strings : Renegades (Delmark, 2009)

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Le Black Earth Strings est une émanation du Black Earth Ensemble, emmené par la flûtiste Nicole Mitchell. On y retrouve le contrebassiste Josh Abrams et la violoncelliste Tomeka Reid et y sont accueillis la violoniste Renee Baker et la percussionniste Shirazette Tinnin. Il plane sur cette session le même esprit que dans l’Ensemble : celui de la Great Black Music.

Rappelons que Nicole Mitchell est vice présidente de l’AACM, cette association chicagoane qui rassemble des musiciens et dont Lester Bowie, membre fondateur, définissait ainsi le propos : « contribuer à développer la personnalité des jeunes musiciens afin de créer une musique d'un haut niveau artistique à l'attention du grand public ». Soulignons aussi que c’est sur Delmark, historique label indépendant, que sort ce disque.

L’instrumentation évoque tantôt la musique de chambre européenne (le violon, le violoncelle, l’alto et la contrebasse, comme en témoigne Symbology # 1), le jazz (la pulsation de la contrebasse et de la batterie sur Mama Found Out) ou l’Afrique (quand Abrams s’emparant du gembi accompagne les percussions de Tinnin sur Windance). Et c’est la flûte, un des plus anciens instruments du monde, qui fait le lien. Nicole Mitchell est ici au sommet de son art : insaisissable, toujours surprenante et changeante. Elle est à la tête d’un quintet qui, si c’est ici son premier disque, a commencé de jouer il y a bientôt dix ans. D’où le sentiment de fraîcheur et de complicité mêlées.

« J’ai appris que, quand on est femme et noire et que l’on veut faire de la musique, il faut être agressive » nous dit Mitchell. Son groupe, à forte empreinte féminine (un homme, tout de même), parle de liberté et de rupture avec la société machiste (Waris Dirie, en hommage à l’artiste somalienne qui lutte contre les mutilations sexuelles ou encore By My Own Grace, hymne féministe), écho d’un monde impérialiste et esclavagiste (Wade, inspiré par le gospel Wade in the Water) balayés d’un revers de main par ce grand disque.

Nicole Mitchell’s Black Earth Strings : Renegades  (Delmark / Socadisc)
Enregistrement : 2008. Edition : 2009.
CD : 1/ Crossroads 2/ No matter what 3/ Ice 4/ Windance 5/ Renegades 6/ By my own grace 7/ What if 8/ Symbology #2A 9/ Wade 10/ Waterdance 11/ Symbology #1 12/ Mama found out 13/ If I could have you the way I want you 14/ Symbology #2 15/ Waris Dirie 16/ Aaya’s rainbow
Pierre Lemarchand © Le son du grisli

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