Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Dennis Cooper : Jerk (Dis Voir, 2011) / Dennis Cooper : Them (Tzadik, 2011)

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Ayant toujours accompagné ma lecture des romans de Dennis Cooper de musique occulte (disons le mot), je ne fus pas surpris d’apprendre la parution de deux livres qui parlent (disons le mot) : Jerk, à travers leurs larmes & Them.

Jerk (dont il existe deux versions : l’une anglaise l’autre française) est une pièce de théâtre sonore commandée par l’Atelier de Création Radiophonique. Un comédien (Jonathan Capdevielle) y joue le rôle de David Brooks emprisonné à vie pour avoir été complice dans les années 70 du serial-killer Dean Corll, qui raconte son histoire au travers d’un spectacle de marionnettes. L’épreuve est saisissante, pour ne pas dire puissante. Les poupées de Gisèle Vienne (que l’on avait déjà aperçues au dos du vinyle 3 de KTL) qui reconstituent dans le livre le désœuvrement des adolescents le sont tout autant. Et l’illustration sonore de Peter Rehberg est intelligente au point qu’on ne l’entend pas. La musique est un élément du sordide décor, et parfaite à ce titre.

Peter Rehberg, Dennis Cooper, Gisèle Vienne : Jerk, à travers leurs larmes (Dis voir)
Edition : 2011.
Livre + CD : Jerk, à travers leurs larmes.

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Sur Them, c’est la voix de Dennis Cooper qu’on entend : un récit de mort et de sexe mêlés, sur des illustrations sonores de Chris Cochrane (guitare, claviers, accordéon, tambour) accompagné de Kato Hideki (basse, percussions, claviers, mandoline) et une danse d'Ishmael Houston-Jones. Pour que l’auditeur puisse reprendre ses esprits entre deux lectures, on lui assène des plages sonores qui évoluent entre blues rock lent et no wave (notons que le projet date de 1985). Bien sûr, le jeu de guitare est assez simple et ne brille pas par son invention, mais peut-on envisager la musique sans la rattacher au projet littéraire ? D’autant que texte et musique font ici un couple terrible et merveilleux.

Chris Cochrane, Dennis Cooper, Ishmael Houston-Jones : Them (Tzadik / Orkhêstra International)
Edition : 2011.
CD : 01/ Pre-Show 02/ Rite 03/ Ish Solo 04/ I Saw Them Once 05/ Trio 06/ Dead Friends / Blood 07/ I Met Julian Andes, 19, In Line 08/ Circle Duets / Masturbation / Fag Bash 09/ A Kock at My Bedroom Door 10/ Cruising 11/ Film Loop 12/ Goat 13/ Lymph Nodes

Pierre Cécile © Le son du grisli



MIMEO : Wigry (Bôłt / Monotype, 2011)

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La liste alphabétique des musiciens à trouver en ce MIMEO réuni à l’automne 2009 à Wigry : Phil Durrant (synthétiseur, sampler), Christian Fennesz (ordinateur), Cor Fuhler (piano), Thomas Lehn (synthétiseur), Kaffe Matthews (ordinateur), Gert-Jan Prins (electronics), Peter Rehberg (ordinateur), Keith Rowe (guitare), Marcus Schmickler (ordinateur), Rafael Toral (ordinateur).

Inutile – si ce n’est « pour le sport » et encore par goût de la défaite – de chercher à mettre un nom sur telle ou telle intervention si celles-ci ne donnent pas clairement d’elles-mêmes la nature de leur instrument. Autour d’une table rectangulaire disposée dans une église, d’imposants représentants d’une société secrète jouèrent à la Cène au son d’une improvisation inquiète.

La musique est entremetteuse, œuvrant avec patience de silences en artifices, de brondissements en stridulations, d’accalmies en dépressions. Son matériau est de métal ou de soie et son grand sujet un magnétisme qui fait de sillons disparates un grand chemin tortueux. Sous la brume, celui-ci laisse échapper des spectres sans autre motivation que celle de faire grand bruit. Voici l’église de Wigry pleine de clameurs nouvelles.

EN ECOUTE >>> >>> B >>> C >>> D

MIMEO : Wigry (Bôłt / Monotype / Metamkine)
Enregistrement : 2009. Edition : 2011.
2 LP : A/ - B/ - C/ - D/ -
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Peterlicker : Nicht (Editions Mego, 2011)

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Improbable, la collusion entre les restes métallifères de CoH et les déclinaisons gothiques d’un jeune Michael Gira que viendrait tripatouiller la paire KTL ? Think again, baby love, ça s’appelle Peterlicker, ça nous vient de Vienne, Österreich et ça en jette dans le calebut. Comptant, et le hasard n’y est pour rien, Peter Rehberg parmi ses membres, le combo autrichien renaît de ses cendres après vingt années de constante inactivité – un retour à marquer d’une pierre blanche – si ce n’est qu’elle est carbonifère à la hauteur des enjeux, quelque part entre Throbbing Gristle et Einstürzende Neubauten.

Cinq titres, trois sur la première et deux sur la seconde face du LP, débusquent dans les moindres recoins les ultimes traces psychédéliques d’optimisme béat – autant dire que Nicht porte à merveille le nihilisme de son appellation. Car en matière d’incantations mortifères déboussolantes ébruitées au fond d’une cathédrale gothique en hiver – SunnO))) anyone ? – le quatuor danubien sublime à chaque instant la portée suicidaire des actes du quotidien. Tout en jetant aux orties les déclinaisons purement sordides d’un Xela, le vocaliste F. Hergovich & co transperce un haut degré d’inquiétude perverse pour laisser poindre, en guise de toute espérance, un nouvel ballet de Gisèle Vienne dont ils seraient les co-auteurs sonores. On en salive d’avance.

EN ECOUTE >>> Always Right

Peterlicker : Nicht (Editions Mego / Souffle continu)
Edition : 2011
LP : A1/ Always Right A2/ Tunnel 47053 A3/ Raised On Rock B1/ C-Slide B2/ Schleim
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli


Fenn O'Berg : In Stereo (Editions Mego, 2009)

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Premier vrai disque studio du trio aux milliards de neurones – ses prédécesseurs étaient des edits de performances live –, In Stereo comble un vide discographique de neuf ans, que l’extraordinaire piqûre de rappel The Magic Sound & Return Of… avait encore amplifié l’an dernier. Enregistré au studio GOK Sound de Tokyo, le nouvel opus des magiciens du laptop improvisé n’aboutit à nulle déception.

Etonnamment intitulés dans le désordre – partant de Part III pour arriver à Part VI (ou l’exclusif morceau bonus Part II sur le double vinyle), les morceaux portent chacun l’idiosyncrasie prééminente de chaque membre du trio. Tantôt, les paysages sonores de Christian Fennesz emmènent la vrille électronique (le début de Part III), parfois, les troubles neuropsychiatriques des machines portent la signature de Peter Rehberg, en d’autres instants, la musique quasi-concrète de Jim O’Rourke s’impose de son évidence faussement calme. Tournoyantes et obsessionnelles, les réponses digitales des trois complices entretiennent le mythe de maîtresse manière. Entre fureur insoupçonnable et apaisement trompeur, les atmosphères s’imprègnent des décalcomanies noirâtres de la paire KTL (dont Rehberg forme la moitié), échelonnées sur des  sifflements urbains captés en bordure d’un biotope ferroviaire. L’orage franchi dans un climat sous la pénombre d’une apocalypse pensée par Kevin Drumm, des pensées expiatoires montent au cerveau, gargouillant d’hybrides insectivores en perpétuelle mutation.

Fenn O'Berg : In Stereo (Editions Mego / Metamkine)
Edition : 2009.
CD : 01/ Part III 02/ Part IV 03/ Part V 04/ Part I 05/ Part VII 06/ Part VI 07/ Part II
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli


Fenn O’Berg : The Magic Sound & Return Of… (Editions Mego, 2009)

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A ce stade de leur notoriété, underground indeed, il n’est plus nécessaire de revenir sur les glorieux parcours respectifs des trois ultimate geeks qui forment le projet Fenn O’Berg. Véritables dieux des musiques expérimentales, qu’elles soient d’une teneur ambient majestueuse (Christian Fennesz), indie rock folk noise (Jim O’Rourke) ou drone metal vs electronica (Peter Rehberg aka Pita et moitié de KTL), les protagonistes à l’œuvre en cettte splendide double réédition n’ont plus guère à prouver, si ce n’est envers eux-mêmes. Aujourd’hui pleinement – osons le mot, il n’est point galvaudé – mythiques, les deux albums réunis sur ce double CD datent respectivement de 1999 (The Magic Sound) et 2002 (The Return Of…) et ont marqué une étape cruciale dans le développement de l’improvisation au laptop.

Adeptes d’une liberté d’action sans la moindre concession aux modes de pensée dominants, Fennesz, O’Rourke et Rehberg avaient enregistré The Magic Sound au cours de diverses performances entre Tokyo, Berlin, Hambourg, Vienne et Paris, et c’est peu dire que dix années plus tard, les neuf titres n’ont pas pris une ride. D’un esprit fondamentalement libertaire – à l’image de ce xylophone qui danse, loufoque et jazz, sur les grondements sourds d’un monde digitalisé (Shinjuku Baby Pt. 1) – l’opus ne recule devant aucun obstacle a-mélodique, quitte à nous laisser sur le bord du chemin (Horst und Snail mit Markus). Comme toujours dans ce type de collaborations, les influences des uns et des autres l’emportent, tels Gürtel Eins et Gürtel Zwei, marqués d’une approche quasi-boulezienne, elle n’a jamais autant rimé avec fenneszienne. Carrément superbe en maints endroits (dont Fenn O’Berg Theme, magnifique variation aux contours néo-classiques), l’œuvre est à (re)découvrir de toute urgence.

Le second disque The Return Of… – enregistré au Centre Pompidou et au Porgy & Bess de Vienne – vole tout autant des les hautes sphères de la galaxie électronique. Débutant par quelques secondes pratiquement techno, Floating My Boat noie très vite la tentation du beat qui bouge, pour s’achever sur des boucles obsédantes qui donneront des années plus tard le meilleur de Giuseppe Ielasi (son EP Stunt de 2008). Plus étendues et plus développées, les cinq tracks (dont l’inédit Adidas Sun Tannned Avant Man, sorti à l’époque sur l’édition japonaise) prennent le temps de la (dé)mesure, übersensorielle et métaphysique. Quand elle atteint la grâce ultime d'A Viennese Tragedy, ex-tra-or-di-nai-re contorsion mélodique basée sur des samples d’un orchestre hollywoodien (cette mélodie tournoyante !) essaimé par la ruche d’un certain Christian F., on repense à la maxime de Faithless : God is a Laptop Improviser

Fenn O’Berg : The Magic Sound & Return Of… (Editions Mego / La Baleine)
Enregistrement : 1998, 1999 & 2001. Réédition : 2009.
CD1 : 01/ Shinjuku Baby Pt. 1 02/ Steam Powered Oscillation 03/ Horst und Snail mit Markus 04/ Gürtel Eins 05/ Escape From Hamburg 06/ Shinjuku Baby Pt. 2 07/  Gürtel Zwei 08/ Fenn O’Berg Theme 09/ (5,6m Of) Fenn O’Berg - CD2 : 01/ Floating My Boat 02/ A Viennese Tragedy 03/ Riding Again 04/ We Will Diffuse You 05/ Adidas Sun Tannned Avant Man
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli

Archives Fennesz
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Archives Peter Rehberg


KTL: IV (Editions Mego - 2009)

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Les conséquences de la no wave (espoir de guitares suspendues de Glenn Branca en tête) mêlées à d’imposantes réminiscences de cold, de porter haut le discours musical de KTL : Stephen O’Malley (Sun O)))) et Peter Rehberg, musiciens produits sur IV par Jim O’Rourke.

Guitares aux plaintes longues, donc ; les parasites : éreintants. Là, une mélodie achevée à peine tente de percer sous les nappes enveloppantes d’un clavier, avant de se complaire dans l’art de buter avec morgue et déraison sur deux notes vaines. La mécanique de l’ensemble, forcément lente, se plie quand même parfois à un crescendo, sur une esthétique du crachant de plus en plus pesante : obligée de disparaître enfin sous des couches d’atmosphères rugueuses qu’elle a elle-même engendrées.

CD: 01/ Paraug 02/ Paratrooper 03/ Wicked Way 04/ Benbett 05/ Eternal Winter 06/ Natural Trouble >>> KTL - IV - 2009 - Editions Mego. Distribution La baleine.



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