La Morte Young (Dysmusie / Up Against The Wall, Motherfucker!, 2013)
Est-ce le chant des sirènes (Sun Stabbed et Nappe accordés) qui, doucement, fit dévier le ballet des sorcières (Erle et Fels en sont deux, qui composent Talweg) ? Comme en jours de Pardon, voilà l’association partie la monter, cette côte-pente qui mène au calvaire près duquel a été enterrée la jeune morte de l’année – puisque la morte est young.
S’il faut en prendre soin, l’événement aura fait qu’on lui accorde le prélèvement d’une poignée de cheveux, au mieux d’un peu du cœur. La relique restera néanmoins de vinyle : deux faces qui racontent par le son le parcours chaotique de la procession : bruissements de guitares, somme de drones en levée et puis premiers tambours. Avec la voix, c’est enfin l’évocation : râles (ou rallizes) de toute une vie et aussi dernier souffle.
Alors, la batterie tonne, annonçant le grain qui menacera d’abattre tous les étendards – étranges relents d’Hate Supreme derrière lesquels se cachent lumières, ombres et figures : You Must Believe in Spring (Bill Evans posthume), Whisper of Dharma (Human Arts pour ensemble discret) deux fois, The Case of 5 Sided Dream In Audio Color (Rahsaan Roland Kirk au trois augmenté de deux), Brotherhood of Breath (Chris McGregor, insufflations suite à compressions thoraciques). Partout, les guitares rôdent ; bientôt, les voilà folles.
Efficientes, néanmoins. Tous sanglots emportés par un feedback, voici que l’association, comme en jours de Pardon encore, s’égare et festoie : la voix disperse aux quatre vents cheveux coupés en 666 comme cœur en morceaux, et confond dans un élan vivifiant tous les premiers principes : « faîtes ceci en mémoire de moi », surtout, « prenez et mangez. »
La Morte Young
You Must Believe In Spring
La Morte Young : La Morte Young (Dysmusie / Up Against the Wall, Motherfuckers ! / Metamkine)
Enregistrement : 2013. Edition : 2013.
LP : A1/ You Must Believe in Spring A2/ Whisper of Dharma – B1/ The Case of 5 Sided Dream In Audio Color B2/ Whisper of Dharma² 03/ Brotherhood of Breath
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Nappe : mmemm nolain (Dysmusie, 2019)
Reprenons le dictionnaire Chevalier & Gheerbrant évoqué dans la chronique d’A Quiet – Earthquake Style, dernier disque de La Morte Young d’où nous arrivent Pierre Faure (guitares) et Christian Malfray (électronique) : « La mutilation peut aussi, dans de très rares cas, revêtir une haute valeur initiatique : le distributeur n’a pas de bras ; le voyant est aveugle et le génie de l’éloquence est bègue ou muet. »
Alors quid du dernier effort de ce couple de « mutilés » ? Est-il encore audible le discours que l’on tient à étouffer ? Car entre les messages codés et les motifs tournants, les expressions enfumées et les parasites élevés en conduits, l’auditeur pourra, en plus d’entendre, s’essayer à l’interprétation : Nappe est-il ce groupe à guitare – qui expliquerait, en deuxième plage, ce clin d’œil adressé à Sonic Youth en compagnie d’Eric Lombaert – qui fait tout pour qu’on oublie jusqu’à son premier instrument ? Ou alors ce duo d’électronique qui étouffe jusqu’au tout premier signal cordé ?
L’affaire n’est pas résolue quand, en seconde face, le duo mitraille. Un premier assaut derrière lequel c’est l’alerte : Faure et Malfray s’amusent alors d’autres motifs retournés, d’autres discours enfouis. Mais passée l’interrogation qui s’inquiète de l’origine du signal, c’est la trajectoire – la danse, même – que suivent bientôt tous leurs sons qui intéresse et impressionne. C’est – la cause est entendue – le génie de l’éloquence dans le bègue et le presque muet.
Nappe : mmemm nolain
Dysmusie
Edition : 2019
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Nappe, Jean-Marc Montera : Improvised Sound Compositions (PlusMoins, 2009)
Une face de 33 tours et une seule. Consignées en sillons : deux improvisations de Nappe (Pierre Faure et Christian Malfray) et puis la rencontre du duo avec le guitariste Jean-Marc Montera.
D’abord, deux improvisations de tailles inégales : introduction sur laquelle Nappe confectionne une miniature d’un folk répétitif et pièce principale sur laquelle d’autres notes redites avec insistance par la guitare rivalisent de présence avec un drone et un larsen. A l’arrivée de Montera, un nouveau folklore est mis au jour, plus lointain d’apparence : Inde réinventée et fantasme pris au piège des fils électriques de Malfray. Et lorsque les guitares disparaissent, les suivent les épreuves de musiciens subtils : « Improvised Sound Compositions ».
Nappe, Jean-Marc Montera : Improvised Sound Compositions (PlusMoins / Metamkine)
Edition : 2009.
LP : A1/ Nappe : Improvised Sound Composition1 A2/ Nappe : Improvised Sound Composition 2 A3/ JM Montera / Nappe : Improvised Sound Composition
Guillaume Belhomme © Le son du grisli